Archives de catégorie : Donnée Start-up

La biotechnologie et les start-up – Partie 1 : Amgen

Je ne sais pas grand-chose des biotechnologies (mon expérience est dans les technologies de l’information). Bien qu’une start-up soit une start-up, j’ai toujours eu le sentiment que la biotechnologie est un monde différent. On lit souvent qu’il faut facilement dix ans pour développer un médicament, de sorte que les start-up en biotechnologie ne vendent aucun produit pendant plus longtemps encore (avec des revenus éventuels ne provenant que de collaborations R&D avec les grandes sociétés pharmaceutiques). On entend aussi parler d’introductions en bourse, bien avant qu’un quelconque produit soit sur le marché – quelque chose d’inhabituel dans le monde de l’informatique (sauf pendant la bulle Internet). Enfin, les besoins de financement en capital-risque semblent être beaucoup plus grands que dans les technologies de l’information.

J’ai déjà écrit des articles sur le sujet et vous pouvez les trouver sous le tag biotech, mais je prévois d’écrire bientôt trois nouveaux posts, liés à des lectures et des analyses récentes:
– Ce post traite de ma lecture de Science Lessons – What the Business of Biotech Taught Me About Management par Gordon Binder, ancien PDG d’Amgen et Philip Bashe.

Amgen-ScienceLessons

– Je vais ensuite donner une mise à jour de cap. tables avec plus de 350 entreprises (partie 2) et j’en profiterai pour me concentrer sur les entreprises de biotechnologie.
– Finalement, je devrais lire bientôt un autre livre, Genentech – les débuts de la Biotech par Sally Smith Hughes. Espérons qu’il sera aussi bon que celui sur Amgen. (voici le résultat de cette lecture, partie 3 – Genentech).

Le business de la biotech

Amgen est probablement la plus grande entreprise de biotechnologie aujourd’hui (avec une capitalisation boursière proche de 100 milliards de $ en 2015). « La société a fait ses débuts sur le Nasdaq le 17 juin 1983. Considérant qu’Amgen ne possédait pas de produits à l’époque, aller en bourse semblait prématuré pour certains observateurs. Et c’était vrai; une introduction en bourse n’était pas du tout dans l’agenda initial. Mais nos autres sources de capitaux s’étaient recroquevillées comme un feuillage pendant la saison sèche de Californie du Sud, laissant l’appel public comme notre seule option ». [Page 6]

L’arme secrète d’Amgen

« Dès le début, Amgen a été un aimant pour les surdoués, les hommes et les femmes innovantes. Comment une organisation attire-t-elle des employés exceptionnels? […] Certes, nous avons offert des salaires et des avantages attrayants ; et les options d’achat d’actions mises à disposition de chaque employé d’Amgen ont motivé sans aucun doute certaines personnes à rester alors qu’autrement, elles auraient cherché des occasions ailleurs. Comme de nombreuses études l’ont cependant montré, les salaires et avantages ne suffisent pas à fidéliser des employés à long terme. Il y a quelque chose de plus profond, quelque chose qui parle à l’âme même d’une entreprise. […] Parce que la culture d’une société se dégage de ses valeurs, nous avons interviewé des centaines de membres du personnel dans toutes les unités d’Amgen pour apprendre quelles sont les valeurs qu’ils croyaient constituer le noyau de cette culture. Aujourd’hui, il semble que chaque entreprise sous le soleil (ou sous un nuage) a un ensemble de valeurs. Certaines sont rédigées par le PDG, et d’autres sont concoctées par les relations publiques ou le département des ressources humaines. Parfois, elles sont écrites par des consultants qui ne travaillent même pas dans l’entreprise. Plus souvent encore, la déclaration ne reflète pas vraiment les valeurs des organisations; c’est soit une liste de ce que la société aspire à être ou un outil de relations publiques pour impressionner les clients, les fournisseurs, et les investisseurs. » [Page 9]

