Archives de l’auteur : Herve Lebret

Quand Valentine parlait

J’ai plutôt la mémoire courte mais quand je m’intéresse à un sujet je m’y accroche pendant quelques jours. Après avoir trouvé des interviews fort instructives de Don Valentine (que je n’ai pas eu le courage de traduire et donc le lien précédent renvoie sur la partie anglaise de mon blog), j’ai poussé plus loin et retrouvé l’interview que j’avais utilisée dans mon livre oÛ il compare Jobs à Ho CHi Min. (« We financed Steve in 1977 at Apple. Steve was twenty, un-degreed, some people said unwashed, and he looked like Ho Chi Min. But he was a bright person then, and is a brighter man now »).

Il y explique aussi pourquoi il pense que la Silicon Valley est un phénomène unique. Voilà ce qu’il dit:

« Aucun doute. C’est une question difficile. Et année après année, j’ai eu des centaines de visiteurs de tous les pays du monde, de presque tous les états américains. Ils voulaient tous comprendre et copier ce qui a permis l’existence et la réussite de la Silicon Valley. Tous ou la plupart s’intéressaient à la création d’emplois qui lui est liée. Mais si vous regardez le capital risque, il ne fonctionne que dans deux endroits. Il ne fonctionne pas hors des USA, et seulement à Boston et sa région et dans la Silicon Valley pour les USA. En résumé, aucune autre région n’a jamais créé d’entreprises de taille conséquente avec autant de visibilité et de succès.

Vous pouvez parler du climat. Vous pouvez mentionner des universités de grande qualité. Vous pouvez ajouter que le capital risque y est plus fort et plus expérimenté qu’ailleurs. Mais la mystique de la réussite reste difficile à expliciter en six ou sept idées simples. Il y a un peu de magie derrière ce succès et le fait que cela a marché à un moment particulier. Le capital risque date des années soixante, il n’a donc qu’un quart de siècle [l’interview date de 2004…] Il est encore jeune et c’est une forme un peu secrète d’ingénierie financière. Nous ne nous considérons d’ailleurs pas comme des investisseurs. Nous nous voyons comme des bâtisseurs d’entreprises, et même des bâtisseurs d’industrie. Mais surtout il y a une mentalité et une attitude très différente de l’idée traditionnelle de vendre et acheter des choses. ce n’est pas un lieu où vous achetez des choses. C’est un lieu où vous bâtissez des choses. Et vous [en tant qu’investisseur] faites partie de l’équipe de fondateurs qui crée une entreprise à partir de rien et même de nouvelles industries parfois. Et aujourd’hui, ceux qui savent faire cela sont très nombreux ici.

Mais si vous parcourez la planète, Research Triangle en Caroline du Nord devait devenir un autre de ces endroits magiques. Mais pouvez-vous citer une grande société qui a été créée là-bas? Vous pouvez aller ailleurs. A Seattle, par exemple. il y a un grand succès. Il y en a même peut-être deux. Et là-bas, ils comptent Nike. Mais que s’y est-il passé à part Microsoft et Nike dans les derniers 25 ans? La réponse est pas grand chose. [Bon… il oublie Amazon!] De nombreuses start-up ont été créées. Beaucoup de choses s’y passent, mais pas beaucoup de succès monumentaux. Je veux dire qu’il est quand même incroyable qu’un tel nombre de start-up ait atteint une telle proéminence, avec des revenus de l’ordre du milliard de dollars dans cette minuscule, minuscule vallée. Cela reste donc une énigme de savoir quels ingrédients doivent être retenus et copiés. J’ai essayé d’expliquer une fois au Vice-Premier Ministre de Singapour qui essayé de rentrer chez lui avec des idées et je lui ai dit que c’était un état d’esprit. Cela ne se met pas dans le bagages. Il vaut sans doute mieux envoyer des personnes dans la Silicon Valley jusqu’à ce que leur ADN soit changé si bien que quand ils rentrent à Singapour, ils pourront transmettre leur ADN à travers leur attitude et leur capacité à prendre des risques. Dans un pays comme le Japon, si vous lancez une entreprise qui échoue, vous perdez la face. Certains se suicideraient si cela arrivait. »

