Archives mensuelles : décembre 2012

Imagination / Intuition contre Logique / Raison

Comme Guillermo Martinez l’a écrit à juste titre dans un de ses essais, « il est bien connu qu’il n’y a qu’une seule façon plus efficace pour tuer la conversation dans une salle d’attente que d’ouvrir un livre, c’est d’ouvrir un livre de mathématiques ». J’espère pourtant que vous lirez ce qui suit !

Même dans la haute technologie, l’innovation et l’entrepreneuriat, le thème de l’imagination face à la raison, thème qui pourrait être traduit par « la technologie et le marché », est une question récurrente. Alors, quand je lis des livres sur la créativité, que ce soit scientifique ou artistique, je suis toujours à la recherche de liens avec l’innovation. J’ai eu l’occasion de le vérifier à nouveau avec Guillermo Martinez et son Borges et les mathématiques. Borges est probablement l’un des « poètes » qui met le plus de mathématiques dans son œuvre littéraire. Guillermo Martinez qui est à la fois un romancier et un mathématicien a récemment publié en anglais ce joli petit livre sur les mathématiques dans les nouvelles de Borges. J’ai déjà parlé de mathématiques dans un post récent alors laissez-moi ajouter ici quelques mots sur ce que j’ai aimé.

borges-and-mathematics

Martinez cite Borges qui cite Poe: « Je crois – peut-être naïvement – aux explications de Poe. Je pense que le processus mental qu’il décrit correspond réellement au processus créatif. Je suis sûr que c’est la façon dont fonctionne l’intelligence: à travers des revirements de l’esprit, en franchissant des obstacles et en produisant des éliminations. La complexité de l’opération qu’il décrit ne me dérange pas, je soupçonne que la véritable approche doit être encore plus complexe et beaucoup plus chaotique et hésitante. Tout cela ne signifie pas pour suggérer que les arcanes de la création poétique ont été révélées par Poe. Dans les liens que l’écrivain explore, la conclusion qu’il tire de chaque hypothèse est logique, bien sûr, mais pas la seule nécessaire ». Borges dans La genèse du Corbeau de Poe.

Et il ajoute plus encore sur le processus créatif: Quant au débat sur l’intuition « divine, ailée » en opposition à la logique, au pas de tortue, prosaïque, je voudrais aller à l’encontre d’un mythe à propos des mathématiques: le processus que Borges décrit est exactement le même que celui qui se passe dans la création mathématique. Prenons le mathématicien qui doit prouver un théorème pour la première fois. Notre mathématicien cherche à prouver un résultat sans même savoir si une telle preuve existe vraiment. Il tâtonne son chemin à travers un monde inconnu, à prouver et à faire des erreurs, à affiner son hypothèse, à tout recommencer et essayer une autre approche. Lui aussi a des possibilités infinies à sa portée, à chaque pas qu’il fait. Et si chaque tentative est logique, en aucun cas elle ne sera la seule possible. C’est comme les coups d’un joueur d’échecs. Chacun des mouvements du joueur d’échecs est conforme à la logique du jeu, afin de piéger son rival, mais aucun n’est prédéterminé. Il s’agit d’une étape cruciale dans l’élaboration artistique et mathématique, et dans n’importe quelle tâche d’imagination. Je ne crois pas qu’il existe quelque chose d’unique à la création littéraire en ce qui concerne la dualité de l’imagination / intuition par rapport logique / raison.

Je crois fermement que l’innovation est très similaire au processus de création artistique ou scientifique. Mais dans un autre essai, Martinez dit plus sur la création: « C’est le même sentiment d’euphorie que vous ressentez lorsque, après de nombreuses années de lutte avec votre propre ignorance, vous comprenez soudainement comment regarder quelque chose. Tout devient plus beau, et vous avez le sentiment que vous pouvez voir plus loin qu’avant. C’est un moment glorieux, mais vous devez payer le prix pour ce qui est votre obsession du problème, comme une plaie constante ou un caillou dans votre chaussure. Je ne recommanderais pas ce genre de vie à tout le monde. Einstein avait un ami proche, Michele Besso, avec qui il a discuté de nombreux détails de la théorie de la relativité. Mais Besso-même n’a jamais accompli quelque chose d’important dans la science. Sa femme demanda un jour pourquoi à Einstein, puisque, en fait, son mari était si doué. « Parce qu’il est une bonne personne! » répondit Einstein. Et je pense que c’est vrai. Vous devez être un fanatique, qui ruine sa vie et les vies des personnes qui lui sont proches. » Encore une fois vous pourriez méditer sur le taux élevé de divorce dans la Silicon Valley et la créativité qui nécessite du fanatisme.

