Archives par étiquette : Capitalisation

Le réseau social – Facebook

Le nouveau film sur Facebook et son fondateur Mark Zuckerberg est un grand film. Il n’est sans pas très important de savoir ce qui tient de la fiction et de la réalité. Vous pouvez le voir comme une pure fiction et il restera un grand film grâce aux acteurs et au scénario.

C’est aussi un excellent travail sur le monde des start-up qui est décrit d’une manière très fidèle. Même si ce n’est pas un documentaire sur cet univers, il y a quantité de détails qui m’ont rappelé des histoires vécues!

La première leçon est que argent et amitié ne font pas bon ménage. Les histoires d’Eduardo Saverin, le fondateur dilué, de Sean Parker, le fondateur exubérant de  Napster et Plaxo puis mentor de Zuckerberg et la très brève apparition de Peter Thiel en sont de bonnes illustrations.

Il montre aussi la différence entre le monde compassé de la Nouvelle Angleterre, de Boston et de Harvard où certains semblent croire que les idées ou le talent sont tout et celui, post-moderne, de la Silicon Valley où ce qui compte sont les actes. C’est la raison pour laquelle la Silicon Valley est bien le Triumph of the Nerds. Le film montre à quel point Paul Graham est dans le vari en écrivant que la Silicon Valley est le mariage des nerds et des riches. Chacun y verra les vies folles, tristes, excitantes ou déprimantes de ces fous du travail, qui s’amusent comme ils peuvent. C’est à prendre ou à laisser, mais c’est une description très proche de la réalité des start-up.

J’ai cherché ce que les acteurs clés pensent du film. En voici quelques extraits. Eduardo Saverin a dit sur ce site-ci “The Social Network” was bigger and more important than whether the scenes and details included in the script were accurate. After all, the movie was clearly intended to be entertainment and not a fact-based documentary. What struck me most was not what happened – and what did not – and who said what to whom and why. The true takeaway for me was that entrepreneurship and creativity, however complicated, difficult or tortured to execute, are perhaps the most important drivers of business today and the growth of our economy.”

Quant à Dustin Moskovitz, il ajoute sur ce site-là: It is interesting to see my past rewritten in a way that emphasizes things that didn’t matter (like the Winklevosses, who I’ve still never even met and had no part in the work we did to create the site over the past 6 years) and leaves out things that really did (like the many other people in our lives at the time, who supported us in innumerable ways). Other than that, it’s just cool to see a dramatization of history. A lot of exciting things happened in 2004, but mostly we just worked a lot and stressed out about things; the version in the trailer seems a lot more exciting, so I’m just going to choose to remember that we drank ourselves silly and had a lot of sex with coeds. […] I’m very curious to see how Mark turns out in the end – the plot of the book/script unabashedly attack him, but I actually felt like a lot of his positive qualities come out truthfully in the trailer (soundtrack aside). At the end of the day, they cannot help but portray him as the driven, forward-thinking genius that he is. And the Ad Board *does* owe him some recognition, dammit.

Et Zuckerberg lui-même (en anglais)!

Watch live video from c3oorg on Justin.tv
Cela vient de la Start-up School de Paul Graham; voici la suite.

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Bien sûr, il y a là de langue de bois institutionnelle. N’oublions pas que ces deux-là ont encore des actions dans Facebook! En parlant d’actions, il y a une autre chose qui m’a gêné récemment, à savoir que selon Forbes, Zuckerberg serait plus riche que Steve Jobs. J’ai eu une discussion sur le sujet avec un ami ce weekend et il était d’accord avec l’analyse alors que j’étais contre. C’est sans doute un détail, mais pour moi, tant que Facebook n’est pas cotée, la fortune de Zuckerberg est faite de papier qu’il ne peut pas vraiment vendre librement. Je suis sûr qu’il est déjà riche, il a sans doute déjà vendu pas mal de ses actions mais il n’est pas livre d’en faire ce qu’il veut tant que Facebook n’est pas en bourse alors que Jobs possède des actions qu’il est libre de vendre plus ou moins quand il veut. Ce n’est sans doute pas très différent tant Facebook semble être un succès, mais j’ai trop vu de start-up où les gens pensaient que la fortune liée aux actions était réelle et ne valait plus rien d’un jour au lendemain.

