Les promesses de la technologie. Décevantes ?

Après avoir lu l’excellent article du New Yorker sur la Silicon Valley et la politique, j’ai cherché «Silicon Valley» sur le site web du magazine et j’ai trouvé deux articles aux points de vue contrastés:

NewYorker-2000

– Le premièr est un peu une sorte d’introduction à mon post précédent, il a aussi été écrit par George Packer (clairement un grand écrivain, et perspicace) en 2011 et fait un riche portrait de Peter Thiel, le célèbre entrepreneur et investisseur libertarien : No Death, No taxes (Ni mort, ni impôt – le futurisme libertaire d’un milliardaire de la Silicon Valley).
– Le second est beaucoup plus ancien et concerne les premiers jours de Google et de la recherche sur Internet: Search and Deploy par Michael Specter .

Ils sont un peu contradictoires, car le second est optimiste quant à ce que la technologie peut résoudre (Google a signaficativeemnt amélioré notre accès à la connaissance) alors que Packer montre le pessimisme de Thiel quant aux apports de la technologie, même s’il a (toujours) beaucoup d’espoir en elle. En fait, comme je l’ai mentionné dans l’article précédent à propos de la SV et de la politique, il appartient au groupe de personnes qui se méfient de la politique au point qu’il croit que la technologie peut / doit être l’alternative.

Laissez-moi commencer par le premier article, l’optimiste: en 2000, Google était déjà considéré comme le vainqueur de la recherche sur Internet (même si Google n’avait pas mis en œuvre son modèle d’affaires): Google avait la meilleure solution pour nos problèmes de recherche sur Internet. Page et Brin l’ont fait en trouvant un meilleur algorithme mathématique, le système de PageRank basé sur la popularité et la fréquence des références des pages Web. Drôle d’effet secondaire, Google avait moins de demandes que les autres sites sur le sujet de la pornographie: « Environ dix pour cent des requêtes Google concernent la pornographie. Ce chiffre est inférieur à celui de la plupart des autres moteurs de recherche. Cela reflète la démographie des personnes qui utilisent le moteur de recherche, mais peut-être cela démontre aussi l’un des défauts évidents de Google : les sites pornographiques sont recherchés par des millions d’utilisateurs d’Internet, mais sont rarement liés à des pages Web de premier plan. Sans liens, même la page la plus populaire est invisible. »

PeterThiel-NewYorker-2011
Le credo de la société de capital-risque de Thiel : « Nous voulions des voitures volantes, à la place nous avons eu 140 caractères. » Photographie de Robert Maxwell.

Il est connu que Thiel a été déçu par l’innovation high-tech. Il suffit de relire mon post de 2010, La technologie, notre salut. Je pense que vous devriez lire l’article de Packer si vous avez aimé (ou même si vous n’avez pas) Changer le monde. Les deux articles montrent la puissance et les limites de ces personnes visionnaires et leur vision parfois effrayante de la technologie face à la politique. Il y a quelque chose du « 2001, l’Odyssée de l’espace » de Kubrick dans tout cela. Packer montre avec brio la nature étrange de ces personnes (une forte concentration de syndromes d’Asperger et de dyslexiques – apparemment deux caractéristiques plutôt répandue chez entrepreneurs). Voici quelques extraits de l’article. J’espère vous donner envie de le lire en entier.

« Thiel estime que l’éducation est la prochaine bulle de l’économie américaine. Il a comparé les administrateurs universitaires aux courtiers des subprimes, et a appelé les diplômés endettés les derniers travailleurs sous contrat du monde développé, incapables de se libérer, même par la faillite. Nulle part la complaisance aveugle de l’establishement n’est plus évidente que dans son attitude bovine envers les diplômes universitaires: tant que mon enfant va dans la bonne école, la mobilité ascendante va se poursuivre. Une formation universitaire est devenue une police d’assurance tout risque extrêmement coûteuse, selon Thiel qui estime de plus que la véritable innovation est au point mort. Au milieu de la stagnation économique, l’éducation est devenue un jeu de statut, «purement positionnel et extrêmement découplé» de la question de son bénéfice pour l’individu et la société. Il est facile de critiquer l’enseignement supérieur de surcharger les étudiants d’années d’endettement, ce qui peut les contraindre au carriérisme, dans le droit ou la finance, qu’ils n’auraient peut-être pas choisi dans d’autres circonstances. Et un diplôme universitaire est devenu une passeport incontournable dans une société de plus en plus stratifiée. Mais Thiel va beaucoup plus loin: il critique l’idée que l’université serait un lieu de riche activité intellectuelle. Une orientation vers les sciences humaines lui paraît être un choix particulièrement malavisé, car elle conduit souvent aux choix par défaut de l’école de droit. Les sciences lui semblent presque aussi douteuses, peu ambitieuses et étroites, tiraillées par des luttes internes plutôt que par la recherche de pointe. Et pire encore, l’université n’apprend rien sur l’entrepreneuriat. Thiel pense que les jeunes, surtout les plus talentueux, devraient très tôt avoir des objectifs dans leur vie, et il favorise un objectif en particulier: le démarrage d’une entreprise de technologie ».

Toujours en accord avec ses pensées, « il a eu l’idée de donner des bourses à des jeunes gens brillants qui abandonneraient leurs études lancer leur propre start-up. Thiel agit rapidement: le lendemain, à TechCrunch Disrupt, une conférence annuelle à San Francisco , il a annoncé les bourses Thiel: vingt-deux soutiens d’une année, de cent mille dollars chacun, à des personnes de moins de vingt ans. Le programme a fait la une des journaux et des critiques ont accusé Thiel de corruption de la jeunesse en les poussant vers l’appât du gain tout en arrêtant leurs études. Il a souligné que les gagnants puourront retourner à l’école à la fin de la bourse. Cela est vrai, mais aussi un peu malhonnête. Une part non négligeable de son objectif était de gêner les meilleures universités et de dérober une partie de leur meilleurs éléments. »

Je ne suis pas sûr que je le suis trop (je suis trop normal), par exemple dans sa quête de l’immortalité, mais je comprends beaucoup de ses visions. Il est autant un rêveur qu’un homme d’action, son fonds a eu des résultats mitigés, mais il est avec Elon Musk (un de ses ses co-fondateurs de PayPal) parmi les personnes qui poussent à « essayer » à l’extrème sans avoir peur d’échouer.

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