Archives mensuelles : novembre 2014

Célébrons une (trop rare) IPO suisse: Molecular Partners

J’aurais pu dire: célébrons une (trop rare) IPO européenne. Molecular Partners est une spin-off de l’université de Zurich fondée par le Professeur Andreas Plückthun, Christian Zahnd, Michael Stumpp, Patrik Forrer, Kaspar Binz et Martin Kawe en 2004. Elle a été financée par des investisseurs privés: un premier tour de CHF18.5M en 2007 et un second tour de CHF38M en 2009. Elle a aussi signé un grand nombre d’accords avec des sociétés pharmaceutiques, ce qui explique des revenus élevés pour une biotech. L’université de Zurich en est aussi actionnaire depuis un accord de licence signé en 2004, grâce auquel elle touche aussi des royalties.

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Il est intéressant je crois d’illustrer l’évolution de l’actionnariat en fonction des financements successifs, dont l’IPO qui a apporté une centaine de millions à Molecular.

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J’aime aussi mentionner l’âge des fondateurs. Le document d’entrée en bourse fournit des données et j’ai estimé les autres à partir du parcours académique (18 ans pour une entrée à l’université…) Une moyenne de 33 ans avec un écart de 20 ans entre les extrêmes. Je sais que l’argent reste un tabou; les Européens n’aiment pas afficher des fortunes, qui restent très théoriques, car on ne vend pas ses actions dans une biotech aussi facilement qu’en employé de Facebook… Pourtant il me semble important de célébrer le succès des fondateurs et de leurs investisseurs… Bravo à tous!

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Quelque chose de pourri dans la république Google?

J’aurais dû ajouter un point de désaccord ou d’inconfort dans l’analyse faite par les auteurs de Comment Google fonctionne. A la page 125, il y a une courte section intitulée des récompenses disproportionnées:

« Une fois que vous avez recruté vos smart créatifs, vous devez les payer. Des gens exceptionnels méritent des salaires exceptionnels. Sur le sujet, vous pouvez regarder le monde du sport:… Des sportifs hors-norme sont payés des montants hors-norme […] Oui, ils en valent la peine (quand ils répondent aux attentes) car ils possèdent des compétences rares qui sont extrêmement précieuses et utiles (pour les autres). Quand ils excellent, ils ont un impact disproportionné. […]

Vous pouvez attirer les smart créatifs avec des facteurs qui vont au-delà de l’argent: les grandes choses qu’ils peuvent faire, les gens avec lesquels ils vont travailler, les responsabilités et les opportunités qui se présenteront, la culture et les valeurs de l’entreprise, et oui, peut-être même de la nourriture gratuite et des chiens heureux assis au pied de leur bureau. […] Mais quand ces smart créatifs deviennent des employés et commencent à exceller, il faut les payer convenablement. Plus l’impact est grand, plus doit l’être la compensation. Payez outrageusement bien les personnes outrageusement excellentes, indépendamment de leur titre ou de leur ancienneté. Ce qui compte est leur impact ».

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Voilà donc le sujet du capitalisme de la Silcon Valley qui me revient après mon passage sur France Culture. Ma culture française privilégie naturellement le collectif plutôt que l’individu, alors que l’Amérique a une culture inverse. Pour autant, l’excellent échange entre Xavier Niel et Edgar Morin (l’école de la vie) montre que les frontières ou du moins les analyses sont mouvantes. « Que peut faire un jeune Français s’il veut devenir riche, ce qui n’a rien de méprisable ? Pas grand-chose. Alors, il part. Quant à un jeune des banlieues, s’il est exclu du système scolaire, il lui reste des petits boulots, des petits trafics. Et c’est tragique. […] Le problème, c’est que l’État n’a plus d’argent. Pas d’argent, pas de réformes. Il n’y a plus de vision et de courage pour affronter les corporatismes. » Et il y a le problème d’une élite républicaine à bout de souffle. « L’ascenseur social ne fonctionne plus. Nous sommes le pays de l’OCDE le plus mal noté dans ce domaine. Les élites se renouvellent très peu. Quels espoirs peuvent avoir un nombre croissant de jeunes qui vont avoir bien du mal à bénéficier d’un système trusté par quelques castes autoproclamées ou autres grands serviteurs de l’État, dont la gestion s’est par ailleurs révélée médiocre ? »