Pour ceux qui s’intéressent vraiment en mathématiques, je ne peux pas éviter de mentionner quelques autres sujets abordés par Martinez: le théorème d’incomplétude de Gödel est l’une des plus grandes réalisations en mathématiques, même s’il est compliqué à comprendre. D’une une manière très simpliste, on peut dire que même en mathématiques, il ya des choses qui sont vraies, mais qui ne peuvent pas être prouvées. Le paradoxe de Russell est presque aussi fascinant mais plus simple à saisir:

Il y a quelques versions de ce paradoxe qui se rapprochent de situations réelles et donc peut-être plus faciles à comprendre pour les non-logiciens. « Un barbier se propose de raser tous les hommes qui ne se rasent pas eux-mêmes, et seulement ceux-là. Le barbier doit-il se raser lui même ? L’étude des deux possibilités conduit de nouveau à une contradiction. On résout le problème en affirmant qu’un tel barbier ne peut exister (ou, en jouant sur les mots, qu’il n’est pas un homme), ce qui ne surprendra personne : il n’y a pas vraiment de paradoxe. Plus exactement la démonstration qui précède constitue justement une démonstration de la non-existence d’un tel barbier. » (Article de Wikipédia)

On peut formuler le paradoxe ainsi : « l’ensemble des ensembles n’appartenant pas à eux-mêmes appartient-il à lui-même ? Si on répond oui, alors, comme par définition les membres de cet ensemble n’appartiennent pas à eux-mêmes, il n’appartient pas à lui-même : contradiction. Mais si on répond non, alors il a la propriété requise pour appartenir à lui-même : contradiction de nouveau. On a donc une contradiction dans les deux cas, ce qui rend l’existence d’un tel ensemble paradoxale. » (Article de Wikipédia)

Symboliquement: si

alors

I’M Feeling Lucky, beaucoup plus qu’un autre livre sur Google

Comme suite à mon Les choix sûrs ne sont pas toujours de bons choix, voici mon résumé de I’M Feeling Lucky – Falling On My Feet in Silicon Valley de Douglas Edwards. Je craignais que ça ne soit qu’un livre de plus sur Google. Ce n’est pas du tout le cas comme je l’ai déjà écrit.

En voici une première illutration, une conversation entre Douglas et Larry Page: « Je me rends compte que très souvent tu as eu raison. Je sens que j’apprends beaucoup à ton contact et je te remercie de ta patience pendant cet apprentissage. » […] « Très souvent? » me demanda [Larry]. « Quand avons-nous eu tort? » Il ne souriait pas en posant sa question et il ne leva même pas un sourcil comme à son habitude pour signifier sa perplexité. Il voulait simplement savoir quand il avait eu tort de sorte qu’il pourrait intégrer l’information dans le logiciel mental qui gérait son modèle de l’univers. [Pages ix-x]

Douglas était l’employé numéro 59 [Page xv]. Il a quitté Google en 2005. Son récit de l’histoire de Google est extrêmement riche et montre à quel point la start-up était exceptionnelle: « D’autres signes montraient une situation hors de l’ordinaire. Sequoia Capital et Kleiner Perkins sont les Montaigu et les Capulet des entreprises de capital-risque de la Silicon Valley. Une rivalité intense les empêchait généralement d’investir dans la même start-up. » [Page 7] [Pas si vrai comme je l’ai montré dans When Kleiner Perkins and Sequoia co-invest(ed)]

En tant que responsable du marketing, il a aussi une vision intéressante des ingénieurs. « Ni Larry, ni Sergey n’avaient fait une école de commerce ou géré une grande société, mais Larry avait étudié plus de deux cents livres sur la gestion des entreprises pour se préparer à son rôle chez Google ». [Page 141]