« Comme Amgen a grandi de façon exponentielle, nous avons constamment lutté avec le même dilemme auquel sont confrontées les entreprises les plus florissantes à un certain point: comment rester agiles lorsque vous n’êtes plus une petite start-up. Vous le faites par la décentralisation du pouvoir, bien sûr, mais aussi en établissant une culture entrepreneuriale qui embrasse le changement et encourage l’innovation. Pour cela, la direction doit donner du pouvoir à ses employés, puis les soutenir à 100 pour cent, parce les créateurs ne proposent pas d’idées librement si ils croient secrètement qu’ils seront destitués au premier flop de leur projet prometteur. Dans une industrie comme la biotechnologie, les échecs abondent. Si Amgen n’avait pas suivi son principe – « Les employés doivent avoir la liberté de faire des erreurs, » – nous n’aurions pas survécu. » [Page 14]

Les financements d’Amgen

Amgen a été créée le 8 avril 1980. Puis Bowes le cofondateur et 1er investisseur a « cajolé six venture-capitalistes à investir à peu près 81’000 $ chacun pour l’amorçage. » [Page 18] George Rathmann est devenu le PDG et seul employé de l’entreprise. Lorsque la société a eu besoin d’un vrai financement de série A, Rathmann était convaincu qu’il fallait beaucoup plus que le typique million du premier tour et chercha $15M. Aucun VC n’aurait accepté, alors il a convaincu d’abord des grandes entreprises. Abbott investit $5M (qui aurait une valeur de $700M en 1990). Tosco ajouta $3,5M. Et le fonds New Court (géré par Rothschild) suivra alors pour investir $3M. Le tour atteignit au total $19,4M le 23 janvier 1981. Puis l’introduction en bourse a apporté $42M en 1983, mais ce fut seulement un autre commencement car plus de financements publics suivraient: $35M en 1986 pour le «secondaire» et $120M pour un troisième financement l’année suivante.

Voici la table de capitalisation d’Amgen au moment de l’IPO:
Amgen-CapTable

Bien que les start-up biotech aient des horizons plus longs que les entreprises en IT, l’intensité extraordinaire des activités est très similaire. Binder montre des exemples tels que l’IPO d’Amgen (chapitre 2), la découverte de l’EPO (chapitre 4) et son approbation par la FDA (chapitre 5). Il y a cependant une différence majeure. En biotech, il est question de science et de recherche. « Il est juste de dire que dans de nombreuses entreprises, sinon la plupart, les équipes de ventes et marketing dominent dans l’élaboration des stratégies d’entreprise; les scientifiques ou les créatifs peuvent être derrière le volant, mais en fait les gens de la vente et de la commercialisation définissent la feuille de route, aboyant les directions depuis le siège du passager. Pas dans le domaine de la biotechnologie et certainement pas chez Amgen où même la localisation de l’entreprise a été choisie pour attirer des scientifiques du meilleur niveau. Notre siège social est situé plus ou moins à égale distance des trois centres de recherche principaux dans le sud de la Californie: l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA), l’Université de Californie à Santa Barbara (UCSB), et l’Institut de technologie de Californie (Caltech), à Pasadena ». [Pages 57-58]

Les partenaires d’Amgen

« Le succès est la capacité de survivre à vos erreurs. » George Rathman

Le chapitre 6 (« des partenariats au paradis – et dans cet autre endroit ») est à lire absolument. Binder explique l’importance des bons et des mauvais partenaires et cela, à nouveau, est lié aux valeurs et à l’éthique. Binder affirme que les gestionnaires sont beaucoup plus prudents quand ils embauchent quelqu’un que quand ils signent un partenariat.

