Archives mensuelles : janvier 2013

Mort d’un entrepreneur suisse

Magnifique hommage de France Culture ce matin en l’honneur de Stefan Kudelski, inventeur du Nagra. Vous pouvez retrouver l’interview sonore à la fin de l’émission des Matins. Elle avait été faite en 1987 par Yann Paranthoën ‎et s’intitulait: « On Nagra : Il Enregistrera… »

J’étais étudiant à l’Ecole Polytechnique de Lausanne, c’était dans les années 49, par là, 50, et un jour en visitant une usine, j’ai découvert tout d’un coup le monde des machines outil. Et je me suis dit, mais, non d’une pipe, il faudrait électroniser cela. Et l’idée m’est venue en somme de construire des robots. Soit des robots anthropomorphiques, soit des machine-outil commandées électroniquement. Mais, il y avait le problème de la mémoire. Il fallait apprendre à la machine à faire des opérations. Il fallait que la machine soit capable de les répéter. Or j’avais vu les premiers magnétophones ; je me suis dit utilisons la première bande magnétique pour mémoriser les ordres. Alors j’ai commencé par construire quelques magnétophones pour me faire la main, pour me familiariser avec cette technique et alors après, on avait fait un appareil à peu près convenable, c’était le Nagra 1, en fait. Parce que je n’avais pas le sou, voyez-vous. C’était un camarade d’école qui a fait les pièces mécaniques. Moi j’ai bricolé les pièces électroniques. Alors il fallait faire quand même quelque chose qu’on puisse vendre, pour pouvoir construire le suivant, etc. Autofinancé ! … On est allé trouver des fabricants de machine-outil, pour les convaincre un peu d’aller dans cette voie. C’était le niet absolu. Tandis que j’avais un camarade dont le père travaillait à Radio Genève. Ils ont vu les appareils et ont dit : « tiens, ça nous intéresse. » Et voilà le début. J’ai continué à faire mes études à l’Ecole et j’ai commencé à fabriquer ces appareils. Il est né dans une cave ou dans ma chambre d’étudiant en fait. A Lausanne ? Oui, c’était à Pully, la banlieue Est de Lausanne tandis que les pièces mécaniques étaient faites au grenier, chez un de mes camarades. – Et d’où vient son nom, le Nagra ? – Ah, ça c’est venu un peu plus tard. Mais enfin, il a fallu donner un nom, et je n’ai pas voulu mettre mon nom là-dessus car je me suis dit c’est une petite aventure sans lendemain. Alors j’ai trouvé un nom synthétique, qui semble vaguement avoir une étymologie slave, venant d’enregistrement, ce qui veut dire « il enregistrera » en polonais. Tout simplement. « On Nagra – Il Enregistrera »


Hommage de la RTS, Radio Télévision Suisse

Je ne peux pas m’empêcher de mentionner également un article de Libération, fidèle à son jeu sur les mots, Le Nagra bande encore. Notes plus personnelles pour finir: un de mes grands amis de Lycée avait un magnétophone, je crois que c’était un Nagra, c’était la classe à la fin des années 70; puis le premier entretien que j’ai donné à la radio fut enregistré sur un Nagra numérique…

Après le Cygne Noir, Taleb frappe encore avec Antifragile

Antifragile, things that gain from disorder by Nassim Nicholas Taleb
Antifragile-Taleb

Voici probablement un des articles que j’ai eu le plus de mal à écrire pour ce blog tant le sujet est passionant mais dur à résumer. Désolé si l’article vous semble mauvais. Mais vous pouvez toujours aller directement à la source! Taleb donne dans cette suite au Black Swan une analyse très intéressante de la façon dont le monde peut être moins exposé aux cygnes noirs, et non pas en devenant plus robuste seulement, mais en devenant « antifragile », c’est-à-dire en tirant bénéfice d’événements aléatoires. Ses vues sont liées aux tensions entre l’individu et les groupes, et comment les systèmes distribués sont plus robustes que les systèmes centralisés, comment les petites unités sont moins fragiles que les grosses. Cela ne signifie pas que Taleb soit contre les organisation ou les lois; un gouvernement trop peu interventionniste induit aussi des situations totalement désordonnées. Il s’agit selon lui de mettre le curseur au bon niveau. La Suisse représente pour Taleb une bonne illustration de l’organisation étatique idéale avec peu de gouvernement central et beaucoup de responsabilité locale. Il présente des analogies similaires pour le lieu de travail, où il explique que le travailleur indépendant, qui connaît bien son marché, est moins fragile face aux crises que les grandes entreprises et leurs salariés. Une façon de rendre les systèmes moins fragiles est de mettre un peu de bruit, un peu de hasard qui les stabilisent. Ceci est bien connu dans la science et dans les sciences sociales. Rappelez-vous juste d’Athènes qui parfois tirait au sort des nomination de certains de ses dirigeants pour éviter les excès!

