Archives mensuelles : novembre 2010

Steve Blank sur l’entrepreneuriat

Steve Blank est connu dans la Silicon Valley comme entrepreneur et enseignant en entrepreneuriat. En particulier, il a proposé sa vision de la région – a Secret History of Silicon Valley – qui montre l’importance des militaures et de la guerre froide dans sa construction.

Il vient de publier sur son blog un article très optimiste When It’s Darkest Men See the Stars.

Il affirme que les barrières que rencontre l’entrepreneur diminuent. Les voici:
1. de longs cycles de développement de la technologie (combien de temps de l’idée au produit),
2. le coût élevé de vendre à des premiers clients (combien de dollars pour construire le produit),
3. la structure de l’industrie du capital-risque (un nombre limité de sociétés de capital-risque chacun ayant besoin d’investir des millions pour le démarrage),
4. l’expertise sur la façon de construire des start-up (regroupés dans des régions spécifiques comme la Silicon Valley, Boston, New York, etc),
5. le taux d’échec des nouvelles entreprises (les start-up avait pas de règles formelles et le succès devenait très binaire),
6. le taux d’adoption lent des nouvelles technologies par le secteur public et les grandes entreprises.

Et il pense que nous entrons dans une nouvelle ère qu’il appelle « La démocratisation de l’entrepreneuriat ». Ainsi il voit:
– La compression du cycle de développement produit
– Des start-up construites pour des milliers plutôt que des millions de dollars
– La nouvelle structure de l’industrie du capital de risque
– L’entrepreneuriat comme domaine scientifique propre
– L’Internet et le consommateur individuel moteurs de l’Innovation

J’ai réagi directement sur son blog en écrivant ce qui suit. « Je dois admettre que je suis intrigué. Laissez-moi développer ma pensée. Sur le positif, l’optimisme exprimé dans cet article fait du bien et l’on se sent mieux après sa lecture. J’ai tendance à penser que des barrières à l’entrepreneuriat ont diminué. Mais j’ai sans doute gardé trop longtemps mais lunettes de soleil et je ne vois pas les étoiles. (mais je pense que l’article est excellent et doit être mentionné par chacun à son petit réseau de relations). Mais sur le négatif, je crains que ces mêmes barrières n’existent encore dans les domaines de la biotechnologie, du semiconducteur (et de la plupart des domaines matériels incluent des innovations radicales) ou même dans ces domaines de cleantech/greentech (qui par ailleurs sont peut-être plus des bulles spéculatives que de véritables innovations). Dans ces domaines, les cycles de développement restent longs, les investisseurs précautionneux en raison des besoins en capitaux; Richard Newton, le professeur de Berkeley (http://www.eecs.berkeley.edu/~newton/presentations), avait noté il y a longtemps déjà , que la plupart des talents quittaient ces domaines difficiles pour des contrées plus aisées ou plus prometteuses en s’inquiétant que nous ne prenions plus assez de risques (il s’agissait alors de la fuite vers l’Internet des entrepreneurs/chercheurs de l’IT et du HW). Il se peut tour à fait que nous n’innovions plus que que nous ayoons plus à innover dans ces domaines classiques auquel cas Blank a raison. Mais si au contraire nous sommes aveuglés par les supernovas, nous allons au plus facile ce qui brille le plus et nous ne voyons pas la myriade d’autres opportunités moins visibles et pourtant importantes…

Voici ma traduction intégrale de son article:

Au plus profond de la nuit, les hommes voient les étoiles

Au plus profond de la nuit, les hommes voient les étoiles
Ralph Waldo Emerson

A l’occasion de Thanksgiving, il pourrait sembler qu’il ya beaucoup moins de raisons d’être reconnaissants. Un Américain sur dix n’a pas de travail. La sagesse populaire dit que nous allons finir par nous mordre les doigts d’une série de décisions économiques désastreuses, comme la délocalisation de la production de biens hors d’Amérique. Les États-Unis sont maintenant un pays débiteur de la Chine et il va falloir rembourser la dette. Les experts disent que le rêve américain est mort et que cette prochaine décennie verra la poursuite du déclin et la chute de l’Occident et en particulier des États-Unis.

Il se peut que tous les prophètes de malheur aient raison.

Mais je ne le crois pas.

Permettez-moi de vous donner ma prédiction. Il y a une chance que la sagesse commune soit très, très fausse et que la deuxième décennie du 21ème siècle puisse se révéler en Occident et en particulier aux États-Unis comme son heure de gloire.