« Impulsif et opiniâtre, Ray [employé # 6] sera toujours pour moi l’exemple typique de l’ingénieur de Google, un cow-boy solitaire patrouillant la frontière électronique en portant des shorts rose très provocateurs, faisant face à des ennemis redoutables à les faire cligner de l’œil, puis chevauchant au loin dans un coucher de soleil à peine aussi haut en couleur que lui ». [Page 152]

« Le taux de réussite idéal était de soixante dix pour cent, ce qui montre que nous allions très loin. Manquer un objectif ne serait pas pris en compte dans les entretiens de performance, parce que si c’était le cas, nous aurions pris trop peu de risques ». [Page 55] « En se lançant dans quelque chose d’ambitieux, on arrive plus souvent à quelque chose de raisonnable. Mais si vous ne mettez pas la barre assez haut, les gens prendront moins de risques et seront moins ambitieux. C’était une autre raison pour laquelle Google évaluait plus sur l’intelligence que sur l’expérience ». [Page 105] « Voyez grand. Restez flexible. Prenez les données à votre compte. Soyez efficace et économe à l’extrême ». [Page 113]

Il y a aussi des anecdotes amusantes comme celle du MentalPlex, un poisson d’Avril qui a dérangé quelques personnes, mais qui était apparemment très créatif, « une recherche pré-temporelle, qui anticipait les demandes des utilisateurs ». [Page 97-103] Vous en trouverez une représentation à la fin du blog.

La deuxième partie traite de la croissance, un changement frappant en comparaison de la société chaotique expérimentale qu’était Google auparavant. Pas un changement radical, mais un changement. La principale leçon que je garde de la première partie est que Google fit beaucoup de choses à l’opposé de ce que les livres ou les professionnels expérimentés vous enseignent. Toujours à remettre en question, toujours sceptique face aux vérités évidentes ou du moins apparentes. En particulier pour tout ce qui n’est pas du domaine de l’ingénieur ou qui ne pouvait pas être validé par des données.

« La décision de Larry de laisser des publicités créées par l’utilisateur apparaître sur notre site, sans examen, m’a convaincu qu’il vivait dans une réalité alternative et gravement déformée ». [Page 185]

« Il y avait des gens de mon âge chez Google quand je suis arrivé et des gens plus âgés que moi quelques mois plus tard. Will Whitted, un ingénieur hardware, avait 54 ans quand il a commencé chez Google, et il ne voyait pas de différence entre son mode de pensée et celui de ses plus jeunes collègues. «Je pense que je pense plus jeune, ce qui signifie probablement de manière plus irresponsable que la plupart des gens » a-t-il avoué. « Il y avait des gens chez Google qui avaient le problème inverse – qui étaient un peu plus jeunes que moi, mais perçus par les gens qui comptent comme vieux-jeu. A être trop lent et trop prudent, vous vous mettiez en difficulté. » Ceux qui ont réussi, comme je tentais de faire, devaient être ouvert aux nouvelles idées, indépendamment de leur source ou de leur logique apparente ». [Page 187]

« Est-ce que Google ne se lasserait jamais de réussir avec de grandes idées que je trouvais manifestement ridicules? Cela commençait à me faire sentir comme un vieux schnock grincheux criant vers des enfants de déguerpir de sa pelouse ». [Page 190]