Vous pouvez écouter Taleb ici:

Maintenant, permettez-moi de citer l’auteur. Il s’agit ici de notes plutôt rapidement (donc mal) traduites et pour des critiques construites, allez voir le site de l’auteur, www.fooledbyrandomness.com Premièrement Taleb est injuste, comme d’habitude, mais moins peut-être que dans le Black Swan. Voici un exemple: « Les universitaires (en particulier dans les sciences sociales) semblent se méfier les uns les autres, […] pour ne pas mentionner un niveau d’envie que je n’ai presque jamais vu dans les affaires … Mon expérience est que l’argent et les transactions purifient les relations ; les idées et les questions abstraites telles que la « reconnaissance » et « crédit » les déforment, créant une atmosphère de rivalité perpétuelle. J’ai grandi en voyant des gens avides de pouvoirs nauséabonds, répugnants, et indignes de confiance. » [Page 17] Taleb est juste sur l’envie et la rivalité, mais a tort de dire que c’est pire dans les milieux universitaires. Je pense que c’est universel! Dans la politique par exemple. Mais quand l’argent est disponible, peut-être la rivalité compte-t-elle moins que là où il y en a peu.

Maintenant un sujet proche de mon activité: « Ce message des anciens est beaucoup plus profond qu’il n’y paraît. Il contredit les méthodes modernes et les idées relatives à l’innovation et au progrès à plusieurs niveaux, car nous avons tendance à penser que l’innovation provient de financements bureaucratiques, grâce à une planification centralisée, ou en plaçant les gens dans un cours de la Harvard Business School donné par un professeur célèbre en Innovation et Entrepreneuriat (qui n’a jamais innové en quoi que ce soit) ou par l’embauche d’un consultant (qui n’a jamais innové en quoi que ce soit). C’est une escroquerie – notez la contribution disproportionnée des techniciens sans formation et des entrepreneurs dans les différentes révolutions technologiques, depuis la révolution industrielle jusque l’émergence de la Silicon Valley, et vous verrez ce que je veux dire. » [Page 42] [Taleb est à nouveau extrême et injuste, même s’il n’a pas entièrement tort]

« L’antifragilité de certains vient nécessairement au détriment de la fragilité des autres. Dans un système, les sacrifices de certaines unités – les unités ou les personnes fragiles – sont souvent nécessaires pour le bien-être des autres unités ou de l’ensemble. La fragilité de toutes les start-up est nécessaire pour que l’économie soit antifragile, et c’est ce qui fait, entre autres choses, la réussite de l’esprit d’entreprise: la fragilité des entrepreneurs individuels et leur taux de défaillances nécessairement élevé « . [Page 65] Ce qui m’a surpris, c’est que Taleb montre plus loin que cela est vrai aussi pour les restaurants (pas beaucoup de succès) que pour les start-up en haute technologie. Ce n’est donc pas à proprement parler une question d’incertitude des nouveaux marchés, mais d’incertitude en général.

Les mathématiques de la convexité

Je dois admettre Taleb n’est pas facile à lire. Non pas parce qu’il est complexe (parfois ses idées sont du pur bon sens), mais parce qu’il est dense, avec des idées très variées même si elles sont plutôt cohérentes. Le livre est divisé en 25 chapitres, mais aussi en 7 livres. En fait, Taleb insiste sur ce point, il aurait pu écrire 7 livres différents! Même ses mathématiques sont simples. Sa définition de la convexité est un peu étrange mais je l’ai trouvé intéressante (j’enseigne l’optimisation convexe, et vous l’ignorez sans doute, c’était le sujet de ma thèse de doctorat!). Un exemple de pensée abrupte mais finalement profonde: « La prise de décision est basée sur les gains, et non pas sur la connaissance. » [Page 337]

L’inégalité de Jensen est intéressante [Pages 342, 227 – Jensen était un mathématicien amateur !] – la transformation convexe d’une moyenne est inférieure ou égale à la moyenne après transformation convexe. Elle est majeure dans les raisonnements de Taleb. De même sa comparaison de l’individu (concave, nous mourons) et du collectif (convexe, antifragile, bénéficie des échecs individuels). Ainsi, la prise de risque est bonne pour la collectivité s’il y a des mécanismes d’assurance. La prise de risque + l’assurance face à la spéculation sans valeur ajoutée.

« Simplement, les faibles probabilités sont convexes aux erreurs de calcul. On a besoin d’un paramètre, appelé écart-type, mais l’incertitude sur l’écart-type a pour effet d’augmenter des faibles probabilités. Les probabilités de plus en plus petites nécessitent plus de précision dans les calculs. En fait, les faibles probabilités sont incalculables, même si nous avons le bon modèle – ce que bien sûr nous n’avons pas. » [Taleb oublie de mentionner Poincaré que pourtant il citait dans le Cygne Noir, mais peu importe. ]

