Archives mensuelles : mars 2012

Une fois est une exception; deux, une tendance: les IPOs de Sequoia et la Chine

Dans le flux d’analyses des structures d’actionnaires de start-up que je fais régulièrement, je suis tombé deux fois de suite sur des start-up chinoises. Et deux fois, Sequoia était un investisseur. Et deux fois, les start-up avaient pour siège les Iles Cayman. Je ne connais presque rien à la Chine, mais ces simples faits sont intéressants. Une start-up est dans l’Internet, VIPShop, l’autre dans les biotechnologies, NewSummit.


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Et voici la structure de holding, plutôt complexe. Sans doute bâtie pour permettre un investissement de Sequoia dans une start-up chinoise.

J’ai essayé de trouver des traits communs aux fondateurs: aucun ne semble avoir étudié ou travaillé hors de Chine, ce qui est un peu inhabituel pour des entrepreneurs high-tech. Leur âge: 32, 33, 36 et 37, ce qui donne une moyenne de 34.5. Pour rappel, mon analyse globale de 257 fondateurs est de 34.9. Je n’ai trouvé aucune photographie de ces fondateurs, mais cela peut être lié au fait que les sites web sont en langue chinoise essentiellement.


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Une start-up et des humains

Deuxième chronique de « la start-up du mois à l’EPFL« . Après le capital-risque et Aleva, voici SWISSto12 et le facteur humain.

12.03.12 – Le succès d’une jeune entreprise n’est pas qu’une question de produit. Même dans le domaine high-tech, le facteur humain est l’une des clés de la réussite. Les fondateurs de SWISSto12 ont su appliquer ce principe


Emile de Rijk, Alessandro Macor fondateurs de SWISSto12

SWISSto12 est le modèle idéal de start-up naissante. On y retrouve les ingrédients essentiels (et parfois contrintuitifs) du succès. Pour un démarrage réussi, la confiance et la transparence entre les personnes qui composent l’équipe de départ est un facteur critique. Les deux fondateurs sont Emile de Rijk et Alessandro Macor. Ils n’ont peut-être pas l’expérience qu’on croit nécessaire (à tort!), mais leur enthousiasme déplace les montagnes. Ils sont les inventeurs d’une technologie dans la transmission Téra hertz. Parce qu’elle résout des problèmes jusque là sans solution, SWISSto12 avait un client avant même d’être créée. L’occasion s’est présentée, les deux chercheurs ne l’ont pas manquée. Plus important encore, leur innovation pourrait créer de nouveaux marchés, que l’on avait même pas envisagés: c’est toute la beauté de la high-tech, avec ses incertitudes. A ce stade, nul besoin de business plan. Il faut avoir une vision et, c’est le propos de ce billet, savoir s’entourer et composer la meilleure équipe possible.

En premier lieu, je déconseille de se lancer seul dans l’aventure. Le Professeur Ansermet, du Laboratoire de Physique des Matériaux Nanostructurés, s’est laissé contaminer par l’enthousiasme des deux jeunes chercheurs et leur apporte son soutien bienveillant. C’est là une condition essentielle.

L’EPFL a consolidé ce soutien avec son office de transfert de technologie. Grâce à cela, la technologie a été brevetée et une licence exclusive accordée à SWISSto12. (Je me permets ici une brève parenthèse. On constate souvent de la frustration de la part des entrepreneurs, quant à la difficulté à négocier de tels droits. Je sais qu’il y a là plutôt une mauvaise perception et les exceptions [telles que l’aventure de Bose au MIT] ne doivent pas noircir un tableau beaucoup plus transparent.)

La start-up a su utiliser tous les mécanismes de soutien locaux : coaching au PSE, Innogrant, VentureKick, CTI, et j’en oublie sans doute encore, tant l’écosystème de l’EPFL sait être efficace. Un confort qui peut même être dangereux, si on s’en contente.

SWISSto12 aura également su se trouver un mentor exceptionnel en la personne de Georges Rochat, fondateur de Valtronic – j’ignorais jusqu’à une rencontre récente qu’il a vécu dans la Silicon Valley, et qu’il en est un fin connaisseur. Il n’apporte pas seulement son expérience, mais aussi un réseau et une crédibilité essentiels pour développer la start-up.

Quand il fut question de recruter une première personne, les choses devinrent délicates. L’enthousiasme des premiers jours passés, la nouvelle équipe découvrit des dynamiques incompatibles avec la culture des start-up, où tout le monde met la main à la pâte et où le mot hiérarchie n’a que peu de sens. Il fut décidé de se séparer à l’amiable. Une décision difficile mais essentielle. Dans une start-up, la raison principale de l’échec est le facteur humain, pas la technologie, le produit ou le marché.