« Ce qui importe est de savoir si nous faisons la bonne chose, et si les gens ne le comprennent pas maintenant, ils finiront par le comprendre. » Ce fut une leçon qui allait déterminer l’attitude de Google envers le public à partir de là. Bien sûr, nous avions troublé pas mal de gens avec le MentalPlex, mais au moins certains d’entre nous ont concédé que leurs plaintes avaient du sens. Avec Deja, nous étions clairement du côté du bien. Le public n’avait tout simplement pas compris. Même en travaillant comme des ânes, en y mettant notre propre argent, et en essayant de faire quelque chose de bon pour eux, ils hurlaient et divaguaient, râlaient et gémissaient. Puisque les utilisateurs étaient si déraisonnables, nous pouvions ignorer leurs plaintes. Cela satisfaisait nos fondateurs – ils suivaient toujours avec leur intuition de toute façon. »
« On m’a demandé si Larry et Sergey sont vraiment brillants. Je ne peux pas parler de leur QI, mais j’ai vu de mes propres yeux que leur vision brûlait si fort qu’ils embrasaient tout ce qui se trouvait sur leur chemin. La vérité leur semblait si évidente qu’ils ne voyaient pas la nécessité des subtilités d’une société policée pour mettre leurs idées en marche. Pourquoi ralentir pour expliquer lorsque la valeur de ce qu’ils faisaient était si évidente que les gens finiraient par le voir par eux-mêmes? »
« Cette attitude est à la fois la force de Google et son talon d’Achille. Aussi bien pour le lancement d’un moteur de recherche plus efficace dans un domaine déjà très concurrentiel que pour la publication de textes sans pré-filtrage dans Adwords, le succès d’idées controversées a donné de la force à la conviction que le point de vue initial de l’opinion publique était souvent hors de propos ». [Page 212]

La réaction de Google pour le 11 septembre ne fut pas excessive et réduite au ruban en boucle d’Alon Cohen. Le livre montre bien que Google fit des expériences extrêmes mais fut aussi beaucoup plus attentif qu’on ne pourrait croire à ses utilisateurs. Difficile de suivre les partisans de quelconques théories du complot sur Google.
Google-Ribbon

Vous pouvez passer ce paragraphe si vous avez déjà lu « Les choix sûrs ne sont pas toujours de bons choix. »
[Pages 256-258] « Lorsque Google compris son échec dans la mise en œuvre d’un logiciel de CRM pour gérer les emails de ses utilisateurs, «il ne me fallut pas longtemps pour faire la liste des fournisseurs de CRM. Moins d’une demi-douzaine d’acteurs offraient des produits stables et bien testés. […] Larry avait un ami d’université, David, qui nous conseillerait sur les caractéristiques souhaitables, et David ajouta, en passant, que lui et un ami développaient un produit CRM appelé Trakken. […] Intéressé? Intéressé par un produit non testé, en cours de développement avec un unique client minuscule? Bien sûr, c’est exactement ce que je cherchais – une autre technologie risquée sans aucun soutien et aucune feuille de route pour le valider. Je remerciai David pour son aide et, parce qu’il était un ami de Larry, lui assurai que nous serions heureux de lui envoyer notre demande de proposition. [Pendant ce temps, Google analysa les acteurs en place] Je me sentais confiant pour convaincre Larry et Sergey de desserrer les cordons de la bourse et faire bien cette fois: dépenser de l’argent pour la qualité et la stabilité d’un système auprès d’un fournisseur respecté. J’espérais que l’ami de Larry avait compris l’allusion et nous avait oubliés. [Il n’avait pas fait.] Je ne voulais pas qu’il se plaigne auprès de Larry quand ses espoirs seraient anéantis. Je me décidai de prévenir ce risque en parlant à Larry directement. « En fait, » Larry recommanda, « vous devriez embaucher ces gars-là. Ils sont très intelligents. Ils vont travailler dur pour développer le produit et nous pouvons investir dans leur entreprise. […] Ils vont être très réactifs. « Je pourrais dire que j’ai été surpris, indigné, incrédule, mais ce serait un euphémisme. Je ne pouvais pas croire que Larry allait vers du bas de gamme à nouveau au lieu d’acheter la fiabilité. Quand j’ai informé les autres fournisseurs, ils pensaient que j’étais soit corrompu soit un idiot. […] «Si vous croyez que vous pouvez construire un outil qui ressemble au nôtre en trente jours, vous vous trompez. Il nous a fallu quatre ans et 1 200 clients » […] Je serais encore en train de maudire la décision de Larry aujourd’hui s’il n’y avait pas eu une petite chose: Larry avait absolument raison. […] En quelques mois, nous avions le système CRM que nous souhaitions, selon nos spécifications, totalement stable et intuitif à utiliser. […] Alors qu’est-ce que j’ai appris de tout cela? J’ai appris que les solutions évidentes ne sont pas les seules et que les choix «sûrs» ne sont pas toujours de bons choix. Je croyais qu’une diligence raisonnable consistait à trouver le produit que la plupart des gens utilisaient, puis mettre la pression sur le fournisseur pour baisser le prix. Je n’avais pas parlé à Larry pour ne pas le faire. Nous avons des tolérances différentes face au risque et des idées différentes sur ce que deux personnes intelligentes, qui travaillent seules pouvaient accomplir dans un domaine technique complexe – et c’est pourquoi j’ai passé sept ans à travailler dans les médias traditionnels, tandis que Larry a trouvé un partenaire et a fondé sa propre entreprise. Il s’avère que deux personnes intelligentes, travaillant sur des problèmes techniques complexes, peuvent accomplir de très grandes choses ».

