Archives par étiquette : Capital-risque

Naissance et mort de la Silicon Valley ?

A l’heure où la Silicon Valley semble plus puissante que jamais, où les GAFA et autres atteignent des valeurs difficiles à imaginer il y a encore quelques années, à l’heure où l’Intelligence Artificielle semble en effrayer plus d’un et en fasciner d’autres avec d’énormes levées de fonds pour l’openAI (10 milliards de dollars) ou Inflection AI ($1B) [sans oublier le français Mistral AI ($100M)], pourquoi voudrais-je parler de la mort de la Silicon Valley ?

La naissance et la croissance de la Silicon Valley

Avant de creuser plus loin, vous voudrez peut-être regarder la courte vidéo ci-dessus. Et au fait, quand est née la Silicon Valley ? Je prétends toujours que c’était en 1957 avec la fondation de Fairchild (La première start-up à 1000 milliards de dollars) et de l’industrie du semi-conducteur. C’est probablement un peu plus complexe comme vous le verrez dans la vidéo.

Maintenant, la figure ci-dessus ne contredit pas que la Silicon Valley a commencé vers cette année-là, mais la région était déjà développé avec les micro-ondes et des tubes de puissance, principalement pour des applications militaires, avec des sociétés telles que Litton Engineering Labs (1932), Hewlett-Packard (1939) ou Varian Associates (1948). J’ai copié la figure d’un livre que j’ai trouvé dans mes archives (mais que je n’ai pas encore lu – je ferai peut-être avec un autre article de blog) : Making Silicon Valley – Innovation and the Growth of High Tech, 1930-1970 par Christophe Lécuyer.

Assez avec l’Histoire et retour au présent. Si vous n’êtes pas convaincu par la puissance de la Silicon Valley, jetez un œil au tableau ci-dessous. Même si je suis conscient que Microsoft et Amazon, ni Tesla non plus, n’appartiennent pas géographiquement à la Silicon Valley, ils en font certainement partie d’un point de vue culturel. Et c’est pourquoi je parle de la mort de la Silicon Valley. D’un point de vue culturel.

La mort de la Silicon Valley d’un point de vue culturel

Il y a quelques jours, des amis du FMI m’ont envoyé des articles sur le départ à la retraite de Michael Moritz. Je ne serais pas surpris que vous ne le connaissiez pas, même si j’ai cité son nom sur ce blog dans le passé. Il était capital-risqueur et les capitaux-risqueurs ne sont pas les héros de la Silicon Valley. Bob Noyce, Steve Jobs, Larry Page et Sergey Brin l’étaient. Elon Musk probablement plus. « Regardez autour de vous qui sont les héros. Ce ne sont pas les avocats, ni même les financiers. Ce sont eux qui créent les entreprises » (voir ici).

Sa page Wikipédia anglaise mentionne « En juillet 2023, Moritz a quitté Sequoia après près de quatre décennies. » Il y est ajouté également que « ses investissements dans les sociétés Internet incluent Google, Yahoo!, […] PayPal, Webvan, YouTube, eToys et Zappos. » On peut aussi lire un article sur Techcrunch, Michael Moritz moves on, book-ending a long chapter at Sequoia Capital.

Moritz fait partie d’une longue liste d’investisseurs qui ont décidé de prendre leur retraite. La première génération a cessé d’être active il y a longtemps (Arthur Rock, Don Valentine, Tom Perkins et Eugene Kleiner font partie de cette liste) et la deuxième génération disparaît également (John Doerr qui a co-investi avec Moritz dans Google et siégeait avec lui au conseil d’administration de l’entreprise, a également pris sa retraite). Tous ces inconnus ont contribué à bâtir la Silicon Valley en soutenant financièrement les entrepreneurs les plus célèbres.

Ce n’est pas la première fois que j’exprime des doutes sur la Silicon Valley :
– une série de 3 articles sur Optimisme et désillusions dans la Silicon Valley en janvier 2023,
– un article de septembre 2021, La Silicon Valley aura bientôt 65 ans. Devrait-elle être mise à la retraite ? avec des références à Silicon Valley 2018: Les libertariens ont remplacé les hippies,
– ou les plus anciens (2013) Les promesses de la technologie. Décevantes ? et Les péchés capitaux de la Silicon Valley.

