Archives par étiquette : Ecosysteme

Une histoire entrepreneuriale du MIT : épilogue – l’impact et quelques leçons

Degroof a produit l’un des meilleurs livres décrivant les écosystèmes entrepreneuriaux comme je l’ai déjà mentionné dans 2 articles précédents dont la Partie 2 : Écosystèmes & Culture. Dans la dernière partie de son livre, il passe à l’impact du MIT et de son écosystème.

C’est un sujet bien connu comme vous pouvez le lire dans Le rôle entrepreneurial du MIT. Degroof rappelle (pages 183-89) les startups biotech autour de Kendall Square (Biogen, Genzyme) ainsi que la R&D des big pharma qui se relocalisent à proximité, comme le suisse Novartis. Il ne s’agit pas seulement de biotechnologie comme l’illustrent Lotus Development ou Akamai. Il cite également quelques alumni qui sont devenus des entrepreneurs ou des investisseurs célèbres, Hewlett (36), Perkins (53) ou Swanson (69). Il ne mentionne cependant pas Noyce (53), et ses bricolages (plus ici et ) ou Haren (80) pour les Français. Il pourrait y en avoir des centaines d’autres !

Il développe également l’impact des accélérateurs locaux du CIC à la fin des années 90 ou de MassChallenge et TechStars. Je suis un peu moins convaincu de l’impact international que le MIT a eu de manière plus institutionnelle et politique. Quel est le résultat exact des partenariats à Singapour, à Hong Kong, à Abu Dhabi, en Espagne ou au Portugal ? Le Deshpande Center a certainement inspiré de nombreuses initiatives dont le programme Innogrants que j’ai géré à l’EPFL au milieu des années 2000 ou encore ce que je fais aujourd’hui.

Degroof développe également l’importance de l’enseignement et de la formation : « En essayant de concilier la tension entre rigueur et pertinence, Aulet soutient de manière convaincante que l’entrepreneuriat doit être conçu comme un artisanat par opposition à une science ou à un art. Comme tout métier il est construit sur des concepts fondamentaux. Un potier, par exemple, doit maîtriser les principes mécaniques et chimiques de base de son métier. Connaître ceux-ci ne garantit pas le succès, mais ils améliorent considérablement les chances. Comme tout métier, l’entrepreneuriat s’apprend mieux par l’apprentissage ou par la pratique, plutôt que de s’appuyer uniquement sur des conférences ou des manuels. » [Page 212]

Encore une fois, je suis un peu moins convaincu de un sujet souvent évoqué : « Il y a une forte conviction au MIT que l’entrepreneuriat est un sport d’équipe. Il est basé sur l’évidence que les équipes de fondateurs ont tendance à mieux réussir que les fondateurs individuels, et que les équipes complémentaires ont tendance à faire mieux que les équipes homogènes. Dans la foulée de la classe I-Teams, de nos jours, la plupart des équipes dans les cours ou les concours liés à l’entrepreneuriat doivent être composées d’un mélange d’étudiants en ingénierie ou en sciences avec des étudiants en gestion. C’est devenu une caractéristique importante et une grande force de la formation à l’entrepreneuriat au MIT. Chaque groupe bénéficie des contributions de l’autre. Les élèves ingénieurs et scientifiques découvrent les dimensions commerciales des projets avec l’aide de leurs pairs des écoles de commerce et apprennent qu’il ne suffit pas de construire un meilleur fil à couper le beurre, alors que ces derniers bénéficient d’un éclairage scientifique et technique. Les deux groupes sont obligés de faire face à des différences culturelles et à une dynamique d’équipe plus complexe que ce qui se passe dans les équipes homogènes. Les résultats sont des équipes plus fortes et des projets plus efficaces. » [Page 214]

L’entrepreneuriat est une entreprise complexe et les écosystèmes entrepreneuriaux sont des mécanismes complexes et fragiles. Degroof décrit de manière convaincante pourquoi Boston est devenu un modèle. Il ne développe pas vraiment pourquoi cela n’a pas été aussi réussi que la Silicon Valley, avec une culture similaire cependant. Ycombinator de Paul Graham avait déménagé de Boston à la Silicon Valley, comme mentionné dans Paul Graham sur Boston. Lorsque j’ai rendu visite à des gens de Novartis à Boston, certains ont affirmé que la Silicon Valley était à Boston ce que Boston était à l’Europe. Oui, Boston est plus innovante que l’Europe et c’est pourquoi Novartis a déplacé une partie de la R&D vers l’Ouest, mais lorsque Novartis a acheté Chiron dans la Silicon Valley, Novartis a découvert qu’aller plus loin vers l’Ouest était encore plus aventureux. (Voir Mythes et réalités de l’innovation en Suisse).

Mais ces débats sont secondaires par rapport aux leçons apprises et synthétisées par Degroof. Beaucoup d’inspiration y est à trouver. Et conclure, je reviens au magnifique avant-propos de Bob Metcalfe : recréer l’écosystème entrepreneurial renommé du MIT n’est pas une tâche simple. Il n’est pas possible de copier l’écosystème du MIT et de le coller dans une autre institution. Les principes fondateurs et les éléments culturels uniques qui se sont réunis pour créer la « potion magique », la nature fondamentale de ce qui a grandi et prospéré au MIT, ne sont pas faciles à reproduire. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de leçons concrètes à tirer, qu’il n’y a pas de connaissances qui puissent être traduites et adaptées pour d’autres universités et économies. Aujourd’hui, en tant qu’entrepreneur prospère et chevronné, je me tourne encore fréquemment vers le MIT dans mes efforts pour créer un écosystème entrepreneurial florissant à l’Université du Texas. Je n’hésite pas à contacter mon vaste réseau au MIT pour obtenir des réponses aux questions de théorie et de pratique. À partir de là, j’ai pu faire de grands progrès dans mon objectif. Je ne suis peut-être pas en train de recréer le MIT, mais je modélise ce que je fais d’après le meilleur et je l’adapte aux spécificités que j’ai ici à Austin.