Je crois que nous regarderons cette décennie comme le début d’une révolution économique aussi importante que la révolution scientifique du 16ème siècle et la révolution industrielle au 18ème siècle. Nous sommes au début de la révolution entrepreneuriale. Cela ne signifie pas juste plus de technologie, même si c’en est un élément. C’est une révolution qui va remodeler les affaires telles que nous les connaissons et, plus important, changer la qualité de la vie sur la planète entière pour tous ceux qui viendront après nous.

Il se passe quelque chose ici, mais ce que c’est n’est pas très clair.

L’histoire est connue. Au cours des cinquante dernières années, la Silicon Valley est devenue la cœur de la technologie de pointe et le pôle d’innovation pour les États-Unis et le monde. La Silicon Valley nous a amusé, relié (et séparé) comme jamais auparavant, elle a rendu des entreprises plus efficace et conduit à la transformation complète de l’ensemble de l’industrie (librairies, location de vidéos, journaux, etc)

Vague après vague de matériels, logiciels, biotechnologie et produits des technologies propres ont émergé de ce qui est devenu le « Ground Zero » de la culture entrepreneuriale. La Silicon Valley a émergé d’intersections fortuites:
• la recherche financée par guerre froide en physique et en électronique à l’Université Stanford,
• un doyen de Stanford Engineering qui a encouragé la culture de l’innovation plutôt que la recherche purement académique,
• la guerre froide et le financement par les militaires conduisant à des produits pour l’industrie de défense dans les années 1950,
• un seul chercheur aux Bell Labs qui décide de lancer son entreprise de semi-conducteurs à côté de Stanford dans les années 1950 qui a conduit à
• la vague de start-up de semi-conducteurs dans les années 1960 / 70’s,
• l’émergence du capital-risque comme industrie,
• la révolution l’informatique personnelle dans les années 1980,
• l’essor de l’Internet dans les années 1990 et, enfin,
• la vague d’applications de commerce internet dans la première décennie du 21e siècle.

Le motif récurrent de la Vallée semblait être clair. Chaque nouvelle vague d’innovation a été comme un équilibre ponctué – juste au moment où vous pensiez que la vague avait fait son temps, un changement soudain et radical changement dans une nouvelle technologie émergeait.

Les obstacles à entrepreneuriat

Bien que les start-up aient continué d’innover à chaque nouvelle vague de technologies, le taux d’innovation a été entravé par des que limitations maintenant seulement nous pouvons comprendre. Ce n’est que dans les dernières années que nous apprécions que les start-up dans le passé ont été entravés par:
1. de longs cycles de développement de la technologie (combien de temps de l’idée au produit),
2. le coût élevé de vendre à des premiers clients (combien de dollars pour construire le produit),
3. la structure de l’industrie du capital-risque (un nombre limité de sociétés de capital-risque chacun ayant besoin d’investir des millions pour le démarrage),
4. l’expertise sur la façon de construire des start-up (regroupés dans des régions spécifiques comme la Silicon Valley, Boston, New York, etc),
5. le taux d’échec des nouvelles entreprises (les start-up avait pas de règles formelles et le succès devenait très binaire),
6. le taux d’adoption lent des nouvelles technologies par le secteur public et les grandes entreprises.

La démocratisation de l’entrepreneuriat

Ce qui se passe est quelque chose de plus profond qu’un changement dans la technologie. Ce qui se passe, c’est que toutes les choses qui ont été des barrières pour les startups et l’innovation disparaissent. Toutes à la fois. À partir de maintenant.

La compression du cycle de développement produit
Dans le passé, le temps pour construire un premier produit se mesurait en mois voire en années pour répondre à la vision du fondateur ou aux besoins des clients. Cela signifiait la construction de toutes les fonctions dans un produit monolithique. Pourtant, une fois le produit livré, les start-up concluaient que les clients n’avaient pas utilisé la plupart de ces caractéristiques. Les fondateurs avaient tout simplement tort sur leurs hypothèses ou sur les besoins des clients. L’effort qui avait été fait pour toutes ces fonctionnalités avait été gaspillé.

Aujourd’hui les start-up ont commencé à construire des produits différemment. Au lieu d’inclure le nombre maximum de fonctionnalités, elles cherchent à fournir une fonctionnalité minimale dans les plus brefs délais. Cela leur permet de livrer une première version du produit à des clients en une fraction du temps.

Car les produits sont simplement des « briques » livrées sur le web, un premier produit peut être livré en quelques semaines plutôt qu’en quelques années.

