Disruption et folie selon Bernard Stiegler

J’ai déjà dit dans l’article Le monde est-il devenu fou? Peut-être bien… tout le bien que je pensais du livre Dans la disruption – Comment ne pas devenir fou ? de Bernard Stiegler. Je confirme. Une simple citation: L’homme, qui aujourd’hui n’est certainement plus « moderne » (ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il serait « postmoderne », et ce qui aura été ainsi qualifié décrirait adéquatement sa situation présente), l’ « homme d’aujourd’hui », qui n’est évidemment plus du tout classique (mais l’âge classique est une époque des « Temps modernes », qui à cet égard, constituent plutôt une ère – incluant les deux premières époques du capitalisme industriel), cet homme-là devient fou, en sa quotidienneté même, et à travers le déploiement d’une « folie ordinaire » qui est tout à fait extraordinaire au regard de l’histoire de la folie, notamment telle que Foucault la conçoit.

Disruption-Folie-Stiegler

Voici les titres des 138 sections numérotées au sein des quinze chapitres. Plus des notes personnelles pour référence qu’uen lecture pour vous, lectrice ou lecteur. Ils montrent la complexité de la pensée de ce philosophe atypique dont la page wikipedia est en soi passionnante… SI je devais retenir une autre idée au-delà des dangers de la disruption, je retiendrais qu’entre raison et folie, il y a le rêve et que cette chose mystérieuse fait de nous des humains. Humanité que nous perdons peut-être en cette « absence d’époque ».