The Rainforest par Hwang et Horowitt (partie IV) – le capital risque

Après mes notes initiales (partie I), l’importance de la culture (partie II), la recette (partie III) sur The Rainforest de Hwang et Horowitt, voici mes notes finales sur le capital-risque. C’est peut-être leur meilleur chapitre, même si le sujet a produit probablement des centaines de livres et des milliers d’articles… Leur biais (apparent) en tant que capital-risqueur est seulement apparent. Leur description est proche de ce que j’ai vécu, mais je suis peut-être partial également.

Le sous-titre du chapitre est « Big V, Little C » et leur citation pour commencer le chapitre est « si vous voulez gagner de l’argent, faire du private equity. Si vous voulez vous amuser, faites du capital-risque ». Ils empruntent alors à AnnaLee Saxenian: « À Boston, ce sont les entrepreneurs qui s’habillaient bien et qui se montraient à temps pour impressionner les investisseurs. Dans la Silicon Valley, c’était le contraire. » […] « En d’autres termes, l'(a)venture – la startup – est toujours plus importante que le capital, avec un « V » majuscule et un « c » minuscule. » [Pages 218-21]

Ils expliquent pourquoi investir dans l’amorçage et les premières étapes est coûteux pour les capital-risqueurs. « Il est préférable d’acheter une entreprise exceptionnelle à un prix correct qu’une entreprise correcte à un prix exceptionnel. […] Investir plus tôt dans une affaire doit être contrebalancé par un potentiel de retour sur investissement massivement disproportionné. Sinon, cela n’en vaut tout simplement pas le risque. […] Les coûts de transaction réduits en raison de la confiance et des normes sociales rendent le capital-risque en amorçage, à risque très élevé beaucoup plus rentable [dans la Silicon Valley]. » [Pages 228-29]

Dans d’autres domaines, le capital subventionné joue un rôle. Mais cela ne signifie pas que le VC ne doit pas être compris: « Il existe deux façons de créer un fonds de capital-risque. Soit on prend aussi peu que trente minutes pour apprendre. Soit on prend vingt ans ou plus. La formation rapide consiste à apprendre la structuration légale formelle et les processus financiers d’un fonds de capital-risque standard. […] Le cours le plus difficile et le plus long est d’apprendre la dynamique comportementale humaine qui se produit dans et autour des fonds de capital-risque. […] Des questions telles que:
– Comment traitez-vous les autres dans des situations où des erreurs et des échecs se produisent presque tous les jours?
– Comment construire une réputation de confiance, de franchise et d’intégrité lorsque des millions de dollars sont en jeu?
– Quel type de valeur pouvez-vous fournir à un entrepreneur qui connaît probablement beaucoup mieux le business que vous?
– Comment écoutez-vous activement un entrepreneur, puis que voyez au-delà de leurs mots jusqu’aux vrais prospects d’une entreprise?
– Comment savez-vous quand un PDG n’est plus apte à diriger une entreprise?
– Comment aidez-vous une petite société à établir des relations de vie ou de mort avec des clients énormes, puissants ou des partenaires stratégiques? »

Cela me rappelle ce que j’ai appris il y a 20 ans: il faut 5 ans et 10 millions de dollars pour faire un investisseur.

Les auteurs concluent leur chapitre avec le magnifique documentaire SomethingVentured: « [Les VCs] travaillent très dur, ils sont très brillants, ils travaillent ensemble et ils collaborent. Et il y a beaucoup de plaisir dans la réalisation de ces choses ensemble. Je ne pense donc pas que vous devriez sous-estimer combien les gens ont eu du plaisir à faire ce qu’ils ont fait. Je pense qu’ils sont extrêmement fiers, mais quand ils parlent de ces histoires, ils rient, ils sourient. Il y a juste cette excitation et cette énergie pour construire quelque chose. » [Page 242]

The Rainforest par Hwang et Horowitt (partie III) – la recette

Après mes notes initiales (partie I) et l’importance de la culture (partie II) sur The Rainforest par Hwang et Horowitt, voici mes notes sur leur recette pour construire des écosystèmes efficaces pour l’innovation entrepreneuriale. Je terminerai avec une partie IV sur le capital-risque.

Encore une fois, les auteurs nous rappellent que «l’innovation est chaotique, accidentelle (« sérendipitique ») et incontrôlable, de sorte que les processus linéaires et planifiés sont rarement viables. En revanche, ce que nous recherchons dans une « forêt tropicale » est un système qui produit un impact immense, qui est peu coûteux et qui génère sa propre autonomie interne. La seule façon d’atteindre ces objectifs est de créer une communauté d’innovateurs où les coûts de transaction ont été réduits grâce à la confiance, des normes sociales, des connexions et de la diversité.» [Page 183]

Donc leur recette n’est pas tant une recette qu’une cure. En fait, ils disent « plutôt que de penser comme des macroéconomistes, pour changer les comportements, nous devons penser comme des psychiatres […] Nous construisons des forêts tropicales en façonnant le comportement extérieur des innovateurs. Au fil du temps, ces comportements peuvent créer des changements d’attitude et, éventuellement, les changements d’attitude peuvent entraîner des changements dans les croyances ». [Page 200-1]

Dans leur recette [pages 194-200], il existe une composante matérielle composée de 4 « P » : Personnes, Professionnels (c’est-à-dire les institutions), Physique (par exemple les infrastructures) et Politique. Le matériel est nécessaire mais pas suffisant. Il existe également une composante logicielle, avec 5 piliers: Diversité, Motivations extra-rationnelles, Confiance sociale, Règles (voir ma publication précédente) et Interprétation des Règles. Les Keystones rendront tout cela possible.