Des start-up construites pour des milliers plutôt que des millions de dollars
les start-up exigeaient traditionnellement des millions de dollars de financement juste pour obtenir leur premier produit. Une société de développement de logiciels devait acheter des ordinateurs et des logiciels à d’autres entreprises et embaucher du personnel pour exécuter et maintenir. Une start-up de matériel devait construire des prototypes et investir dans l’équipement d’une usine pour fabriquer le produit.

Aujourd’hui l’open source a réduit le coût de développement de logiciel de millions de dollars à des milliers. Pour le matériel, on ne doit plus construire sa propre usine et les coûts sont absorbés par les fabricants offshore.

Le coût pour obtenir le premier produit de commerce sur Internet a chuté d’un facteur dix ou plus dans la dernière décennie.

La nouvelle structure de l’industrie du capital de risque
Le coût en chute libre d’un premier produit sur le marché (en particulier pour les start-up Internet) a secoué l’industrie du capital-risque. Le capital- risque était un club fermé et regroupé dans la Silicon Valley, à Boston et New York. Bien que ces entreprises soient toujours là (et grandissent), la quantité d’argent qui investit du capital risque dans les jeunes entreprises a augmenté, et une nouvelle classe d’investisseurs a émergé. De nouveaux groupes de capital-risque, des Super Angels, plus petits que les fonds traditionnels (tailles de plusieurs centaines millions de dollars), peuvent faire de petits investissements nécessaires pour lancer une start-up Internet. Ces anges font beaucoup de paris au début, puis réinvestissent quand les premiers résultats apparaissent. (Et les résultats viennent beaucoup plus vite que dans une start-up traditionnelle.)

En plus de « super anges », les incubateurs comme Y Combinator, TechStars et plus de 100 autres à travers le monde, ont commencé à formaliser le modèle. Ils paient des frais de la start-up pendant 3 mois, jusqu’à ce que les résultats permettent de lever des fonds à plus grande échelle.

Enfin, le capital-risque et l’investissement des anges n’est plus un phénomène américain ou euro-centrique. Le capital-risque a émergé en Chine, l’Inde et d’autres pays où la prise de risque, l’innovation et la liquidité est encouragée, à une échelle jusqu’alors connue seulement aux États-Unis

L’émergence d’incubateurs et des super anges a considérablement élargi les sources du capital d’amorçage. La mondialisation de l’esprit d’entreprise signifie que le potentiel de start-up a augmenté d’au moins dix fois depuis le début de ce siècle.

L’entrepreneuriat comme domaine scientifique propre
Au cours des dix dernières années, les entrepreneurs ont commencé à comprendre que les start-up ne sont pas simplement des versions plus petites des grandes entreprises. Alors que les entreprises exécutent des modèles d’affaires, les start-up cherchent des modèle d’affaires. (Ou plus précisément, les start-up sont des organisations temporaires destinées à la recherche de modèles d’entreprises multipliables et reproductibles.)

Au lieu d’adopter les techniques de gestion des grandes entreprises, qui, trop souvent, étouffent l’innovation dans une jeune start-up, les entrepreneurs ont commencé à développer leurs propres outils de gestion. En utilisant une liste de solutions pour le modèle d’affaires / les développement clients / le développement agile, les entrepreneurs tout d’abord bâtissent des hypothèses (leur modèle d’affaires), ensuite vérifient ces hypothèses avec les clients en dehors de leur domaine (développement de la clientèle) et utilisent une méthodologie de développement itératif et incrémental (développement agile) pour créer le produit. Lorsque les fondateurs découvrent que leurs hypothèses sont fausses, ce qui arrive inévitablement, il n’y a pas nécessairement crise, mais activité d’apprentissage appelée un pivot – et une occasion de changer le modèle d’affaires.

Le résultat : les start-up ont maintenant les outils qui accélèrent la recherche de clients, réduisent les délais de commercialisation et coupent les coûts de développement.

L’Internet et le consommateur individuel moteurs de l’Innovation
Dans les années 1950 et 60, la Défense et les organisations de renseignement américain furent les moteurs de l’innovation dans la Silicon Valley en fournissant des fonds pour la recherche et le développement dans les universités, et en achetant des systèmes d’armes utilisant les premières technologies micro-ondes et les composants semi-conducteurs. Dans les années 1970, 80 et 90, le relais fut pris par les grandes entreprises avec l’innovation dans les PC, les matériels de communication et les logiciels d’entreprise. Secteurs publics et entreprises sont maintenant des suiveurs plutôt que des leaders. Aujourd’hui, ce sont les consommateurs – en particulier les entreprises Internet grand public – qui sont les moteurs de l’innovation. Lorsque le produit et le canal sont des bits informatiques, l’adoption par 10 ou 100 millions d’utilisateurs peut se produire en quelques années et non plus en décennies.