« Notre recherche d’un partenaire pour l’entreprise commença ici, aux USA. À notre grande surprise, pas une seule entreprise pharmaceutique américaine n’a montré le moindre intérêt. […] Abbott Laboratories, un des investisseurs initiaux d’Amgen, a eu l’occasion d’être impliqué dans le projet Epogen. Le CEO et président Bob Schoellhorn déclina l’offre. Il avait été influencé par le chimiste en chef d’Abbott, qui ne pensait apparemment pas beaucoup de bien des médicaments à base de protéines de grande taille. Comme nous allions le découvrir plus tard, le biais n’était pas unique à Abbott; en fait, il a dominé l’industrie pharmaceutique traditionnelle. Le représentant d’une autre entreprise nous a informés que ses patrons avaient refusé l’offre sur Epogen parce que le marché était trop petit; leur département d’étude de marché avait prédit des ventes qui ne seraient jamais supérieures à 50 millions de $ par an. (Pour mémoire, le médicament génère 10 milliards de $ de revenus annuels. Quelles études de marché!) » [Page 126]

Leur premier partenaire serait Kirin, la compagnie de bière japonaise avec laquelle la confiance, la transparence et une bureaucratie minimale ont contribué à la construction d’un grand partenariat. Cela n’a pas été le cas avec Johnson & Johnson. « A ce jour, le mépris pour l’ancien partenaire d’Amgen est si profond que de nombreux employés proclament fièrement que leurs maisons sont à « 100 pour cent sans J&J ». Considérant que Johnson & Johnson et ses nombreuses entreprises vendent plus d’un millier de produits, du Band-Aids au Tylenol, ceci a tout d’un exploit. » [Page 133]

Amgen a également des partenaires académiques: « Memorial Sloan-Kettering possédait un mélange d’environ deux cents protéines. Mais ils n’avaient pas la technologie pour les séparer. Amgen l’avait. [… Amgen] a découvert le gène humain qui produit le G-CSF, situé sur le chromosome 17. Une fois isolé, le gène a été cloné en utilisant le même procédé que pour l’EPO humaine. Sloan-Kettering Memorial avait déposé un brevet faible, ne sachant pas ce qu’ils avaient exactement. Par conséquent, dit mon avocat général, Amgen était légalement libre de gérer son projet, sans avoir à payer une redevance à MSKCC. Cela ne me semblait pas éthique; sans Sloan-Kettering, nous aurions trébuché de nombreuses fois pour trouver le filgrastim (nom générique de Neupogen). Nous avons donc négocié une licence avec une redevance modeste. » [Pages 143-44]

Enfin, du moins pour cet article, voici la courbe de croissance d’Amgen – revenus et profits. Quand une start-up de biotechnologie est un succès, les chiffres sont impressionnants …

Amgen-Sales-Profits

Startup Land : l’aventure de Zendesk – du Danemark à la Silicon Valley jusque l’IPO

Nombre de mes amis et collègues me disent que la vidéo et les films sont aujourd’hui plus efficace que les livres pour documenter la vie réelle. Je me pourtant qu’il y a toujours dans les livres une profondeur que je ne trouve pas ailleurs. Une question de génération, sans doute. Le Silicon Valley de HBO est sans doute une description drôle et assez proche de la réalité de ce qu’est l’esprit d’entreprise high-tech, mais Startup Land est un excellent exemple de la raison pour laquelle je préfère encore les livres. Je n’ai pas trouvé pas tout ce que je cherchais – et je vais vous donner un exemple à la fin de cet article – mais j’ai pu ressentir de l’authenticité et même de l’émotion dans le récit de Mikkel Svane sur la construction d’une start-up et le développement de ses produits. Alors permettez-moi de partager avec vous quelques leçon de Startup Land.