1 – La perte de la raison
2 – Du bidonville de Témara à la présidence de l’Université de technologie de Compiègne
3 – De Richard Durn à Jean-Marie Le Pen : narcissisme primordial du je et raison de vivre
4 – « Nouvelle forme de barbarie » et gouvernementalité algorithmique
5 – Toujours trop tard
6 – Avant la fin
7 – Téléologie négative et fin sans finalité
8 – Epokhè et disruption
9 – Epoques et protentions collectives
10 – Disruption et partage
11 – Υβρις et aboulie
12 – Vitesse et vanité
13 – Rétention et disruption
14 – Désespoir et soumission
15 – Ce qu’il ne faut pas perdre
16 – La néguanthropie
17 – Identification, idéalisation et sublimation dans l’admiration mutuelle des nous
18 – Individuation, admiration et insoumission
19 – Les barbares attaquent
20 – Nihilisme, disruption, folie
21 – Noèse et hallucinations
22 – Hors la loi: l’épokhè de la disruption et la domination par le chaos
23 – Conquête ou salut?
24 – Anthropologie de la disruption
25 – Néguanthropologie de la disruption
26 – Disruption providentielle et « mur du temps ». Le règne de l’effroi
27 – φιλια, différance et ϋβρις
28 – L’absente de tous bouquets
29 – Mes études carcérales et l’épokhè de ma vie
30 – La propédeutique existentielle du salut noétique
31 – La « fin du Livre », les « Mémoires du futur » et le « changement d’époque »
32 – Sortir de prison, d’une folie l’autre.
33 – Expérience filiale de la véridiction
34 – Lâchetés de l’optimisme et du pessimisme
35 – Je suis Malcolm X
36 – Qui sommes-nous?
37 – Etat d’urgence et philosophie
38 – Economie et politique
39 – Histoires de la folie contemporaine
40 – Cultures, attente, folie
41 – Songer en veillant – ou la Laitière et le Pot au lait
42 – « Tout va mal! » Sommeil de la raison et rêves éveillés
43 – Rêver, faire et agir – dans l’anthropocène et au-delà
44 – L’exploitation délibérée de la toxicité et l’incurie systémique qui en résulte
45 – Tout arrive, rien ne se passe
46 – Vides juridiques et vides théoriques
47 – Le totalitarisme technologiquement intégré et la folie comme possibilité néguanthropologique
48 – Folie, réalité et vérité
49 – Υβρις (Hubris) et βούλησις (boulèsis)
50 – Volonté, désinhibition et dénégation
51 – L’exosomatisation de la vie de l’esprit, la vie de l’esprit comme exosomatisation et la déraison computationnelle
52 – Volonté moderne et désinhibition
53 – Désinhibition et discipline comme conséquences pharmacologiques de la rétention tertiaire
54 – Le tragique et l’ϋβρις
55 – De la nécessité de lire ou de relire au XXIe siècle Folie et déraison. Histoire de la folie à l’âge classique
56 – Le plus fou
57 – Les Temps modernes comme « propension à la folie »
58 – De Raskolnikov à la disruption en passant par Schumpeter. Défricher sans merci les territoires de la désinhibition
59 – Risques, probabilités et protentions. La folie réfléchie
60 – La modernité comme processus de désinhibition réflexive
61 – Descartes et l’Anthropocène. Les pirates et l’argent. Sloterdijk et le mal-être
62 – A propos de « La folie ordinaire du pouvoir »
63 – Ordinaire, extraordinaire, morale, imagination
64 – Le rêve de Descartes et la question de l’impuissance
65 – L’hyperpouvoir
66 – Folie, δαιμων, ϋβρις. Derrida tout contre Foucault
67 – Rêve, structure, histoire et totalité
68 – La différance de la folie
69 – Rêver et méditer avec et selon Foucault
70 – Du rêve de Descartes à la bifurcation vers le Néghanthropocéne (l’ϋβρις de la philosophie elle-même)
71 – les sources cartésiennes de la disruption
72 – Foucault, Asclépios et la mort de Socrate
73 – Rêve et anthropologie chez Foucault lecteur de Binswanger
74 – Entropocentrisme et néguanthropologie
75 – L’effondrement du « mode de vie américain »
76 – Le catastrophique début du XXIe siècle dans le monde
77 – Devenir sans avenir. Quand le monde n’a plus aucun sens
78 – Le moral, la « morale », l’être moral. Déséconomie et démoralisation
79 – La « morale », l’éducation et le crédit
80 – Politique et philosophie morale
81 – Pour l’exemple
82 – Economie et fonction de la raison au tournant du XXIe siècle
83 – Frasques, fourberies et déchéance
84 – L’épidémie dont Strauss-Kahn et sa maladie ne sont qu’un symptôme – à propos de la philosophie morale
85 – Pathogenèse et philosophie morale
86 – La fonction politique du rêve
87 – Rêver ensemble
88 – Des fleurs, des perles, des diamants et le fils du roi
89 – Politique et interprétation de l’ϋβρις
90 – Cap au pire
91 – Laroxyl et écriture
92 – L’épreuve du pharmakon comme déchéance dans l’insignifiance
93 – Prises de notes, consistances et prophètes de malheur
94 – Prendre des notes de la naissance de la θεωρια comme spatialisation hypomnésique de l’άνάμνησις aux tags de la data econnomy – en passant par Saint-Michel
95 – Mes circuits sont niqués
96 – Détention, rétention et protention
97 – Souffrir
98 – L’absence d’époque comme démoralisation
99 – L’exosomatisation comme interprétation. Ce que veut dire ηθος
100 – άρετή, Sittlichkeit et courage néguanthropolgique
101 – Culpabilité et transvaluation
102 – L’apprentissage de la vie 1. La dimension cosmologique de la noèse
103 – L’apprentissage de la vie 2. La transformation de la dimension cosmologique en savoir universel
104 – Dégoût, mépris et désespoir
105 – Idéalisation, rêve, transition
106 – La liquidation de la Sittlichkeit par l’éthique des « modes de vie »
107 – Conformistes, « petits-bourgeois », « ringards »
108 – Entendement, raison et désinhibition
109 – La désinhibition comme puissance révolutionnaire de la bourgeoisie, la prolétarisation comme démoralisation, les perspectives nouvelles ouvertes par l’intellect général, et la question de l’entropie
110 – La transvaluation sans concessions
111 – Organologie de l’exemplarité
112 – Principe de plaisir, principe de réalité et pulsions dans le capitalisme selon Marcuse, Dostaler et Maris
113 – Le marché catalyseur de la pulsion de mort et le rêve de Keynes
114 – Le suicide collectif face à ce que le capitalisme n’arrive plus à contenir et la question de l’investissement
115 – « Penser autre chose ». Toujours à propos du rêve de Keynes
116 – Rappel sur les questions de la dénégation et du déni
117 – Savoirs, thermodynamique, philosophie et économie
118 – Etat d’urgence et clivage. Le courage, objet de la philosophie morale au XXIe siècle
119 – Noyer le poisson. Dénégation, régression, démocratie
120 – les pouvoirs face aux parrésiastes de notre temps
121 – Pharmacologie de la démocratie
122 – Bourbier éthique, suffocations, vides théoriques
123 – Dénégations et déni
124 – Ne pas vouloir savoir. Le désespoir
125 – Dénégation et protention. La bifurcation à venir
126 – Calcul et méditation
127 – Lire Heidegger au XXIe siècle
128 – « Folie universelle », rêves noétiques et τέχνη
129 – La folie de la Croix et le rêve selon Foucault en 1954
130 – La folie du capitalisme
131 – Un pas en avant, deux pas en arrière. L’accélérationisme et son déni
132 – Le capitalisme psychotique
133 – La conversion à venir
134 – La fuite en avant computationnelle
135 – Faire un miracle. Désespoir, salut, fidélité
136 – Obsolescence de l’homme et dénégation selon Günther Anders
137 – La conversion comme avoir lieu de la localité
138 – Dragons et serpents