La singularité entrepreneuriale

Les obstacles à l’entrepreneuriat ne sont pas simplement supprimés. Dans chaque cas, ils sont remplacés par des innovations qui accélèrent chaque étape, parfois par un facteur dix. Par exemple, pour le commerce Internet, le temps nécessaire pour obtenir le premier produit sur le marché a été divisé par dix, les dollars nécessaires pour obtenir le premier produit sur le marché également, le nombre de sources de capital initial pour les entrepreneurs a été multiplié par dix, etc.

Et tandis que l’innovation se déplace à la vitesse d’Internet, cela ne sera pas limité aux start-up internet. Elle se propage à l’entreprise et, finalement, à tous les segments d’affaires.

Au plus profond de la nuit, les hommes voient les étoiles

Le ralentissement économique aux États-Unis a eu une conséquence inattendue pour les start-up – il a en créé plus. Jeunes ou vieux, des innovateurs qui sont sans emploi ou sous-employés font maintenant face à moins de risques pour le démarrage d’une entreprise. Ils ont beaucoup moins à perdre et beaucoup plus à gagner.

Si nous sommes à la veille d’une révolution aussi importante que les révolutions scientifique et industrielle, qu’est-ce que cela signifie? Les révolutions ne sont pas évidentes quand elles se produisent. Lorsque James Watt a commencé la révolution industrielle avec la machine à vapeur en 1775, personne ne dit: «Ceci est le jour où tout change. » Lorsque Karl Benz a conduit son véhicule autour de Mannheim en 1885, personne ne dit: « Il y aura 500 millions de ces véhicules dans d’un siècle. » Et certainement en 1958, lorsque Noyce et Kilby inventèrent le circuit intégré, l’idée d’un quintillion (10 à la puissance 18) de transistors produits chaque année semblait ridicule.

Pourtant, il est possible que nous regardions un jour cette décennie comme le début de notre propre révolution. On se rappellera de ce temps où les découvertes scientifiques et les avancées technologiques auront été intégrées dans le tissu de la société plus vite qu’ils ne l’avaient jamais étés. Que la vitesse d’opération des entreprises exploitées aura changé pour toujours. Comme le moment où nous avons réinventé l’économie américaine et que notre produit intérieur brut a commencé à décoller ; que les États-Unis et le monde ont atteint un niveau de richesse jamais vu avant. Il peut être l’aube d’une nouvelle ère pour une nouvelle économie américaine basée sur l’entrepreneuriat et l’innovation.

Une période que nos enfants regarderont en arrière et s’émerveilleront que au plus profond de la nuit, nous avons vu les étoiles.

Vivez un beau Thanksgiving.

Le héros et le soldat des start-up

Je viens de découvrir un article de Techcrunch. Il est intitulé Is the search for the Startup Hero holding back startup teams?

Il contient des choses très intéressantes (même si elles ne sont pas forcément originales). Si vous avez le temps, écoutez la table ronde. C’est une bonne synthèse de la situation européenne (en comparaison à la Silicon Valley). Je ne suis pas d’accord avec tous les arguments, par exemple ceux qui sont liés au fait que l’Europe serait faible par trop de régulations. Je pense que la faiblesse est culturelle. Mais il est possible que les régulations changent la culture sur le long terme.

J’y ai entendu les arguments habituels (mais corrects!):
– Nous avons besoin d’une culture de compétition.
– Nous avons besoin d’argent, c’est à dire de capital intelligent (« smart money »).
– Nous avons besoin d’une éducation plus bâtie sur le faire que sur le penser (faire des produits, créer des sociétés)
– Nous avons besoin que nos start-up ait une vision internationale dès le début. Elles ne doivent être ni trop locales ni trop modestes. La perception du multilingue européen y est présentée autant comme un atout qu’une faiblesse.

Esther Dyson y fut plutôt convaincante sur le manque de compétences nécessaires à la croissance des entreprises. « En Europe, votre mère vous dira d’aller travailler pour SAP ou Coca Cola. » puis elles ajouta qu’il est relativement simple de créer une sociétés avec 5 employés mais qu’il est difficile de la faire grandir à 1000 personnes. Vous pouvez aussi lire les commentaires d’Esther Dyson dans son propre blog The Dangerous Myth of the Hero Entrepreneur. Elle y montre bien la complexité de la problématique.

