Archives par étiquette : Europe

Les Européens et la Silicon Valley

La Silicon Valley est bien connue pour ses migrants, en particulier ceux qui viennent d’Asie (Inde, Chine, Taiwan, Corée, etc.). AnnaLee Saxenian est célèbre pour ses travaux sur le sujet. ;ais les Européens sont bien moins célèbres et c’est un peu injuste. Je vais essayer de l’illustrer tout d’abord par quelques figures « illustres » et ensuite par quelques données statistiques.

J’utilise cette photographie depuis quelques années pour montrer que l’Europe a également ses migrants célèbres, que sans doute nous devrions utiliser au moins comme modèles. Vous les connaissez ? Prenez un peu de temps pour estimer combien vous sont familiers.

Voici la réponse :

Première ligne

En haut a gauche, les Huit Traitres, fondateurs de fairchild dont Jean Hoerni, suisse, Eugene Kleiner, autrichien. Quant à Victor Grinich, il est né de parents croates et s’appelait initialement Grgunirovich. Plus sur https://www.startup-book.com/fr/2011/03/02/les-peres-de-la-silicon-valley-les-8-traitres.

A droite, un Français, Pierre Lamond, fondateur de National puis capital-risqueur chez Sequoia, spécialiste des semi-conducteurs. http://en.wikipedia.org/wiki/Pierre_Lamond.

A droite, un Allemand, Andy (von) Bechtolsheim, fondateur de Sun, et business angel de Google, (il est connu pour avoir signé un chèque avant même que la start-up ne fût créée). Ses $100k lui ont rapporté $1B, bon investissement, il continue a entreprendre et investir. http://en.wikipedia.org/wiki/Andy_Bechtolsheim

A droite encore, Michael Moritz, un Gallois, ancien journaliste de Time Magazine, et investisseur chez Sequoia également, connu pour avoir investi dans Yahoo et Google à la fois ! http://fr.wikipedia.org/wiki/Michael_Moritz

Deuxième ligne

Le Français, c’est Philippe Kahn, véritable icône française, il a quitté l’enseignement en France avec un visa de touriste en 1982 pour créer Borland aux USA. Pas mal ! http://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_Kahn

Le Hollandais, Aart de Geus, ancine étudiant de l’EPFL où je travaille et fondateur de Synopsys dans la Vallée, 6’700 employés, $1.4B de chiffre d’affaires. https://www.startup-book.com/fr/2009/12/11/un-europeen-dans-la-silicon-valley-aart-de-geus/

Puis Andy Grove, un Hongrois, a franchi le rideau de fer pour débarquer à New York sans parler un mot d’anglais, quasi fondateur puis patron d’Intel dans les grandes années. http://fr.wikipedia.org/wiki/Andrew_Grove

Troisième ligne

Pierre Omidyar, a moitié français seulement, en fait iranien par sa famille, mais né à Paris, déménage aux USA à l’âge de 6 ans… fondateur d’eBay. http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Omidyar

Serguei Brin, fondateur de Google, né à Moscou, émigre également à l’âge de 6 ans. http://fr.wikipedia.org/wiki/Sergueï_Brin

Edouard Bugnion, suisse, fondateur de VMware, plus sur https://www.startup-book.com/fr/2010/03/16/un-suisse-dans-la-silicon-valley.

Les autres fondateurs ont un parcours Europe-USA-Europe :

Les 3 fondateurs de Logitech Borel, Zappacosta et Marini. « L’idée de Logitech a germé en 1976 à Stanford. Alors qu’ils y étaient étudiants en informatique, Daniel Borel et Pierluigi Zappacosta devinrent amis, amitié qui se solda en alliance entrepreneuriale. Alors qu’ils terminaient leurs études, Borel, un Suisse et Zappacosta, un italien identifièrent le potentiel d’un système de traitement de texte logiciel (d’où le nom !). Un prototype fut réalisé avec le soutien de Bobst ». On connaît la suite.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Daniel_Borel
http://fr.wikipedia.org/wiki/Logitech