Le « Rainforest Canvas » pourrait bien être un outil utile pour évaluer la situation d’un écosystème dans ses composantes physiques et culturelles:

Sur les « role models », ils décrivent à titre anecdotique le principe Porsche. « Ce principe affirme que l’un des plus grands motivateurs pour les professeurs ou les étudiants diplômés sur le campus pour démarrer de nouvelles entreprises est quand un de leurs collègues conduit une nouvelle Porsche après avoir vendu leur start-up ». [Page 210] Pour être honnête, aujourd’hui, à l’EPFL et probablement ailleurs, je l’appellerai le principe de Tesla … (voir mon article précédent Le phénomène Porsche et les spin-offs universitaires! Ou le phénomène Tesla?)

Dans leur épilogue, les auteurs expliquent que « Peut-être, au lieu de lutter contre le chaos, nous devons apprendre à vivre avec. Peut-être que nous avons juste besoin d’une meilleure carte. Les règles de la ‘forêt tropicale’ fournissent une carte utile qui montre la façon d’équilibrer la liberté du chaos avec la beauté de la collaboration. Il faut une ‘participation joyeuse’ face aux hauts et aux bas, aux erreurs et aux échecs inévitables. Et donc, l’amour est une solution au chaos. » [Page 280] Ils utilisent alors une magnifique citation de Richard Feynman à qui un de ses étudiants avait demandé d’écrire un message à sa mère pour qu’elle s’intéresse aux sciences. Le voici:  » Dites à votre fils d’arrêter d’essayer de remplir votre tête de science – car remplir votre cœur d’amour suffit. Richard Feynman (l’homme que vous avez vu sur ‘Horizon’ à la BBC ».

Voici une présentation présentée par les auteurs, qui résume parfaitement leur vision.

The Rainforest de Hwang et Horowitt. Partie 2: l’importance de la culture

Après mon post introductif sur The Rainforest – The Secret to Building the Next Silicon Valley de Victor W. Hwang et Greg Horowitt, qui a mis l’accent sur l’importance de la confiance, voici une deuxième partie sur la culture. La partie finale décrira comment les auteurs affirment qu’ils connaissent la recette pour construire des forêts tropicales. Ce qui est remarquable avec Rainforest, c’est l’ambition d’expliquer que l’innovation est principalement culturelle, de sorte qu’au niveau « micro », elle ne peut pas être vraiment conçue, mais des « forêts tropicales » au niveau macro peuvent tout de même être construites. Je ne suis pas sûr que les auteurs aient raison, mais l’effort mérite vraiment d’être reconnu.

Une leçon des « Rainforest » est que les résultats de ces écosystèmes ne peuvent pas être prédits. […] La sérendipité ne peut pas être planifiée, mais un environnement propice à son existence peut l’être. [Page 65]

Dans leur chapitre 3, ils commencent par les « clés de voûte » (Keystone), pas par les entrepreneurs. « Qu’est-ce qui définit une « Keystone »? Au fil des ans, nous avons observé certaines personnes pratiquant une manière unique d’interaction humaine qui est essentielle à la croissance de l’innovation entrepreneuriale. […] Ces personnes manquent habituellement, ou du moins sont trop rares, dans presque toutes les régions qui ont échoué à générer quantités d’innovation entrepreneuriale ». [Page 71]

Ces personnes sont intégrantes, influentes et ont de l’impact, elles sont des courtiers de la confiance sociale (contrairement aux entrepreneurs qui absorbent l’information, apprennent de la pratique et recherchent des opportunités). « La région de la baie de San Francisco a un pourcentage beaucoup plus élevé de personnes impliquées dans plusieurs entreprises. 4,5% des acteurs comptés dans la région de la baie ont participé à trois startups ou plus, contre 2,9% à Boston, 2% à San Diego, […] 1,2% à Austin […] 0,7% à Portland. […] La région de la baie a une part significativement plus élevée d’individus qui sont extrêmement connectés et contribuent à la croissance de multiples projets de startup. » [Page 74]

Les auteurs montrent également la diversité des psychologies, la diversité des origines des personnes qui sont connectées et travaillent ensemble. « Nous voyons ces comportements inconscients au travail avec des innovateurs partout dans le monde. Les scientifiques face aux les entrepreneurs. Les start-up face aux grandes entreprises. Les investisseurs face aux « investis ». Ces conflits tribaux peuvent être des obstacles au développement des forêts tropicales. » [Page 109] D’autant plus que: « De manière similaire, le processus de développement d’une startup est un processus dans lequel les gens doivent souvent compter sur une prise de décision basée sur l’intuition (les trips / les « guts »). L’innovation entrepreneuriale, par sa nature même, est pratiquement une série sans fin de paris informés. Presque toutes les décisions sont fondées sur des informations substantiellement incomplètes. » [Page 106]