Comme elle l’écrit joliment:
« Mais il y a au moins deux avantages pour un pays à avoir des entrepreneurs héros. Tout d’abord il sert de modèle. Il (rarement elle) encourage les gens à rêver – et aussi à prendre des risques, à être tenace face aux évènements souvent contraires, et à générer de l’activité économique.
(…)
Pourtant parfois, je me demande si le mythe du héros-entrepreneur n’est pas dangereux. Dans une économie comme celle des Etats Unis, où les start-up sont vénérées, les gens qui feraient de parfaits chefs de projet ou d’excellents vendeurs préfèrent créer leur entreprise, créant une pénurie de cadres dans l’écosystème. Des milliers de gens intelligents et hautement nécessaires se sentent inutiles parce que ce ne sont pas des héros. Nombreux sont ceux qui font les mauvais choix en quête de gloire.
(…)
Dans les cultures où les start-up sont jugées risquées et même assez peu respectables, il est aussi difficile pour les entrepreneurs de trouver les troupes qui ne vont pas jouer les rôles phares. La plupart des gens préféreront travailler pour une société établie ou pour le service public.
Alors, plutôt que de se focaliser sur le trop petit nombre d’entrepreneurs, considérez un instant la pénurie très réelle de gens qualifiés et prêts à travailler pour les entrepreneurs et les start-up. »

Un cas école de Start-Up (même loin de la Silicon Valley)

J’ai découvert l’existence d’Isilon hier. Cela montre à quel point je suis de plus en plus déconnecté de ce monde des start-up :-(. Isilon était financée par Atlas et Sequoia entre autres avant d’entrer en bourse en décembre 2006. Elle vient d’être achetée par EMC pour $2.2B!

Fred Destin mentionne Isilon dans son blog, vous y trouverez plus d’information. Ce que j’ai fait depuis hier, c’est d’étudier les chiffres de la société depuis sa fondation en 2001. Voici tout d’abord l’évolution de ses revenus et de sa valeur en bourse.

Ce ne fut donc pas un long fleuve tranquille. Après l’entrée en bourse (IPO), la société n’a pas tenu ses promesses si bien que la valeur en bourse plongea avant de repartir à la hausse (même si les investisseurs ont toujours connu un joli multiple sur leur argent). Mais il aura fallu attendre l’acquisition par EMC pour rendre les employés et les investisseurs particulièrement heureux. Destin indique que Atlas aura fait un multiple de 22 sur son investissement.

Ce qui est pour moi (et je l’espère pour vous aussi) d’intérêt particulièrement est la structure actionnariale qui est décrite dans le tableau qui suit. Il vous faudra cliquer sur le tableau pour en lire les détails. (Si vous souhaitez avoir le fichier excel qui lui est lié, demandez moi…)

Ce que le document d’entrée ne bourse ne dit pas est aussi intéressant que les informations fournies:
– il n’y a pas grand chose sur les deux premiers tours (series A et B). On ne peut distinguer les investissements de Atlas, Sequoia et Madrona. On pourrait sans doute affiner les choses quand on sait que Sequoia n’investit que dans le series B et que les acteurs gardent un général un droit d’investir au pro-rata de leur 1er investissement.
– Paul Mikesell, un des deux fondateurs, n’est mentionné nulle part si bien que je n’ai aucune donnée sur sa situation. Dommage…

Enfin, Isilon n’est pas issue de la Silicon Valley, mais de Seattle. Je rapproche ce fait d’un post récent de Bill Curley, intitulé Silicon Valley IPO’s anxiety. Bien que la Silicon Valley reste un « berceau d’innovation » pour ne pas dire le point central de l’innovation, son ratio d’IPO y est plus faible que dans le reste des Etats Unis. Curley apporte quelques explications.

Google contre Facebook?

Est-ce que Google serait en perte de vitesse, notamment face à Facebook? Quand je commence à lire des choses telles que Google Offers Employee $3.5 Million Not to Join Facebook ou que même le journal Le Monde s’en inquiète à travers Google-Facebook : la guerre des talents est déclarée, il est peut-être trop tard pour se poser la question.

Ce qui est amusant, c’est que la semaine dernière, alors que je déjeunais avec un entrepreneur suisse qui cherchait des contacts dans la Silicon Valley, j’ai découvert que dans mon réseau LinkedIn, un de mes anciens contacts chez eBay était passé chez Facebook, un de mes anciens contacts chez Microsoft était passé chez LinkedIn, donc au niveau micro comme macro, il semble se passer quelque chose.