Une tension visible entre les intérêts individuels et collectifs

Des citations à nouveau: « Ce que l’économie, en tant que collectif, veut [des diplômés d’école de commerce] faire est non pas de survivre, mais plutôt de prendre beaucoup, beaucoup de risques inconsidérés et être aveuglés par les chances. Les industries s’améliorent d’échec en échec. Les systèmes naturels et la nature ont besoin d’un excès de confiance de la part des agents économiques individuels, c’est à dire, une surestimation de leurs chances de succès et une sous-estimation des risques d’échec dans leurs entreprises, à condition que leurs défaillances n’aient pas d’impacts sur les autres. En d’autres termes, ils veulent l’excès de confiance local, mais pas global ». […] Autrement, une certaine prise de risque excessive, voire suicidaire, est bonne pour l’économie – à la condition que tous les gens ne prennent les mêmes risques et que ces risques restent faibles et localisés. Maintenant, en perturbant le modèle, comme nous le verrons, avec plans de sauvetage, les gouvernements favorisent généralement une certaine classe d’entreprises qui sont suffisamment grandes pour exiger d’être sauvegardées afin d’éviter la contagion à d’autres entreprises. Ceci est à l’opposé d’une bonne prise de risque, c’est le transfert de la fragilité du collectif à l’inapte. […] L’expression célèbre de Nietzsche « ce qui ne me tue pas me rend plus fort » peut être facilement mise en œuvre dans le sens de la mithridatisation ou de l’Hormesis mais elle peut aussi signifier «ce qui ne me tue pas ne me rend plus fort, mais m’a épargné parce que je suis plus fort que d’autres, mais il en a tué d’autres et la moyenne de la population est maintenant plus forte, car les faibles ont disparu « . […] Cette tension visible entre les intérêts individuels et collectifs est nouvelle dans l’histoire. […] Certaines des idées sur la force et la sélection rendent mal à l’aise l’auteur que je suis, ce qui rend l’écriture de certaines parties plutôt douloureuse – je déteste la cruauté de la sélection, la déloyauté inexorable de Mère Nature. Je déteste la notion d’une amélioration qui nuit à d’autres. Comme humaniste, je suis contre l’antifragilité des systèmes au détriment des individus, car si vous suivez le raisonnement, cela fait de nous des êtres humains individuellement inutiles. » [Pages 75-77]

Une journée nationale de l’Entrepreneur

« Comparez les entrepreneurs aux gérants et aux comptables des sociétés qui grimpent les échelons de la hiérarchie avec presque jamais aucune prise de risque. Leur cohorte est rarement en danger. Mon rêve – la solution – est que nous aurions besoin d’une journée nationale de l’Entrepreneur, avec le message suivant: La plupart d’entre vous vont échouer, méprisés, appauvris, mais nous sommes reconnaissants pour les risques que vous prenez et les sacrifices que vous faites pour l’amour de la croissance économique de la planète et en tirant les autres hors de la pauvreté. Vous êtes la source de notre antifragilité. Notre nation vous remercie. » [Page 80]

Systèmes locaux distribués, hasard et modernité

« Vous n’avez jamais une crise des restaurants. Pourquoi? Parce que cette industrie est composée d’un grand nombre de concurrents indépendants et de petites unités qui ne sont pas individuellement une menace pour le système en le faisant sauter d’un état à un autre. L’aléatoire est distribué plutôt que concentré. » [Page 98]

« Ajouter un certain nombre de politiciens au hasard peut améliorer le fonctionnement du système parlementaire. » [Page 104]

« La modernité, c’est la domination à grande échelle de l’environnement par l’espère humaine, le lissage systématique des irrégularités du monde, et l’étouffement de la volatilité et les facteurs de stress. Nous entrons dans une phase de la modernité marquée par le lobbyiste, la société à responsabilité très, très limitée, le MBA, le profiteur, la sécularisation, le fisc, la peur du patron… » [Page 108]

« L’iatrogénèse signifie littéralement « provoqué par le guérisseur ». L’erreur médicale tue encore actuellement entre trois fois (comme acceptée par les médecins) et dix fois autant de personnes que les accidents de voiture aux États-Unis ; il est généralement admis que les dommages causés par les médecins – sans compter les risques des germes des hôpitaux – représentent plus de décès qu’aucun cancer. L’iatrogénèse est aggravée par le «problème de l’agent» qui apparaît lorsque l’une des parties (l’agent) a des intérêts personnels qui sont séparés de ceux qui reçoivent ses services (le mandant). Un problème d’agent est présent chez les l’agent de change et les médecins dont l’ultime intérêt est leur compte en banque, et non pas votre santé financière ou médicale. » [Pages 111-112]

Théories et intervention

« Les théories sont super fragiles en dehors de la physique. L’emploi même du mot «théorie» est troublant. En sciences sociales, nous devrions appeler ces constructions des «chimères» plutôt que des théories. [Vous comprenez maintenant pourquoi Taleb a beaucoup d’ennemis.] Une source principale de la crise économique a commencé en 2007 dans l’iatrogénèse des tentatives […] d’Alan Greenspan pour aplanir le cycle explosif qui a poussé à causé cacher des risques sous le tapis. La partie la plus déprimante de l’histoire ed Greenspan, c’est que l’homme était un libertaire et apparemment convaincu par l’idée de laisser les systèmes à eux-mêmes, les gens peuvent se leurrer eux-mêmes sans cesse. […] L’argument n’est pas encore une fois contre l’idée de l’intervention, en fait, je l’ai montré ci-dessus, je suis tout aussi préoccupé par la sous-intervention lorsque cela est vraiment nécessaire. […] Nous avons tendance à sous-estimer le rôle du hasard dans les affaires humaines. Nous devons éviter d’être aveugles à l’antifragilité naturelle des systèmes, leur capacité à prendre soin d’eux et combattre notre tendance à leur nuire et à les fragiliser en ne leur donnant une chance de le faire. […] Hélas, il a été difficile pour moi de développer ces idées au sujet de la fragilité dans le discours politique américain actuel. Le côté démocrate du spectre américain favorise l’hyper-intervention, la réglementation inconditionnelle et le grand gouvernement, tandis que le côté républicain aime les grandes sociétés, la déréglementation inconditionnelle et le militarisme, les deux sont la même chose pour moi. Permettez-moi de simplifier mon point de vue sur l’intervention. Pour moi, c’est surtout d’avoir un protocole systématique pour déterminer quand intervenir et quand laisser seuls les systèmes. Et nous pouvons avoir besoin d’intervenir pour contrôler l’iatrogénèse de la modernité – en particulier les dommages à grande échelle pour l’environnement et la concentration du potentiel de dommages (pas encore manifesté), le genre de chose que nous remarquons seulement quand il est trop tard. Les idées avancées ici ne sont pas politiques, mais fondées sur la gestion des risques. Je n’ai pas une affiliation politique ou d’appartenance à un parti en particulier, mais plutôt, je présente l’idée de dommage et de fragilité dans le vocabulaire pour que nous puissions formuler des politiques appropriées pour nous assurer de ne pas finir par faire exploser la planète et nous-mêmes. » [Pages 116-118]