Histoire similaire pour la suite. Bernard Liautaud est fondateur de Bus. Objects avec Denis Payre, mais qui a étudié aussi à Stanford, qui a déménagé très vite aux USA car il a compris que IT = USA. http://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard_Liautaud

Pierre Haren, fondateur de Ilog, a obtenu son PhD au MIT. Pas de Silicon Valley mais Pierre m’avait indiqué l’importance de la culture américaine dans son parcours. http://fr.wikipedia.org/wiki/ILOG

Je termine par Loic Lemeur, ami de Sarkozy, qui a quitté la France pour faire Seesmic dans la SV, un des derniers en date, qui montre que le flux continue. https://www.startup-book.com/fr/2010/06/21/pourquoi-la-silicon-valley-nous-botte-le-c

🙂 or 🙁 ?

Et maintenant quelques statistiques. On pourrait toujours me dire que je n’ai cité que quelques trop rares exemples. Le tableau qui suit se trouve dans mon livre et vient indirectement d’un autre travail d’AnnaLee Saxenian. Elle et ses coauteurs ont analysé d’où venaient les entrepreneurs étrangers de la Silicon Valley. Je ne crois pas qu’ils avaient regroupé l’ensemble des pays européens comme un seul groupe, ce que j’avais fait à partir de leur données. le résultat me semble impressionnant puisque l’Euorpe est comparable à la Chien ou à Je ne suis pas sûr que cela soit bien connu…

Ref: AnnaLee Saxenian et al. « America’s New Immigrant Entrepreneurs » Duke University et UC Berkeley, janvier 2007.

Le Who’s Who de la Silicon Valley

Un quiz tout simple: qui sont les personnalités pris en photo?

La réponse se trouve ici. J’ai aussi essayé de faire l’exercice, il vous suffit de regarder plus bas. Le Monde vient de publier un article intéressant sur le sujet: Entre la Silicon Valley et Washington, les liaisons dangereuses.

Les pères de la Silicon Valley: les 8 Traitres

Grâce à une conversation avec un collègue de l’EPFL, j’ai réveillé des souvenirs des débuts de la Silicon Valley. Je connaissais Shockley, Fairchild et les 8 Traitres. Je ne savais pas que Shockley avait été financé par Beckman (merci Andrea :-), ce qui était le sujet de cette récente conversation.

J’ai du coup envie de revenir sur ces fameux 8 Traitres. Leur histoire (cf Wikipédia en anglais) est bien connue, mais je me suis intéressé ici à leur origine, qui est peut-être moins connue.

Le tableau qui suit décrit l’origine, l’âge et la formation des 8 ingénieurs qui quittèrent Shockley Labs pour fonder Fairchild Semiconductor en 1957. Cliquez sur le tableau pour l’agrandir.

Ils sont sans aucun doute les « pères de la Silicon Valley. Le célèbre poster « Silicon Valley Genealogy » en est une illustration convaincante aussi bien que leurs activités Post-Fairchild dans le tableau.

L’image qui suit est extraite de la précédente, (à gauche et à mi-hauteur – correspondant à 1957)

Quelques remarques finales:
– 5 d’entre eux ont été formés sur la cote Est, 2 sur la cote Ouest et 1 en Europe.
– En fait, 3 d’entre eux venaient d’Europe.
– 6 avaient un doctorat (PhD) – dont 3 du MIT-, et tous avaient une licence (Bachelor).
– Ils avaient entre 28 et 34 ans en 1957.

Une manière suisse d’entreprendre ?

Dans cette nouvelle contribution au magazine Créateurs, je reste en Suisse avec deux très jolies PMEs. J’espère que vous apprécierez!