Vous savez que Google comme start-up à analyser est un de mes dadas. Je regarde régulièrement sa courbe de croissance. La voici mise à jour. Il est encore trop tôt pour dire si Google passe dans la partie ralentie de la courbe en S toutefois.

Quant à Facebook? Les chiffres sont des rumeurs et donc à traiter avec prudence.

J’avais noté dans le passé qu’il y avait un lien direct enrte nombre d’employés et revenus, de l’ordre de $1M par employé. Facebook semble un peu moins efficace.

La Silicon Valley a toujours été une guerre pour les talents. Dans les années 90, c’est l’électronique qui a souffert face à l’Internet Internet (souvenez vous que Yang et Filo, les fondateurs de Yahoo! étudiaient dans le domaine de la conception circuits ou EDA) puis Google a été l’endroit qui kidnappait les talents au début des années 2000, aujourd’hui c’est le réseau social qui a le vent en poupe. Je ne m’inquiéterais pas trop pour Google pour autant. Pas encore!

Comme le disait Richard Newton dans EDA Cafe : « La Silicon Valley et la région de la Baie sont des berceaux d’innovation. » et d’ajouter en citant un de ses confrères : « La région de la Baie est l’Entreprise… [Quand les gens changent de travail dans la région,] ils ne font que changer de département au sein de cette entreprise qu’est la Région de la Baie. »

Quand Valentine parlait

J’ai plutôt la mémoire courte mais quand je m’intéresse à un sujet je m’y accroche pendant quelques jours. Après avoir trouvé des interviews fort instructives de Don Valentine (que je n’ai pas eu le courage de traduire et donc le lien précédent renvoie sur la partie anglaise de mon blog), j’ai poussé plus loin et retrouvé l’interview que j’avais utilisée dans mon livre oÛ il compare Jobs à Ho CHi Min. (« We financed Steve in 1977 at Apple. Steve was twenty, un-degreed, some people said unwashed, and he looked like Ho Chi Min. But he was a bright person then, and is a brighter man now »).

Il y explique aussi pourquoi il pense que la Silicon Valley est un phénomène unique. Voilà ce qu’il dit:

« Aucun doute. C’est une question difficile. Et année après année, j’ai eu des centaines de visiteurs de tous les pays du monde, de presque tous les états américains. Ils voulaient tous comprendre et copier ce qui a permis l’existence et la réussite de la Silicon Valley. Tous ou la plupart s’intéressaient à la création d’emplois qui lui est liée. Mais si vous regardez le capital risque, il ne fonctionne que dans deux endroits. Il ne fonctionne pas hors des USA, et seulement à Boston et sa région et dans la Silicon Valley pour les USA. En résumé, aucune autre région n’a jamais créé d’entreprises de taille conséquente avec autant de visibilité et de succès.

Vous pouvez parler du climat. Vous pouvez mentionner des universités de grande qualité. Vous pouvez ajouter que le capital risque y est plus fort et plus expérimenté qu’ailleurs. Mais la mystique de la réussite reste difficile à expliciter en six ou sept idées simples. Il y a un peu de magie derrière ce succès et le fait que cela a marché à un moment particulier. Le capital risque date des années soixante, il n’a donc qu’un quart de siècle [l’interview date de 2004…] Il est encore jeune et c’est une forme un peu secrète d’ingénierie financière. Nous ne nous considérons d’ailleurs pas comme des investisseurs. Nous nous voyons comme des bâtisseurs d’entreprises, et même des bâtisseurs d’industrie. Mais surtout il y a une mentalité et une attitude très différente de l’idée traditionnelle de vendre et acheter des choses. ce n’est pas un lieu où vous achetez des choses. C’est un lieu où vous bâtissez des choses. Et vous [en tant qu’investisseur] faites partie de l’équipe de fondateurs qui crée une entreprise à partir de rien et même de nouvelles industries parfois. Et aujourd’hui, ceux qui savent faire cela sont très nombreux ici.