Startup-Land-the-book

La motivation pour se lancer

« Nous ressentions que nous avions besoin de changer de vie avant qu’il ne soit trop tard. Nous savons tous que les gens vieillissent avec une plus grande aversion au risque avec les années. Quand nous commençons à avoir des maisons avec leurs prêts hypothécaires, et des enfants et des voitures, et les écoles et les institutions, nous commençons à nous poser. Nous investissons beaucoup de temps dans les relations avec les amis et les voisins, et faire de grands changements devient plus difficile. Nous devenons de moins en moins disposés à simplement tout jeter par la fenêtre et à tout recommencer. « [Page 1]

Pas de recette

« Dans mon récit, je vais développer le point de vue non conventionnelle que vous n’apprenez que dans les tranchées. Je suis allergique au saupoudrage de conseils business qui vise à donner une formule pour le succès. J’ai appris qu’il n’y a pas de telle formule pour le succès; le monde va trop vite pour que dure aucune formule, et les gens sont beaucoup trop créatifs –et itèrent toujours pour trouver une meilleure méthode. « [Page 6]

À propos de l’échec

Dans la Silicon Valley, il y a beaucoup de discussions à propos de l’échec – là-bas on y célèbre presque l’échec. Les gens récitent des mantras sur le « échouer vite » (fail fast), et les gens qui réussissent sont toujours prêts à vous dire ce qu’ils ont appris de leurs échecs, affirmant qu’ils ne seraient pas là où ils sont aujourd’hui sans leurs précédents et spectaculaires ratages. Pour moi, ayant connu la déception qui vient avec l’échec, tout cet engouement est un peu bizarre. La vérité est, d’après mon expérience, que l’échec est une chose terrible. Ne pas être en mesure de payer vos factures est une chose terrible. Laisser les gens partit et les décevoir, eux et leurs familles est une chose terrible. Ne pas tenir vos promesses aux clients qui ont cru en vous est une chose terrible. Bien sûr, vous apprenez de ces épreuves, mais il n’y a rien de positif dans l’échec que vous a conduit là. J’ai appris qu’il y a une distinction importante entre promouvoir une culture qui permet de ne pas avoir peur de faire des erreurs et d’admettre et une culture qui dit l’échec est une bonne chose. L’échec n’est pas quelque chose dont on puisse être fier. Mais l’échec est quelque chose à partir duquel vous pouvez repartir. [Pages 15-16]

Il y a d’autres jolis points de vue sur « être ennuyeux est beau » [page 23], le « travail à domicile » [page 34], « l’argent est non seulement dans votre compte bancaire, il est aussi dans votre tête » [page 35], et une « checklist non conventionnelle (et peut-être illégale) sur la manière d’embaucher » [page 127]

Je cite à nouveau Svane tout d’abord sur les investisseurs [page 61]: «J’ai appris une leçon importante dans cette expérience – qui a influencé toutes les décisions que nous avons prises depuis sur les investisseurs. Il y a un vaste éventail d’investisseurs. Les investisseurs professionnels sont extrêmement conscients du fait qu’ils ne seront couronnés de succès que si tout le monde réussit avec eux. Les grands investisseurs ont des relations uniques avec les fondateurs, et ils se consacrent à faire croître l’entreprise de la bonne manière. Les investisseurs médiocres et les mauvais contournent les fondateurs, et l’histoire se termine en catastrophe. Le problème est que dans les premiers jours de nombreuses startups ont peu d’options, et les fondateurs ont à interagir avec des investisseurs amateurs qui sont à courte vue et uniquement concernés par l’optimisation de leur propre position » [et page 93] « De bons investisseurs comprennent que l’équipe fondatrice est souvent ce qui porte l’esprit d’une entreprise et fait ce qu’elle est.  »

Et à propos de la croissance [Page 74]: « Même après le tour d’amorçage avec Christoph Janz, nous étions toujours à la recherche d’investisseurs. Si vous n’avez jamais été dans une start-up, cela peut sembler étrange, mais quand vous êtes un fondateur, vous êtes toujours essentiellement à la recherchede fonds. Construire une entreprise coûte de l’argent, et plus vite vous grandissez, plus vous avez besoin d’argent. Bien sûr, ce n’est pas le cas pour toutes les startups – il y a bien sûr des exemples de sociétés qui ont réussi uniquement grâce à leur trésorerie – mais la règle générale est que si vous optimisez la rentabilité, vous sacrifiez la croissance. Et pour une startup, il n’est question que de croissance. »

En mai 2014, Zendesk est entrée en bourse et l’équipe était si enthousiaste, qu’elle a tweeté de nombreuses photos! La société a levé 100M$ à 8$ par action. Ils ont fait un placement secondaire en mars 2015 à 22,75$ en recueillant plus de 160 millions de dollars pour l’entreprise. En 2014, le chiffre d’affaires était de 127M$ Zendesk! … Et la perte de 67 M $.