« En conclusion, la meilleure façon d’atténuer l’interventionnisme est de rationner la quantité d’informations. Plus vous obtenez de données, moins vous en savez. » [Page 128]

« Les événements de « queue » politiques et économiques sont imprévisibles et leurs probabilités ne sont pas scientifiquement mesurables. » [Page 133]

La stratégie de l’haltère et l’optionalité

« La stratégie de l’haltère est un moyen de parvenir à l’anti-fragilité, en diminuant le risque de baisse plutôt que d’augmenter la probabilité de hausse, en réduisant l’exposition aux cygnes noirs négatifs. Ainsi, tout comme le stoïcisme est la domestication, et non pas l’élimination, d’émotions, de même que la barre de domestication, à l’éradication de l’incertitude. » [Page 159]. C’est une combinaison de deux extrêmes, l’un du type coffre-fort et l’autre du type spéculatif, combinaison jugée plus robuste qu’une stratégie monomodale. Dans les systèmes biologiques, l’équivalent est d’épouser un comptable en ayant une aventure occasionnelle avec une star du rock ; pour un écrivain, obtenir une sinécure stable et écrire sans les pressions du marché. Même les mécanismes d’essais et d’erreurs sont une forme de stratégie d’haltère. » [Glossaire page 428].

« La force de l’entrepreneur Steve Jobs était de se méfier des études de marché et des groupes de discussion – ceux qui demandent aux gens ce qu’ils veulent – et en suivant sa propre imagination, son fonctionnement était que les gens ne savent pas ce qu’ils veulent jusqu’à ce qu’on le leur fournisse. » [Page 171]

« L’atout de l’Amérique est tout simplement la prise de risque et l’utilisation de l’optionalité, la remarquable capacité à s’engager dans des formes rationnelles de tâtonnements, sans honte particulière de l’échec, en recommençant à nouveau et en répétant les mêmes erreurs. Dans le Japon moderne, en revanche, la honte vient, avec l’échec, ce qui pousse les gens à cacher les risques, financiers ou nucléaire, sous le tapis. »

« La nature fait de l’« échec précoce » à la manière californienne – elle a des options et les utilise. La nature comprend des effets d’optionalité mieux que les humains. […] L’idée est exprimée par Steve Jobs dans un discours célèbre: “Stay hungry, stay foolish.” Il voulait probablement dire « Soyez fou, mais conservez la rationalité du choix de la limite supérieure quand vous la verrez. » Tout essai et erreur peut être considéré comme l’expression d’une option, tant que l’on est capable d’identifier un résultat favorable et de l’exploiter. » [Page 181]

« L’option est un substitut à la connaissance en fait je ne comprends pas ce qu’est une connaissance stérile, car elle est nécessairement vague et stérile. Je fais donc l’hypothèse audacieuse que beaucoup de choses que nous pensons être dérivées par la connaissance ou le savoir viennent en grande partie d’options, d’options bien utilisées, tout comme la situation de Thales [qui avait pris une option sur pressoirs à olives – pages 173-174] plutôt que de ce que nous prétendons comprendre. » [Page 186]

Taleb est sceptique avec les experts, avec quiconque croyant en un modèle linéaire : université -> sciences appliquées -> pratique (ceux qui « apprennent aux oiseaux à voler »), il croit au bricolage, aux heuristiques, à l’apprentissage, et se fait encore beaucoup d’ennemis gratuitement! Il prétend que le moteur à réaction, les instruments financiers modernes, l’architecture, la médecine ont d’abord été mis au point par des praticiens puis théorisé par des scientifiques, pas inventés ou découverts par eux.