Mais si vous parcourez la planète, Research Triangle en Caroline du Nord devait devenir un autre de ces endroits magiques. Mais pouvez-vous citer une grande société qui a été créée là-bas? Vous pouvez aller ailleurs. A Seattle, par exemple. il y a un grand succès. Il y en a même peut-être deux. Et là-bas, ils comptent Nike. Mais que s’y est-il passé à part Microsoft et Nike dans les derniers 25 ans? La réponse est pas grand chose. [Bon… il oublie Amazon!] De nombreuses start-up ont été créées. Beaucoup de choses s’y passent, mais pas beaucoup de succès monumentaux. Je veux dire qu’il est quand même incroyable qu’un tel nombre de start-up ait atteint une telle proéminence, avec des revenus de l’ordre du milliard de dollars dans cette minuscule, minuscule vallée. Cela reste donc une énigme de savoir quels ingrédients doivent être retenus et copiés. J’ai essayé d’expliquer une fois au Vice-Premier Ministre de Singapour qui essayé de rentrer chez lui avec des idées et je lui ai dit que c’était un état d’esprit. Cela ne se met pas dans le bagages. Il vaut sans doute mieux envoyer des personnes dans la Silicon Valley jusqu’à ce que leur ADN soit changé si bien que quand ils rentrent à Singapour, ils pourront transmettre leur ADN à travers leur attitude et leur capacité à prendre des risques. Dans un pays comme le Japon, si vous lancez une entreprise qui échoue, vous perdez la face. Certains se suicideraient si cela arrivait. »

« Alors qu’ici, si vous commencez et échoué, vous aurez appris de votre échec (du moins les meilleurs apprennent). Il n’y a pas le stigma de l’échec. En Irlande, je ne peux pas croire qu’avec les difficultés économiques que quelqu’un quitterait un bon travail pour prendre le risque de se lancer, voire d’échouer. Et dans un pays comme l’Allemagne, tant il y a de rigidités, vous seriez ostracisé, j’imagine, si vous essayiez quelque chose et que vous échouiez. Du point de vue de l’environnement, l’autre ingrédient, que j’ai oublié de mentionner, et c’est encore plus vrai aujourd’hui que ça ne l’a jamais été, est une communauté bâtie sur les migrations. A peut près tout ceux qui ont lancé ou contribuer à lancer ces futurs succès sont venus d’un autre état. Noyce venait de l’Iowa. Il avait étudié à Grinnell College. Gordon Moore est sans doute l’exception puisqu’il était né en Californie. Nous avons une Histoire faite de [et par des] migrants qui viennent de tout le pays et dans les dix dernières années encore plus, avec une très forte contribution de l’Asie du Sud Est. Il ne se passe pas un mois sans que Sequoia ne lance une start-up qui emploie des Indiens. Des gens fabuleusement éduqués, des entrepreneurs brillants qui viennent d’un système économique si différent du notre qu’il est difficile pour moi de le comprendre, bien que tous les deux mois je reçois la leçon de quelque entrepreneur qui m’explique que je ne comprends pas mon propre système. Il est difficile de comprendre à quel point il est unique et donc qu’il n’existe nulle part ailleurs. Il y a donc ici quelque chose qui différent et perçu comme tel par ceux qui migrent ici à dessein. »

Start-Up en Russe

Mon livre vient d’être traduit en Russe. Il est disponible en cliquant ici ou sur l’image plus bas. Voici ce qu’en dit l’éditeur (selon Google Translate):

Chers lecteurs!

Nous sommes heureux de présenter le livre «Start-up. Ce que nous pouvons encore apprendre de la Silicon Valley », par l’auteur Hervé Lebret [1]. Le livre est une traduction de l’original en langue anglaise. En Russie, il a été publié en tant que projet commun entre « Corporate Edition » et la Russian Venture Company. Le but du livre est de fournir une perspective différente des start-up. Le livre commence avec vision personnelle de l’auteur de la Silicon Valley, qui devient progressivement une description de la région. La deuxième partie est consacrée à l’Europe, où les start-up comme phénomène ont eu moins de succès. L’auteur analyse les causes des succès et des échecs, cite de nombreux exemples de la vie réelle, et de la construction d’entreprises prospères à partir d’idées.

Hervé Lebret donne une vision personnelle de la Silicon Valley et de sa culture, décrit la société et l’individu à travers le prisme d’histoires fascinantes de la réussite et l’échec, dont le lecteur ne manquera pas de tirer les leçons utiles. En présentant leur point de vue individuel, l’auteur montre une remarquable capacité à pénétrer dans l’essence des choses et voir la différence entre « Vieille Europe » et « Young America ».

Le livre est unique en termes de nombre de documents d’analyse et de référence et, selon Alexandra Johnson est le meilleur livre sur la Silicon Valley. Ce livre sera d’intérêt non seulement pour des experts sur l’innovation et les entrepreneurs dans la haute technologie, mais tous ceux qui s’intéressent à l’histoire et l’économie des start-up.