Il est vraiment étrange qu’une région puisse continuer à être aussi innovante depuis plus de 60 ans. Et cela continuera probablement pendant un certain temps. Ce qui est moins clair, c’est la continuité de cette culture unique qu’Olivier Alexandre a brillamment décrite dans son récent livre, La Tech.

Nous verrons…

La Silicon Valley Bank et le capital-risque

J’ai été très surpris par la faillite de la Silicon Valley Bank (SVB). La finance de Silicon Valley était (et, je pense, est toujours) fondée sur le capital-risque et non sur les banques, sur les prises de participations et non sur les prêts ou les dettes. Alors comment est-il possible qu’une banque fasse faillite en servant des startups ?

Quand j’étais dans le capital-risque, et c’était il y a 20 ans, les startups empruntaient marginalement de l’argent. Les banques n’avaient en effet pas confiance en ces entités fragiles et elles avaient statistiquement raison. Bien sûr, les startups pouvaient emprunter de l’argent si elles disposaient de garanties solides comme du matériel et c’est pour cela que la Silicon Valley Bank et ses pairs étaient utilisées par les startups : pour le leasing par exemple (espace de bureau, équipement pouvant être réutilisé).

Apparemment, les choses ont changé comme je l’ai appris récemment. Certains capital-risqueurs ont réussi à convaincre la banque d’aller plus loin. L’argent était bon marché et si des VC « puissants » finançaient une startup, alors la SVB pensait que la startup était solide.

Comme le dit l’article du New Yorker ci-dessous, cela semble avoir été une combinaison de gestion incompétente, de réglementation laxiste et de personnes puissantes de la Silicon Valley criant au feu dans un théâtre bondé.

Vous pouvez lire des documents supplémentaires du New Yorker avec
The Old Policy Issues Behind the New Banking Turmoil – Les vieux problèmes de gouvernance derrière la nouvelle tourmente bancaire (13 mars)
Why Barney Frank Went to Work for Signature Bank – Pourquoi Barney Frank est allé travailler pour Signature Bank (15 mars)
Un autre article intéressant est In Their Own Words: What Silicon Valley Bank Meaning To The Valley – Dans leurs propres mots : ce que la Silicon Valley Bank signifie pour la vallée.

Il y a aussi cette interview sur le rôle de Peter Thiel dans l’effondrement de la SVB

Certaines citations incluent :
« La Silicon Valley a un problème d’image mais reste extrêmement populaire. »
« Le problème n’est pas que les VCS sont puissants, mais pas aussi intelligents qu’ils le pensent ».

Enfin, il n’y a aucun doute que l’argent était devenu très facile, en trop grande quantité comme l’indique la page Wikipedia de SVB. La fin des megarounds et la récente nouvelle crise des startup a joué son rôle.

Enfin un entretien avec Emmanuelle Auriol, professeure à l’école d’économie de Toulouse, montre même que la Silicon valley Bank n’était pas mal gérée, mais a été victime d’un bank run. Voir ici.

Cela doit probablement être aussi regardé sur le long terme. Lorsque j’ai écrit mon livre, j’ai examiné les corrélations entre l’indice Nasdaq, les levées de fonds du capital-risque et la crise économique. Voici ce que ça a donné :

et voici ce que cela donne en 2022 avec entre autres la crise de 2008

Je poste cet article car j’ai été invité à débattre de la Silicon Valley, du Capital Risque et comment les startups technologiques peuvent avoir un impact sur le système bancaire sur France Culture, dans l’émission Entendez-vous l’éco ?. Il ne me reste plus qu’à lire l’ouvrage de mon co-invité, Olivier Alexandre, La tech. Quand la Silicon Valley refait le monde (Seuil, 2023) qui semble très intéressant. Probablement un article à venir.

Des nouvelles données (intéressantes?) sur les startup françaises.

Il y a un mois, je publiai des données sur les startups françaises. J’avais été surpris de découvrir que l’accès aux données sur les entreprises non cotées était enfin possible gratuitement dans mon cher pays. J’ai donc regardé quelques (célèbres) licornes françaises en m’intéressant à la structure de l’actionnariat et au montant d’argent qu’elles avaient levé globalement, ainsi qu’à leurs tours de financement d’amorçage et A. Vous trouverez le détail des données dans un pdf en fin de post.