Quand ma fille m’a dit hier qu’elle pourra enfin expliquer à ses amis ce que fait son père, c-a-d qu’il travaille dans le monde des start-up, je me suis dit que le film avait au moins le mérite de montrer à une très large audience ce qu’est ce monde et comme le dit Saverin que l’entrepreneuriat et la créativité sont essentiels pour notre avenir.

Dernier point, que j’aborde de manière récurrent: la capitalisation et la structure actionnariale de Facebook. Comme Facebook n’est pas cotée, c’est un défi de s’atteler à sa tache et de séparer la vérité du mythe. J’ai utilisé les données disponibles sur le web. Le poitn le plus original est la dilution de Saverin de 30% à 5% alors que Zuckerberg ne passe que de 65% à 24%, pas vraiment proportionnel! Nous verrons quand Facebook ira en bourse, à quel point j’étais loin de la réalité!

Intuitive Surgical

Voici une start-up dont j’entends de plus en plus parler par des canaux variés. Comme je ne suis pas un expert des technologies médicales, il n’est pas du tout étonnant que cette société (vieille de 15 ans et valant tout de même $10 milliards en bourse) m’ait échappée. Pour en savoir plus sur Intuitive Surgical, il y a son website ou le site answer.com. 15 ans d’âge?? Vous allez me dire que ce n’est plus une start-up. Mais elle en fut une sans aucun doute. Alors comme je fais souvent avec pareille société, j’ai étudié sa croissance et sa capitalisation lors de son entrée en bourse.

Ce qui est intéressant est que malgré une croissance exceptionnelle, son IPO ne fut pas un grand succès. Elle leva environ $45 millions à un prix par action qui n’est pas le typique $14 que l’on voit au Nasdaq: ici $9 seulement par action. Quand j’ai publié ce blog, l’action valait $275 (voir la courbe tout au bas de ce post).

Enfin Intuitive est basée entre autres sur des technologies développées dans des centres de recherche, qui furent licenciées par ces centres contre une participation en actions. Vous pouvez donc voir combien le MIT et SRI International obtinrent d’actions en échange de propriété intellectuelle.

Skype 2010

Ce qui est intéressant dans l’annonce de l’entrée en bourse de Skype, au delà des commentaires déjà faits un peu partout, est la structure capitalistique de la société. J’espère qu’on en saura un peu plus bientôt car le document manque de détails. En attendant, voici les chiffres que j’ai réunis à partir du document S-1 en date du 9 août. C’est évidemment très différent de ce que j’avais mentionné dans mon post d’avril 2008.

Tout d’abord les investisseurs:

Ensuite la table de capitalisation avec pour hypothèse que Skype entre en bourse à la valeur payée lors de l’achat à eBay:

Je publierai plus de chiffres si ou quand la société entre en bourse…

A123, Boston et Atlas

Je viens de rencontrer Fred Destin dans le très beau Rolex Learning Center de EPFL. Nous avons tous les deux une passion pour les entrepreneurs et l’architecture!

Fred m’a dit qu’il aimait mes tables de capitalisation (pour mémoire skype, mysql, Kelkoo, Synospsys, Genentech, Adobe ou le document général.

Voici donc un petit cadeau pour Fred qui quitte l’Europe pour le bureau d’Atlas à Boston: la capitalisation de A123 Systems, spin-off du MIT, qui a fait son entrée au Nasdaq en Septembre dernier.

J’ai conscience que les images ne sont pas de super qualité mais vous pouvez cliquer dessus et aussi me demande le fichier excel.

Un européen dans la Silicon Valley, Aart de Geus

Voici ma quatrième contribution à Créateurs, la newsletter genevoise, qui m’a demandé d’écrire une série de courts articles sur des start-up célèbres et leurs fondateurs. Après Femmes Entrepreneurs, Adobe et Genentech, voici donc un article sur Aart de Geus, fondateur de Synopsys.