En Californie, Google aussi suscite la polémique. L’exclusivité et l’exception créent de l’exclusion. Comment la corriger. Picketty et d’autres répondent avec l’impôt. Or Google et bien d’autres ne paient plus d’impôt… Eric Schmidt n’aborde absolument pas le problème du collectif et Google utilise la loi pour optimiser sa fiscalité. « L’exceptionnel » et « l’outrageusement » peuvent devenir outrageux…

Mon malaise est amplifié par la notion de mérite. Dans le domaine de la science, on « grandit sur l’épaule d’autres géants » et il y a bien des oubliés. Albert Einstein ne doit-il rien à Mileva? Ces individus exceptionnels ne doivent-ils rien à l’environnement qui les entoure, qui les a peut-être aidés? Je suis beaucoup plus sensible à l’autre argument des auteurs: « se battre pour les divas » (page 48). Je crois que dans la science, on n’a pas assez entendu les comportements d’exception de Perelman et Grothendieck, deux mathématiciens qui se sont retirés du monde.

Je n’ai pas de réponse et simplement des intuitions. Entre l’élite, les exceptions, les rares individus, et le collectif, le société, les gens, il doit y avoir un meilleur équilibre. Entre l’impôt négatif des multinationales et celui supérieur au revenu annuel de certains riches entrepreneurs, il doit y avoir un juste milieu, qui devrait contribuer à résoudre certains des problèmes de la Silicon Valley d’un côté et de l’Europe de l’autre…

Mon « coming out » – dans le monde des start-up

Non il ne s’agit pas d’un vrai coming à la Tim Cook, mais d’un message beaucoup moins spectaculaire! Je me suis réveillé cette nuit, perturbé. Comme vous pourrez le voir plus bas, l’écosystème de soutien aux entrepreneurs de l’EPFL (financement, conseils, exposition, immobilier) est riche et complexe. Pourtant nos succès sont moyens, voire médiocres… Tout ces efforts ne servent à rien sans l’ambition et la prise de risque d’individus enthousiastes et passionnés.

Je ne parle pas des personnes, mais du système. Il y a quelques jours, je disais à des collègues être un entremetteur. Je favorise les rencontres et je mets de l’huile dans les rouages. J’ai alors souri en pensant – je ne suis d’habitude pas trop vulgaire – que j’offrais plutôt de la vaseline pour l’introduction des investisseurs. Il y a une quinzaine d’années, un entrepreneur qui avait apprécié notre échange m’avait dit que je lui faisais penser à une prostituée mais que caché derrière moi, il y avait de vilains maquereaux…

Il y a deux jours, j’ai écouté à l’EPFL un prix Nobel d’économie expliquer que le monde occidental était en perte de vitesse, que la crise s’explique en partie par une faiblesse de l’innovation. Le corporatisme et la financiarisation en sont la raison. Puis il y eut un message choquant d’un autre intervenant. La Suisse irait bien parce qu’elle est travailleuse alors que son voisin irait mal parce que ses travailleurs commencent leur weekend le mercredi à midi. Qui peut croire que le chômage et la faillite à Détroit serait issue de la fainéantise des ouvriers de l’automobile et la réussite de la Silicon Valley aà l’addiction au travail (workaholism) de ces nerds. Les choses sont infiniment plus complexes ! Il suffit de voir en particulier l’analyse récente de Thomas Picketty ou l’excellent article de la MIT Technology Review: la technologie et l’inégalité.

Il y quatre jours, j’écoutai l’ambassadrice des Etats Unis en Suisse et au Liechtenstein. Suzi Levine connaît bien le monde des start-up. Elle s’intéresse donc à la situation suisse. J’ai retenu deux messages :
– d’abord, « vous avez beaucoup d’argent mais peu de capital », je vous laisse réfléchir à ce message qui lui a été donné à l’EPFL, je crois, « vous avez beaucoup d’argent mais peu de capital ».
– ensuite, elle a noté la faiblesse de la présence féminine dans ce monde et a donc tout particulièrement apprécié que le Prix Musy soit créé cette année.
Mais rien n’aura été utile de nos efforts, si nous ne permettons pas, si nous n’encourageons pas l’éclosion d’entrepreneurs passionnés et aventureux… Pas seulement les femmes, mais toute la diversité des individus passionnés qui ne doit pas être entravée par le corporatisme et la financiarisation.