Il est un débat récurrent dans le monde des start-up : et si le modèle américain de la croissance rapide alimentée par du capital-risque agressif n’était pas adapté aux entrepreneurs européens ou suisses. Deux exemples permettent d’apporter des éléments au débat : Sensirion et Mimotec.

Dans ma dernière contribution, j’avais présenté Swissquote qui est devenu un magnifique succès sans ce capital-risque tant décrié semble-t-il en Europe. Mimotec est une spin-off de l’EPFL avec 24 employés et un chiffre d’affaires de 10 millions. La société fournit de la micro-technologie pour l’industrie de la montre. Mimotec a été fondée en 1998 par Hubert Lorenz, qui en a conté l’histoire lors du dernier « venture ideas » de l’EPFL. Cette PME est sans aucun doute une success story qui suit un modèle de croissance organique, soutenue sans être pour autant exponentielle.

Sensirion est peut-être plus impressionnante encore. Fondée en 1998 également, elle est issue de l’ETHZ et fournit des capteurs de pression, autre domaine de spécialité de la Suisse. Dans un article pour la conférence MEMS 2008, son fondateur et CEO, Felix Mayer décrit le modèle de croissance de sa société. J’en traduis un passage : « Les Européens et les Suisses en particulier ne cherchent pas le grand succès. Ils préfèrent commencer petit et mettre un pied devant l’autre […] Autant que je sache, les Américains suivent plutôt la devise suivante : visons la lune ; si nous la loupons, nous finirons dans les étoiles […] Les USA ont une culture du risque et même quand ils échouent, ils ont une deuxième chance. L’Europe est différente. »

Mayer ajoute que parce que les moyens financiers font défaut, l’entrepreneur européen aura du mal à s’attaquer aux très gros marchés. Il croit toutefois à une voie intermédiaire, qui ne générera pas des Google mais des sociétés leader dans leurs niches. Grâce au soutien patient d’un généreux business angel et fort de ses clients, Sensirion compte en 2010, 180 employés (le chiffre d’affaires n’est pas connu puisque la société est aux mains d’actionnaires privés). Il n’en demeure pas moins que Sensirion mettra six ans avant de financer sa croissance par ses activités ; son business angel fut donc essentiel au succès de la PME.

Y a-t-il donc un modèle que l’Europe peut créer sans copier le modèle américain ? Oui, si l’on constate que très peu de sociétés ont atteint la taille d’un Logitech ou d’un Actelion. Au-delà des succès remarquables d’Hubert Lorenz et de Felix Mayer, je ne peux m’empêcher d’émettre les mêmes réserves que dans mon livre Start-Up. Pourquoi l’Europe ne devrait-elle pas viser les très gros succès en plus des succès de taille moyenne ? Ne croyez-vous pas que les Américains ont aussi leur Sensirion et leur Mimotec en plus de leur Google et Apple ? La critique du capital-risque est finalement assez facile, et je préfère à tout choisir cette remarque d’un entrepreneur américain : « La capital-risque, vous ne pouvez pas vivre avec lui, mais vous ne pouvez pas vivre sans lui ! » Et n’oublions pas que Google a aujourd’hui 20 000 employés et fut elle aussi créée en 1998… Il ne fait aucun doute que ni notre culture ni nos modèles financiers ne sont adaptés à fabriquer des Google mais je crois profondément que nous devons aussi avoir l’ambition des grands succès et ne pas sans cesse critiquer un modèle américain qui a aussi bien des atouts.

Give back to the community

Sixième contribution au magazine Créateurs: Swissquote. Je quitte progressivement la Silicon Valley, après avoir abordé des histoires purement américaines (Adobe, Genentech) puis des Européens dans la Silicon Valley (Synopsys, VMware) pour aborder une pur succès Suisse.