Aart de Geus est né aux Pays-Bas en 1954. A l’âge de 4 ans, il arrive avec ses parents en Suisse romande et en 1978, il reçoit son diplôme de l’EPFL. Il quitte ensuite la Suisse pour les Etats Unis où il obtient son PhD au Texas. Après quelques années chez General Electric (GE), il fonde Synopsys en 1986, lève $15M de capital-risque avant que Synopsys n’entre en bourse en 1994. En 2008, Synopsys compte plus de 5’600 employés, des ventes de $1.3 milliard et une capitalisation boursière de $3 milliards.

Selon lui, « tout européen qui va en Amérique du Nord est en quête ». Lorsqu’il arrive aux Etats-Unis, il considère que sa grande chance fut de se trouver un mentor. Ron Rohrer, son directeur de thèse, « m’a donné la latitude de faire ce que je voulais. » Il apprit à gérer une équipe d’étudiants, un savoir faire qu’il transformera en style de management. « Les membres d’une équipe s’appuient les uns sur les autres, il y a un rôle spécifique pour chacun, ce qui contribue à cet écosystème qui s’entretient de lui-même ». Chance autant que destin, reconnait-il.

Il montre la difficulté de prédire l’avenir dans les hautes technologies par une autre anecdote. « En 1978, j’assistai à une conférence en Suisse qui réunissait les leaders de la microélectronique. Ils étaient tombés d’accord sur deux choses. Point no1, l’électronique allait devenir une industrie majeure. Point no2, passer la barrière du micron serait le défi majeur de cette industrie émergente. Et ce sont les mêmes personnes qui firent ces prédictions qui, 20 ans plus tard, travaillent à 22 nanomètres (0,02 micron) », ajoute-t-il en riant. « La morale de tout ceci est qu’à chaque fois que l’on prédit la fin de quelque chose en high-tech, il y aura toujours un tournant ou une nouvelle perspective qui permettra un nouveau progrès. »


Aart de Geus, un entrepreneur né ?

L’art de la métamorphose…

Il est un adepte de la complexité et de la métamorphose. Tout compte et tout change. Aux débuts d’une start-up, ce sont les idées et les personnes qui comptent. « Je travaillais chez GE et j’ai du me poser une question éthique : pouvais-je développer mes idées dans une start-up. Après tout, il s’agissait de leur propriété intellectuelle. » La réponse fut trouvée en posant la question à sa hiérarchie. GE lui donna non seulement l’autorisation, mais investit dans la start-up. L’argent et les valeurs sont deux autres ingrédients essentiels dès le début.

Mais bientôt il s’agit de transformer le bébé. L’adolescence va passer par les produits, les clients, les ventes. Se sent-il chanceux d’avoir réussi à passer cette crise ? « La chance sourit à ceux qui sont préparés. Il y a une combinaison fortuite de géographie, de personnes (étudiants, managers), de modèle d’affaires viable et de marketing adapté sans oublier de disposer de la bonne technologie au bon moment. »


De retour à l’EFPL en 2007.

… au risque de la fossilisation !

L’âge adulte passe par la mise en place de processus, de managers expérimentés, mais il faudra avoir passer ces tempêtes adolescentes si bien décrites par Geoffrey Moore dans « Inside the Tornado ». Il résume ces métamorphoses continues par la capacité à gérer en parallèle les équipes, les clients, les investisseurs, les produits, leurs cycles de vie, mais aussi les managers, la direction, l’implémentation. Toutes ces choses sont interdépendantes et on fait souvent l’erreur de le négliger. Dans la présentation qu’il fit à l’EPFL en 2007, il présenta la liste des acquisitions faites par Synopsys depuis sa fondation sous la forme animalesque montrée ici. Le sens de l’humour est peut-être un ingrédient utile. Sens de l’humour qui cache l’humilité de celui qui a réussi sans donner de leçons. S’il y a une leçon à retenir, c’est qu’il faut essayer, être curieux et s’adapter. Le succès sera peut-être sur le chemin.