« Alors qu’ici, si vous commencez et échoué, vous aurez appris de votre échec (du moins les meilleurs apprennent). Il n’y a pas le stigma de l’échec. En Irlande, je ne peux pas croire qu’avec les difficultés économiques que quelqu’un quitterait un bon travail pour prendre le risque de se lancer, voire d’échouer. Et dans un pays comme l’Allemagne, tant il y a de rigidités, vous seriez ostracisé, j’imagine, si vous essayiez quelque chose et que vous échouiez. Du point de vue de l’environnement, l’autre ingrédient, que j’ai oublié de mentionner, et c’est encore plus vrai aujourd’hui que ça ne l’a jamais été, est une communauté bâtie sur les migrations. A peut près tout ceux qui ont lancé ou contribuer à lancer ces futurs succès sont venus d’un autre état. Noyce venait de l’Iowa. Il avait étudié à Grinnell College. Gordon Moore est sans doute l’exception puisqu’il était né en Californie. Nous avons une Histoire faite de [et par des] migrants qui viennent de tout le pays et dans les dix dernières années encore plus, avec une très forte contribution de l’Asie du Sud Est. Il ne se passe pas un mois sans que Sequoia ne lance une start-up qui emploie des Indiens. Des gens fabuleusement éduqués, des entrepreneurs brillants qui viennent d’un système économique si différent du notre qu’il est difficile pour moi de le comprendre, bien que tous les deux mois je reçois la leçon de quelque entrepreneur qui m’explique que je ne comprends pas mon propre système. Il est difficile de comprendre à quel point il est unique et donc qu’il n’existe nulle part ailleurs. Il y a donc ici quelque chose qui différent et perçu comme tel par ceux qui migrent ici à dessein. »

Start-Up en Russe

Mon livre vient d’être traduit en Russe. Il est disponible en cliquant ici ou sur l’image plus bas. Voici ce qu’en dit l’éditeur (selon Google Translate):

Chers lecteurs!

Nous sommes heureux de présenter le livre «Start-up. Ce que nous pouvons encore apprendre de la Silicon Valley », par l’auteur Hervé Lebret [1]. Le livre est une traduction de l’original en langue anglaise. En Russie, il a été publié en tant que projet commun entre « Corporate Edition » et la Russian Venture Company. Le but du livre est de fournir une perspective différente des start-up. Le livre commence avec vision personnelle de l’auteur de la Silicon Valley, qui devient progressivement une description de la région. La deuxième partie est consacrée à l’Europe, où les start-up comme phénomène ont eu moins de succès. L’auteur analyse les causes des succès et des échecs, cite de nombreux exemples de la vie réelle, et de la construction d’entreprises prospères à partir d’idées.

Hervé Lebret donne une vision personnelle de la Silicon Valley et de sa culture, décrit la société et l’individu à travers le prisme d’histoires fascinantes de la réussite et l’échec, dont le lecteur ne manquera pas de tirer les leçons utiles. En présentant leur point de vue individuel, l’auteur montre une remarquable capacité à pénétrer dans l’essence des choses et voir la différence entre « Vieille Europe » et « Young America ».

Le livre est unique en termes de nombre de documents d’analyse et de référence et, selon Alexandra Johnson est le meilleur livre sur la Silicon Valley. Ce livre sera d’intérêt non seulement pour des experts sur l’innovation et les entrepreneurs dans la haute technologie, mais tous ceux qui s’intéressent à l’histoire et l’économie des start-up.

Actuellement, l’écosystème de l’innovation de la Russie est encore au stade embryonnaire. Les infrastructures novatrices parfois lacunaires, de nouvelles sociétés de capital risque sont perçues comme très e. Cependant, il y a un mouvement pour construire l’« économie de l’intelligence » : dans le pays apparaissent des incubateurs d’entreprises, fonds de capital risque, des groupes de défense des intérêts des petites et moyennes entreprises, et la Russie a modifié ses lois relatives à la propriété intellectuelle et au droit d’auteur, augmentant le nombre de succès des projets innovants.

Nous croyons que le livre va nous aider une fois de plus « d’apprendre de la Silicon Valley », à comprendre le secret de son succès, à adopter son avantage concurrentiel et de les amener à notre réalité russe.

Vous pouvez acheter des livres liés à la formulation par téléphone ou par e-mail. Coût de l’ouvrage est de 300 roubles
Contact: Olga Morozova
Tel: 8 (495) 783 44 07
e-mail: ads@corporatepublishing.ru

[1] Hervé Lebret a consacré l’essentiel de sa vie professionnelle à la haute technologie. Après avoir passé plusieurs années dans la recherche universitaire, en 1997, il est devenu un investisseur en capital risque, a rejoint Index Ventures. Depuis 2005, il gère le Fonds d’innovation pour soutenir les entrepreneurs et les jeunes pousses dans la haute technologie à l’École Polytechnique de Lausanne (Suisse). Avec un doctorat en génie électrique, Hervé est diplômé de l’Ecole Polytechnique en France et à l’Université de Stanford aux États-Unis.