Mais avant de passer à cette analyse, je vais mentionner un excellent article sur la levée de fonds en amorçage, qui donne des conseils et des informations assez riche. Il est intitulé La levée de fonds seed ou amorçage. Voici donc les résultats :

Dans ce premier tableau, j’ai analysé leur âge et leurs levées de fonds. Pour donner une règle simple, à propos de celles qui sont encore privées, elles ont environ 5 à 15 ans, elles ont levé environ 200 millions d’euros, avec des tours d’amorçage de 0,5 million d’euros et des « rounds A » de 2 à 3 millions d’euros. La capitalisation boursière devrait être (par définition) supérieure à un milliard d’euros, mais apparemment ce n’est pas toujours le cas (disons que la valeur d’une entreprise privée est une mesure très volatile !) et le rapport de cette valeur au montant levé semble être aller de 5 à 15…

J’ai ensuite regardé à quelle dilution correspondent les tours d’amorçage et A ainsi que l’âge des entreprises pour ces tours. Encore une fois, sans tenir compte des valeurs extrêmes (« outliers »), les tours d’amorçage et A semblent induire une dilution de 25 %, par conséquent, avec des tours de 0,5 M € et 2-3 M € respectivement, la valeur en « seed » est d’environ 2M€ et au tour A est 8-12M€. Enfin les startups ont moins de 1-2 ans au seed et moins de 4 ans au « A round ».

Le dernier tableau concerne la structure de l’actionnariat ou du capital ainsi que des données sur les fondateurs. Les fondateurs conservent 25 à 30 % de leurs startups, les investisseurs 60 à 65 % et les salariés 5 à 10 %.

Il y a environ deux fondateurs par startup, ils ont étonnamment souvent moins de 30 ans avec un âge médian et moyen de 29 ans et malheureusement pas une seule femme.

Equity List – French Unicorns

L’impact (récent) du capital-risque sur les startups

J’ai régulièrement été intrigué par l’impact (réel) du capital-risque sur les startups, leur croissance ou encore leur réussite. Il y a quelques jours, j’ai reçu un e-mail d’un ami avec un tableau très intéressant.

La mesure de la productivité du capital est donnée par le ratio a/b où a est le revenu de la startup au moment de l’introduction en bourse et b est le montant du capital-risque levé par la startup avant son introduction en bourse. Les 4 grandes entreprises technologiques sont Apple, Microsoft, Amazon et Google, 4 entreprises fondées avant 2000. Le ratio a/b est supérieur à 10. Les récentes opérations de VC ou IPO donnent des ratios inférieurs à 1 et plus proches de 0,1.

Il m’a donc été facile de regarder mes données habituelles sur les startup (cliquez ici si vous ne savez pas de quoi je parle). Je dispose maintenant de données sur 880 entreprises et j’ai regardé l’évolution de ce ratio a/b au fil du temps. Voici le résultat :

J’ai 272 startups biotech et 361 dans les domaines du logiciel et de l’Internet (les autres sont principalement des sociétés de matériel, de semi-conducteurs, d’énergie et de technologie médicale). J’ai le ratio a/b (que j’appelle Sales to VC) par période de 5 ans (correspondant aux années de création des startups). J’ai aussi mis le ratio PS (le fameux ratio Market Capitalization to Sales ou « Price to Sales »). En effet, le ratio « s’effondre » de plus de 5 avant les années 90 à moins de 1 après l’an 2000.

J’ai également séparé la biotech qui est connue pour avoir des startups qui s’introduisent en bourse avec de faibles revenus et le groupe des Logiciel et Internet. Les courbes qui suivent en sont probablement de meilleures illustrations. Assez frappant !

J’ai également examiné les bénéfices (ou les pertes) des startups et calculé le rapport entre le montant des gains et celui du capital-risque. Voici:

La biotech est différente car ces entreprises sont rarement rentables lors de leur introduction en bourse et le ratio est assez stable depuis 1990. Mais dans l’ensemble, les entreprises étaient rentables à l’introduction en bourse avant 2000 (et parfois très rentables, de sorte que je n’ai pas pu trouver une bonne échelle d’axe pour mes données). Elles perdent de l’argent depuis 2005 et apparemment de plus en plus.

