Archives mensuelles : août 2008

Rien ne va plus…

Je viens de lire (en anglais) Rien ne va plus en physique ! : L’échec de la théorie des cordes de Lee Smolin (mais aussi Alain Connes pour la version française). Quel est le rapport avec l’innovation et les start-up ? Je vois un lien : dans mon livre je mentionne Thomas Kuhn à travers son livre La Structure des révolutions scientifiques. Je crois qu’innovation et recherche ont bien des similitudes, par exemple dans leurs progrès. Un des sujets que Smolin aborde est l’absence de progrès en physique théorique. N’avons-nous pas des problèmes similaires avec l’innovation ? J’avais aussi cité dans mon livre Pitch Johnson, un des pionniers du capital-risque : « La démocratie fonctionne mieux quand il y a un peu de turbulence dans la société, quand ceux qui ne sont pas encore à l’aise peuvent grimper l’échelle économique en utilisant leur intelligence, leur énergie et leur habileté pour créer de nouveaux marchés ou mieux servir les marchés existants. »

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Smolin analyse que la science a besoin de deux ingrédients : de l’éthique et de l’imagination. Si la science établie et ses scientifiques ne permettent pas l’émergence d’une nouvelle génération et de nouvelles idées, la crise n’est pas loin. C’est ce qu’il analyse brillamment (son livre dit aussi beaucoup d’autres choses passionnantes).  Quand des figures de la Silicon Valley telles que Joe Costello ou Richard Newton prétendent que la Silicon Valley ne prend plus assez de risques et devient « greedy », j’y vois des similarités…

La composante humaine de l’équation capital-risque.

Un post intéressant de Fred Wilson pose la question du remplacement nécessaire des fondateurs par du management expérimenté « The Human Piece of the Venture Equation ». Je n’ai pas pu m’empêcher de réagir à son post puisqu’il s’agit de mon sujet favori : la passion dans les start-up. Voici ce que j’ai écrit.Le sujet est en effet passionnant. Comme ancien étudiant dans la Silicon Valley et comme ancien VC, j’ai vu beaucoup, beaucoup de start-up et de fondateurs. Mon intuition est que dans un monde idéal, le fondateur devrait être CEO aussi longtemps que possible. Laissez-moi faire une analogie (que j’utilise souvent) : une start-up est un bébé dont les fondateurs sont les parents. A moins qu’ils en soient totalement incapables, ils auront la responsabilité de son éducation. De nombreux « spécialistes » les assisteront (enseignants, médecins, etc.). Et bien sûr, ils feront des erreurs parfois mortelles. Cela ne veut pas dire pour autant qu’ils doivent le/la contrôler indéfiniment. Ca n’est pas du tout souhaitable (pour les parents du moins !). Et laissez-moi ajouter, mais peut-être suis-je devenu trop conservateur, que deux parents/fondateurs sont la formule idéale pour le bébé/start-up.

Je suis donc en accord avec la remarque de Wilson “nothing can replace the entrepreneur’s passion and vision for the product and the company. If you rip that out of the company too early, you’ll lose your investment. I think it’s best to wait”. J’ai publié Start-Up juste avant de lire “Founders at Work”, l’excellent livre de Jessica Livingston. J’ai essayé d’élargir la perspective car je ne suis pas sûr que l’Internet et le Web2.0 aient fondamentalement changé le problème. Oui, vous pouvez bâtir plus vite et à moindre coût mais Hewlett et Packard avaient un peu plus de 25 ans quand ils fondèrent HP en 1939. Gates, Jobs et Dell ne sont pas les premiers gamins des start-up. Il ne s’agit pas que d’ordinateurs et de logiciels. Je crois qu’il s’agit de passion, qui est peut-être plus importante encore que l’expérience. Il s’agit de mon intuition et sans doute des études approfondies seraient utiles à l’analyse. La Passion est un des mes sujets préférés.