Pour finir, les habituels table de capitalisation et camemberts

Références :
-Aart de Geus à l’EPFL (vpiv.epfl.ch)
-Peggy Aycinena (www.eetimes.com)
The Aart of Analogy is alive and well at Synopsys -2001
The Aart of Analogy Revisited -2009

Prochain article: Un Suisse dans la Silicon Valley

Fondateur isolé, fondateur sans expérience

Deux posts récents reviennent sur le sujet du fondateur. Kevin Vogelsand décrit son expérience d’entrepreneur sans expérience, directement à la fin de ses études dans On Founding a Company Fresh Out of College. Olivier Ezratty s’intéresse, lui, au cas difficile de l’entrepreneur isolé. Les deux sujets me tiennent bien sûr à cœur et je vous invite à les lire.

J’en profite aussi pour soumettre à votre réflexion le tableau suivant:

Ezratty aborde aussi le sujet important du partage d’equity entre fondateurs que j’avais abordé dans un post passé. Il y est mentionné un article de Paul Graham que je ne connaissais pas: The Equity Equation.

Bob Swanson et Herbert Boyer: Genentech

Voici ma deuxième contribution à Créateurs, la newsletter genevoise, qui m’a demandé d’écrire une série de courts articles sur des start-up célèbres et leurs fondateurs. Après Adobe et ses fondateurs, John Warnock et Charles Geschke, voici Bob Swanson, Herbert Boyer, fondateurs de Genentech.

Bob Swanson et Herbert Boyer: Genentech

Les biotechnologies semblent être un continent à part sur la planète start-up. Elles donnent parfois l’impression d’être réservées à des scientifiques de pointe que les investisseurs financeraient pour le potentiel de leurs idées. Et l’entrepreneur dans tout cela ?

L’histoire des débuts de Genentech est la plus belle illustration que l’entrepreneur visionnaire est aussi nécessaire dans les biotechnologies. Plus qu’une entreprise, c’est une industrie que Bob Swanson a créée.

La légende veut que Bob Swanson capital-risqueur de 29 ans ait rencontré Herbert Boyer, professeur à l’université de Californie à San Francisco (UCSF). L’argent du premier et les idées du second ont permis la création de Genentech en 1976, suivie d’une entrée en bourse en 1980. L’histoire mérite approfondissement : Bob Swanson n’est pas un vrai investisseur, c’est un entrepreneur. Il a été embauché par Kleiner et Perkins (KP) qui ont compris que la vraie valeur d’un fonds de capital-risque est dans la création de sociétés et pas seulement dans le soutien financier. Ils l’ont compris avec le succès de Tandem et de Jimmy Treybig qu’ils ont financés dès le premier jour, en 1974. (Voir aussi les posts sur le premier fonds de KP.) Bob Swanson est passionné par le potentiel de la biologie et de la génétique (il a une licence de chimie du MIT en plus d’un MBA). Après avoir aidé KP pour une de leurs sociétés, il quitte le fonds pour se consacrer à sa passion. Il rencontre professeur après professeur qui tous, lui font comprendre que tout cela est science de haut niveau, mais bien loin d’applications commerciales.

Herbert Boyer n’est pas un professeur typique. Il est avec Stanley Cohen, le co-inventeur d’un brevet, chose assez rare dans le monde académique des années septante. Ce brevet appelé plus tard « Cohen Boyer » décrit le principe des manipulations d’ADN si bien que toutes les nouvelles technologies dans ce secteur nécessitaient l’utilisation de ce brevet et donc le paiement de royalties à leurs propriétaires : les universités de Stanford et UCSF se sont ainsi partagés plus de $250M en licences de la technologie à de nombreux industriels. Sur les débuts de Genentech, l’histoire et la légende se mêlent. Swanson appelle Boyer qui lui dit être très occupé mais qu’il pourrait lui consacrer dix minutes le vendredi après-midi suivant. Swanson n’a qu’une obsession : les applications de la recherche. Boyer lui répond qu’il y a évidemment un potentiel mais qu’il faudra encore dix ans de recherche fondamentale. « Pourquoi, pourquoi, pourquoi ? » ne cesse de demander Swanson, au point que Boyer en arrive à penser : « Pourquoi pas? Peut-être peut-on aller plus vite ». Les dix minutes deviennent trois heures.