Finlande (épisode 3)

La semaine dernière, j’ai rencontré Pekka Roine. Cela fait suite à mon voyage en Finlande (et à mes récents posts sur le sujet) où nombreux furent ceux qui me conseillèrent de rencontrer ce « Finn » établi en Suisse. Il s’était décrit comme « bbb = big, bald, and bearded » (gros, chauve et barbu)… alors j’ai répondu que j’étais « gg = grey hair and glasses » (grisonnant à binocles) afin que nous puissions nous reconnaître sur le campus de l’EPFL.

Nous avons au moins un point commun: nous avons passé du temps à Stanford et il m’a dit quelque chose de très intéressant sur cette université. D’après lui il y a trois points qui font de Stanford (mais on pourrait généraliser à d’autres lieux aux moins aux USA) un endroit passionnant:
– le moins important des 3 est que Stanford a les meilleurs professeurs au monde,
– le second en ordre d’importance est que sur place, vous vivez avec 200 personnes qui sont comme vous, donc vous n’êtes pas isolé,
– mais le point le plus important est que vous êtes loin de chez vous et que cela donne de la perspective et ouvre de nouveaux horizons.

Pekka a travaillé pour DEC avant que la société ne disparaisse et y a vécu les plus belles années de sa croissance. Ensuite et depuis 1994, c’est un indépendant qui a siégé au board de plus de 25 compagnies et il a aussi co-fondé deux sociétés de capital-risque, PTV et Conor.

Nous avons eu une conversation à bâtons rompus sur la manière d’aider au mieux les apprentis-entrepreneurs. Il croit au modèle israélien et à ses incubateurs, où de vrais professionnels sélectionnent 2 à 3% des meilleurs projets et les suivent attentivement. Il m’a parlé de cette personne qui après avoir échoué dans sa première start-up, vendu sa deuxième et mis en bourse sa troisième, se sent qualifier pour diriger un incubateur. Bon point!

Je ne suis pas un grand supporter des incubateurs, quelqu’un m’avait demandé si je parlais d’incinérateur, mais avec un modèle où l’initiative de Yozma fut privatisée avec les bonnes personnes et motivations, c’est peut-être un modèle que je devrais revoir. C’est peut-être là le moyen de résoudre l’insoluble, ce problème de poule et d’œuf dans le sens oui n’avons pas de modèles et donc d’entrepreneurs avec les bons modèles. Pekka croit aux échanges avec Israël, je crois au « Go West » qui est finalement similaire. Il doit y avoir des moyens de convaincre nos politiciens et décideurs, locaux et nationaux, académiques et économiques et nous ne devrions jamais nous lasser d’essayer et d’essayer encore parce que… Pekka, nous avons RAISON! Nous avons besoin de start-up de croissance qui créeront les emplois pour nos enfants.

Comme vous le voyez, la Finlande et les Finlandais ont été une belle source d’inspiration!

Finlande (épisode 2.5)

Comme suite a mon post et demi sur la Finlande (https://www.startup-book.com/fr/2010/10/28/israel-en-passant-par-la-finlande/ et https://www.startup-book.com/fr/2008/04/03/finlande), voici quelques enseignements que j’ai retiré de mes amis du nord de l’Europe. Laissez-moi juste préciser que j’ai visité l’Université d’Aalto ainsi que l’Université de Technologie de Jyväskylä.

La leçon principale est la confirmation que les petits pays tels que la Finlande, la Suisse ou Israël doivent être ouverts sur le monde. Nokia est un bon exemple de ce que peut accomplir un petit pays, mais cette entreprise inquiète les Finlandais car elle est en perte de vitesse face à Apple ou Android. Alors la Finlande cherche aussi de nouvelles idées avec comme références Israël ou les États Unis. Relisez mes deux posts cités plus haut pour voir combien Israël est une référence.