« Pourtant, une fois de plus, le risque produisit des bénéfices. La volonté d’accepter quelques souffrances, rapidement éradiquées, a ouvert les portes à une énorme croissance de l’audience à l’international. Le monde toléra des traductions maladroites et l’insulte occasionnelle afin d’accéder à la technologie de recherche de Google. Ce fut à nouveau l’illustration que le vernis de la perfection n’était pas aussi important que de donner aux gens l’accès au produit. Des résultats étaient fournis et la rapidité avec laquelle ils étaient fournis était en fin de compte tout ce qui comptait. Ils étaient l’essence même de la marque Google ». [Page 263]

[Pages 290-92] « L’heure que j’ai passé avec (Larry) et Sergey pour sonder leur vision de Google m’a donné le meilleur des points de vue sur leurs motivations et aspirations pour Google. Larry voulait que Google soit une force pour le bien, ce qui veut dire que nous n’aurions jamais fait de campagnes de marketing incluant des loteries, des concours, des coupons, ou qui ne marchent que parce que les gens sont stupides. S’attaquer à la bêtise des gens, a déclaré Larry, était mal. »
« Nous avons besoin de faire le bien. Nous avons besoin de faire des choses qui comptent à grande échelle. Quand j’ai demandé des exemples, il a cité le microcrédit au Bangladesh (…) et a parlé de l’évolution des systèmes d’entreprise pour les rendre respectueuses de l’environnement tout en économisant de l’argent. Il a également parlé de l’informatique distribuée, de la découverte de médicaments et de rendre l’Internet plus rapide. Et ce n’est pas tout. »
« Nous devrions être connu pour faire des choses que les gens peuvent utiliser, a-t-il dit, pas seulement pour fournir de l’information. L’information est trop restrictive. En fait, nous ne devrions pas être définis par une catégorie, mais par le fait que nos produits fonctionnent – de la même façon que vous savez qu’un produit d’Apple sera beau et qu’un produit de Sony fonctionnera mieux même s’il est plus cher. Nous étions une entreprise de technologie. Un produit Google fonctionnera mieux. »
(Puis ils parlèrent de données personnelles, de capteurs, de stockage, de caméras, et de données générées par les utilisateurs.)
« Pas une seule fois le sujet de l’argent ne fut abordé. J’étais probablement un rêveur naïf, dans la force de l’âge, parce que, en regardant en arrière maintenant, je vois qu’il n’y avait rien vraiment d’extraordinaire dans ce que Larry décrivait. Mais quand je suis sorti de son bureau, je pensai que, pour la première fois de ma vie, j’avais été en présence d’un véritable visionnaire. Ce n’était pas seulement les détails de ce qu’il entrevoyait, mais la passion et la conviction qu’il avait transmises qui vous faisait croire que Larry ferait réellement ce qu’il décrivait. … Mon respect pour nos deux fondateurs capricieux, obstinés, provocateurs et parfois immatures décupla d’un seul coup ce jour-là. »