Tout cela n’est pas vraiment une surprise. Mallaby dans son récent livre The Power Law a décrit les nouvelles tendances du capital-risque. Des fonds comme Softbank Vision ou Tiger Global injectent des tonnes d’argent dans des startups qui tentent de dominer leur marché, quel qu’en soit le prix. Ainsi, la productivité du capital diminue lors de l’introduction en bourse avec l’espoir de gains énormes à l’avenir. Un pari très, très risqué…

PS (en date du 22 avril 2022) : I was asked a question about startups in the energy / greentech field. This is indeed interesting. Couple of comments before providing an answer from my data. Greentech has never been a stable or profitable segment. Kleiner Perkins or Khosla Ventures, early entrants in the field, seem to have suffered a lot. In addition I have only 21 companies in my DB. You are right, it is stable but from the low range, with low sales to VC ratios and negative profits…

On m’a posé une question sur les startups dans le domaine de l’énergie / greentech. C’est en effet intéressant. Quelques commentaires avant de fournir une réponse à partir de mes données. La Greentech n’a jamais été un segment stable ou rentable. Kleiner Perkins ou Khosla Ventures, premiers entrants dans le domaine, semblent avoir beaucoup souffert. De plus je n’ai que 21 entreprises dans ma BD. Vous avez raison, c’est stable mais à partir du bas de gamme, avec de faibles ratios ventes/VC et des profits négatifs…

La question était : Dans un autre ordre d’idées, vous avez des données sur l’énergie / les technologies vertes ? Qu’est-ce que vous vous attendriez à voir ? Je me demandais si pour les entreprises à forte intensité de capex, la tendance est plus faible car elles avaient déjà besoin de lever beaucoup de capitaux.

Le capital-risque en Chine selon Sebastian Mallaby

Dans la partie 1 de mon article sur The Power Law, j’avais intégré ma propre histoire visuelle du capital-risque. Il y avait un élément qui manquait, à savoir la montée en puissance de la Chine, que Mallaby aborde en 27 pages dans son chapitre 10 . Avant 2010, le capital-risque en Chine était derrière l’Europe, mais aujourd’hui, il défie les États-Unis :

Source: Mallaby’s The Power Law, appendix, page 413.

Mallaby explique de manière convaincante qu’il s’est développé non pas avec le soutien du gouvernement chinois, mais en le contournant et, étonnamment, grâce à une combinaison de capital-risqueurs américains et de Chinois qui avaient été en contact étroit avec la culture entrepreneuriale américaine. Je ne connaissais personne parmi les personnes ci-dessous si ce n’est un entrepreneur (vous pouvez vérifier leurs noms à la fin de l’article).

J’avais entendu parler des BATX qui sont aujourd’hui comparés aux GAFA et j’ai adoré la vidéo de Jack Ma qui aurait pu être donnée par de nombreux entrepreneurs de la Silicon Valley. La voici à nouveau :

J’avais quelques startups chinoises dans mes plus de 800 tables de capitalisation et ce sont principalement des sociétés Internet et de commerce électronique. Mallaby semble avoir des données similaires. Je les ai toutes extraites (voir ci-dessous) et voici quelques caractéristiques intéressantes :

Non seulement ce sont pour la plupart des sociétés Internet/e-commerce, mais elles sont récentes, sont allées en bourse (IPO) rapidement, leurs fondateurs sont plus jeunes que la moyenne, conservent plus de parts que les autres et elles ont beaucoup plus de PDG fondateurs que la moyenne. Intéressant…

Equity List China

Dans l’image ci-dessus se trouvent :
Fournisseurs de fonds (funders): Gary Rieschel (Qiming), Neil Shen (Sequoia China), JP Gan, Hans Tung (ex-Qiming), Kathy Xu (Capital Today), Syaru Shirley Lin (ex-Goldman Sachs)
Fondateurs (founders): Jack Ma, Richard Liu, Wang Xing

La loi de la puissance et le capital-risque selon Sebastian Mallaby

Sebastian Mallaby vient de publier un nouveau livre sur le capital-risque. Il y est question de loi de puissance que j’ai souvent discutée sur ce blog (par exemple ici) et je ne vais pas y revenir. Mais je vais comme d’habitude quand j’apprécie un livre en citer quelques passages.