A Aalto, j’ai particulièrement aimé des expériences telles que

  • leur Venture Garage
  • leur Entrepreneurship Society
  • et évidemment leur voyage en Silicon Valley
  • Will Caldwell coordonne une grande partie de l’effort avec ses collègues et j’ai rencontré des gens passionnés tels que Pauli, Teemu, Panu, Jari, Paolo, Ramine, Matalie, Juha, Kristo et pardon à ceux que j’oublie …

    L’internationalisation ne signifie pas juste envoyer des sociétés ou des individus à l’étranger, cela signifie d’attirer des gens chez soi. J’ai été très intéressé par leur récente étude Silicon Valley Journey, Experiences of Finnish IT Startups from Dot-Com Boom to 2010, sur des Finlandais dans la Silicon Valley dont l’expérience peut être précieuse. Il y a là-bas une conscience que nous n’en savons pas assez sur la Silicon Valley, et nos écosystèmes (étudiants, entrepreneurs, investisseurs et organismes de soutien) devraient toujours être plus curieux de cette expérience unique. Cela signifie aussi attirer des investisseurs internationaux, ce qu’Israël (mais aussi la Suisse d’ailleurs) a très bien réussi à faire.

    J’ai vu des choses similaires à Jyväskylä, mais si cette ville est assez éloignée de la capitale, Helsinki. En voici trois illustrations:

    – les mentors tels que Jussi Nukari, aussi auteur de « Launching Your Software Business in America »,

    – l’expérience Protomo qui soutient els entrepreneurs localement,

    – les cours d’entrepreneuriat de Sharon Ballard qui vient d’Arizona (et qui m’a aussi questionné sur l’efficacité du programme SBIR aux États Unis, un programme qui m’a(vait) toujours laissé sceptique 🙂 mais ceci est une autre histoire!). Sharon amène une attitude typiquement américaine à des étudiants Européens. Et il n’y avait pas là que des étudiants Finlandais, mais un groupe très international de jeunes gens enthousiastes!

    Mille mercis à Juha Saukkonen qui m’a invité à JAMK et qui a peut-être oublié qu’il faut la 1ère personne à me mentionner le rapport Victa report, et merci à ses collègues, Asta, Mari, Heikki, Sharon, Jussi, Kari, Marko, et … Juha, Juha, Juha et Juha encore.

    Des leçons moins positives? J’ai cette impression qui revient régulièrement d’un manque de taille critique en Europe. Chaque pays, chaque région, chaque ville essaie de promouvoir l’innovation et c’est en effet ce qu’ils doivent faire. Mais ne prenons nous pas le risque de diluer l’effort en ne prenant aucune décision de lieux plus concentrés ou centralisés pour l’entrepreneuriat, comme d’ailleurs on le fait pour l’éducation, la recherche, voire le sport ou les arts? Je n’ai pas de bonne réponse à apporter sur le sujet tant il est difficile, et nous savons tous que de toute façon, il faut essayer et essayer encore. Mais les États Unis n’ont qu’une Silicon Valley, même s’ils ont aussi Boston, Triangle Park, Seattle ou Austin. Mais nous n’avons pas de Silicon Valley en Europe. Alors quelle est l’efficacité de tous ces efforts est une question bien délicate.

    Israël (en passant par la Finlande)

    Je viens de passer 5 jours en Finlande et j’en suis revenu avec des enseignements intéressants. mais avant de les décrire dans mon prochain post, j’aimerais revenir sur la situation d’Israël, qui est de manière surprenante, un modèle pour la Finlande. J’avais découvert il y a quelques années le rapport Victa (cf un de mes posts plus anciens) et lors de mon récent voyage, Will Caldwell qui m’avait invité à Helsinki m’a offert son livre Attracting Foreign Investment into Early-Stage Finnish Technology Companies. An Examination of Different Investment Modes Including Case Study: Comparing High-Tech Investing Environments in Israel and Finland.

    Un des aspects intéressants de la stratégie des start-up israéliennes est leur forte internationalisation. Cela veut dire des investisseurs étrangers, mais aussi que ces start-up s’installent aux Etats Unis très tôt dans leur développement. Elles ont compris le Go West de mon post d’hier. Et bien sûr les M&As et IPOs qu’elles connaissent en sont une conséquence. Le livre de Will date de 1999 mais il n’est pas daté! Je vous en donne quelques exemples. Tout d’abord une comparaison saisissante de ce que les entrepreneurs ont besoin et de ce que les business angels (en Finlande) peuvent leur apporter.

    Le décalage est une thèse en faveur de la nécessité d’investisseurs internationaux. Cela est toujours d’actualité et pas seulement en Finlande.