[Page 324] « L’expérience a confirmé la puissance du prototypage pour donner des réponses définitives, beaucoup plus rapidement que les discussions théoriques. Google a appris une leçon: le prototypage avait été mis en place non pas pour un projet spécifique, mais simplement parce qu’il avait été trouvé intéressant. La valeur véritable vient de ce que des gens vont faire des choses que tout le monde pense une perte de temps. C’est là que se trouvent les grandes opportunités. C’est une opportunité parce que les autres ne le voient pas. Google lui-même était un exemple canonique. Aucune autre entreprise ne pensait que la recherche sur Internet était importante. Si cela avait été le cas, Microsoft ou Yahoo aurait investi plus massivement dans la technologie et Google n’aurait jamais acquis une telle longueur d’avance. »

[Pages 387-389. Enfin …] « Il n’y avait plus de rôle pour ce que je faisais chez Google. Je finirais mon travail. Je choisis le 4 Mars 2005, comme mon dernier jour: «Trois, quatre, cinq. » [March 4, 2005 en Anglais]. J’aimaia la pureté architecturale de cette date. […] J’avais commencé dans une petite entreprise avec l’expérience des grandes entreprises. Maintenant, je sortais d’une grande entreprise avec l’expérience de la petite entreprise. Et j’aime à penser que, dans une certaine mesure, j’ai aidé à faire progresser la condition humaine. Ou du moins que j’ai fait plus de bien que de mal. »

******** GOOGLE MENTALPLEX – POISSON D’AVRIL 2000 ********

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Note: This page posted for April Fool’s Day – 2000.

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Le 12/12/12 et les start-up de la Silicon Valley

Non, ce n’est pas un autre jeu avec les nombres après mon 7 x 7 = (7-1) x (7+1) + 1, mais juste une célébration de la date de ce jour. J’ai fait une brève recherche et découvert une simple coïncidence (qui montre qu’il n’y a aucune magie, juste des faits!)


Le jeune garçon (sur la droite), alors âgé de 12 ans, est né le 12 décembre 1927

Il est possible que Apple soit allé en bourse le 12 décembre 1980 pour célébrer son anniversaire. Mais comment savoir?

Pourquoi ce lien? parce que comme le montre la photo qui suit, Robert Noyce, le garçcon, plus connu comme co-fondateur d’Intel et de Fairchild, fut un mentor pour Steve Jobs…

Les choix sûrs ne sont pas toujours de bons choix

Je lis en ce moment I’M Feeling Lucky – Falling On My Feet in Silicon Valley de Douglas Edwards. Je craignais que ça ne soit qu’un livre de plus sur Google. Ce n’est pas du tout le cas. Les leçons sont assez incroyables. J’y reviendrai bientôt. Mais une anecdote mérite à elle seule cet article et la leçon en est que les choix «sûrs» ne sont pas toujours de bons choix. L’histoire se trouve aux pages 256-258.