Le terme « capital-risque » avait également fait son apparition en 1938 lorsque Lammont du Pont, le président de E. I. du Pont de Nemours & Company, avait pris la parole devant le comité sénatorial américain chargé d’enquêter sur le chômage et les aides. « Par capital-risque, j’entends ce capital qui ira dans une entreprise et ne s’attendra pas à un retour immédiat, mais tentera d’obtenir un retour ultime », avait précisé du Pont. […] mais cette formulation n’a pas duré et le terme n’a été largement utilisé qu’à partir des années 60. [Note 28 page 418]

« Tout progrès dépend de l’homme déraisonnable, de l’inadapté créatif. La plupart des gens pensent que les idées improbables ne sont pas importantes, mais la seule chose qui est importante est quelque chose qui est improbable ». D’après Vinod Khosla [Page 3]

Sur les retours sur investissement des VC. La distribution normale s’applique à la taille, au poids des individus, aux marchés boursiers traditionnels, mais la loi de puissance s’applique à l’exceptionnel, à la richesse des individus lorsqu’elles ne sont pas vraiment réglementées, ainsi qu’au capital-risque : « Comme la star de 2 mètres 10 de la NBA dans une salle de cinéma, les sauts inattendus de prix des marchés classiques sont suffisamment rares et modérés pour ne pas affecter la moyenne. Le S&P500 a bougé de moins de 3% en 7763 jours sur 7817 entre 1985 et 2015, soit 98% du temps. […] Considérons maintenant le capital-risque. Hosley Bridge est une société d’investissement qui détenait des participations dans des fonds de capital-risque qui ont soutenu 7 000 startups entre 1985 et 2014. Un petit sous-ensemble de ces transactions, représentant seulement 5% du capital déployé, a généré 60% de tous les rendements de Hosley Bridge. » [Page 8]

Exemples de retours de Khosla [Page 10]

Startup Investment Return Multiple
Juniper Networks $5M $7B 1,400
Siara A few $M $1,5B >150
Cerent $8M Bought for $7B

À propos des prédictions : « Les révolutions qui compteront – les grandes perturbations qui créent de la richesse pour les inventeurs [et les investisseurs ! note HL] et l’anxiété des travailleurs, ou qui brouillent les équilibres géopolitiques et altèrent les relations humaines – ne peuvent être prédites sur la base d’extrapolations de données passées, précisément parce que de telles révolutions sont si profondément perturbatrices. Au contraire, elles émergeront à la suite de forces trop complexes à prévoir – de la soupe primordiale des bricoleurs, des hackers et des rêveurs orgueilleux – et tout ce que vous pouvez savoir, c’est que le monde dans dix ans sera extrêmement différent. […] L’avenir peut être découvert au moyen d’expériences itératives soutenues par des investisseurs aventureux. Il ne peut pas être prédit. [Page 11] « Je dis toujours à mes PDG de ne pas planifier. Continuez à tester les hypothèses et à itérer » Khosla encore. [Note 32, page 416] Tout cela n’est bien sûr pas s’en rappeler le phnénomène du Cygne noir ou Black Swan.

Pourquoi le capital-risque est-il si différent des autres types de financement ? La plupart des financiers allouent des capitaux avec réserve sur la base d’une analyse quantitative. les investisseurs en capital-risque rencontrent des gens, les charment et se soucient rarement des feuilles de calcul excel. [*]. La plupart des financiers évaluent les entreprises en projetant leurs flux de trésorerie. Les capital-risqueurs soutiennent fréquemment les startups avant qu’elles n’aient des flux de trésorerie à analyser. D’autres financiers échangent des millions de dollars d’actifs papier en un clin d’œil. Les capital-risqueurs prennent des participations relativement faibles dans de vraies entreprises et les détiennent longtemps. Plus fondamentalement, d’autres financiers extrapolent les tendances du passé, sans tenir compte du risque d’événements « extrêmes ». Les capital-risqueurs recherchent des ruptures radicales avec le passé. Les événements « extrêmes » sont tout ce dont ils se soucient. [Page 14]

[*] Les travaux universitaires confirment qu’un capital-risqueur sur cinq n’essaie même pas de prévoir les flux de trésorerie lorsqu’il prend une décision d’investissement. [Note 36 page 416]

Tout cela ne fait partie que du chapitre introductif. Sans doute plus à venir. En attendant voici l’histoire visuelle du capital-risque que j’avais réalisée en 2011:

Le capital-risque selon Bill Janeway (partie II)

Dans une nouvelle série remarquable de vidéos, Venture Capital in the 21st Century, Bill Janeway décrit la valeur et les défis de l’innovation technologique. J’ai évoqué dans mon dernier post la performance du capital-risque, sa troisième vidéo.

La première vidéo, Investir à la frontière technologique, décrit l’incertitude radicale de l’innovation et comment elle contribue au développement économique.