Bricolage et recherche

« Il doit y avoir une forme de financement qui fonctionne. Par un tour vicieux d’événements, les gouvernements ont eu d’énormes retombées de la recherche, mais pas comme prévu – regardez l’Internet. Cela vient juste de ce que les fonctionnaires sont trop finalistes dans la façon dont ils regardent les choses et tout comme les grandes entreprises. La plupart des grandes entreprises, dans l’industrie pharmaceutique par exemple, sont leurs propres ennemis. Pensez à la recherche fondamentale, où les subventions et le financement sont donnés aux personnes et non aux projets, réparties en petites quantités à de nombreux chercheurs. Il a été découvert qu’en Californie, les capital-risqueurs ont tendance à soutenir les entrepreneurs, pas des idées. Les décisions sont en grande partie une question d’opinion, renforcée « qui vous connaissez ». Pourquoi? Parce que les innovations dérivent, et on a besoin de talent de type flâneur apte à saisir les occasions qui se présentent. Les décisions importantes du capital-risque se font sans plan d’affaires réel. Donc, s’il y a une quelconque analyse, elle est de nature de sauvegarde et de confirmation. Clairement l’argent devrait aller aux bricoleurs, les bricoleurs agressifs en qui vous avez confiance pour faire fructifier les options. » [Page 229]

« Malgré le succès commercial de plusieurs sociétés et la croissance fulgurante du chiffre d’affaires pour l’industrie dans son ensemble, la plupart des entreprises de biotechnologie ne font aucun profit. » [Page 237] [Optionalité à nouveau]

« (i) Cherchez optionalité ; en fait, classez les choses selon l’optionalité, (ii) de préférence avec des gains ouverts, non bornés, (iii) n’investissez pas dans les plans d’affaires, mais dans les gens, donc cherchez quelqu’un capable de changer six ou sept fois au cours de sa carrière, ou plus (une idée qui fait partie du modus operandi du capital-risqueur Marc Andreessen); on obtient une immunité face aux récits illusoires du plan d’affaires en investissant dans les personnes . Assurez-vous que vous êtes « haltérifiés », quoi que cela signifie dans votre entreprise. » [Page 238]

« Je me suis contenté ici de réfuter l’épiphénomène de ceux qui « apprennent aux oiseaux à voler » et le « modèle linéaire », en suivant les propriétés mathématiques simples de l’optionalité. Il n’existe aucune preuve empirique pour soutenir l’affirmation selon laquelle la recherche organisée (au sens de son actuelle commercialisation) conduit aux grandes choses promises par les universités. [Voir aussi les lamentations de Thiel au sujet de la promesse de technologies – www.startup-book.com/fr/2010/10/12/la-technologie-notre-salut] L’éducation est une institution qui a connu une croissance sans facteurs de stress externes; la chose va nécessairement s’effondrer. » [En guise de conclusion du livre IV, page 261]

Pourquoi la fragilité est-elle non linéaire?

« Pour la fragilité, l’effet cumulatif de petits chocs est plus faible que l‘effet d’un choc équivalent de grande dimension. Pour l’antifragilité, les chocs apportent plus d’avantages (de façon équivalente, moins de mal) avec l’augmentation de leur intensité (jusqu’à un certain point). »

Via negativa

« Nous n’avons pas forcément besoin d’un nom ou même d’une capacité à exprimer quoi que ce soit. Nous pouvons juste dire quelque chose à propos de ce qu’il n’est pas. Michel-Ange avait été interrogé par le pape sur le secret de son génie, en particulier la façon dont il avait sculpté la statue de David. Sa réponse avait été: C’est simple, je supprime tout ce qui n’est pas David. » [Pages 302 à 304]

[…] « Les charlatans sont reconnaissables au fait qu’ils vont vous donner des conseils positifs. Pourtant, dans la pratique, c’est le négatif qui est utilisé par les pros. On ne peut pas vraiment dire si une personne qui a réussi a les compétences, ou si une personne ayant des compétences va réussir – mais on peut assez bien prédire la négative, une personne totalement dépourvue de compétences finira par échouer. »

[…] « La plus grand – la plus robuste – contribution à la connaissance consiste à enlever ce que nous pensons erroné. Nous en savons beaucoup plus sur ce que ce qui est faux que ce qui est juste. La connaissance négative est plus robuste aux erreurs que la connaissance positive. […] Ainsi une petite observation négative peut réfuter une affirmation, alors que des millions de positifs ne peuvent guère la prouver. [Les Black Swan!], L’infirmation est plus rigoureuse que la confirmation. […] Disons que, en général, les échecs (et l’infirmation) sont plus instructifs que le succès et la confirmation. »

[Curieusement, je me souviens des principales critiques contre mon livre étaient le manque de proposition [positive] en conclusion. J’aurais dû dire il y a beaucoup sur ce qu’il ne faut pas faire!]

« Enfin, pensez à cette version modernisée d’une parole de Steve Jobs: On croit que se focaliser c’est dire oui à ce que l’on choisit. Mais ce n’est pas ce du tout ce que cela signifie. Cela signifie dire non à la centaine d’autres bonnes idées qui se présentent. Vous devez choisir soigneusement. En fait je suis aussi fier des choses que nous n’avons pas faites que des choses que j’ai faites. L’innovation c’est dire non à 1000 choses. » [Page 305]

Less is more

« Il existe des méthodes beaucoup plus simples et efficaces pour la prévision et l’inférence que bien des méthodes complexes. Des heuristiques « rapides et frugales » permettent de prendre de bonnes décisions en dépit du temps limité. Premiers effets extrêmes: il y a des domaines dans lesquels les événements rares (bons ou mauvais) jouent une part disproportionnée et nous avons tendance à fermer les yeux sur eux. Juste s’inquiéter de l’exposition aux Black Swan et la vie devient facile. Ils peuvent ne pas avoir de cause facilement identifiable pour une grande part des problèmes, mais souvent il y a une solution facile pour les éviter, parfois visible à l’œil nu, plutôt que par l’utilisation d’analyses compliquées. Pourtant, les gens veulent plus de données pour résoudre des problèmes. » [Page 305-306]