Lorsque Google compris son échec dans la mise en œuvre d’un logiciel de CRM pour gérer les emails de ses utilisateurs, «il ne me fallut pas longtemps pour faire la liste des fournisseurs de CRM. Moins d’une demi-douzaine d’acteurs offraient des produits stables et bien testés. […] Larry avait un ami d’université, David, qui nous conseillerait sur les caractéristiques souhaitables, et David ajouta, en passant, que lui et un ami développaient un produit CRM appelé Trakken. […] Intéressé? Intéressé par un produit non testé, en cours de développement avec un unique client minuscule? Bien sûr, c’est exactement ce que je cherchais – une autre technologie risquée sans aucun soutien et aucune feuille de route pour le valider. Je remerciai David pour son aide et, parce qu’il était un ami de Larry, lui assurai que nous serions heureux de lui envoyer notre demande de proposition. [Pendant ce temps, Google analysa les acteurs en place] Je me sentais confiant pour convaincre Larry et Sergey de desserrer les cordons de la bourse et faire bien cette fois: dépenser de l’argent pour la qualité et la stabilité d’un système auprès d’un fournisseur respecté. J’espérais que l’ami de Larry avait compris l’allusion et nous avait oubliés. [Il n’avait pas fait.] Je ne voulais pas qu’il se plaigne auprès de Larry quand ses espoirs seraient anéantis. Je me décidai de prévenir ce risque en parlant à Larry directement. « En fait, » Larry recommanda, « vous devriez embaucher ces gars-là. Ils sont très intelligents. Ils vont travailler dur pour développer le produit et nous pouvons investir dans leur entreprise. […] Ils vont être très réactifs. « Je pourrais dire que j’ai été surpris, indigné, incrédule, mais ce serait un euphémisme. Je ne pouvais pas croire que Larry allait vers du bas de gamme à nouveau au lieu d’acheter la fiabilité. Quand j’ai informé les autres fournisseurs, ils pensaient que j’étais soit corrompu soit un idiot. […] «Si vous croyez que vous pouvez construire un outil qui ressemble au nôtre en trente jours, vous vous trompez. Il nous a fallu quatre ans et 1 200 clients » […] Je serais encore en train de maudire la décision de Larry aujourd’hui s’il n’y avait pas eu une petite chose: Larry avait absolument raison. […] En quelques mois, nous avions le système CRM que nous souhaitions, selon nos spécifications, totalement stable et intuitif à utiliser. […] Alors qu’est-ce que j’ai appris de tout cela? J’ai appris que les solutions évidentes ne sont pas les seules et que les choix «sûrs» ne sont pas toujours de bons choix. Je croyais qu’une diligence raisonnable consistait à trouver le produit que la plupart des gens utilisaient, puis mettre la pression sur le fournisseur pour baisser le prix. Je n’avais pas parlé à Larry pour ne pas le faire. Nous avons des tolérances différentes face au risque et des idées différentes sur ce que deux personnes intelligentes, qui travaillent seules pouvaient accomplir dans un domaine technique complexe – et c’est pourquoi j’ai passé sept ans à travailler dans les médias traditionnels, tandis que Larry a trouvé un partenaire et a fondé sa propre entreprise. Il s’avère que deux personnes intelligentes, travaillant sur des problèmes techniques complexes, peuvent accomplir de très grandes choses.

L’échec comme apprentissage

Il s’agit de ma troisième chronique dans la revue Entreprise Romande (et merci à eux pour le travail d’édition et l’occasion qui m’est donnée de m’exprimer sur des sujets qui me sont chers)

Tout entrepreneur sait que l’échec fait partie intégrante de son activité: un contrat manqué, un client perdu, un recrutement qui ne donne pas satisfaction … Alors pourquoi l’échec est-il à ce point stigmatisé dans la culture européenne, et notamment en Suisse? Freeman Dyson, physicien d’origine anglaise en parle avec lucidité: «Vous ne pouvez raisonnablement pas obtenir une bonne innovation sans passer par un nombre énorme d’échecs. Prenons l’exemple des bicyclettes: des milliers de modèles bizarres ont été construits et testés avant qu’on ne trouve celui qui marche vraiment. Vous ne pouvez jamais construire théoriquement une bicyclette. On en fabrique depuis une centaine d’années, et il est toujours compliqué de comprendre comment cela fonctionne. Il est même difficile de le formuler comme un problème mathématique. Ce sont les essais et les échecs qui ont permis de trouver comment le faire, et l’erreur était essentielle!» L’image du deux-roues est parfaite: reprocherait-on à un jeune enfant ses multiples chutes qu’occasionnera son apprentissage?

ECHEC ET CRÉATIVITÉ

La Silicon Valley est connue pour sa tolérance à l’échec, qui, loin d’être un stigmate, est même valorisé. «Dans la Silicon Valley, si nous n’avions pas toléré l’échec, nous n’aurions pas pu prendre des risques et nous aurions beaucoup moins d’entrepreneurs que nous n’en avons aujourd’hui. Si vous échouez pour les bonnes raisons, c’est-à-dire à peu près toutes, sauf être corrompu, stupide ou paresseux, alors vous avez appris quelque chose qui vous rendra plus utile», témoigne Randy Komisar, installé dans la Silicon Valley, comme le sont les autres personnes citées dans cet article. «Vous seriez surpris du nombre d’investisseurs qui préfèrent parier sur quelqu’un qui a goûté aux fruits amers de l’échec. En échouant, vous apprenez ce qu’il ne faut pas faire. Lancez-vous et vous découvrirez qu’il n’y a pas d’échec; vous aurez dégagé l’horizon et ouvert votre esprit et vous vous serez réinventé», témoigne à son tour Larry Marshall.