L’Amérique est la construction d’une société qui n’est pas freinée par l’histoire de ses tribus. […] Ils sont moins enchaînés au passé. Au lieu de cela, les Américains ont tendance à être identifiés par l’autonomie. […] Les gens accourent encore aujourd’hui vers la Californie. Il est généralement considéré comme le pays des pionniers, des non-conformistes, des artistes et des rebelles. [Page 116] La culture est essentielle à la manière dont les systèmes économiques fonctionnent car elle fournit les règles d’engagement entre les personnes qui, on l’espère, peuvent maximiser leur bien-être collectif. [Page 118] Les auteurs ne sont pas naïfs mais prétendent que toutes ces personnes doivent trouver le bon équilibre. Un capital-risque est tiraillé entre la tentative de posséder autant que possible d’une entreprise et d’essayer de laisser suffisamment d’équity entre les mains de l’équipe entrepreneuriale pour les garder pleinement motivés. […] Un VC ne veut pas perdre sa réputation. [Page 119] Le comportement innovant n’est pas guidé par une maximisation rationnelle. En fait, d’autres forces, qui peuvent être appelées extra-rationnelles, entrent en jeu: la concurrence, l’altruisme, l’aventure, la découverte, la créativité, le sens, la préoccupation.

Je ne peux m’empêcher de rappeler ici, l’excellent (contre-)exemple d’Orson Welles sur le Scorpion et la Tortue… Espérons que la nature ne soit pas tout, la culture est aussi importante.

Une erreur des décideurs est de sous-estimer ces motivations extra-rationnelles. «Les gouvernements et les entreprises tentent souvent d’encourager l’innovation en mettant l’accent sur les mécanismes financiers, tels que les allégements fiscaux, les subventions, les aides et les prêts. Mais dans l’ensemble, cette stratégie a été médiocre. Ils ne peuvent pas être seulement les fins en eux-mêmes. » [Page 127]

Incitations, avantages et coûts dans les environnements traditionnels: [Page 124]
Avantages:
Possibilité de gagner plus d’argent
Inconvénients:
Sacrifiez un revenu stable et une carrière peut-être pour toujours
Risque de désapprobation sociale de la famille, des amis, des conjoints potentiels
Difficulté et peur de travailler avec des étrangers en dehors des cercles conventionnels de confiance, de culture, d’origine ethnique, de langue
Difficulté et effort supplémentaire pour communiquer efficacement
Un énorme investissement de temps, d’effort, de stress
Possibilité de tout perdre (en fonction des lois, de la faillite, des partenariats, etc.)

Incitations, avantages et coûts pour les « forêts tropicales »: [Page 126]
Avantages:
Possibilité perçue et éventuellement réelle de gagner plus d’argent (grâce aux role models qui ont déjà validé cette possibilité)
Joie de la découverte, de la nouveauté, de l’aventure, de la créativité, de la passion
Approbation sociale (en tant que membre d’une communauté d’innovateurs)
Joie de l’amitié, du partage, de l’amour au travail d’une équipe, de la création d’une nouvelle confiance, de valeurs et d’objectifs communs
Réalisation de la possibilité de faire une différence dans la société, laissant un héritage pour les générations futures
Frisson de la compétition
Liberté et indépendance
Inconvénients:
Peu de stigmate social du risque, souvent encouragé, par la famille et les amis
Une certaine inquiétude de rencontrer de nouvelles personnes, mais compensée par la joie de créer de nouvelles amitiés
Un énorme investissement de temps, d’effort et de stress, mais considéré sous un éclairage neutre et même positif, car poursuivant une passion personnelle
Peu de risque de tout perdre parce que de nouvelles opportunités apparaissent dans le processus d’expérimentation
Probabilité beaucoup plus faible d’échec d’une large communauté d’autres innovateurs.

Et les auteurs prétendent que 7 règles sont nécessaires [Page 156]:
– Briser les règles et rêver
– Ouvrir les portes et écouter
– Avoir confiance et faire confiance
– Expérimenter et itérer ensemble
– Rechercher l’équité, pas l’avantage.
– Errer, échouer et persister.
– Se souvenir plus tard.

Les gens pensent généralement à la Silicon Valley comme une anomalie dans une histoire autrement « normale » du monde, mais que penser d’inverser cette proposition? Et si nous envisagions la Silicon Valley comme le point final naturel d’une histoire de 50 000 ans? Peut-être pourrait-elle être la dernière étape de l’évolution de la société humaine, d’une culture reposant sur des tribus vers une culture reposant sur des individus pragmatiques. [Page 152]

Lisez Harari si vous ne l’avez pas déjà fait …

Notes sur le livre The Rainforest de Hwang et Horowitt

Je dois remercier d’abord ici Bogdan Ceobanu de la Commission européenne. Après avoir passé quelques heures à discuter des défis (et des opportunités) de l’innovation en Europe, il m’a envoyé sa copie de The Rainforest – The Secret to Building the Next Silicon Valley de Victor W. Hwang et Greg Horowitt. Bogdan est l’une des voix derrière Startup Europe. Merci 🙂

Il n’y a peut-être rien de vraiment nouveau dans ce livre sur les écosystèmes, mais les messages sont clairs, solides et argumentés. Vous avez peut-être besoin d’une infrastructure, mais sans culture, rien ne se produira, aucune innovation ne surgira. Il se pourrait bien que j’écrive écrire quelques articles sur ce livre car je viens juste de le commencer. Et comme d’habitude, voici mes notes et extraits:

Malgré des centaines de livres et des milliers de documents sur le sujet, l’innovation dans le monde réel est mal comprise. […] Avoir les ingrédients adéquats n’entraînera pas nécessairement une innovation réussie. Vous devez préparer ces ingrédients bruts, puis les combiner dans le bon sens. […] Nous soutenons que les deux piliers traditionnels de l’innovation – les marchés et les clusters – sont incapables de fournir des réponses complètes au mystère de l’innovation systémique. [Pages 18-20]

J’avais donné ma propre recette en 2007: « Il faut deux ingrédients de base. Des « riches » et des « nerds », cela a été dit. N’y ajouter surtout ni bureaucratie, ni bâtiment. Pour accueillir suffisamment de nerds, il faut un grand contenant. Une université est un bon choix. Pas n’importe laquelle. Il vous faut une superbe université. Il en existe, il s’en crée aussi. Il faut ensuite de la personnalité, de la créativité. Pas seulement sur le campus, mais dans la région qui l’entoure afin que les ingrédients de base se sentent bien dans le contenant. Il faut que les ingrédients soient frais, c’est à dire qu’ils soient jeunes. Ce sont les jeunes qui font des start-up. Graham parle d’environnement libéral au sens américain du terme. Il affirme que les régions libérales tolèrent l’étrangeté des personnalités brillantes. Il faut mettre au four pendant très longtemps. La Silicon Valley a commencé en 1957, la Silicon Fen en 1960. Il fallut au moins dix ans, plutôt vingt ans pour ces deux régions. Le temps qu’il faut aussi pour l’éducation des enfants. Il faut mettre le four à feu doux, afin de ne pas tuer l’envie, puis monter la température pour entretenir l’enthousiasme. Un climat clément, agréable est donc nécessaire. Si toutes ces conditions sont réunies, le résultat sera sans doute intéressant. » [Page 184, Start-Up: Ce Que Nous Pouvons Encore Apprendre De La Silicon Valley]

Le monde de l’innovation ne se produit pas au niveau macro. L’innovation est un «sport de contact corporel». C’est un phénomène qui se passe au niveau de micro. Lorsqu’il est appliqué à l’innovation, la théorie du choix rationnel pourrait avoir du sens si vous êtes des théoriciens qui pensent de manière abstraite sur la façon dont le monde devrait fonctionner. Elle ne décrit pas exactement la façon dont le monde fonctionne réellement. [Page 37] Vous ne pouvez pas comprendre le macro sans comprendre le micro. […] le monde est beaucoup plus compliqué – il faut faire face à une gamme de facteurs sociaux et psychologiques complexes, de réseaux personnels et de flux d’information. [Page 48]

Les promoteurs du « marché » soutiennent parfois les investissements dans la recherche scientifique comme moyen de stimuler les nouvelles innovations. […] La recherche scientifique, cependant, ne mène pas toujours à la croissance économique. Chaque augmentation de 1$ dans la recherche scientifique n’entraîne pas nécessairement une augmentation de 1$ d’activité économique dans le système global. La recherche seule n’est pas suffisante. […] Dans le monde réel, le chemin de la découverte au produit commercial est si long, tortueux et accidentel que la grande majorité des technologies qui pourraient changer le monde ne voient jamais la lumière du jour. La société a un énorme nombre de découvertes scientifiques qui sont « bloquées dans le pipeline », bloquées par les barrières humaines qui les empêchent d’atteindre le marché. [Page 40]

Par exemple, l’état du Kansas a investi activement dans ses entrepreneurs en haute technologie. L’Université du Kansas a fourni des bourses de recherche pour développer des produits à des fins commerciales. L’université a favorisé la collaboration régionale, la formation entrepreneuriale et même l’assistance directe. Les résultats de ces efforts, cependant, ne sont en rien comme ceux de Silicon Valley. Et la grande majorité du monde ressemble beaucoup plus au Kansas qu’à la Californie. [Page 41] Un cluster est la description d’un phénomène, pas une prescription pour la politique. [Page 42]

Alors qu’une entreprise est un groupe de personnes travaillant ensemble, un cluster est une région de personnes ou d’entreprises travaillant ensemble. Dans les deux cas, ces relations entraînent des coûts de transaction plus faibles. Et dans les deux cas, ces économies découlent du fait que les gens sont plus proches, peuvent communiquer plus facilement et se faire confiance davantage. [Page 46]

Et encore, permettez-moi de vous donner un extrait de mon livre, en citant maintenant Richard Newton:
« La région de la Baie est l’Entreprise… [Quand les gens changent de travail dans la région,] ils ne font que changer de département au sein de cette entreprise qu’est la Région de la Baie. » [Page 108]

Je ne suis pas sûr que quelqu’un ait « le secret pour bâtir la prochaine Silicon Valley », mais j’en dirai plus lorsque j’aurai avancé dans la lecture de The Rainforest.

Une analyse remarquable des faiblesses européennes: l’acquisition de Withings selon François Nemo

Il m’arrive de faire du copié-collé d’articles que j’ai aimés avec en général l’objectif de les traduire sur la partie anglaise du blog. Ici je vais ajouter mes commentaires personnels entre crochets et en italique. Vous pouvez trouver l’article original et les commentaires sur Frenchweb.fr

Withings ou l’histoire d’une naïveté française
Par François Nemo, spécialiste en conseil en stratégies de ruptures.