Genentech est née, du moins dans les deux têtes bien arrosées de bière. Il faut alors  convaincre les sceptiques, les investisseurs n’étant pas les moindres.  Une semaine plus tard Tom Perkins rencontre les deux hommes et se souvient : « le risque technique était énorme. J’étais très sceptique. Je ne connaissais rien à la biologie. » Très impressionné par l’énergie de Swanson et la compétence de Boyer, il se décide à avancer petit à petit, pour diminuer les risques à chaque nouvelle étape et en minimisant l’investissement. Kleiner investit $100’000 qui durent neuf mois.

La suite  fait partie de l’Histoire. Genentech clone l’insuline en 1978 et l’hormone de croissance en 1979. Genentech aura levé $10M auprès d’investisseurs privés avant une entrée en bourse au Nasdaq en octobre 1980. Une première : une société de biotechnologies séduit les marchés alors que son premier produit ne sera approuvé qu’en 1985. En 1990, Roche et Genentech signent un accord stratégique qui fait de Roche l’actionaire majoritaire de la start-up. L’histoire se conclut en 2009 lorsque Roche acquiert l’intégralité des actions de Genentech.

Swanson n’était pas un investisseur, mais un entrepreneur visionnaire. Boyer n’était pas un universitaire dans sa tour d’ivoire. Ils ont eu aussi la chance d’avoir le meilleur des mentors, Tom Perkins. De l’énergie, des idées, un peu d’argent. C’est à une conversation presqu’accidentelle que l’ont doit l’émergence d’une industrie qui vaut des dizaines de milliards de dollars.

Cerise sur le gateau, la table de capitalisation de Genentech à l’IPO:

Pour en savoir plus:

Internet Archive:
http://www.archive.org/search.php?query=genentech

Le site web de Genentech:
http://www.gene.com

Prochain article: Des femmes entrepreneurs, Carol Batz et Sandy Kurtzig

La brève histoire d’Adobe, de John Warnock et Charles Geschke

Créateurs, une newsletter genevoise m’a demandé d’écrire une série de courts articles sur des start-up célèbres et leurs fondateurs. J’ai décidé de commencer par Adobe et ses fondateurs, John Warnock et Charles Geschke. Vous trouverez l’article plus bas, mais aussi les données habituelles que j’aime fournir sur les start-up: leur capitalisation à l’IPO et l’évolution de l’actionnariat de la création à l’entrée en bourse.

John Warnock et Charles Geschke: Adobe

Les start-up sont très souvent associées à leurs créateurs. Les noms de Steve Jobs ou Bill Gates sont inséparables de leur entreprise. Moins connus John Warnock et Charles Geschke ont pourtant un parcours des plus édifiants.

Sans avoir le profil de l’entrepreneur typique (ce ne sont pas des «school dropouts» qui se lancent dans l’aventure entrepreneuriale avant leur 30 ans), John Warnock et Charles Geschke fondent en 1982, à quarante ans passés, Adobe Systems, l’entreprise à l’origine d’Acrobat et Photoshop, deux des logiciels informatiques les plus utilisés au monde.

De l’imprimante au programme d’imprimante
Tout commence dans les années 70, au célèbre Palo Alto Research Parc de Xerox, le fabricant de photocopieuses. Les deux ingénieurs ressentent une frustration de plus en plus grande car, si la recherche de Xerox a permis le développement de la souris, du traitement de texte, de l’email ou du protocole Ethernet, la société est incapable d’en faire des réussites commerciales. Warnock et Geschke ne parviennent pas à convaincre Xerox du potentiel de leurs travaux. «Par peur ou par incompréhension de leur direction » pensent-ils, mais aussi en raison de : «leur naïveté de chercheurs devant la difficulté à passer d’un concept ou d’un prototype à un projet commercial».

Ils quittent donc Xerox en 82 et lèvent 2,5 millions de dollars pour développer leur projet: des imprimantes de haute qualité et un système qui permet de les connecter à des réseaux d’ordinateurs.

En rencontrant leurs clients potentiels (DEC, Apple), ils découvrent que personne ne veut de leur machine. Steve Jobs leur explique qu’il a besoin de leur protocole d’impression, PostScript, pour le Macintosh qu’il développe. Ils changent immédiatement leur business plan. Adobe devient alors une société de logiciel avec la réussite qu’on lui connaît.