Dans la deuxième vidéo, What Venture Capitalists Do, il développe ses réflexions que je résume à travers quelques captures d’écran ci-dessous. (Elles sont suffisamment explicites, j’espère, et vous devriez certainement écouter Janeway si vous êtes curieux ou intrigué).

La 4e vidéo, The Failure of Market Failure, ouvre le débat sur l’intervention de l’État et la spéculation privée. Ce sujet important a été largement débattu par Mariana Mazzucato et vous trouverez des articles supplémentaires sous le tag #mazzucato.

Les performances du capital-risque par Bill Janeway

Je dois admettre que je ne connaissais pas Bill Janeway. J’aurais dû connaître sa longue expertise en capital-risque. Sa récente contribution a été mentionnée par beaucoup, dont Nicolas Colin et, à titre personnel, des amis du FMI. Ils viennent de me mentionner 8 vidéos qui semblent absolument magistrales: Venture Capital in the 21st Century.

Je viens de regarder la troisième: Evaluating Venture Capital Performance | #3 | Innovation in the 21st Century. Voici les slides au format pdf.


Janeway examine la performance des sociétés de capital-risque et les récents changements sur le marché du capital-risque. Il commence par résumer les faits stylisés des rendements du capital-risque (très biaisés, très persistants et corrélés avec le marché boursier). Le capital de capital-risque a augmenté rapidement à la fin des années 1990, atteignant un sommet en 2000. Les rendements du capital-risque se sont depuis stabilisés, avec des avoirs plus longs et moins d’introductions en bourse. Mais avec le climat de taux d’intérêt réels nuls depuis 2008, de nouveaux investisseurs non conventionnels (private equity, hedge funds, etc.) se sont lancés directement dans le financement en capital-risque, à la recherche des rendements élevés du prochain grand géant de la technologie. Une « bulle de licornes » s’est développée en conséquence, où des entreprises douteuses ont financé leur croissance en vendant des titres illiquides à des prix gonflés à des investisseurs aux poches profondes ayant peu d’expertise ou de contrôle sur l’entrepreneur. Cela peut avoir des implications sur le lien à long terme entre le financement en capital-risque et l’innovation technologique.

Je viens de copier quelques captures d’écran:

Le capital-risque est fortement biaisé et suit une loi de puissance, tout comme les modèles de succès des startup.

Les rendements du capital-risque sont fortement corrélés à ceux du Nasdaq comme indiqué ci-dessus et ci-dessous, donc…?

Les bons VC sont bons et les mauvais VC sont mauvais.

et donc…

« Le message adressé aux Limited Partners est très clair.
Une allocation aveugle dans le capital-risque, sous forme d’une proportion fixe, court le risque majeur de ce que l’on appelle l’anti-sélection.
Les fonds dans lesquels vous souhaitez investir, ceux qui réussissent constamment, n’ont pas besoin de votre argent.
Ceux qui veulent votre argent sont ceux que vous voulez éviter. »

Airbnb annonce son entrée en bourse. Le dernier des géants ?

Airbnb vient d’annoncer son entrée en bourse. Enfin ! C’est peut-être la dernière introduction en bourse des géants (et pas seulement la dernière en date), ces géants qui ont émergé au 21e siècle, comme

et bien sûr voici sa table de capitalisation, pas si éloignée de ce que j’avais essayé de deviner en 2017 dans www.startup-book.com/fr/2017/03/13/quelle-est-la-structure-actionnariale-duber-et-dairbnb:

Apple et ses premiers investisseurs : hilarant !

Ce matin, je participais à un atelier sur les startups et une question s’est posée sur les relations avec les investisseurs que les entrepreneurs tentent d’attirer et de faire investir dans leur entreprise. Je leur ai dit que cela pouvait être frustrant pour de nombreuses raisons, souvent parce que les VC ne disent jamais non mais refusent trop souvent d’investir aussi. La meilleure illustration vient de Something Ventured, un film documentaire que je ne cesse de célébrer. Le cas Apple est presque hilarant. Vous trouvez l’extrait vers la minute 51 dans la vidéo:

et voici l’extrait: [Narrateur] En 1976, l’ordinateur était sur le point de devenir personnel. […] Pour les capital-risqueurs, cela représentait l’opportunité d’une vie.

[Rires de Perkins] Nous avons refusé Apple Computer. Nous ne l’’avons pas – Nous ne l’avons même pas refusé. Nous n’avons pas accepté de rencontrer Jobs et Wozniak.