« Le moyen de prédire est de rigoureusement « retirer de l’avenir », de le réduire des choses qui ne rentreront pas dans les temps à venir. Ce qui est fragile finira par se briser, et, heureusement, nous pouvons facilement dire ce qui est fragile. Les cygnes noirs positifs sont plus imprévisibles que leurs congénères négatifs. Maintenant, j’insiste sur la méthode de prophétie via negativa comme étant la seule valable. » [Page 310]

« Pour ce qui est périssable, chaque jour supplémentaire se traduit comme une diminution de l’espérance de vie supplémentaire. Pour ce qui est non-périssable, chaque jour supplémentaire peut impliquer une espérance de vie plus longue. En général, plus la technologie est ancienne, plus elle peut se pérenniser. Je ne dis pas que toutes les technologies ne vieillissent pas, mais seulement que les technologies sujettes au vieillissement sont déjà mortes. » [Page 319]

« Comment pouvons-nous savoir ce qu’il faut enseigner aux enfants pour le XXIe siècle, car nous ne savons pas ce que seront les compétences nécessaires? Effectivement ma réponse serait de leur faire lire les classiques. L’avenir est dans le passé. En fait, il y a un proverbe arabe à cet effet: celui qui n’a pas de passé n’a pas d’avenir. » [Page 320]

[Comme on peut le lire plus tard dans le livre Taleb n’aime pas la culture de la Bay Area. Et ce n’est pas une coïncidence, c’est une région avec presque pas de passé, presque pas d’histoire, mais cela certainement a pu contribuer à la multitude d’innovations de la Silicon Valley…]

« Si vous avez un tableau ancien et une télévision à écran plat, vous ne vous gênerez pas pour changer télévision, mais vous réfléchirez avant de vous débarrasser du tableau. Même chose avec un stylo plume ancien et le dernier ordinateur Apple; [Taleb est vraiment méfiant de la modernité et l’innovation, même s’il en joue le jeu. Avec l’architecture, il a les mêmes préoccupations. Encore une fois, il préfère la tradition à la modernité agressive. Même chose avec le système métrique face aux métriques ancestrales] Le « top-down » est bien souvent irréversible, de sorte que des erreurs ont tendance à survivre, alors que le « bottom-up » est graduel et progressif, avec un processus de création et la destruction au fil de l’eau, qui a du coup un impact plus positif. » [Pages 323-24]

« Nous pouvons aussi appliquer des critères de fragilité et de robustesse à la manipulation de l’information – le fragile dans ce contexte est, comme la technologie, ce qui ne résiste pas à l’épreuve du temps. […] Les livres qui ont été disponibles pendant dix ans le seront encore de l’ordre de dix ans, des livres qui l’ont été depuis deux millénaires devrait être là encore pendant un bon bout de temps. […] Le problème de décider si un résultat scientifique ou une nouvelle « innovation » est une percée, c’est-à-dire le contraire du bruit, est que l’on a besoin de voir tous les aspects de l’idée – et il y a toujours une certaine opacité à ce moment-là, que seul le temps, peut dissiper. »
[Page 329]

« Maintenant, qu’est-ce qui est fragile? La trop grande confiance, optimisée, dépendante de la technologie, et la méthode dite scientifique au lieu des heuristiques qui ont survécu à l’usage. »

« En émettant des avertissements basés sur la vulnérabilité – c’est-à-dire des prophéties soustractives – nous sommes plus près du rôle original du prophète: pour avertir, pas nécessairement pour prédire et prévoir les catastrophes si les gens n’écoutent pas. »

Éthique

« En vertu de l’opacité et de la complexité, les gens peuvent cacher des risques et blesser les autres. Avoir du « skin in the game » est le seul vrai atténuateur de fragilité. Nous avons développé un penchant pour la complication néo-maniaque au détriment de la simplicité archaïque. […] Le plus gros problème de la modernité réside dans le transfert malin de la fragilité et de l’antifragilité d’un groupe à l’autre, l’un obtenant les avantages, l’autre (inconsciemment) les inconvénients. Ce transfert est facilité par la confusion croissante entre l’éthique et le légal. La modernité se cache particulièrement bien. C’est bien sûr un problème d’agent. » [Page 373]

[Jetez aussi un coup d’œil au tableau 7, page 377.]

« Dans les sociétés traditionnelles, une personne n’est respectable et digne qu’en regard des risques qu’il (ou beaucoup plus souvent qu’elle) est prêt(e) à affronter pour le bien des autres. » [Page 376]

« Je veux que les prophètes aient des cicatrices visibles sur leur corps conséquences de leurs erreurs de prédiction, et non pas qu’ils redistribuent ces erreurs à la société. » [Page 386]

[Don Quichotte marquait déjà la fin du héros, de l’éthique. Les modèles de Taleb sont Malraux et Ralph Nader – « l’homme est un saint laïque » [Page 394]. Ses ennemis sont Thomas Friedman, Rubin et Stieglitz]

[Le « skin in the game » est-il la seule solution ? Le seul moyen? Qu’en est-il de la transparence?]

