Deux défis du transfert de technologie – partie 1, les systèmes nationaux.

Deux documents m’ont conduit à décrire ici, deux types de défis auxquels font face les entités de transfert de technologies académiques.
– Tout d’abord d’un point de vue macro-économique, le défi vient des différentes structures administratives envisageables, mais aussi de la complexité des activités. Le rapport Transfert et Valorisation dans le PIA de Bruno Rostand compare les politiques de l’Allemagne et du Royaume Uni à celle de la France.
– Ensuite, d’un point de vue micro-économique, la revue Nature a publié l’article Keys to the kingdom avec pour sous-titre, Ce que vous devez savoir sur votre bureau de transfert de technologie. Je reviendrai sur cet article dans mon prochain post.

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Le rapport de Bruno Rostand aborde les défis que la France rencontre en ayant créé des sociétés régionales de transfert de technologie, les « SATT ». Il note que l’Allemagne a bâti un système similaire avec ses « PVA » dans les länder. Dans les deux cas, il y a un objectif d’autonomie financière qui semble difficile à réaliser pour ne pas dire irréaliste, malgré l’existence de subsides publics. En Allemagne, deux de ces sociétés ont même déposé le bilan en Basse Saxe en 2006 et à Berlin en 2013.

Pourquoi de telles difficultés ? Parce que les retours sur investissement n’auront pas été à la hauteur des espérances. Par exemple, environ €10M d’euros auront été investi chaque année sous forme de fonds publics en Allemagne, mais les revenus seront restés bien inférieurs. De plus la structure régionale a montré ses limites, tant il est difficile d’acquérir une expertise dans tous les domaines de la technologie.

Le Royaume Uni connaît une situation différente. L’état n’aura été qu’un acteur marginal et ce sont soit les universités (Cambridge, Oxford, Imperial College) soit des structures privées proches du capital-risque (IP group) qui ont de manière organique contribué à structurer le transfert de technologie. En externalisant des structures devenues privées, ces organisation ont permis des bâtir des entités riches en ressources humaines et financières. À Oxford, ISIS emploie 80 personnes pour £14.5M de revenus en 2014. Imperial innovation est cotée en bourse depuis 2006, emploie 45 personnes et a généré un profit de £27M en 2014. Imperial innovation a élargi sa base initiale en collaborant avec d’autres universités. Enfin l’IP Group a des accords avec plus de 15 universités pour un profit de £9.5M en 2014. Le rapport montre bien des philosophies extrêmement différentes avec primauté du public ou du privé et des résultats de profitabilité divers, avec une dimension entrepreneuriale évidente au Royaume Uni. L’accent plus ou moins mis sur les start-up conduira à des structures différentes, y compris fonds de maturation et incubateurs.

Le rapport montre également qu’une politique de licence et une politique de soutien à la création de start-up sont différentes. Enfin, ces nouvelles structures de TT ont souvent la seule charge de la valorisation et de la maturation de la PI, alors que les collaborations de recherche avec l’industrie restent de la responsabilité des universités. Cette séparation pourrait être une faiblesse quand les deux sujets ont un lien.

Un sujet sensible est celui de l’exclusivité qui peut créer des tensions lorsque la gestion du TT est mutualisée. Certaines universités souhaitent garder une certaine autonomie, notamment dans des domaines où la compétence de la structure de TT leur semble faible. Un autre sujet délicat est celui de la structure par région alors qu’une structure par domaine de compétence transrégionale serait peut-être plus adaptée. (Le rapport aborde aussi la recherche partenariale et la coopération internationale que je ne traiterai pas ici.)

Dans la partie finale, Rostand montre la complexité des défis. Il faut déjà définir la mission du transfert qui peut être ou non celle de faire du profit. L’externalisation semble être une tendance dans les trois pays, mais elle a ses avantages et ses inconvénients. Il semble aussi qu’il y ait pas mal d’instabilité et de fluctuations dans les cycles de financement, ce qui n’aide pas à faire une analyse des outils de transfert. Le rapport aborde aussi la question des ressources humaines (types de compétences et d’expériences), autre sujet qui peut-être lié aux moyens dont disposent ces organisations.

Le seul commentaire personnel que je fais ici concerne ma légère frustration de ne pas avoir trouvé dans un rapport (extrêmement instructif par ailleurs) d’analyse de la situation américaine. Le pays du libéralisme et des universités privées compte très peu de structures de transfert externalisées, et encore moins à but non lucratif. Je n’ai en tête que WARF de l’Université du Wisconsin à Madison – www.warf.org) alors que les revenus de TT aux USA sont considérablement plus élevés qu’en Europe. L’explication pourrait simplement venir d’une innovation privée autrement plus dynamique, indépendamment de tous les systèmes mis en place.

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