Je partageai l’idée de cette chronique avec Emile de Rijk. Sa réaction: «Il faut jouer à jeu ouvert, en veillant à être honnête avec ses partenaires pour créer des situations win-win». SWISSto12 va prochainement chercher des investisseurs et son potentiel devrait permettre de mettre en œuvre ces ambitions. J’ai parlé plus haut de critères de succès. Il n’est bien sûr jamais garanti et l’entrepreneuriat est toujours en équilibre fragile que l’on soit petite ou grande entreprise, plus encore quand on est start-up. Mais la passion et l’enthousiasme des fondateurs combinés à leur ambition teintée de beaucoup de bon sens me laissent penser qu’ils ont mis toutes les chances de leur côté!

Les accélérateurs, nouvelle mode de l’innovation?

The Startup Factories: The rise of accelerator programmes est certainement la meilleure analyse que j’ai lue sur la nouvelle tendance (la nouvelle mode?) dans le soutien aux start-up. « Les premières données suggèrent qu’ils ont un impact positif sur les fondateurs, les aident à apprendre rapidement, à créer des réseaux puissants et devenir de meilleurs entrepreneurs. Bien que les incubateurs soient parfois stigmatisés comme un soutien artificiel à la survie des entreprises, ces programmes d’accélération sont remarquables par la qualité élevée des mentors et les équipes avec lesquels ils travaillent et la valeur qu’ils ajoutent à ces entreprises. « [Page 3]

Si vous savez pas ce que sont les accélérateurs, alors voici de quoi il s’agit: un programme qui rassemble un nombre limité de porteurs de projets avec
• un processus de sélection ouvert à tous, mais très compétitif,
• des investissement de pré-amorçage, généralement en échange d’actions (quelques 10k$ pour 5-10%),
• un accent mis sur de petites équipes de fondateurs et non pas des fondateurs isolés,
• un programme limité dans le temps comprenant des événements et du mentorat intensif (généralement 3 mois)
• des cohortes ou « classes » de start-up plutôt que des entreprises individuelles (de 10 à seedcamp à 60 pour Y Combinator)

En outre, l’élément de limite dans le temps met la pression sur les entrepreneurs qui veulent faire bonne figure par rapport à leurs pairs; une journée de démonstration / des séances de pitchs des entrepreneurs ajoutent une pression supplémentaire pour la livraison de prototypes et la définition de leur vision. Il est évident que les fondateurs, business angels, VCs et même corporates bénéficient de cette nouvelle source de soutien.

Les programmes les plus célèbres sont Y Combinator, Techstars, Seedcamp et Startupbootcamp.

Alors, pourquoi ces programmes ont vu le jour. Les rationnels sont les suivants:
– Ils apportent des solutions nouvelles à l’innovation: [page 24] « Le problème que les accélérateurs résolvent pour les fonds de capital-risque, c’est qu’ils créent de nouveaux deal-flow. Un certain nombre d’investisseurs nous ont dit que c’était la raison principale de soutenir Seedcamp à Londres. Il n’y avait tout simplement pas assez de jeunes fondateurs ni de sociétés ayant des contacts avec le monde de l’investissement. La communauté du capital-risque a un intérêt à la croissance du nombre total de bonnes entreprises. Si elles peuvent attirer des personnes talentueuses dans les start-up plutôt que dans les grandes organisations, ce pourrait être une bonne nouvelle pour l’ensemble du secteur. »
– Ils donnent accès à des mentors de qualité et aux investisseurs pour des fondateurs qui reçoivent une validation précoce grâce à la sélection de l’accélérateur.
– Au moins dans le monde du web et du mobile, les coûts pour lancer une start-up sont en diminution.
– À nouveau dans ces mondes, il est plus facile d’atteindre de nouveaux clients et la route vers les revenus est moins semée d’embûches.
– Les concepts autour des « lean start-up » (Eric Ries, Steve Blank) permettent un développement de produits itératif grâce à des interactions efficaces avec les adopteurs précoces.

Maintenant, les accélérateurs ne sont pas des modèles éprouvés. Ils sont d’abord trop jeunes et deuxièmement, ils ont été critiqués pour les raisons suivantes [page 32]:
– Ils ne bâtissent que des entreprises relativement petites.
– Ils détournent les talents des autres start-up à forte croissance .
– Les bonnes entreprises échouent tout de même après les programmes d’accélération.
– Ils exploitent les fondateurs de start-up.
– Ils attirent les entreprises qui sont déjà en difficulté.
– Ils aident à créer une bulle.
– Ils sont juste des écoles de démarrage.

En conclusion: les accélérateurs sont intéressants pour les connexions et le filtrage qu’ils fournissent. Ils créent aussi de la valeur par l’aspect d’éducation, incluant une culture ouverte. Mais le modèle d’affaires n’est pas validé et s’ils s’appliquent bien au monde des applications logicielles, web et mobiles, le modèle est moins clair pour d’autres segments de la technologie . Si vous voulez en savoir plus, vous devriez lire ce très bon rapport 🙂

De la difficulté d’innover

Entreprise Romande m’a demandé un article, et voici ce que j’ai proposé. Il a été publié le 2 mars 2012.