De bons conseils
Leur vision de l’entrepreneur est toute aussi passionnante. S’ils le sont plus devenus par accident que par destin, ils peuvent aujourd’hui conseiller les futurs créateurs.

Il faut être toujours flexible essayer, explorer de multiples solutions, les confronter aux clients, abandonner rapidement les fausses pistes. Constat qu’ils appliquent également à la personnalité du chef d’entreprise: «99% des fondateurs échouent car ils ne savent pas évoluer et veulent plutôt contrôler.»

Passion, prise de risque et confiance en soi, semblent les ingrédients majeurs tout comme l’intelligence et le travail: «mais cela n’est pas suffisant. La chance joue aussi un très grand rôle.» ajoutent-ils.

Quand il aborde son «grand» âge lors de la fondation d’Adobe, Geschke dit: «Je ne crois pas que diriger une société soit mystérieux. Le fait d’avoir plus de quarante ans a sans doute aidé du point de vue de l’expérience, mais l’essentiel est la vision.» Il faudrait toujours en avoir une, ce qui permet d’avoir un temps d’avance sur le marché, élément nécessaire à la réussite, selon lui: «Je ne suis pas un chasseur mais l’on m’a dit que pour viser un canard, il faut tirer là où il sera, pas où il est. C’est la même chose avec la technologie. Si l’on reste focalisé sur le marché actuel, la solution ne sera pas adaptée aux problèmes au moment de son lancement et la compétition sera très grande».

Les ingrédients du succès
De la frustration originelle, cause de leur départ de Xerox au succès d’Adobe, les leçons à tirer sont variées: ne jamais devenir une «one-product» compagnie, la technologie n’est pas simplement transférable il faut lui ajouter de la matière grise, engager de bons professionnels et en tant que fondateurs avoir «le potentiel intellectuel, l’honnêteté, l’éthique et les principes qui gouvernent aussi bien vie privée que vie professionnelle».
Quelques lignes pour résumer les ingrédients du succès qui sont multiples, complexes tout en étant simples mais certainement communs à tous les grands entrepreneurs.

Pour en savoir plus:
The Revolutionaries: www.thetech.org/exhibits/online/revolution
Adobe Systems, Computer History Museum: www.computerhistory.org
Founders at Work, J. Livingston, Apress (2007)
In the company of Giants, R. Jager and R. Ortiz, Mcgraw-Hill (1997)

Prochain article: Bob Swanson: Genentech

Voici la capitalisazion d’Adobe en 1896,

et l’évolution de l’actionnariat de 1982 à 1986:

Répartition des actions dans les start-up

Comme suite à des posts plus tôt dans l’année sur l’évolution de l’actionnariat dans des start-ups (Kelkoo, Skype, mysql), voici une analyse plus générique sur le processus du partage des actions. Le document est au format pdf. je l’ai utilisé assez régulièrement depuis 2006 pour des étudiants, des chercheurs et des entrepreneurs et je le crois utile même s’il n’est pas nouveau dans substance. A la fin, le lecteur pourra trouver d’autres exemples réels célèbres et moins célèbres.

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Depuis la création où quelques fondateurs se partagent les premières actions jusqu’à la sortie (IPO ou vente), en passant par de possibles tours de financement, les actions seront réparties, partagées entre fondateurs, employés et investisseurs. Il s’agit donc d’une des décisions les plus importantes pour une start-up et elle doit être gérée avec une très grande attention.

Capitalisation : Kelkoo

Kelkoo est un cas d’étude passionnant. La société fut une pour ne pas dire la success story de l’Internet français voire européen. Elle fut acquise par Yahoo pour €475M en 2004. Elle fut extrêmement ambitieuse dès ses débuts et elle eut une stratégie paneuropéenne assez étonnante en attaquant l’Espagne, le Royaume-Uni et la Scandinavie par une série de croissances externes : DondeCom, Shopgenie et ZoomIT. Kelkoo leva environ €45M en moins d’un an ! Il y eut donc pour les fondateurs une série de dilutions, liées aux trois tours de financement A, B et C et à ces trois acquisitions.