Mark Bürki et Paulo Buzzi sont les fondateurs d’une des plus belles success stories suisse, voire européenne : Swissquote. Pas de lien avec la Silicon Valley, pas de capital-risque comme j’ai coutume de le signaler. Non, une banque en ligne bâtie en 1997 comme l’excroissance d’une société de services informatiques, Marvel, fondée, elle, en 1990. Bürki et Buzzi n’ont pas commencé dans un garage comme les Apple, HP et Google californiens ; pire, c’est d’une cave que la société a décollé ! Les débuts sont difficiles, les salaires pas toujours assurés.

Les Etats Unis auront tout de même joué un rôle. Lors d’une conférence à Boston, les fondateurs découvrent un domaine prometteur : l’Internet. A une petite table est assis le fondateur d’une startup alors inconnue, Amazon. Un peu plus tard, c’est un contrat de conception du site web du Comité International Olympique qui va garantir la pérennité de la société. Marvel s’est aussi spécialisée dans des applications financières et Bürki entrevoit le potentiel de cet internet pour le consommateur d’informations boursières.

Avec pour partenaire une banque zurichoise, Swissquote est lancée en 1997. Les débuts sont encourageants et les banquiers d’investissement à l’affut de start-up en croissance promettent monts et merveilles aux fondateurs. Swissquote entre en bourse, en 2001 avec moins de 20 millions de revenus et encore de lourdes pertes. Les lendemains seront moins brillants et l’explosion de la bulle internet menace l’existence même de la start-up. Mais Bürki et Buzzi ne font pas partie de la masse d’aventuriers qui disparaissent aussi vite qu’ils sont apparus et ils veulent montrer que Swissquote n’est pas une étoile filante. Les décisions sont difficiles, les licenciements conséquents, et la société survit à la tempête. En 2009, Swissquote a un chiffre d’affaires de près de 100 millions pour un bénéfice net de 35 millions et une capitalisation de plus de 600 millions de francs.

En août, puis novembre 2006, j’avais invité les fondateurs à partager leur expérience entrepreneuriale lors de rencontres sur le campus de l’EPFL. Ils avaient expliqué l’importance d’un environnement qui vibre, comme ils l’avaient vécu à Lausanne lorsqu’ils étudiaient l’informatique. Bürki nota que la soixantaine d’étudiants de son département représentait une vingtaine de nationalités, variété que l’on retrouve dans nombre de clusters technologiques. Sans formation particulière, si ce n’est celle d’ingénieur informatique, ils ont appris à gérer une entreprise de deux cents personnes. Sur le tas ; car les deux fondateurs sont persuadés que l’expérience s’acquiert dans l’action. Deux fondateurs, autre sujet d’importance car le partenaire peut poser les bonnes questions qu’un fondateur solitaire n’abordera pas toujours aisément.

Bürki y ajouta aussi l’importance du rêve en citant paradoxalement Che Guevara : « Soyez réaliste. Exigez l’impossible. » En souvenir de ces belles années et pour montrer l’importance croissante de son activité, Marc Bürki et Paolo Buzzi ont pris une décision typiquement américaine en remerciant leur école par la création d’une chaire en mathématique financière en 2008.

Europe et Etats-Unis: la croissance en IT et biotech

Voici un exercice que j’aime faire lorsque je commence à parler d’entrepreneuriat high-tech. Donnez moi dix noms de grands succès, par exemple dix sociétés cotées en bourse et fondées il y a moins de 40 ans. Il est assez facile de trouver des sociétés américaines, plus difficiles de trouver des européennes. Voici donc deux tableaux, l’un pour l’IT (technologies de l’information), l’autre pour la biotech.

J’avais fait l’exercice en 2007 mais depuis Sun Microsystems et Business Objects ont disparu. J’ajoute ici les revenus et les bénéfices des sociétés en plus des capitalisations boursières et des emplois.

Ce qui est frappant, je crois, au delà des ordres de grandeurs, est la durée entre année de création et entrée en bourse. La biotech est légèrement différente, mais je ne suis pas sûr que cela soit fondamentalement différent… Ainsi, on notera que la durée création-IPO est bien plus similaire entre les deux continents que pour l’IT.