Deux citations célèbres méritent d’être rappelées : en 1899, Charles Duel proposa de fermer l’office des brevets qu’il dirigeait aux Etats Unis en indiquant que « tout ce qui est à inventer l’a déjà été ». Moins d’un siècle plus tard, Bill Gates indiquait avec conviction qu’ « un ordinateur n’avait pas besoin de plus l’équivalent qu’une disquette de mémoire. » Si ces deux prédictions montrent qu’une des difficultés de l’innovation est l’impossibilité qu’il y a à se projeter trop en avant, elles ne sont malheureusement que des légendes ! Il n’en reste pas moins vrai que les innovateurs doivent faire face à de multiples obstacles, le premier d’entre eux étant l’incertitude permanente dans laquelle se trouve celui qui veut proposer de la nouveauté.

Les difficultés ne s’arrêtent pas à la porte du futur. Dans un célèbre ouvrage, le professeur Clayton Christensen explique le dilemme des grandes entreprises face à l’innovation. Christensen emploie le mot Great et non pas Large, car il parle des mieux gérées : en étant à l’écoute de leurs clients, elles cherchent en permanence à mieux les servir en améliorant par des évolutions constantes la qualité de leurs produits et de leurs services. Ce faisant, il leur est extrêmement difficile de voir venir des révolutions, d’autant plus difficiles à identifier qu’elles commencent souvent très humblement, avec des produits de piètre qualité et très incomplets. Christensen cite de nombreux exemples, mais notons simplement que Microsoft faillit manquer le tournant d’un web qui ne générait pas de revenus, Nokia est passé à côté du marché des Smart Phones et j’ajoute cette célèbre citation de Henry Ford : « Si j’avais demandé aux consommateurs ce qu’ils voulaient, ils m’auraient répondu ‘un cheval plus rapide’».

Tout acteur intelligent apprend vite de ces erreurs. Christensen, devenu une référence, explique que les grands acteurs doivent tout simplement créer des spin-off loin des clients et centres de développement. Malgré des errements initiaux, Nespresso est devenu un produit phare de Nestlé. Peut-être sait-on moins que Cisco est devenu un acteur dans le monde des serveurs en ayant intégré une start-up qu’elle avait financée à ses débuts. Les leçons de Christensen ont été digérées et aujourd’hui d’autres experts sont devenus les papes de l’innovation avec des modèles plus affinés

La spin-off est une évidence, et bonne nouvelle, point n’est besoin de ressources considérables, du moins au début. On prône aujourd’hui des itérations rapides en contact permanent avec les clients potentiels dès le lancement d’un projet. Il a aussi été compris qu’il faut d’abord trouver des clients visionnaires prêts à tester des produits incomplets mais prometteurs. Des corrections pourront être apportées en permanence et éviteront des investissements inutiles dans des directions que le marché refuserait plus tard. Enfin, le passage des clients visionnaires aux clients plus conservateurs demandera une stratégie spécifique et souvent une nouvelle équipe pour le développement du produit. Procédés systématiques qui garantiraient le succès des futures innovations ? Malheureusement non. Dans un récent entretien à la presse finlandaise, Steve Blank qui avait cru développer une théorie scientifique de l’innovation déclara : « ces dix dernières années, nous avons cru bâtir une méthodologie répétable au point de croire à une science, que quiconque pourrait appliquer. Je commence à entrevoir mon erreur. Ce n’est pas que la méthode soit fausse, mais tout le monde ne peut également en tirer le meilleur parti. » De la même manière que le traitement de texte, excellent outil par ailleurs, n’a jamais fait l’écrivain, un processus d’innovation bien pensé ne garantira pas le succès. Blank ajoute que « tant que l’on ne saura pas vraiment comment enseigner la créativité, le succès sera toujours limité. Tout le monde n’est pas artiste, après tout. »

Et voici le tour de Yelp! Et plus encore sur les IPOs et l’age des fondateurs.

Les IPOs ne s’arrêtent plus. Voici donc Yelp avant Facebook! Vous trouverez plus bas mon habituelle table de capitalisation. Comme souvent, un fondateur a disparu et du coup rien dans le prospectus. Dur… surprenant (pour moi!).


The Founders and Their Army Russel Simmons (left) and Jeremy Stoppelman, plus a few of the hundreds of thousands of Yelpers who post regularly on their site. Source: Inc.

Plus intéressantes peut-être, voici quelques stats que j’ai mises à jour avec 116 entreprises cotées en bourse. Vous pouvez comparer age des fondateurs, années jusque l’IPO et montants VCs relativement au domaine, la géographie et la période de fondation. J’ajoute les % de participations des fondateurs, employés et investisseurs après l’IPO.

Pour mémoire, toutes les données dans le pdf joint (ou en cliquant sur l’image),


Click on picture to access full pdf data

Enfin quelques illustration graphiques:
– l’age des fondateurs relativement à l’année de fondation.

– quelques comparaisons entre ventes, montants VCs et nombre d’employés.