    Mais voici plus de données sur Israël extraites de son livre.
    – Table 6: Israël avait plus de start-up cotées au Nasdaq que l’Europe toute entière. On pourrait penser que l’Europe a ses propres marchés mais cela serait trompeur.
    – Table 5: L’activité de M&A avec des acquéreurs essentiellement bien sûr. vous pourriez comparer ce tableau avec les M&A européennes de mon livre.
    – Appendix 4: les capitalisations des sociétés israéliennes au Nasdaq en 1998.

    Toutes ces données sont bien sûr impressionnantes, mais il faut aussi regarder les détails tels que les volatilités de ces stock! Cela montre à quel point il y a aussi de la spéculation dans tout cela. Même en Israël, il y avait diversité des situations. J’ai fait un peu plus bas une mise à jour de ces chiffres.

    Un dernier extrait de son livre compare ce que les entrepreneurs prévoyaient dans leur plan d’affaires et ce qui s’est réellement passé. Pas de surprise ici, mais j’avais rarement vu cette information!

    Voici donc mes mises à jour: J’ai utilisé les données du Nasdaq et de Wikipedia puis celles de Yahoo et Google finance. Vous trouverez donc les valeurs 2010 des sociétés qui étaient déjà cotées en 1998 ainsi que les sociétés cotées plus récemment. Pas de statistiques mais je trouve ces informations suffisamment intéressantes en soi.

    6 leçons sur les start-up

    Une excellente présentation que j’ai trouvé grâce à Burton Lee. Il résume parfaitement ce que sont les start-up. Il montre clairement le degré d’incertitude, 0.1% de chance de créer un milliard de valeur, à peu près 0.5% pour atteindre les cent millions; des jeunes gens, affamés, flexibles pour réussir au point de changer de direction quand il le faut, et donc avec une attitude particulière. Tout cela est assez fou, même irrationnel, c’est sans doute ce qui en fait la beauté. Le film sur Zuckerberg (dont je parle dans mon post précédent) montre bien tout cela d’ailleurs.

    Le réseau social – Facebook

    Le nouveau film sur Facebook et son fondateur Mark Zuckerberg est un grand film. Il n’est sans pas très important de savoir ce qui tient de la fiction et de la réalité. Vous pouvez le voir comme une pure fiction et il restera un grand film grâce aux acteurs et au scénario.

    C’est aussi un excellent travail sur le monde des start-up qui est décrit d’une manière très fidèle. Même si ce n’est pas un documentaire sur cet univers, il y a quantité de détails qui m’ont rappelé des histoires vécues!

    La première leçon est que argent et amitié ne font pas bon ménage. Les histoires d’Eduardo Saverin, le fondateur dilué, de Sean Parker, le fondateur exubérant de  Napster et Plaxo puis mentor de Zuckerberg et la très brève apparition de Peter Thiel en sont de bonnes illustrations.

    Il montre aussi la différence entre le monde compassé de la Nouvelle Angleterre, de Boston et de Harvard où certains semblent croire que les idées ou le talent sont tout et celui, post-moderne, de la Silicon Valley où ce qui compte sont les actes. C’est la raison pour laquelle la Silicon Valley est bien le Triumph of the Nerds. Le film montre à quel point Paul Graham est dans le vari en écrivant que la Silicon Valley est le mariage des nerds et des riches. Chacun y verra les vies folles, tristes, excitantes ou déprimantes de ces fous du travail, qui s’amusent comme ils peuvent. C’est à prendre ou à laisser, mais c’est une description très proche de la réalité des start-up.

    J’ai cherché ce que les acteurs clés pensent du film. En voici quelques extraits. Eduardo Saverin a dit sur ce site-ci “The Social Network” was bigger and more important than whether the scenes and details included in the script were accurate. After all, the movie was clearly intended to be entertainment and not a fact-based documentary. What struck me most was not what happened – and what did not – and who said what to whom and why. The true takeaway for me was that entrepreneurship and creativity, however complicated, difficult or tortured to execute, are perhaps the most important drivers of business today and the growth of our economy.”