Un dernier point. Faut-il remplacer le CEO quand “the CEO’s job goes from managing the product, writing a little code, doing customer support, and raising money to managing people and teams, processes and priorities.” Je n’en suis pas sûr. Je suis en accord avec cette remarque, mais aussi avec ce que Wilson dit plus tard quant au rôle du CEO dans la définition de la vision et de la stratégie. Ne peut-on pas demander aux autres managers dont le COO de maîtriser les processus ? Quand Logitech fut en difficulté, son fondateur, Daniel Borel, confia les rênes à un nouveau CEO, ancien homme de marketing chez Apple. C’est au moins sur le marketing qu’il redessina Logitech. L’histoire bien sûr unique de Steve Jobs a des similitudes (« Inside Steve’s Brain » est une autre lecture intéressante.)

Il est difficile de résoudre l’équation capital-risque et elle inclut de nombreux éléments contre-intuitifs. Elle n’est ni blanche, ni noire. Vous avez besoin de passion et d’expérience et par définition, on retrouve rarement les deux ingrédients chez la même personne. Voilà un autre argument pour l’utilité d’avoir deux fondateurs. Google a parfaitement résolu l’équation avec la venue d’Eric Schmidt car il n’y a aucun doute que les deux fondateurs restent essentiels pour leur start-up.

Win, Win, Win

J’ai pris connaissance hier du 2008 Academic Ranking of World Universities réalisé par le Institute of Higher Education, Shanghai Jiao Tong University (IHE-SJTU). A nouveau les USA ont la part du lion: 8 dans le top 10 et 17 dans le top 20. Seuls le Royaume Uni (Cambridge et Oxford) et le Japon (Tokyo) entrent dans la liste. Le classement est beaucoup plus détaillé puisque qu’il donne le classement des 500 premières.

Lorsque j’ai publié “Start-Up”, j’avais eu une brève conversation avec Christophe Alix, journaliste à Libération, qui m’avait indiqué que je n’insistais pas assez sur le budget considérable dont le pentagone disposait pour la recherche et l’innovation. I Je n’avais rien à redire à l’argument et ma lecture récente d’un livre va en effet dans ce sens:

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“Creating the Cold War University- The Transformation of Stanford” de Rebecca S. Lowen est un livre intéressant. Il explique comment Stanford est devenue riche dans les années 50 et 60 grâce à l’argent public et aux contrats militaires et industriels. Frederick Terman, souvent considéré comme le père de la Silicon Valley, qualifia la situation de “Win-Win-Win”. Le gouvernement finançait la recherche fondamentale et appliquée (la différence entre les deux étant bien souvent floue) pour soutenir les efforts militaires durant la guerre froide, les industriels développaient des produits à partir des résultats de ces recherches (et n’avait pas toujours à payer cette recherche), et des sociétés telles que H-P, Varian, GE en bénéficièrent grandement. Enfin Stanford devint riche et excellente (ce qu’elle n’était pas dans les années 30).

Lowen explique que “by 1960, the federal government was spending close to $1B for academic research and university-affiliated research centers, 79 percent of which went to just twenty universities, including Stanford, Berkeley, Caltech, MIT, Harvard and the University of Michigan” (page147). Dans le classement de Shanghai, Harvard est #1, Stanford #2, Berkeley #3, MIT #5, Caltech #6 et Michigan #18 seulement…

Clairement l’argent aide. J’avais tout de même réagi à l’argument de Alix car l’argent des militaires ne peut pas expliquer à lui seul l’esprit entrepreneurial qui s’est développé à Boston ou dans la Silicon Valley. Caltech et son JPL n’ont jamais eu la même activité de spin-off. Mais la qualité des universités et leur richesse reste un des ingrédients clés des clusters technologiques. 

Inside Steve’s Brain

Inside Steve’s Brain

Un nouveau livre (pour l’instant en Anglais) sur Steve Jobs. Il est intéressant parce qu’il montre que le patron d’Apple est unique et vogue souvent à contre courant. En voici un simple exemple:

“But unlike a lot of people in product marketing those days who would go out and do customer testing, asking people what they wanted, Steve didn’t believe in that. He said ‘How can I possibly ask someone what a graphics-based computer ought to be when they have no idea what a graphics-based computer is? No one has ever seen one before’.” …and… “Like Henry Ford once said: ‘If I’d asked my customers what they wanted, they’d have said a faster horse’. ” (pages 63-64).

Si vous appréciez cet extrait, vous apprécierez le livre. Merci à Jacques de m’en avoir conseillé la lecture!