Start(Up)

J’écoutai hier un de mes chroniqueurs (et ancien professeur) favori, Olivier Duhamel et eut la surprise de l’entendre parler Start(Up). Je vais expliquer la parenthèse dans un instant. J’avais rencontré cet éminent constitutionnaliste à Marseille en 2008 lors des rencontres régionales de l’innovation où il avait déjà montré son intérêt pour le sujet. C’est en lisant un article des Echos Start-up informatiques : razzia sur les pépites qu’il en vint à rédiger la chronique qu’il a lue hier sur France Culture. J’espère que les deux resteront disponibles longtemps sur le web, sinon contactez-moi, j’ai sauvegardé texte et fichier audio.

l

Start(Up) avec la parenthèse parce que nos entreprises débutent et ne croissent pas. Pire: face à leur crise de croissance, faute de capitaux, la seule issue semble être l’acquisition qui, sans surprise, est faite par des acteurs américains. Le Echos citent Polyspace, RealViz ou LetItWave mais des noms plus connus auraient pu être mentionnés, comme je l’avais fait dans un des chapitres de mon livre:
Skype – Suède – Acquise par eBay – $2.6B (2005)
Navision – Danemark – Acquise par Microsoft – $1.5B (2002) –
Qeyton – Suède – Acquise par Cisco – $800M (2000) –
Element 14 – Royaume Uni – Acquise par Broadcom – $800M (2000)
Virata – Royaume Uni – Acquise par Globespan – $545M (2001)
Kelkoo – France – Acquise par Yahoo – $500M (2004)
sans oublier depuis sa parution
Ilog par IBM et Business Objects par (exception) l’Allemand SAP.
ILOG France IPO Nasdaq/Paris $300M (2007) Oak, Atlas

Un autre article du FT parle de la crise du capital-risque, UK venture capitalists to get state bail-out.

Ce qui est un peu désespérant avec ces deux analyses, c’est que l’on semble penser que notre problème serait un problème de moyens, de ressources. Je crois encore une fois que le problème est beaucoup plus profond, culturel. Mais à travers une anecdote, le problème est mentionné. La France s’est beaucoup plus inquiétée de voir Danone tomber sous l’égide de Pepsi mais n’a au fond rien à faire de nos start-up technologiques. On parle beaucoup de start-up et d’innovation, mais au fond, on s’en moque!

Un européen dans la Silicon Valley, Aart de Geus

Voici ma quatrième contribution à Créateurs, la newsletter genevoise, qui m’a demandé d’écrire une série de courts articles sur des start-up célèbres et leurs fondateurs. Après Femmes Entrepreneurs, Adobe et Genentech, voici donc un article sur Aart de Geus, fondateur de Synopsys.

Aart de Geus est né aux Pays-Bas en 1954. A l’âge de 4 ans, il arrive avec ses parents en Suisse romande et en 1978, il reçoit son diplôme de l’EPFL. Il quitte ensuite la Suisse pour les Etats Unis où il obtient son PhD au Texas. Après quelques années chez General Electric (GE), il fonde Synopsys en 1986, lève $15M de capital-risque avant que Synopsys n’entre en bourse en 1994. En 2008, Synopsys compte plus de 5’600 employés, des ventes de $1.3 milliard et une capitalisation boursière de $3 milliards.

Selon lui, « tout européen qui va en Amérique du Nord est en quête ». Lorsqu’il arrive aux Etats-Unis, il considère que sa grande chance fut de se trouver un mentor. Ron Rohrer, son directeur de thèse, « m’a donné la latitude de faire ce que je voulais. » Il apprit à gérer une équipe d’étudiants, un savoir faire qu’il transformera en style de management. « Les membres d’une équipe s’appuient les uns sur les autres, il y a un rôle spécifique pour chacun, ce qui contribue à cet écosystème qui s’entretient de lui-même ». Chance autant que destin, reconnait-il.