Zendesk-IPO

Il y a un élément d’information que je n’ai trouvé ni dans Startup land ni dans les documents IPO : Zendesk a trois fondateurs, Mikkel Svane, PDG et auteur du livre. Alexander Aghassipour, responsable des produit et Morten Primdahl, ditecteur technique. Je suis un fan des tables de capitalisations (comme vous le savez peut-être ou pouvez le voir ici dans L’actionnariait de 305 start-up high-tech avec les parts des fondateurs, employés and investisseurs) et en particulier j’aime étudier comment les fondateurs partagent le capital à la fondation de l’entreprise. Mais il n’y a pas d’informations sur les actions de Primdahl. Je n’ai qu’une seule explication. A la page 37, Svane écrit: « l’argent, cela se passe dans votre tête. Tout le monde le traite différemment. » Aghassipour et Svane pouvaient vivre sans salaire dans les premiers temps de Zendesk, mais Primdahl ne pouvait pas. Il est possible qu’il ait eu un salaire en contrepartie de moins de d’actions. Je serais ravi d’apprendre de Svane si j’ai raison ou tort!

Zendesk-captable
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Les meilleurs entrepreneurs européens high-tech selon le Financial Times

Comme suite à mon article publié le 25 Juin, intitulé L’Europe et les start-up – devrions-nous nous inquiéter? Ou y a t-il de l’espoir? voici une analyse plus détaillée des 50 meilleurs entrepreneurs high. tech. européens selon le Financial Times. D’abord, vous pouvez faire un quiz: les connaissez vous? ou du moins combien?

FT Top 50 Europe

Avant de vous donner la liste complète (le classement est fait de gauche à droite et de haut en bas), voici quelques statistiques intéressantes (je crois).

FT Top 50 Europe Stats

Les pays ne sont pas vraiment surprenants alors que la présence massive d’Index Ventures l’est, comparativement à Atomico ou même Accel. Les fonds américains, y compris les meilleurs d’entre eux, sont tous présents. Intéressant aussi. Alors, combien entrepreneurs connaissiez-vous…

FT Top 50 Europe List
(cliquer pour agrandir – références additionnelles : Crunchbase et SEC)

Les universités doivent-elles s’enrichir avec leurs spin-offs?

La question est l’objet d’un débat dans le numéro de juin 2015 de la revue Horizons du Fonds National Suisse pour la Recherche Scinetifique auquel il m’a été demandé de participer.

Des dizaines de start-up sont lancées chaque année en Suisse pour valoriser des recherches scientifiques financées en très grande partie par l’Etat. Les universités qui les ont soutenues devraient-elles s’enrichir en cas de succès commercial?

Oui, affirme le politicien Jean-François Steiert

Horizons-Debat-Spinoffs-1

Au cours des vingt dernières années, environ un millier d’entreprises, le plus souvent de petite taille, a contribué au succès de la Suisse. La majorité d’entre elles sont prospères, même si les investisseurs enclins à prendre des risques sont plus rares en Suisse que par exemple aux Etats-Unis. La plupart du temps, les spin-offs sont soutenues par l’argent du contribuable, au niveau des infrastructures, des réseaux sociaux, des bourses ou des services de coaching des hautes écoles. L’objectif de ce genre d’investissements publics est avant tout d’encourager l’emploi et la recherche.