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Plus sur le soutien aux entrepreneurs à l’EPFL

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Patrick Modiano, Prix Nobel de Littérature

Je me souviens d’une conférence de Carlos Fuentes à l’université de Stanford en 1989 ou 1990. L’écrivain mexicain y déclara que la littérature était devenue métissée. Je n’ai pas trouvé de trace de cette conférence, mais par contre des traces d’une conférence similaire.
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“Our future depends on the freedom of the polycultural to express itself in a world of shifting, decaying and emerging power centers.” He talked about the voices in literature today – Third World writers such as Salman Rushdie and V. S. Naipul – whose works reflect a diverse world that is no longer bipolar in terms of power and culture. (« Notre avenir dépend de la liberté du polyculturel à s’exprimer dans un monde dont les centres du pouvoir se déplaçent, se décomposent et émergent ». Il parla des voix de la littérature d’aujourd’hui – des écrivains du tiers monde tels que Salman Rushdie et VS Naipul – dont les œuvres reflètent une diversité d’un monde qui n’est plus bipolaire en termes de puissance et de culture.)

J’avais pris mon courage à deux mains et fait la queue pour lui parler quelques instants. Je lui demandai quand mon tour arriva ce qu’il pensait de la littérature française. Il me dit en effet que dans la tendance du métissage global, elle était moins visible à l’exception de quelques auteurs tels que Michel Tournier et J.M.G Le Clézio. Il ne mentionna pas Patrick Modiano mais il aurait dû ! Rien n’est plus métissé que l’écriture de Modiano depuis La place de l’étoile jusqu’au très justement intitulé Un pedigree. Et rien ne vaut les avis les plus surprenants sur ce grand auteur que ceux de François Mitterrand et de Frédéric Mitterrand.

Frédéric Mitterand : « Il a reçu le prix Nobel parce que, à mon avis, il interroge la culpabilité occidentale d’une manière permanente sur le comportement des uns et des autres dans les périodes de totalitarisme, de cruauté, de maltraitance de la part de l’État. [… ]Il ne sait pas pourquoi des gens bien ont pu devenir collaborateurs et des salauds résistants et ce qui est peut-être la clé de la mélancolie et de la poésie profonde qui se dégage de ses livres c’est que précisément il ne sait pas. » (Minute 0:56 de la vidéo qui suit)

Quant à François Mitterrand, l’archive date de 1978 quand Bernard Pivot demanda à celui qui n’est pas encore Président de la République d’inviter quatre écrivains. Il invita entre autres Patrick Modiano et aussi Michel Tournier! À partir de la minute 56:10, on put écouter un échange étonnant… « Il y a une grande limpidité de style, qui peut faire illusion. Rue des boutiques obscures, c’est une histoire intéressante de quelqu’un qui, dans la recherche de lui-même – il est amnésique, il ne sait plus qui il est – tombe sur des familles russes, pittoresques… Mais ce n’est qu’une histoire. Et puis on arrive au bout […] et tout d’un coup on s’aperçoit que c’est pas une histoire simple, c’est pas une histoire limpide. […] On s’aperçoit qu’on est projeté dans une autre histoire, c’est que cet homme qui se cherche n’est pas simplement quelqu’un qui est amnésique – ou bien alors, nous sommes tous des amnésiques: qui sommes-nous? […] C’est un grand style classique français et puis on s’aperçoit ensuite qu’il y a du russe là-dessous. Ce sont des gens qui ont à parler comme Dostoïevski le ferait, mais dans le style de Stendhal ou d’un roman policier. »

Quand on sait les relations elles aussi ambiguës et loin d’être simples entre François Mitterrand et la seconde guerre mondiale, l’échange est étonnant. Je ne sais pas si Modiano avait été surpris de l’invitation. Il allait recevoir le Prix Goncourt quelques mois plus tard et le Prix Nobel quelques 25 ans plus tard…

PS: Fuentes et Tournier n’ont pas reçu le prix Nobel, contrairement à Le Clézio et Modiano. Si je devais parier, je dirais que la prochain écrivain français sur la liste pourrait être Michel Houellebecq.

PS2: j’ajouterai le lien à son discours à Stockholm pour son prix Nobel dès qu’il sera disponible.