Actuellement, l’écosystème de l’innovation de la Russie est encore au stade embryonnaire. Les infrastructures novatrices parfois lacunaires, de nouvelles sociétés de capital risque sont perçues comme très e. Cependant, il y a un mouvement pour construire l’« économie de l’intelligence » : dans le pays apparaissent des incubateurs d’entreprises, fonds de capital risque, des groupes de défense des intérêts des petites et moyennes entreprises, et la Russie a modifié ses lois relatives à la propriété intellectuelle et au droit d’auteur, augmentant le nombre de succès des projets innovants.

Nous croyons que le livre va nous aider une fois de plus « d’apprendre de la Silicon Valley », à comprendre le secret de son succès, à adopter son avantage concurrentiel et de les amener à notre réalité russe.

Vous pouvez acheter des livres liés à la formulation par téléphone ou par e-mail. Coût de l’ouvrage est de 300 roubles
Contact: Olga Morozova
Tel: 8 (495) 783 44 07
e-mail: ads@corporatepublishing.ru

[1] Hervé Lebret a consacré l’essentiel de sa vie professionnelle à la haute technologie. Après avoir passé plusieurs années dans la recherche universitaire, en 1997, il est devenu un investisseur en capital risque, a rejoint Index Ventures. Depuis 2005, il gère le Fonds d’innovation pour soutenir les entrepreneurs et les jeunes pousses dans la haute technologie à l’École Polytechnique de Lausanne (Suisse). Avec un doctorat en génie électrique, Hervé est diplômé de l’Ecole Polytechnique en France et à l’Université de Stanford aux États-Unis.

Finlande (épisode 3)

La semaine dernière, j’ai rencontré Pekka Roine. Cela fait suite à mon voyage en Finlande (et à mes récents posts sur le sujet) où nombreux furent ceux qui me conseillèrent de rencontrer ce « Finn » établi en Suisse. Il s’était décrit comme « bbb = big, bald, and bearded » (gros, chauve et barbu)… alors j’ai répondu que j’étais « gg = grey hair and glasses » (grisonnant à binocles) afin que nous puissions nous reconnaître sur le campus de l’EPFL.

Nous avons au moins un point commun: nous avons passé du temps à Stanford et il m’a dit quelque chose de très intéressant sur cette université. D’après lui il y a trois points qui font de Stanford (mais on pourrait généraliser à d’autres lieux aux moins aux USA) un endroit passionnant:
– le moins important des 3 est que Stanford a les meilleurs professeurs au monde,
– le second en ordre d’importance est que sur place, vous vivez avec 200 personnes qui sont comme vous, donc vous n’êtes pas isolé,
– mais le point le plus important est que vous êtes loin de chez vous et que cela donne de la perspective et ouvre de nouveaux horizons.

Pekka a travaillé pour DEC avant que la société ne disparaisse et y a vécu les plus belles années de sa croissance. Ensuite et depuis 1994, c’est un indépendant qui a siégé au board de plus de 25 compagnies et il a aussi co-fondé deux sociétés de capital-risque, PTV et Conor.

Nous avons eu une conversation à bâtons rompus sur la manière d’aider au mieux les apprentis-entrepreneurs. Il croit au modèle israélien et à ses incubateurs, où de vrais professionnels sélectionnent 2 à 3% des meilleurs projets et les suivent attentivement. Il m’a parlé de cette personne qui après avoir échoué dans sa première start-up, vendu sa deuxième et mis en bourse sa troisième, se sent qualifier pour diriger un incubateur. Bon point!

Je ne suis pas un grand supporter des incubateurs, quelqu’un m’avait demandé si je parlais d’incinérateur, mais avec un modèle où l’initiative de Yozma fut privatisée avec les bonnes personnes et motivations, c’est peut-être un modèle que je devrais revoir. C’est peut-être là le moyen de résoudre l’insoluble, ce problème de poule et d’œuf dans le sens oui n’avons pas de modèles et donc d’entrepreneurs avec les bons modèles. Pekka croit aux échanges avec Israël, je crois au « Go West » qui est finalement similaire. Il doit y avoir des moyens de convaincre nos politiciens et décideurs, locaux et nationaux, académiques et économiques et nous ne devrions jamais nous lasser d’essayer et d’essayer encore parce que… Pekka, nous avons RAISON! Nous avons besoin de start-up de croissance qui créeront les emplois pour nos enfants.

Comme vous le voyez, la Finlande et les Finlandais ont été une belle source d’inspiration!