Le spectaculaire rachat de Withings par Nokia ne traduit pas comme on l’évoque systématiquement la faiblesse de notre système de financement mais le manque de vision et d’engagement de notre scène entrepreneuriale. L’incapacité à créer des écosystèmes à l’échelle mondiale afin de se positionner dans la guerre du numérique qui oppose la Chine aux Etats-Unis. Il est temps de se mobiliser pour «faire tomber les GAFA» et défendre notre souveraineté.

[Depuis des années, j’affirme que nous n’avons pas tant un problème de financement que de culture, une incompréhension totale de l’importance des start-up et de leur croissance]

Après Captain Train racheté par les Anglais pour 200M€, c’est au tour d’un emblème de la technologie française Withings et qui a fait grand bruit au CES de Las Vegas en jouant la carte du made in France, de passer sous le contrôle de Nokia pour 170M€. Et il y a fort à parier que Blalacar ne résisterait pas à une proposition de Facebook si ce dernier décidait d’introduire le covoiturage dans sa palette de services pour connecter la planète. L’aventure de ce que l’on appelle les pépites à la française n’a malheureusement qu’une seule issue : un gros chèque !

[Je vous laisse parcourir mes documents sur slideshare et en particulier celui qui compare Europe et Silicon Valley et sa slide 37]

L’intelligence first

Plus la technologie se développe et plus elle s’efface derrière les idées. Le «purpose» ou la raison d’être. Les grands acteurs du numérique l’ont compris en prenant le virage de «l’intelligence first». Le produit devient une fonctionnalité qui s’intègre dans une plateforme dont le rôle est de résoudre les problèmes du monde, la santé, les déplacements, les loisirs… gérer une communauté, organiser un écosystème circulaire, itératif, ouvert et inclusif qui met en contact directement les utilisateurs et producteurs pour raccourcir et optimiser l’interaction. C’est la mort annoncée des sites et des applications. Le rôle de l’entrepreneur est alors de défendre une «vision» et ensuite de designer le système qui va avec. C’est un chef d’orchestre plus qu’un créateur de ressources qui va défendre les actifs clés de l’entreprise ; les idées et les données. Dans ce nouveau contexte, des entreprises mono-produits comme Withings n’ont aucune chance de se développer sinon à intégrer un écosystème. On peut d’ailleurs s’interroger sur les véritables bénéfices pour Whitings d’un rachat par Nokia ? Dropbox ou Evernote en ont l’amère expérience en cédant au pouvoir de frappe des grandes plateformes. Et que dire de la pertinence de cette phrase de Steve Job : «Vous êtes une fonctionnalité et non pas un produit», en refusant de racheter Dropbox il y a dix ans ?

La nouvelle guerre des écosystèmes

C’est sur le terrain des écosystèmes que s’affrontent désormais les deux géants du numérique, les Etats-Unis avec les GAFA, sous-tendus par une idéologie, et la Chine avec des entreprises plus pragmatiques comme Alibaba, Wechat qui ont su développer de nouveaux écosystèmes dans des secteurs en plein essor en créant de nouveaux modèles de business et qui après avoir touché un nombre impressionnant d’utilisateurs sur leur marché intérieur commencent à se positionner à l’international en déclenchant une lutte féroce avec les Américains. C’est dans ce contexte que les GAFAs (principalement) font leur «marché» aux quatre coins de la planète pour alimenter et enrichir leur écosystème. Et la France avec la qualité de sa recherche et le dynamisme de ses start-up est un terrain de chasse particulièrement attractif.

Pourquoi l’Europe n’est pas en mesure de créer des écosystèmes à l’échelle mondiale ?

Le rachat de Withings n’est pas comme on l’évoque un problème de financement. Un écosystème européen d’investissement inadapté qui empêcherait un scale-up rapide de nos pépites. Le périmètre de withings quels que soient les fonds qu’on y injecte rend de toute façon un développement impossible hors d’une plateforme. La question est pourquoi l’Europe n’est pas en mesure de créer des écosystèmes à l’échelle mondiale au sein desquels des pépites comme Withings trouveraient toute leur place ?

[L’échec de l’Union Européenne n’est pas que politique. Il est aussi économique. Que de fragmentations et d’égoïsmes nationaux…].

Nous ne pensons pas le numérique à la bonne échelle !

Nos discours sur le made in France, la mise en scène autour de nos champions du numérique et de leur présence au CES appuyée par le ministre de l’économie en personne a quelque chose de naïf et de pathétique. Toutes nos infrastructures institutionnelles ou privées, accélérateurs, groupes de réflexion, French tech, CNNum, École 42, The Family, l’accélérateur ou le NUMA, pour ne citer que les plus en vue ne sont pas programmées pour développer des plateformes avec des visions mais des produits et des fonctionnalités ou des lois et des rapports. C’est notre culture économique et entrepreneuriale qui est en cause. Un monde encore très marqué par la culture de l’ingénieur et du spécialiste. Un monde qui n’est pas familier et qui reste méfiant envers les notions de vision et d’engagement et plus généralement envers le monde des idées. Des entrepreneurs plutôt conservateurs qui ne perçoivent pas la nature profondément subversive de la révolution numérique et la nécessité de changer leur «échelle de réflexion».