Le capital-risque

On m’a demandé cette semaine ce que le capital-risque représente en Suisse. Et aussi dans la Silicon Valley. J’ai donc vérifié les données et trouvé ce qui suit. Mais d’abord demandez-vous combien d’argent est investi dans des pays comme l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, et des régions comme la Silicon Valley ou la région de Boston. Une idée? Avant de donner des réponses, je dois préciser un point: il existe au moins deux définitions. Combien d’argent est levé par les fonds situés dans une zone donnée. Et combien d’argent est investi dans des sociétés établies dans ces régions. Je me concentre sur la seconde définition car les fonds peuvent être artificiellement créés dans des endroits étranges tels que Jersey par exemple. Ensuite, vous devez vous rappeler que l’argent peut être investi dans une start-up suisse par des investisseurs de la Silicon Valley. Il montre donc le dynamisme des entrepreneurs, pas des investisseurs locaux.

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Un deuxième point que je tiens à mentionner à nouveau est que la haute technologie et le capital-risque sont des exceptions. Si vous n’êtes pas convaincu, lisez Peter Thiel ou ce qui suit. Marc Andreessen a prononcé cela dans la classe 9 de Comment faire pour lancer une startup: « L’activité de capital-risque est à cent pour cent un jeu des extrêmes, il n’est question que d’extrêmes exceptionnels. Ainsi, les statistiques classiques donnent environ quatre mille entreprises finançables par an qui veulent lever du capital-risque. Environ deux cents d’entre elles vont obtenir du financement par ce qui est considéré comme les meilleurs fonds. Une quinzaine d’entre elles arriveront, un jour, à une centaine de millions de dollars de chiffre d’affaire. Et ces quinze start-up, pour une année donnée, va générer quelque chose de l’ordre de 97% du rendement de l’ensemble de la catégorie du capital-risque dans l’année. Donc, le capital-risque est à la fois abondance et/ou famine extrême. Vous êtes soit dans l’une des quinze ou vous n’y êtes pas. Ou vous êtes dans l’une des deux cents, ou vous n’y êtes pas. Et donc cette grande chose que nous recherchons, quel que soit le type de critères particuliers, a toutes les caractéristiques d’extrême aberrant ».

Maintenant, les chiffres, par des tableaux:

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Beaucoup de faits marquants. Pas de nouvelles, je les connaissaient. mais quand même …
– La Silicon Valley l’emporte. De loin.
– Il y avait eu une bulle en 2000! Mais les montants de financement VC après 2000 sont restés extrêmement élevés par rapport aux années 90. Y aurait-il trop d’argent?
– (Notez que 2014 ne compte que 3 trimestres!!)
– Les Etats-Unis ont facilement récupéré de la crise de 2008. Pas l’Europe…

NB: j’avais fait en 2011 l’exercice dans Le capital-risque d’après le WEF. Permettez-moi d’ajouter à nouveau ce tableau. Notez que les chiffres ne sont pas tout à fait conformes à ce que j’ai montré ci-dessus. Juste une illustration de la difficulté des définitions (stades, origines…) mais l’ordre de grandeur est ce qui importe.

L’importance et la difficulté de la culture dans les start-up : Google à nouveau …

Je confirme que je n’aime les livres commençant par « comment » ou ceux qui vous aident avec des recettes, des méthodes. Il y a des exceptions, mais j’ai en général beaucoup de mal – même chose avec l’audio ou la vidéo d’ailleurs. Même chose pour la culture. Qu’est-ce que c’est? Comment la construisez-vous? Voici un élément de la raison pour laquelle cela difficile pour moi, et pas pour moi seulement: «Il y a trois choses qu’on ne vous dit jamais sur la culture. La première chose est qu’on ne vous parle jamais de culture. Personne ne parle de culture et personne ne dit jamais la nécessité d’avoir une culture forte. Il y a des tonnes d’articles sur la construction d’un très bon produit, il y a des tonnes d’articles sur la croissance et l’adaptation, et très peu de choses sur la culture. C’est une chose mystique, souple et floue. Voilà le premier problème. Le deuxième problème est qu’elle est difficile à mesurer. Les choses qui sont difficiles à mesurer souvent sont sous-estimées. Cela fait déjà deux problèmes difficiles. La troisième chose, le plus gros problème, c’est qu’elle n’est pas un bon investissement à court terme. Si vous voulez lancer une entreprise et la vendre en un an, la seule chose que je voudrais vous dire de faire est d’oublier la culture. Embauchez rapidement les gens. La culture vous fait engager vraiment lentement, vous fait réfléchir à deux fois sur vos décisions et va ralentir les progrès. » Ceci est extrait du cours Comment démarrer une start-up et plus particulièrement de la classe 10 de Brian Chesky, fondateur de Airbnb.