La peur de l’échec a des causes profondes. Le système scolaire encourage plutôt l’enfant à se taire s’il ne connaît pas la réponse qu’à tester des hypothèses, de peur de la réprimande. L’expérimentation, la créativité, les « processus d’essai et d’erreurs », ne sont jamais assez encouragés à la faveur de disciplines plus rationnelles. «En effet, nous avons des difficultés psychologiques et intellectuelles avec les essais, les erreurs et l’acceptation de cette série de petits échecs nécessaires dans la vie. Vous avez besoin d’aimer perdre. En fait, la raison pour laquelle je me suis immédiatement senti chez moi en Amérique, c’est précisément parce que la culture américaine encourage le processus d’apprentissage par l’échec, à la différence des cultures d’Europe et d’Asie, où l’échec est stigmatisé et gênant, nous dit Nicolas Taleb, l’essayiste d’origine libanaise et auteur du Cygne Noir.

Les start-up européennes n’échouent pas ! Leur taux de survie est de 90% après 5 ans d’existence. Mais est-ce une bonne nouvelle ? Dans les premiers mois de Google, son fondateur Larry Page considérait qu’un taux de succès de projets individuels de 70% était idéal. « Au dessus, nous n’aurions pas pris assez de risque. » Et l’échec est à ce point digéré que les Américains ont créé la FailCon (une conférence sur l’échec) en 2009. En échangeant sur leur expérience de l’échec, en public (parce que l’échec reste malgré tout un tabou même aux Etats-Unis), les participants apprennent de leurs pairs et en sortent renforcés. Le célèbre entrepreneur et investisseur Vinod Khosla y admettait avoir plus souvent échoué qu’il n’avait réussi. «L’échec n’est pas souhaitable, il fait juste partie du système, et il serait grand temps de l’intégrer ». Cela expliquerait-il pourquoi nous ne créons pas de Google en Suisse et en Europe?

PRÉPARATION AU SUCCÈS

Malgré tout, l’échec restera toujours imprévisible. «Bien sûr le business, tout comme la vie, n’est jamais un long fleuve tranquille. L’échec peut survenir à tout moment et de manière inattendue, comme le succès, d’ailleurs. Mais le vrai succès consiste à gérer les échecs. A chaque revers de fortune, il faut être capable de retourner la situation. Il faut réunir des gens qui savent qu’il y aura des problèmes, qui aiment les résoudre et qui peuvent travailler en équipe. Cela me rappelle qu’il faut être humble. Je célèbre donc l’échec, cela tempère le caractère et prépare au succès », remarque Kamran Elahian.

Alors, faut-il n’avoir pas peur d’échouer? La réponse la plus émouvante vient sans aucun doute de Steve Jobs qui, ne l’oublions pas, échoua à faire grandir Apple dans les années 1980: « Je ne l’avais pas ressenti au début, mais être viré de chez Apple était la meilleure mais être viré de chez Apple était la meilleure chose qui pouvait m’être jamais arrivée. Le fardeau du succès céda la place à la légèreté d’être à nouveau un débutant, moins pétri de certitudes. Cette liberté me permit d’entrer dans une des périodes les plus créatives de ma vie ». Et mieux encore : « Ne jamais oublier que je vais mourir bientôt est le moyen le plus important que j’ai jamais utilisé pour m’aider à faire les grands choix de mon existence. Parce que presque tout, les espérances, la fierté, la crainte de la honte ou de l’échec, ces choses s’évanouissent face à la mort, ne laissant vivace que ce qui compte vraiment. Ne pas oublier que l’on va mourir est le meilleur moyen que je connaisse d’éviter le piège de penser que l’on a quelque chose à perdre. Vous êtes déjà à nu. Il n’y a aucune raison de ne pas suivre les aspirations de son cœur. »

A quand une FailCon en Suisse?

Un étudiant chinois me fit découvrir il y a quelques années le proverbe suivant: Shi Bai Nai Cheng Gong Zhi Mu, qui signifie «l’échec est la mère du succès ». L’Asie intègre peut-être plus vite que l’Europe cette importante notion.