Grâce au soutien de fonds publics, ces innovations génèrent par le biais de ventes ou de brevets des bénéfices importants de l’ordre de dizaines ou de centaines de millions de francs. L’investisseur public doit pouvoir exiger une partie de ces bénéfices. Non pas pour permettre à l’Etat ou aux hautes écoles de s’enrichir, mais pour réinvestir ces fonds dans l’encouragement de la prochaine génération de chercheurs.

A l’heure où la Confédération et les cantons mettent en place des programmes d’économies en raison de baisses d’impôts exagérées, des fonds supplémentaires doivent pouvoir être générés de cette manière et soutenir les jeunes chercheurs dans la valorisation économique de leurs innovations.

«L’investisseur public doit pouvoir exiger une partie du bénéfice.» Jean-François Steiert

Lors de la vente des brevets, il ne s’agit ni de viser le rendement maximal, ni de prélever des bénéfices selon une clé unique. Les hautes écoles ont besoin d’une marge de manœuvre pour optimiser le prélèvement. D’un côté, il faut que la création et la direction de start-ups restent attrayantes. De l’autre, il convient de réinvestir de manière adéquate dans la prochaine génération de chercheurs.

Ce qui fait défaut, aujourd’hui, est la transparence. Si les hautes écoles veulent garder la confiance du contribuable, elles doivent déclarer combien d’argent est généré par leurs start-up prospères. Cette information, elles la doivent au contribuable qui, à raison, veut savoir si ses deniers sont bien investis dans la recherche, un domaine capital pour la Suisse.

Jean-François Steiert (PS) est conseiller national depuis 2007 et membre de la Commission de la science, de l’éducation et de la culture.

Non répond Hervé Lebret, gérant d’un fonds de placement de l’EPFL.

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Lorsque Marc Andreessen lança Netscape en 1993, l’un des premiers browsers du Web, l’Américain de 22 ans préféra repartir de zéro plutôt que de signer une licence avec l’Université de l’Illinois, dont il jugeait les conditions abusives. Au contraire, l’Université de Stanford entretint des relations moins tendues avec les fondateurs de Google, en prenant une participation modeste de 2% (qui lui rapporta 336 millions de dollars six ans plus tard lors de l’entrée en bourse de la société). La même université ne demanda rien à Yahoo!, jugeant que les fondateurs avait développé le site sur leur temps libre. Quelques années plus tard, l’un des fondateurs de Yahoo! fit un don de 70 millions de dollars à Stanford – alors qu’Andreessen, lui, ne veut plus entendre parler de son alma mater.

Ces exemples montrent bien comment les rapports entre universités et entreprises peuvent se tendre lorsqu’elles ne partagent pas la même perception de la valeur d’un transfert de connaissances. Ce dernier est souvent gratuit lorsqu’il s’agit de formation, mais lorsqu’il est question de création d’entreprises, l’écrasante majorité des gens pense qu’il ne doit pas l’être. Néanmoins, un retour indirect existe déjà: d’abord sous la forme de l’impôt et, plus important encore, à travers les centaines de milliers d’emplois créés par les start-up. Leur valeur est, au final, bien supérieure aux dizaines de millions de dollars rapportés chaque année aux meilleures universités américaines par leurs licences.

«Des conditions abusives peuvent démotiver l’entrepreneur avant même qu’il ne se lance.» Hervé Lebret

Comment alors définir la juste rétribution pour les universités? Le sujet est sensible, mais aussi mal compris, notamment à cause d’un manque de transparence des différents acteurs. En 2013, j’ai publié une analyse des termes de licences publiques d’une trentaine de start-up [1]. Elle montre que les universités prennent une participation moyenne de l’ordre de 10% à la création de la start-up, qui se dilue à 1–2% après les premiers financements.