    Quant à Dustin Moskovitz, il ajoute sur ce site-là: It is interesting to see my past rewritten in a way that emphasizes things that didn’t matter (like the Winklevosses, who I’ve still never even met and had no part in the work we did to create the site over the past 6 years) and leaves out things that really did (like the many other people in our lives at the time, who supported us in innumerable ways). Other than that, it’s just cool to see a dramatization of history. A lot of exciting things happened in 2004, but mostly we just worked a lot and stressed out about things; the version in the trailer seems a lot more exciting, so I’m just going to choose to remember that we drank ourselves silly and had a lot of sex with coeds. […] I’m very curious to see how Mark turns out in the end – the plot of the book/script unabashedly attack him, but I actually felt like a lot of his positive qualities come out truthfully in the trailer (soundtrack aside). At the end of the day, they cannot help but portray him as the driven, forward-thinking genius that he is. And the Ad Board *does* owe him some recognition, dammit.

    Et Zuckerberg lui-même (en anglais)!

    Watch live video from c3oorg on Justin.tv
    Cela vient de la Start-up School de Paul Graham; voici la suite.

    Watch live video from c3oorg on Justin.tv

    Bien sûr, il y a là de langue de bois institutionnelle. N’oublions pas que ces deux-là ont encore des actions dans Facebook! En parlant d’actions, il y a une autre chose qui m’a gêné récemment, à savoir que selon Forbes, Zuckerberg serait plus riche que Steve Jobs. J’ai eu une discussion sur le sujet avec un ami ce weekend et il était d’accord avec l’analyse alors que j’étais contre. C’est sans doute un détail, mais pour moi, tant que Facebook n’est pas cotée, la fortune de Zuckerberg est faite de papier qu’il ne peut pas vraiment vendre librement. Je suis sûr qu’il est déjà riche, il a sans doute déjà vendu pas mal de ses actions mais il n’est pas livre d’en faire ce qu’il veut tant que Facebook n’est pas en bourse alors que Jobs possède des actions qu’il est libre de vendre plus ou moins quand il veut. Ce n’est sans doute pas très différent tant Facebook semble être un succès, mais j’ai trop vu de start-up où les gens pensaient que la fortune liée aux actions était réelle et ne valait plus rien d’un jour au lendemain.

    Quand ma fille m’a dit hier qu’elle pourra enfin expliquer à ses amis ce que fait son père, c-a-d qu’il travaille dans le monde des start-up, je me suis dit que le film avait au moins le mérite de montrer à une très large audience ce qu’est ce monde et comme le dit Saverin que l’entrepreneuriat et la créativité sont essentiels pour notre avenir.

    Dernier point, que j’aborde de manière récurrent: la capitalisation et la structure actionnariale de Facebook. Comme Facebook n’est pas cotée, c’est un défi de s’atteler à sa tache et de séparer la vérité du mythe. J’ai utilisé les données disponibles sur le web. Le poitn le plus original est la dilution de Saverin de 30% à 5% alors que Zuckerberg ne passe que de 65% à 24%, pas vraiment proportionnel! Nous verrons quand Facebook ira en bourse, à quel point j’étais loin de la réalité!

    La Technologie, notre salut

    « Notre élite technocratique nous a dit de nous attendre à un avenir toujours plus riche et la science n’a pas tenu ses promesses. A l’exception des ordinateurs et de l’Internet, l’idée que nous vivions un progrès technique fulgurant est un mythe. »

    Ainsi parle Peter Thiel dans une interview au Wall Street Journal que j’ai lu lors de mon voyage à la découverte de l’écosystème high-tech finlandais (j’y reviendrai à mon retour). J’ignorais que Peter Thiel était né en Allemagne, voici donc encore un de ses migrants européens de la Silicon Valley.


    Zina Saunders

    « Personne ne veut croire que la technologie a un problème… La pharma, la robotique, l’intelligence artificielle, les nanotechnologies – tous ces domaines où les progrès ont été moindres qu’imaginés. Et la question est pourquoi. » […] L’innovation dit-il vient d’une culture de la « frontière », une culture de « l’exceptionnalisme » où l’on s’attend à des choses exceptionnelles – dans notre monde, un attribut presque uniquement américain mais qui se perd. […] L’idée que la technologie a un problème est un tabou. Un vrai tabou.

    Peter Thiel est un personnage intéressant, un caractère assez unique même pour l’Amérique. je ne suis pas sûr qu’il soit plutôt conservateur que libertarien comme T. J. Rodgers. Vous devriez lire l’interview dans son intégralité (et comme je ne suis pas sûr que le WSJ va l’offrir gratuitement pour encore un peu de temps, je l’ai copiée dans le post en anglais); lisez aussi les commentaires. La raison pour laquelle j’aime cet article est qu’il s’agit d’un sujet qui me préoccupe et que j’ai abordé dans mes posts sur la crise ainsi que sur un certain nombre de mes lectures sur la crise de la science comme celles de Smolin, ou encore Zuppiroli ou Ségalat.