Des grands groupes qui ont tous un potentiel de start-up

Nous pourrions aussi nous appuyer sur les grands groupes qui ont tous un potentiel de start-up à l’image de l’Américain Goldman Sachs qui déclare : «Nous ne sommes plus une banque, mais une entreprise de technologie, nous sommes les Google de la finance», en faisant travailler trois mille cinq cents personnes sur le sujet et en annonçant un train de mesures comme l’ouverture en open source des données de marché et de gestion des risques. On imagine très bien des entreprises comme La Poste et Groupama dont les métiers vont être radicalement remis en cause dans les cinq prochaines années préparer l’avenir en organisant un écosystème autour du soin et de la santé (par exemple) qui intègre Withings et ses savoir faire. Mais en écoutant les représentants de ces grands groupes, Pierre Gattaz ou de Carlos Ghosn par exemple, on perçoit rapidement leur vision court terme et leur manque d’intérêt (ils n’ont rien à y gagner) pour les stratégies de rupture.

[Quels modèles ont nos jeunes générations en Europe, pas seulement en France, à la sortie de leurs études? Comment pourraient-elles faire des GAFAs quand le modèle est l’entreprise du CAC40 et une culture très ingénieur, en effet].

Sommes-nous prêts à vivre dans un «Internet Fisher Price»

Sommes-nous condamnés à devenir des satellites, à perdre notre souveraineté économique et de sécurité en restant sous l’emprise des GAFAs. Ou encore comme le propose François Candelon, Senior Manager au sein du Boston Consulting Group dans un très bon article «de regarder ce que la Chine peut nous apprendre et nous apporter» et de «créer une route de la soie du numérique». Sommes-nous condamnés à choisir entre Charybde et Scylla ? Non ! Car si les géants du web avec leur vision ont ouvert la voie à de nouvelles relations en construisant les entreprises les plus disruptives de l’histoire, elles nous laissent face à un trou béant. La «technicisation de l’individu». Sommes-nous prêts à vivre dans un «Internet Fisher Price», comme le titrait Viuz «dans des résidences fermées» gérées par des machines «avec des bosquets rondouillards, des pelouses impeccables et des routes goudronnées» où règne l’exclusivité, le premium et la rareté en laissant à la porte toute une partie de la population. Des sortes de maisons de retraite ultra sécurisées pour les plus fortunés ?

Faire tomber les GAFA

Il faut sans aucune hésitation nous engouffrer dans une troisième voie : «Faire tomber les GAFA». Si la formule est quelque peu provocante, elle incite à la mobilisation. Le retard sera difficile à rattraper, mais il est temps pour l’Europe de s’appuyer sur ses valeurs historiques et fondamentales pour construire de nouveaux écosystèmes et entrer de plain-pied dans la guerre économique qui oppose les deux grands blocs. Proposer des alternatives aux GAFAs. «Se servir des algorithmes et de l’intelligence artificielle pour créer une intelligence augmentée et résoudre les problèmes complexes que l’urgence écologique et sociale nous pose», comme le dit Yann Moulier Boutang. Intégrer les nouvelles technologies pour rééquilibrer les rapports de force, trouver les clés d’une véritable économie du partage et de la connaissance, s’attaquer à la question de l’avenir du travail, de sa rémunération, de la santé, du libre-arbitre, de l’éducation…

Changer d’échelle

Une rupture qui nécessite de changer d’échelle en bousculant notre culture économique et notre appréhension du monde. Une rupture qui, si elle se heurte encore à une «diabolique» inertie, s’impose comme une nécessité pour beaucoup d’entre nous.

Si vous faites partie de cette nouvelle «génération» de «l’intelligence first», si vous avez des idées et des solutions pour changer notre échelle de réflexion, je vous invite à nous joindre sur Twitter @ifbranding ou par email f.nemo@ifbranding.fr ensemble, nous avons des solutions à proposer et des projets à construire.

L’auteur
François Nemo, spécialiste en conseil en stratégies de ruptures.
Site Internet : ifbranding.fr
Twitter : @ifbranding
Medium : @ifbranding

Comment devenir une plaque tournante pour les start-up?

C’est le sujet que le génialissime Paul Graham aborde dans le discours intitulé How to Make Pittsburgh a Startup Hub, discours dont il vient de publier une version écrite sur son blog. Je dis génialissime parce qu’à chaque fois, que je le lis, je suis enthousiasmé par la simplicité de ses messages souvent contre-intuitifs. Ainsi dans How to be Silicon Valley?, il affirmait « Peu de start-up se créent à Miami, par exemple, parce que même s’il y a beaucoup de gens riches, il y a peu de nerds. Ce n’est pas un endroit pour les nerds. Alors que Pittsburgh a le problème inverse: beaucoup de nerds, mais peu de gens riches. » Il est pourtant revenu à Pittsburgh en donnant sa recette, du moins des pistes pour devenir une plaque tournante pour les start-up.

0*STindQ5-Serw7lGW.
Image empruntée à Zak Slayback

J’ai décidé de traduire plus bas l’intégralité de son discours, mais voici quelques extraits qui montrent que tout est culturel et qu’il faut avant tout une attitude accueillante et libérale, voire de laisser-faire: « Et ce n’est pas comme si vous aviez à faire des sacrifices douloureux dans l’intervalle. Pensez à ce que j’ai suggéré. Encouragez les restaurants locaux, préservez des bâtiments anciens, profitez de la densité, faire de CMU la meilleure des universités, promouvez la tolérance. Ce sont les choses qui font qu’il fait bon vivre à Pittsburgh aujourd’hui.Tout ce que je veux dire est que vous devez amplifier toutes ces choses. »