Il est impossible de connaître à l’avance le potentiel commercial d’une technologie. Il faut avant tout faire en sorte que celui-ci ne soit pas pénalisé par des termes de licence excessifs. Des conditions abusives peuvent démotiver l’entrepreneur avant même qu’il ne se lance et décourager les investisseurs. Et ainsi tuer la poule dans l’œuf.

[1] http://bit.ly/lebrstart

Hervé Lebret est membre de la Vice-présidence pour l’innovation et la valorisation de l’EPFL et directeur d’Innogrant, un fonds d’innovation de la haute école lausannoise.

Biocartis, la start-up à succès (presque) suisse.

Biocartis aurait pu être une réussite suisse, mais la société est maintenant basée en Belgique. Probablement pas une décision des investisseurs (ce à quoi on pense en général quand une start-up déménage), mais plutôt de l’équipe de management. Un des fondateurs est belge et c’est un entrepreneur en série impressionnant: Rudi Pauwels. Voici ce que vous pouvez lire dans le document IPO:

BiocartisHistory

Pourtant les chiffres sont intéressants. La société a levé plus de €200M avant son introduction en bourse de €100M cette semaine. Malgré ces énormes montants, les fondateurs ont gardé environ 5% de la société. Son prospectus d’IPO est disponible sur le site Web de la société. Elle a signé des accords avec Philips, Hitachi, Biomérieux, Abbott, Janssen et Johnson & Johnson et compte Debiopharm, basée en Suisse, parmi ses actionnaires. Voici mon tableau de capitalisation habituel:

BiocartisCapTable
(cliquez sur l’image pour l’agrandir)

Une nouvelle start-up à un milliard créée par de jeunes fondateurs? Sauf qu’ils ont quitté Etsy…

Etsy est l’annonce d’introduction en bourse la plus récente à ce jour. C’est un site d’e-commerce bien connu, basé à New-York, financé par Caterina Fake, Stewart Butterfield, Joshua Schachter & Union Square Ventures (Albert Wenger et Fred Wilson) à ses débuts, puis par Accel Partners, Index Ventures et Global Tiger, avec plus de 100M$ amassés vant l’introduction en bourse.

Les trois fondateurs (Robert Kalin, Chris Maguire, Haim Schoppik) ont diplômés de l’Université de New York vers 2005, juste avant la création de leur start-up, alors qu’il devaient avoir 25 ans environ. Mais il n’y a pas d’info sur eux dans le document S-1. Kalin a été PDG jusqu’en juillet 2008 (revint entre décembre 2009 et juillet 2011). Nombre d’employés et les co-fondateurs Maguire (développement de logiciels) et Schoppik (CTO) sont partis en août 2008.

Etsy-founders
Les fondateurs: Robert Kalin, Chris Maguire, Haim Schoppik

et mon habituelle table de capitalisation. Intéressant de vérifier ce que sera la valeur à l’IPO…
Etsy-captable
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Quelques sorties récentes dans la biotech suisse montrent des caractéristiques intéressantes

Au cours des 12 derniers mois, trois start-up de la région de Zurich ont connu une sortie. Molecular Partners est devenue publique sur la bourse suisse (voir mon post du 21 novembre) et deux autres start-up ont été acquises, Covagen par Janssen (voir le communiqué e presse d’août 2014) et GlycoVaxyn par GSK (communiqué e presse de février 2015), à chaque fois pour environ CHF200M. J’aavais déjà écrit un billet intitulé le dilemme des fondateurs suisses en décembre 2013. Mais je n’avais pas à l’époque publié de tables de capitalisation individuelle. Ici, elles y sont.

EquityTable-Covagen
Table de capitalisation de Covagen – cliquez sur l’image pour agrandir

EquityTable-GlycoVaxyn
Table de capitalisation de GlycoVaxyn – cliquez sur l’image pour agrandir

Le tableau suivant compare quelques caractéristiques intéressantes telles que les niveaux d’investissements et de dilution:
SwissBiotechDataFeatures
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J’aurais pu ajouter la part des universités qui était dans la gamme de 5-8% à l’incorporation avant d’être atteindre des niveaux de 0.2 à 1.8% à la sortie. Un autre point intéressant est que l’introduction en bourse semble induire moins de dilution et plus de création de valeur que le M&A.