[Reid Dennis] Oh, cela aurait été un investissement fabuleux si nous l’avions fait, mais nous ne l’avons pas fait. Nous avons dit : « Oh, non, nous ne sommes pas vraiment dans ce domaine. »

[Pitch Johnson] « Comment pouvez-vous utiliser un ordinateur à la maison ? Vous allez y mettre des recettes ? »

[Bill Draper] J’ai envoyé mon partenaire voir Apple. Il est revenu et il a dit « Ce type m’a fait attendre une heure, et il est très arrogant. » Et, bien sûr, c’était Steve Jobs! J’ai dit : « Eh bien, laissons tomber. » Ce fut une grosse erreur.

[Narrateur] En 1976, les seules personnes qui croyaient en l’ordinateur personnel … étaient les geeks et les nerds qui se réunissaient dans les Homebrew Computer Clubs.

[Bushnell, fondateur et PDG d’Atari] Ils avaient besoin d’un investissement, et, euh, ils m’ont offert un tiers d’Apple Computer pour 50 000 $ … et j’ai dit : « Bon sang, je ne pense pas. » J’aurais pu posséder un tiers d’Apple Computer pour 50’000 $. [Soupirs] Une grosse erreur. Mais j’ai dit : « Appelle Don Valentine ».

[Valentine] Nous avons donc eu notre réunion. Je suis allé chez Steve. Et nous avons discuté, et j’étais convaincu que c’était un grand marché … juste un début embryonnaire. Steve avait son look Fu Manchu, et sa question pour moi – « Dites-moi ce que je dois faire pour que vous me financiez. » J’ai dit : « Nous devons avoir quelqu’un dans l’entreprise … qui a un certain sens de la gestion, du marketing et des canaux de distribution. » Il a dit : « Très bien. Envoyez-moi trois personnes. » Je lui ai envoyé trois candidats. Un qu’il n’aimait pas. Un ne l’aimait pas. Et le troisième était Mike Markkula. Mike Markkula a travaillé pour moi chez Fairchild avant de rejoindre Intel.

[Markkula] J’ai dit : « D’accord. » Parce que c’est ce que je faisais le lundi. J’étais à la retraite. [Rires] Je pense que j’avais 32 ans lorsque j’ai pris ma retraite d’Intel. Mais un jour par semaine, j’aidais les gens à créer des entreprises et à rédiger des plans d’affaires. Je le faisais gratuitement, juste pour l’interaction avec des gens brillants … Alors je suis allé parler aux garçons. [Rires] Les deux ne faisaient pas bonne impression sur les gens. Ils étaient barbus. Ils ne sentaient pas bon. Ils s’habillaient bizarrement. Jeunes, naïfs. Mais Woz avait conçu un ordinateur vraiment merveilleux, merveilleux. […] Et j’en suis venu à la conclusion que nous pourrions créer une entreprise du Fortune 500 en moins de cinq ans. J’ai dit que je mettrais l’argent nécessaire.

[Narrateur] Mike Markkula est sorti de sa retraite, devenant président et C.E.O. d’Apple. Et le premier appel qu’il a passé était à Arthur Rock. Arthur aurait manqué Apple s’il n’y avait pas eu Mike Markkula.

[Rock] Jobs et Wozniak sont venus me voir, et ils étaient très peu attrayants. Bouc, cheveux longs [Marmonnant] Markkula a dit: « Eh bien, avant de vous décider, il y a une conférence sur les ordinateurs. Vous devriez y aller et voir ce qui se passe. » Et il l’a fait. Il pensait que quelque chose se passait. Il ne savait pas trop quoi. Et il y avait ce stand avec tout le monde autour. Je ne pouvais même pas y accéder. Et c’était le stand Apple.
Ensuite, j’ai reçu un appel de Don Valentine. [Rires] « Je veux mettre de l’argent dans cette entreprise » J’ai dit: « D’accord, tu dois faire partie du conseil alors. »
Vous savez, dans le secteur du capital-risque, si vous regardez 200 transactions, et vous pouvez en faire 10, et vous pensez qu’elles sont toutes excellentes, et si l’une d’entre elles est excellente, alors vous êtes au Hall of Fame.

Voici un article de mon blog sur le film datant de 2012 : https://www.startup-book.com/fr/2012/02/08/something-ventured-un-film-passionnant/.

Enfin, ceci mérite d’être rapproché d’un autre post récent : Le défi de trouver des startup prometteuses.