À propos de la science

« La science ne doit pas être une compétition, il ne doit pas y avoir de classements – nous pouvons voir comment un tel système finira par exploser. La connaissance ne doit pas avoir un problème d’agent. Un candidat au doctorat est venu me dire un jour qu’il croyait en mes idées de « queues épaisses » (fat tails » et en mon scepticisme des méthodes actuelles sur la gestion des risques, mais que ça ne l’aiderait pas à obtenir un emploi universitaire. « C’est ce que tout le monde apprend et utilise dans les publications papiers » m’avait-il dit. Un autre étudiant m’expliqua qu’il voulait un emploi dans une bonne université, pour qu’il puisse faire de l’argent et témoigner comme expert – qu’ils n’achèteraient pas mes idées sur la gestion robuste des risques parce que tout le monde utilise ces autres manuels. » [Page 419] [Tellement vrai! Voyez Rien ne va plus.]

Conclusion

« Tout ce que je veux, c’est supprimer l’optionalité négative, réduire l’antifragilité qui blesse les uns en faveur des autres. Grâce à cette simple idée de la via negativa. […] La règle d’or est la suivante: « Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’il te fasse ». […] La volatilité crée du gain ou de la perte. La fragilité est ce qui perd de la volatilité ou d’incertitude. […] Le temps est de la volatilité. L’éducation dans le sens de la formation du caractère, de la personnalité, et de l’acquisition de la vraie connaissance, aime le désordre et l’inconnu, l’éducation étiquetée et ses éducateurs détestent le désordre. L’innovation est justement quelque chose qui profite de l’incertitude. » [Pages 420-22]

« Tout ce qui est non-linéaire est convexe, concave ou une combinaison des deux. […] Nous pouvons construire des systèmes insensibles aux cygnes noirs en détectant la concavité, […] et avec un mécanisme appelé transformation convexe, l’autre nom de la stratégie de l’haltère. […] L’aléatoire distribué (par opposition au centralisé) est une nécessité. »

[Commentaires généraux]

Taleb donne parfois le sentiment de contradictions: le marketing est mauvais, mais Steve Jobs est grand, la stratégie de l’haltère et de l’optionalité est positive, mais n’est-il pas question de risques et d’inconvénients transférés à autrui ? pour les autres [Thales n’est-il pas un pur spéculateur qui profite des autres ?], les cigarettes sont mauvaises, mais les traditions sont bonnes.

Et aussi cet amour de la tradition rend les gens ayant un solide passé et des ressources plus à l’aise avec la prise de risques en utilisant la stratégie de l’haltère, mais qu’en est-il des pauvres n’ayant rien à perdre? Les gains pourraient aller statistiquement à ceux qui ont déjà … [Cela me rappelle l’histoire racontée par Doumeng : c’est un millionnaire qui raconte ses débuts difficiles : « j’ai acheté une pomme 50 centimes, je l’ai astiquée pour qu’elle brille et je l’ai vendue 1 Fr. Avec ce franc, j’ai acheté deux pommes à 50 cts, je les ai astiquées soigneusement et je les ai vendues 2 Fr. Au bout d’un moment, j’ai pu m’acheter une carriole pour vendre mes pommes et puis j’ai fait un gros héritage… »]

Vous savez maintenant pourquoi écrire ce « résumé » a été un défi. Un livre très étrange, dense, ascinant, mais si vous aimez ces concepts, vous devez lire Antifragile. En fait, vous devez lire le Black Swan d’abord, si vous ne l’avez pas déjà lu et si/qaund c’est fait, je suis sûr que vous allez lire Antifragile.

ParisTech Review: les trois piliers de l’innovation

Excellente interview de Norbert Alter dans la ParisTech Review de Janvier 2013: les trois piliers de l’innovation.

ParisTechReview

En voici l’introduction: « L’innovation ne se réduit jamais à une bonne idée. C’est un processus, qui se joue pour l’essentiel dans l’appropriation de la nouveauté par ceux qui auront à la mettre en œuvre. On a curieusement tendance à négliger cette démarche d’appropriation, ou à ne la considérer que sous l’angle des freins et des obstacles. Comment, au contraire, valoriser et mobiliser les ressources internes des organisations ? En développant une culture de coopération, qui autorise la transgression, et fasse une place à l’émotion. »

Et voici quelques autres points intéressants:
– Tout d’abord, nous avons tendance à confondre invention et innovation. L’invention, c’est la création de quelque chose de nouveau. Ce peut être le fait d’un seul homme. L’innovation concerne la diffusion de cette nouveauté. Cela renvoie à un processus beaucoup plus large, qui comporte des dimensions sociales, économiques et technologiques.
– Une jolie analogie: « J’ai horreur des GPS. Quand on circule avec un GPS, on ne regarde pas le paysage, on ne remarque pas la signalisation, et comme on ne se perd pas on ne demande jamais son chemin aux autres. »
– Les innovateurs sont toujours minoritaires, en tout cas ils commencent par l’être, et plus on trouve d’alliés dans un projet innovant, mieux on supporte d’être en minorité.

Les start-up suisses medtech et leur écosystème

Voici ma septième contribution à la start-up du mois de l’EPFL. Il est question de technologies médicales et d’écosystème innovant à travers la start-up KB Medical.

Les technologies médicales ont le vent en poupe. A l’ombre des géants de la pharma, start-up et PME tirent parti du savoir-faire et de la réputation suisse dans un domaine où qualité sans compromis et sur-mesure règnent en maître.