La préférence de liquidation est une autre caractéristique intéressante. Le cas GlycoVaxyn montre un mécanisme complexe. Malgré la complexité du mécanisme et parce que le prix d’acquisition était beaucoup plus élevé que le montant investi par les VCs, les résultats sont semblables à ce qu’aurait donné une répartition proportionnelle.

J’ai ajouté ces tableaux et quelques autres à ma synthèse régulière. La voici:

En Suisse romande, l’EPFL a connu quelques sorties dans les 2 dernières années : Jilion, Sensima, Aïmago, Composyt. Intéressant de noter que les valeurs de sortie étaient plus faibles et les VCs inexistants. Mais les VCs ont été actifs aussi dans les 5 dernières années. Espérons que certains jolis résultats vont se produire dans un avenir proche …

Célébrons une (trop rare) IPO suisse: Molecular Partners

J’aurais pu dire: célébrons une (trop rare) IPO européenne. Molecular Partners est une spin-off de l’université de Zurich fondée par le Professeur Andreas Plückthun, Christian Zahnd, Michael Stumpp, Patrik Forrer, Kaspar Binz et Martin Kawe en 2004. Elle a été financée par des investisseurs privés: un premier tour de CHF18.5M en 2007 et un second tour de CHF38M en 2009. Elle a aussi signé un grand nombre d’accords avec des sociétés pharmaceutiques, ce qui explique des revenus élevés pour une biotech. L’université de Zurich en est aussi actionnaire depuis un accord de licence signé en 2004, grâce auquel elle touche aussi des royalties.

Molecular-CapTable
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Il est intéressant je crois d’illustrer l’évolution de l’actionnariat en fonction des financements successifs, dont l’IPO qui a apporté une centaine de millions à Molecular.

Molecular-Dilution
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J’aime aussi mentionner l’âge des fondateurs. Le document d’entrée en bourse fournit des données et j’ai estimé les autres à partir du parcours académique (18 ans pour une entrée à l’université…) Une moyenne de 33 ans avec un écart de 20 ans entre les extrêmes. Je sais que l’argent reste un tabou; les Européens n’aiment pas afficher des fortunes, qui restent très théoriques, car on ne vend pas ses actions dans une biotech aussi facilement qu’en employé de Facebook… Pourtant il me semble important de célébrer le succès des fondateurs et de leurs investisseurs… Bravo à tous!

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Zalando prépare son entrée en bourse

Zalando, l’une des start-up européennes les plus visibles doit devenir une société cotée le 1er Octobre en Allemagne. Ce n’est pas tant les chiffres que j’ai trouvé d’intérêt, mais combien il m’a été difficile de les obtenir. Comme d’habitude, l’Europe montre moins de transparence. Trouver le prospectus n’a pas été facile, et je ne suis pas sûr que j’aurais pu le trouver sans prétendre que je vis à Berlin. Et encore, je n’ai aucune idée de combien la société a levé, à quel prix et quand. Ce n’est pas dans le prospectus. J’ai juste toutes les dates des augmentations de capital et le nombre d’actions, cela n’aide pas beaucoup.

zalandoguys
Rubin Ritter, David Schneider et Robert Gentz

J’ai quand même pu construire ma table de capitalisation habituelle et voici ce que cela donne.

zalando-captable

zalando-capital-increase

L’actionnariait de 305 start-up high-tech avec les parts des fondateurs, employés and investisseurs

Je compile régulièrement des données sur les start-up, notamment l’actionnariat des fondateurs, employés et investisseurs ainsi que la taille des tours de financements. Cette mise à jour contient 305 start-up qui sont allées en bourse (ou en ont eu l’intention en déposant un dossier) ou qui furent des acquisitions connues.