Il montre la difficulté de prédire l’avenir dans les hautes technologies par une autre anecdote. « En 1978, j’assistai à une conférence en Suisse qui réunissait les leaders de la microélectronique. Ils étaient tombés d’accord sur deux choses. Point no1, l’électronique allait devenir une industrie majeure. Point no2, passer la barrière du micron serait le défi majeur de cette industrie émergente. Et ce sont les mêmes personnes qui firent ces prédictions qui, 20 ans plus tard, travaillent à 22 nanomètres (0,02 micron) », ajoute-t-il en riant. « La morale de tout ceci est qu’à chaque fois que l’on prédit la fin de quelque chose en high-tech, il y aura toujours un tournant ou une nouvelle perspective qui permettra un nouveau progrès. »


Aart de Geus, un entrepreneur né ?

L’art de la métamorphose…

Il est un adepte de la complexité et de la métamorphose. Tout compte et tout change. Aux débuts d’une start-up, ce sont les idées et les personnes qui comptent. « Je travaillais chez GE et j’ai du me poser une question éthique : pouvais-je développer mes idées dans une start-up. Après tout, il s’agissait de leur propriété intellectuelle. » La réponse fut trouvée en posant la question à sa hiérarchie. GE lui donna non seulement l’autorisation, mais investit dans la start-up. L’argent et les valeurs sont deux autres ingrédients essentiels dès le début.

Mais bientôt il s’agit de transformer le bébé. L’adolescence va passer par les produits, les clients, les ventes. Se sent-il chanceux d’avoir réussi à passer cette crise ? « La chance sourit à ceux qui sont préparés. Il y a une combinaison fortuite de géographie, de personnes (étudiants, managers), de modèle d’affaires viable et de marketing adapté sans oublier de disposer de la bonne technologie au bon moment. »


De retour à l’EFPL en 2007.

… au risque de la fossilisation !

L’âge adulte passe par la mise en place de processus, de managers expérimentés, mais il faudra avoir passer ces tempêtes adolescentes si bien décrites par Geoffrey Moore dans « Inside the Tornado ». Il résume ces métamorphoses continues par la capacité à gérer en parallèle les équipes, les clients, les investisseurs, les produits, leurs cycles de vie, mais aussi les managers, la direction, l’implémentation. Toutes ces choses sont interdépendantes et on fait souvent l’erreur de le négliger. Dans la présentation qu’il fit à l’EPFL en 2007, il présenta la liste des acquisitions faites par Synopsys depuis sa fondation sous la forme animalesque montrée ici. Le sens de l’humour est peut-être un ingrédient utile. Sens de l’humour qui cache l’humilité de celui qui a réussi sans donner de leçons. S’il y a une leçon à retenir, c’est qu’il faut essayer, être curieux et s’adapter. Le succès sera peut-être sur le chemin.

Pour finir, les habituels table de capitalisation et camemberts

Références :
-Aart de Geus à l’EPFL (vpiv.epfl.ch)
-Peggy Aycinena (www.eetimes.com)
The Aart of Analogy is alive and well at Synopsys -2001
The Aart of Analogy Revisited -2009

Prochain article: Un Suisse dans la Silicon Valley

The Ultimate Cure, un beau roman

Non seulement « the ultimate cure » est un bon roman sur le monde des start-up, du capital risque et sur ce que cela coûte d’être un entrepreneur (et en cela il me rappelle le « The First $20 Million Is Always The Hardest » de Po Bronson), mais c’est aussi un beau roman, sur la nature humaine et sur ce qui nous anime dans la vie. En cela, je pense plus à l’étoile montante suisse, Martin Suter et à ses thrillers psychologiques. Mais surtout, c’est un plaisir de lecture.

