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Michel Rocard et le gâchis des talents

A voix nue est une excellente émission de France Culture. Chaque invité y raconte sa vie pendant les 5 jours de la semaine. Michel Rocard était l’invité du 17 au 21 juin. C’est passionnant, mais j’ai retenu une anecdote amusante, choquante, tout à fait en liaison avec mon précédent blog sur l’élite technique française et ses gâchis.

FQ-Rocard

Laissez moi d’abord vous rappeler ce que je disais des migrations et des élites dans l’article AnnaLee Saxenian, Migrations, Silicon Valley, et Entrepreneuriat: «L’élite technique de pays comme la France ou le Japon allait automatiquement vers des postes à statut élevé au sommet des grandes entreprises ou de la fonction publique. Ils sont peu incités à étudier ou travailler à l’étranger, et souvent cette élite doit faire face à des coûts d’opportunité importants s’ils le font. Par conséquent, relativement peu suivent une formation universitaire aux États-Unis, et ceux-ci reviennent souvent dans leur pays directement après l’obtention du diplôme. Ceux qui restent dans la Silicon Valley pour une plus longue période ne sont pas susceptibles d’avoir accès au capital, aux opportunités professionnelles, ou même au respect quand ils rentrent.»

Quand Michel Rocard parle de l’ambition qu’avait son père pour lui, il est question de l’Ecole Normale Supérieure, voire de l’Ecole Polytechnique. Yves Rocard « a failli être prix Nobel de physique ». Il avait aussi plus de respect pour la science que pour la politique. Dans l’épisode 1 (à la minute 19 environ), Michel Rocard explique que son père rêvait de Polytechnique pour son fils, l’ENS semblant inaccessible. « Mon père rappelait beaucoup un mot terrible de Georges Clémenceau en 1919 : vous voulez empêcher l’Allemagne de se relever, créez-y une Ecole Polytechnique. C’était une allusion terrible que mon père partageait à la moisson de belles cervelles que fut le concours d’entrée à l’Ecole Polytechnique pour en faire des administrateurs et pas beaucoup de chercheurs ».

Je n’ai pas pu trouvé la citation ailleurs, mais même si elle était incorrecte, le message reste tristement valide. Comme AnnaLee Saxenian l’a écrit plus haut les sociétés française et japonaise gâchent une partie de leurs talents en ne les laissant pas exprimer leur créativité, en les décourageant parfois sans en avoir conscience…