La table de capitalisation et les figures ci-dessous montrent l’évolution des chiffres. J’ai bien conscience que ces tableaux sont riches en information mais si le lecteur veut bien me suivre, je pense que ces données sont d’intérêt. Commençons par le tableau du bas, qui donne la liste des tours de financement. En 1999, Kelkoo est créée par cinq fondateurs (Chappaz, Lopez, Amouroux, Odin and Mercier) et immédiatement financée par 2 capitaux-risqueurs (« VCS ») : Banexi et Innovacom. Les deux fonds investirent €1.5M en décembre 1999 (round A), puis un peu plus de €4M en mars 2000 (round B). Première subtilité, il y eut un stock split entre les deux tours : chaque action pre-round A donna 50 actions post round B ; ceci explique que le prix par action de €24.67 est en fait équivalent à environ €0.50. Pour le round B, le prix par action fut de €1.45. Les cinq fondateurs s’étaient réparti les actions initiales sur la base 1/3 pour Chappaz, 1/3 pour Lopez et le delta entre les trois autres fondateurs. Mais des options furent allouées à Chappaz et Mercier lors du tour B, sans doute pour rééquilibrer différemment ces parts. Les « camemberts » donnent donc une répartition différente. Dominique Vidal n’est pas un fondateur mais travaillait chez Banexi où il travailla à l’investissement dans Kelkoo avant de rejoindre Kelkoo comme directeur général. Il reçut initialement 338’000 actions environ, puis reçut d’autres actions avec le temps, mais je ne connais pas le nombre exact (il s’agit d’une simple estimation dans son cas). Enfin, un plan de stock-options fut aussi mis en place pour les employés, leur donnant alors virtuellement 19% de Kelkoo. Nous ne sommes qu’en mars 2000 et déjà l’évolution de la capitalisation est riche en données. On peut donc lire le tableau soit avec le nombre d’actions (partie droite) soit en proportion du total de la société partie gauche).

(Cliquer sur les images pour agrandir ou télécharger)

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La situation se complexifie avec les acquisitions de Kelkoo. Tout d’abord DondeCom (Espagne) et ShopGenie en juin 2000. Le partage fut d’environ 50-50 entre Kelkoo et les nouveaux arrivants. Egalement en juin 2000, Kelkoo lève son troisième tour (round C) pour un total de €30M ; en septembre 2000, elle lève €6M de plus aux mêmes conditions. Initialement, le prix par action était de €1.99. Mais il y avait une condition à ce prix : Kelkoo devait fournir une sortie, une liquidité aux investisseurs en 2001 ou le prix serait ramené à €1.70. Kelkoo n’eut ni IPO ni M&A fournissant une liquidité aux investisseurs, ils reçurent donc de nouvelles actions pour diminuer le prix initial. Ceci implique donc que la valorisation de Kelkoo était alors de €96M et que les investisseurs du troisième tour possédaient 37% de Kelkoo. Il ne reste plus qu’à mentionner la dernière acquisition de Kelkoo, ZoomIT en Scandinavie pour un peu moins d’un tiers du total de Kelkoo.

Yahoo acheta Kelkoo pour €475M ce qui implique un prix par action de €5.7 en admettant que le nombre total d’actions soit correct. La dernière colonne donne donc la valeur des actions par actionnaire (mais elle n’indique pas combien ses actions coutèrent. Il faudrait déduire le coût pour obtenir le profit avant impôt). Comme je l’ai toutefois mentionné pour les cas précédents (Skype, mysql), ces données ne sont jamais faciles à garantir. Je ne dois pas être très loin de la réalité mais les augmentations successives de capital n’indiquent pas toujours combien d’options furent réellement exercées et donc transformées en actions. J’ai toutefois acheté sur le registre du commerce français une dizaine de documents qui décrivent de manière précise cette histoire. Ils sont mal seule source d’information pour bâtir tous ces tableaux. L’histoire de Kelkoo est très bien racontée dans le livre « Ils ont réussi leur start-up » chez Village Mondial. Pierre Chappaz est aujourd’hui CEO de Wikio et tient un excellent blog, Kelblog. Pierre Chappaz fit aussi une passionnante présentation de son histoire à l’EPFL en 2005.

Références : www.euridile.fr

(Cliquer sur les images pour agrandir ou télécharger)

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