Ceci étant dit, il y a un grand livre sur la culture d’entreprise. Il s’agit de How Google Works, que j’ai déjà mentionné dans un post récent, Retour aux premiers principes de l’entrepreneuriat. Permettez-moi donc d’en extraire quelques notes de lecture.

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Aucun vrai business plan
« Une des principales raisons de notre succès est que le plan que nous avons livré à notre board ce jour-là en 2003 n’avait pas grand chose d’un plan. Il n’y avait pas de projections financières ou de discussion sur les sources de revenus. Il n’y avait pas d’études de marché sur ce que les utilisateurs, les annonceurs, les partenaires voulaient ou comment ils se situaient dans des segments de marché bien définis. Il n’y avait pas de notion de recherche de marché ou de discussion sur les annonceurs à cibler en premier. Il n’y avait pas de stratégie de canal de vente ou de discussion sur la façon de vendre nos produits publicitaires. Il n’y avait pas de concept d’organigramme, avec les ventes faisant ceci, le produit faisant cela et l’ingénierie autre chose. Il n’y avait pas de feuille de route détaillant le produit que nous allions construire et quand. Il n’y avait pas de budget. Il n’y avait pas d’objectifs ou de jalons que le conseil d’administration et l’équipe de direction auraient pu utiliser pour surveiller nos progrès. […] Nous n’avions rien de cela pour la simple raison que nous ne savions pas comment nous allions faire. Quand il fut question de tactique et de gestion, la seule chose que nous pouvions dire avec certitude à l’époque était que beaucoup de ce que [nous] avions appris au cours du XXe siècle était faux, et qu’il était temps de recommencer. » [Page 10]

Des smart créatifs
« La principale raison de l’absence de plan d’affaires est que la population Google est faite de Smart Creative. Lorsque nous comparons le travailleur du savoir traditionnel avec les ingénieurs et autres personnes de talent qui nous ont entourés chez Google pendant la dernière décennie, nous voyons que nos pairs chez Google représentent un type d’employés tout à fait différents. Ils ne se limitent pas à des tâches spécifiques. Ils ne sont limités ni dans leur accès à l’information et ni dans la puissance de calcul de l’entreprise. Ils ne sont pas opposés à la prise de risque, ils ne sont pas punis ni freinés en aucune façon lorsque ces initiatives ne réussissent pas. Ils ne sont pas encerclés par les définitions de rôles ou les structures organisationnelles; en fait, ils sont encouragés à développer leur propres idées. Ils ne se taisent pas quand ils sont en désaccord avec quelque chose. Ils se lassent facilement et changent beaucoup d’activité. Ils sont multidimensionnels, combinant généralement la profondeur technique avec le sens des affaires et la créativité. En d’autres termes, ils ne sont pas des travailleurs du savoir, du moins pas dans le sens traditionnel. Ils sont un nouveau type d’animal, un type que nous appelons un « smart créatif », et ils sont la clé de la réussite du siècle de l’Internet. » [Page 17]

Les attributs-clés du Smart créatif: expert dans le faire, à l’aise avec des données, voit une ligne directe de l’expertise technique à l’excellence des produits jusqu’au succès de l’entreprise, travaille dur, comprend l’utilisateur ou le point de vue du consommateur, remet toujours en question, n’a pas peur d’échouer, autonome, ouvert, approfondi. Communicatif, désireux et capable.

Mentor
Quand ils ont appris tout cela, ils ont décidé d’écrire ce livre comme si ils étaient des mentors. Lew Platt, PDG de HP a expliqué pourquoi il avait investi beaucoup de temps pour aider un jeune cadre dans une autre entreprise: « Ceci est la façon dont fonctionne la Silicon Valley. Nous sommes là pour vous aider. » Steve Jobs a expliqué que Noyce lui avait fait découvrir les astuces. Schmidt ajoute « ce que vous apprenez une fois que vous savez tout est ce qui compte » et « nous étions en première ligne et l’avons utilisée à réapprendre tout ce que nous pensions savoir sur la gestion, à savoir comment faire grandir une entreprise, attirer et motiver les smart créatifs, ce qui commence avec la culture, puis la stratégie. Les plans d’affaires ne sont pas aussi importants que les piliers sur lesquels ils sont construits » [pages 21-23]. La culture vient des fondateurs, mais elle est mieux reflétée par l’équipe que les fondateurs attirent pour lancer leur entreprise. [Page 30]