    A nouveau voici le lien pour l’article en anglais sur mon blog.

    Une manière suisse d’entreprendre ?

    Dans cette nouvelle contribution au magazine Créateurs, je reste en Suisse avec deux très jolies PMEs. J’espère que vous apprécierez!


    Il est un débat récurrent dans le monde des start-up : et si le modèle américain de la croissance rapide alimentée par du capital-risque agressif n’était pas adapté aux entrepreneurs européens ou suisses. Deux exemples permettent d’apporter des éléments au débat : Sensirion et Mimotec.

    Dans ma dernière contribution, j’avais présenté Swissquote qui est devenu un magnifique succès sans ce capital-risque tant décrié semble-t-il en Europe. Mimotec est une spin-off de l’EPFL avec 24 employés et un chiffre d’affaires de 10 millions. La société fournit de la micro-technologie pour l’industrie de la montre. Mimotec a été fondée en 1998 par Hubert Lorenz, qui en a conté l’histoire lors du dernier « venture ideas » de l’EPFL. Cette PME est sans aucun doute une success story qui suit un modèle de croissance organique, soutenue sans être pour autant exponentielle.

    Sensirion est peut-être plus impressionnante encore. Fondée en 1998 également, elle est issue de l’ETHZ et fournit des capteurs de pression, autre domaine de spécialité de la Suisse. Dans un article pour la conférence MEMS 2008, son fondateur et CEO, Felix Mayer décrit le modèle de croissance de sa société. J’en traduis un passage : « Les Européens et les Suisses en particulier ne cherchent pas le grand succès. Ils préfèrent commencer petit et mettre un pied devant l’autre […] Autant que je sache, les Américains suivent plutôt la devise suivante : visons la lune ; si nous la loupons, nous finirons dans les étoiles […] Les USA ont une culture du risque et même quand ils échouent, ils ont une deuxième chance. L’Europe est différente. »

    Mayer ajoute que parce que les moyens financiers font défaut, l’entrepreneur européen aura du mal à s’attaquer aux très gros marchés. Il croit toutefois à une voie intermédiaire, qui ne générera pas des Google mais des sociétés leader dans leurs niches. Grâce au soutien patient d’un généreux business angel et fort de ses clients, Sensirion compte en 2010, 180 employés (le chiffre d’affaires n’est pas connu puisque la société est aux mains d’actionnaires privés). Il n’en demeure pas moins que Sensirion mettra six ans avant de financer sa croissance par ses activités ; son business angel fut donc essentiel au succès de la PME.

    Y a-t-il donc un modèle que l’Europe peut créer sans copier le modèle américain ? Oui, si l’on constate que très peu de sociétés ont atteint la taille d’un Logitech ou d’un Actelion. Au-delà des succès remarquables d’Hubert Lorenz et de Felix Mayer, je ne peux m’empêcher d’émettre les mêmes réserves que dans mon livre Start-Up. Pourquoi l’Europe ne devrait-elle pas viser les très gros succès en plus des succès de taille moyenne ? Ne croyez-vous pas que les Américains ont aussi leur Sensirion et leur Mimotec en plus de leur Google et Apple ? La critique du capital-risque est finalement assez facile, et je préfère à tout choisir cette remarque d’un entrepreneur américain : « La capital-risque, vous ne pouvez pas vivre avec lui, mais vous ne pouvez pas vivre sans lui ! » Et n’oublions pas que Google a aujourd’hui 20 000 employés et fut elle aussi créée en 1998… Il ne fait aucun doute que ni notre culture ni nos modèles financiers ne sont adaptés à fabriquer des Google mais je crois profondément que nous devons aussi avoir l’ambition des grands succès et ne pas sans cesse critiquer un modèle américain qui a aussi bien des atouts.

    Rêves brisés

    Je le fais parfois. Je vous encourage à lire mon post en anglais uniquement cette fois, à propos du livre de Josh Lerner Boulevard of Broken Dreams: Why Public Efforts to Boost Entrepreneurship and Venture Capital Have Failed–and What to Do About It.

    Cet extrait de la MIT Technology Review suffira peut-être à vous faire basculer ici.