Et enfin quelques notes en vrac relatives à tous ces termes qui précédent… (toujours plus pour moi que pour le lecteur peut-être)
– barbarie et disruption : Un article de The family que Stiegler critique fortement pour expliquer les liens leur liens, Les barbares attaquent. Aucune filière n’est épargnée.
– épokhè et disruption : L’époque est une période de temps et une interruption. La disruption est une suspension de toutes les façons antérieures de penser.
– protention, rétention : Les rétentions sont ce qui est retenu ou recueilli par la conscience. La protention est le désir (et l’attente) de l’à venir. Voir arsindustrialis.org/attention
Les Rétentions primaires sont ce qui arrive au temps de la conscience, ce que la conscience retient dans le « maintenant qui passe ». Les rétentions secondaires sont d’anciennes rétentions primaires [qui ont été retenues par notre conscience] devenues des souvenirs. Les Rétentions tertiaires sont accumulées au cours des générations en se spatialisant et en se matérialisant dans un monde d’artefacts – « supports de mémoire », et qui constituent de ce fait un processus d’individuation psycho-socio-technique. Les rétentions tertiaires sont le propre de l’espèce humaine.
– Υβρις (Hubris) : démesure
– néguanthropie et néguentropie : néguentropie ou entropie négative, facteur d’organisation des systèmes; néguanthropie est une bifurcation organologique
– anthropocène : ère dans laquelle l’humain est devenu un facteur géologique majeur. L’anthropologie est la branche des sciences qui étudie l’être humain sous tous ses aspects.
– transindividuation : La transindividuation, c’est la transformation des je par le nous et du nous par le je voir arsindustrialis.org/transindividuation
– L’innovation est une perturbation de l’ordre établi (p. 69)
– philia, différance : philia, ce qui lie entre eux les membres d’une communauté, lié au transindividuel. Le mot différance joue sur le fait que différer signifie à la fois « ajourner » et « différencier » (Derrida)
– noèse : La noèse est le processus conscient du travail cérébral.
– exosomatisation : l’exosomatisation poursuit l’évolution à travers des organes artificiels, et non plus somatiques
– Pharmakon, pharmacologie : En Grèce ancienne, le terme de pharmakon désigne à la fois le remède, le poison, et le bouc-émissaire
– Peter_Sloterdijk: voir article wikipedia
– αιδως : honte
– ηθος : éthique
– άρετή : vertu – Sittlichkeit : moralité, décence (Hegel)
– parrésiaste : diseur de vérité
– τέχνη : art

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