KB Medical, jeune start-up dans le monde des technologies médicales, a annoncé une levée de fonds de 4 millions de Francs suisses. La nouvelle est surprenante à plus d’un titre. Tout d’abord, la rapidité avec laquelle se sont enchaînés les événements: KB a été fondée le 4 octobre 2012, et la levée de fonds annoncée une vingtaine de jours plus tard. Ensuite, la start-up œuvre dans un domaine où les financements privés semblent moins fréquents que dans l’internet ou les biotechnologies.

Ces surprises apparentes sont toutefois trompeuses. Szymon Kostrzewski et Philippe Bérard (les «K» et «B» de KB Medical) travaillent sur leur recherche depuis des années au sein du laboratoire de systèmes robotiques de l’EPFL. Ils ont été soutenus par un Innogrant. Ils ont également reçu un coup de pouce de la fondation Liechti, et ont été lauréats du prix national Venture 2012. Szymon a aussi séjourné à Boston comme lauréat des VentureLeaders. Le travail de recherche en amont avait donc été discret mais efficace. Il y a sans doute une leçon à tirer de cette annonce: rien ne sert de créer une start-up prématurément.

Plus important peut-être, l’arc lémanique est un terreau extrêmement riche dans le domaine des technologies médicales issues des micro-technologies et de la robotique. Des start-up comme Endoart, Sensimed et Aleva Neurotherapeutics ont pu réunir des capitaux importants. Plus récemment encore, DistalMotion et StereoTools ont été lancées avec le soutien de leur laboratoire puis d’un Innogrant. Ces jeunes start-up ont la particularité d’utiliser la mécanique d’extrême précision pour améliorer les performances d’interventions chirurgicales délicates.

On parle souvent de génie local pour les clusters technologiques. Sur les pas de l’industrie horlogère, un tissu de PMEs spécialisées dans les technologies médicales s’est créé en Suisse romande. Aujourd’hui les jeunes pousses viennent enrichir ce qui pourrait ressembler à une Medical Valley, à l’ombre des géants pharmaceutiques que sont Roche ou Novartis, et sous le regard amical des Medtronic et autres Johnson and Johnson (J&J). D’ailleurs, on trouve au conseil d’administration de KB Medical Malgosia Iwankowska, qui a travaillé chez J&J, Medtronic et Sensimed. Un cluster, c’est aussi le talent humain et un réseau de connections qui se développe et s’enrichit au fil des années. Cette tradition suisse de qualité dans la précision et le sur-mesure est bien connue. Dans un tel contexte favorable, le succès de KB Medical s’explique beaucoup plus facilement.

Infos complémentaires:

Quelques start-up medtech de l’EPFL

Qu’est-ce qu’une start-up? Et une spin-off?

J’avais déjà donné le même titre à un article de novembre 2011! En écoutant Pedro Bados, fondateur de Nexthink (une spin-off de l’EPFL) à la Radio Suisse Romande (vous pouvez écouter le podcast à partir de 6min50sec), j’ai ressenti le besoin de revenir su le sujet.

Je reprends la définition de Steve Blank que j’avais mentionnée car elle me parait valide: « les start-up sont des entités temporaires destinées à la recherche d’un modèle extensible et reproductible. » Pour Pedro Bados, « être une start-up dépend d’avantage de l’état d’esprit, orienté vers l’innovation permanente, que du nombre d’employés. » Une définition n’est pas si simple! Mais il y a donc des critères qui permettent de qualifier une start-up et je vais essayer de réunir les deux points de vue.

Une start-up est une société qui explore, qui est à la recherche d’un modèle d’entreprise, d’un marché, de clients et tente d’innover. Elle cherche généralement un grand marché (« scalable/extensible ») et donc les entreprises de services ne sont pas des start-up (sauf sur le web). Il est donc aussi question de croissance forte et rapide car pour ces marchés émergents, la concurrence est rude et les gagnants peu nombreux. Il faut souvent aller vite. C’est aussi pourquoi c’est un état d’esprit: vous êtes curieux, dans un monde incertain, en essayant d’apporter de nouvelles choses au monde, voire de le changer.

Parce que vous êtes à la recherche d’un modèle d’affaires, vous n’avez pas assez de clients payants, et vous aurez probablement besoin de capitaux externes (business angels, capital-risque), sauf si vos futurs clients acceptent de payer en ‘avance. C’est pourquoi il existe une forte corrélation entre le statut de start-up et avoir des investisseurs.

Une fois que vous avez trouvé ce que vous cherchez, vous aurez besoin de mettre en place des processus, vous vous serez moins curieux, peut-être moins innovant (du moins vous ne serez plus 100% innovant) et vous cessez d’être une start-up. Dans un récent article sur un nouveau livre sur Google, j’indiquai que « la deuxième partie traite de la croissance, un changement frappant en comparaison de la société chaotique expérimentale qu’était Google auparavant. Pas un changement radical, mais un changement. » Google cessa alors d’être une start-up. Bados a raison. Ce n’est pas une question de taille, même pas d’âge, aussi longtemps que vous avez cet état d’esprit: explorer, rechercher votre modèle avec beaucoup de créativité. Et la définition Blank est parfaite!

Maintenant ce qui est une spin-off? C’est une société créée à partir d’une plus grande organisation (université, société). Un spin-off peut être ou ne pas être une start-up, mais la plupart des spin-offs universitaires sont en effet des start-up.