L’auteur Peter Harboe-Schmidt a donc produit de la belle ouvrage. En voici un bref extrait que je traduis de l’anglais:


« Prend ta start-up par exemple. Pourquoi t’es tu lancé? Si tu analysais le pour et le contre, tu ne le ferais sans doute jamais. Mais ton intuition t’y a poussé, en sachant que tu en tirerais une expérience positive. Ai-je raison? » Martin réfléchit à ce qui l’a poussé vers un monde qui de temps en temps ressemblait à un asile de fous. Comme un monde parallèle, avec quelques ressemblances avec le nôtre, juste beaucoup plus rapide et intense. Des gens essayant de réaliser leur rêve dans un monde incertain et pleins d’inconnu, travaillant sans compter, sacrifiant leur vie privée, courant à côté de ces autres start-up high-tech. Les instruments médicaux, les moteurs de recherche Internet, les télécom, les nanotechnologies et tous les autres recherchant la même chose: l’Argent. Pour faire tourner l’horloge du succès  un peu plus vite. « C’est drôle que tu dises cela, » dit finalement Martin. « J’ai toujours pensé à cette start-up comme une évidence. Je n’ai jamais essayé de la justifier de quelque manière que ce soit. »

Les pensées d’un entrepreneur Suisse en Californie

A la suite d’une longue conversation téléphonique avec un Suisse basé dans la Silicon Valley, celui-ci m’a envoyé ses réactions. Je les ai trouvées très intéressantes. Je vous laisse en prendre connaissance:

« Ça me démoralise un peu de voir que les choses n’évoluent que lentement (c’était malheureusement déjà mon impression)…

Du cote philosophique, je réfléchissais dans la voiture que l’un des problèmes est le niveau de confiance. Aux US, tout le monde est élevé dans la culture du « tout est possible », « rêve américain », parfois au point ou cela devient stupide et énervant… Au contraire, en Suisse, on veut tout bien faire et on est dans la culture du « c’est pas possible », « je sais pas faire ». En fait, pour être entrepreneur, il ne faut pas avoir peur de faire les choses de manière imparfaite, de faire des choses dans des domaines que l’on ne connait pas bien, et rapidement en plus (c’est l’oppose du spécialiste Suisse qui est très pointu et très centre sur les détails « travail bien fait »)… En résumé d’apprendre de nouvelles choses sur le tas:

– Comment lever de l’argent: Par où commencer?
– Comment négocier un contrat d’investissement
– Comment aborder les partenaires
– Négociation
– Comment travailler avec des recruteurs, des avocats, des clients…
– Comment monter et manager un groupe
– Comment engager des commerciaux (pour un ingénieur). Au fait: ça fait quoi le marketing, les ventes, les opérations?
– Comment creer un nouveau produit – schedule, spécification, qualification, etc…
– Ou trouver des distributeurs pour le produit? Comment choisir les bons?
– etc…

Tout ça s’apprend pas a l’école pour un ingénieur (je sais même pas ce qui est vraiment couvert de manière pratique dans un MBA). En fait je sais pas si ça peut s’apprendre dans une cours a l’université… Pour moi, un entrepreneur, çà n’arrête pas de faire des choses nouvelles, assez mal la première fois, et de s’améliorer au cours du temps. Il faut a la fois ne pas avoir l’attitude négative/défaitiste qui fait que l’on ne tente jamais des choses difficiles/risquées, sans aller a l’oppose et ne se lancer que dans des projets irréalistes. Il y a une « fine line »
entre l’arrogance (il faut quand même connaitre ses limites) et le dynamisme d’un bon entrepreneur…

Bien sur, le fait que la formation des ingénieurs ne comprenne aucune introduction au Marketing, a la comptabilité, au aspects légaux n’aide pas. (Mais c’est le cas au US aussi) »

Hier, j’étais à Grenoble pour une table sur les Nouveaux Conquérants:

Le sujet était exactement le même: la nécessité de la confiance en soi, de la passion, de l’enthousiasme pour affronter l’incertitude.