Les slogans (croyez-y)
– Vivent les ruches
– Travailler, manger et vivre ensemble
– Le désordre est une vertu
– Ne pas écouter les hippopotames (*)
(plus loin, il y a « votre titre fait de vous un manager, vos équipes font de vous un leader »)
– La règle de sept (trop de hiérarchie n’est pas bonne mais son absence non plus)
– Réorganiser en ​​un jour
– La règle des deux Pizza de Bezos
– Exiler les coquins , mais se battre pour les divas
– Trop de travail dans le bon sens
– Mettre en place une culture du Oui
– Le plaisir, pas le Fun
– Vous devez porter quelque chose
– Ah’cha’rye
– Don’t be evil
(*): Hippos pour « Highest Paid Person’s Opinion »

La stratégie
Pariez sur les connaissances techniques, pas sur les études de marché
Ne cherchez pas des chevaux plus rapides
Optimiser pour la croissance
Spécialiser
Par défaut ouvert, pas fermé
Par défaut ouvert, sauf si …
Ne suivez pas la concurrence

Le CEO doit être le CIO (directeur de l’innovation).

Un des meilleurs chapitres est celui intitulé Innovation. « Pour nous, l’innovation implique à la fois la production et la mise en œuvre d’idées nouvelles et utiles. Comme « nouveau » est souvent juste un synonyme fantaisiste pour inventif, il faut aussi préciser que pour quelque chose fasse preuve d’innovation, il doit offrir des fonctionnalités inventives, et il doit aussi être surprenant. Si vos clients vous demandent quelque chose, vous n’êtes pas innovant quand vous leur donnez ce qu’ils veulent; vous êtes juste à l’écoute. Voilà une bonne chose de dite, mais ce n’est pas être novateur. Enfin «utile» est un adjectif plutôt décevant pour décrire cette innovation « chaude », nous allons donc ajouter un adverbe et dire radicalement utile. Voilà: pour qu’une chose fasse preuve d’innovation, elle doit être nouvelle, surprenante, et radicalement utile. » [Page 206]

[NB. Ce sont les 3 vrais critères de la brevetabilité : inventif, non évident et applicable]

« Mais Google ajoute également plus de cinq cents améliorations à son moteur recherche chaque année. Est-ce innovant? Ou incrémental? Elles sont nouvelles et surprenantes, bien sûr, mais si chacune d’elles par elle-même est utile, il est peut-être exagéré de dire radicalement utile. Mettez-les toutes ensemble, cependant, et elles le sont. […] Cette définition plus inclusive – l’innovation ne concerne pas seulement les choses vraiment nouvelles, les très grandes choses – est importante car elle offre à chacun la possibilité d’innover, plutôt que de la réserver au domaine exclusif de ces quelques personnes dans ce bâtiment hors campus [Google[x]] dont le travail est d’innover. » [Page 206]

Et l’innovation est essentielle: « Il y a quelques années, un grand cabinet de conseil a publié un rapport recommandant à toutes les entreprises de nommer un directeur de l’innovation. Pourquoi? Prétendument pour établir une « uniformité de commandement » sur tous les programmes d’innovation. Nous ne savons pas ce que cela signifie, mais nous sommes pratiquement sûrs que les termes «uniformité de commandement» et «innovation» n’appartiennent pas à la même phrase (à part celle que vous lisez actuellement). […] L’innovation résiste obstinément aux tactiques de gestion traditionnelles de style MBA. Contrairement à la plupart des autres choses dans les affaires, elle ne peut pas être détenue, mandatée, ou prévue. On ne doit pas dire quoi faire aux gens innovants, ils doivent être autorisés à le faire. [Page 209]

InnovationAtGoogle

Si vous ne voulez vraiment pas lire ce très bon livre, voici une alternative:

PS: un petit détail. La dernière section concerne les remerciements. C’est généralement ennuyeux, ici ce ne l’est pas. Juste parce qu’il y a plus de 7 pages avec plus de 100 noms mentionnés …