Quant aux universités, il explique: « Qu’est-ce que CMU peut faire pour aider Pittsburgh à devenir une plaque tournante entrepreneuriale ? Etre une meilleure université de recherche encore et encore. […] Etre ce genre d’aimant pour les talents est la plus importante contribution que les universités peuvent faire pour rendre leur ville un centre pour les start-up. En fait, c’est pratiquement la seule contribution qu’elles peuvent avoir. Mais attendez, les universités ne devraient-elles pas mettre en place des programmes avec des mots comme « innovation » et « entrepreneuriat » ? Non, elles ne le devraient pas. Ce genre de choses est presque toujours sujet de déceptions. […] Et la façon de découvrir l’esprit d’entreprise est de le pratiquer, ce que vous ne pouvez pas faire à l’école. Je sais que cela peut décevoir certains administrateurs d’apprendre que la meilleure chose qu’une université peut faire pour encourager les start-up est d’être une grande université. C’est comme dire à des gens qui veulent perdre du poids que la façon de le faire est de manger moins. […] Les universités sont parfaites pour réunir des fondateurs, mais au-delà de cela, la meilleure chose qu’elles puissent faire est de se retirer. Par exemple, en ne revendiquant pas de droits sur la « propriété intellectuelle » que les étudiants et les professeurs développent, et en ayant des règles libérales au sujet de l’admission et des congés différés.[…] Mais si une université voulait vraiment aider ses étudiants à lancer des start-up, les données empiriques […] suggèrent que la meilleure chose à faire est littéralement rien. »

Et maintenant, une longue parenthèse. Ce texte m’a rappelé le texte d’une autre génie de la Silicon Valley, Steve Jobs. « Si vous regardez un peu en arrière, il y a deux ou trois choses. Le mouvement Beatnik a commencé à San Francisco. C’est une chose assez intéressante à noter. C’est le seul endroit des États Unis où le Rock’n’roll a vraiment eu lieu. N’est-ce pas ? La plupart des groupes du pays, Bob Dylan dans les années 60, je veux dire, ils sont tous venus d’ici. Je pense à Joan Baez, Jefferson Airplane, les Grateful Dead. Tout est venu d’ici, Janis Joplin, Jimmy Hendrix, tous. Pourquoi ? Vous avez aussi Stanford et Berkeley, deux universités extraordinaires qui attirent les gens brillants de toute la planète et leur font découvrir une région belle et ensoleillée, où ils trouvent d’autres gens intelligents et aussi une nourriture excellente. Et aussi beaucoup de drogue à une certaine époque. Alors ils sont restés. Il y a beaucoup de richesse humaine qui se déverse dans la région. Des gens très brillants. Les gens semblent plutôt brillants ici en comparaison au reste du pays. Ils sont plutôt plus ouverts aussi. Je crois que la région est unique et elle a une histoire qui le montre bien. Tout cela attire plus de monde. Je donne aussi un grand crédit, peut-être le plus grand crédit, à Stanford et Berkeley. »

La dernière contribution de Paul Graham est à lire absolument. Comme d’habitude, c’est long, provocateur, dérangeant et totalement convaincant… Voici donc le texte intégral:

Comment faire de Pittsburgh une plaque tournante pour les start-up?

Avril 2016

(Voici une conférence que [Paul Graham a] j’ai donnée lors d’un événement appelé Opt412 à Pittsburgh. Une grande partie de celle-ci applique à d’autres villes. Mais pas toutes, parce que, comme je le dis dans le discours, Pittsburgh a des avantages importants par rapport à la plupart des possibles clusters de start-up.)

Que faudrait-il pour faire de Pittsburgh une plaque tournante des start-up, comme la Silicon Valley? Je crois comprendre Pittsburgh assez bien, parce que j’ai grandi ici, à Monroeville. Et je comprends la Silicon Valley assez bien parce que c’est là où je vis aujourd’hui. Pouvez-vous obtenir ce genre d’écosystème entrepreneurial ici [chez vous] ?

Lorsque j’ai accepté de parler ici, je ne pensais pas que je serais en mesure de donner un discours très optimiste. Je pensais que je serais capable de dire ce que Pittsburgh pourrait faire , mais tout au conditionnel, pour devenir une plaque tournante des start-up. Mais en fait, je vais parler de ce que Pittsburgh peut vraiment faire.

Ce qui a changé mon état d’esprit est un article que j’ai lu dans la section « alimentation » du New York Times. Le titre était « Le boom alimentaire de Pittsburgh axé sur les jeunes. » Pour la plupart des gens, cela pourrait sembler sans intérêt, et encore moins un sujet lié aux start-up. Mais cela a été pour moi une révélation de lire ce titre. Je ne crois pas que j’aurais pu choisir sujet plus prometteur si je l’avais voulu. Et quand j’ai lu l’article, je fus encore plus excité. Ainsi il est écrit: «les personnes âgées de 25 à 29 ans représentent maintenant 7.6% de tous les résidents, en hausse de 7% il y a environ une dizaine d’années. » Wow, me suis-je dit, Pittsburgh pourrait être le prochain Portland. La ville pourrait devenir l’endroit cool où tous les jeunes adultes veulent aller vivre.

Quand je suis arrivé ici il y a quelques jours, j’ai pu sentir la différence. J’ai vécu ici de 1968 à 1984. Je ne le savais pas à l’époque, mais pendant toute cette période, la ville était en chute libre. En plus de la fuite vers les banlieues qui se produisit partout, les industries de l’acier
et du nucléaire étaient en train de mourir. Mais les choses sont différentes aujourd’hui. Ce n’est pas seulement que le centre-ville semble beaucoup plus prospère, mais il y a une énergie qui n’existait pas quand j’étais gamin.

Quand j’étais un enfant, c’était un endroit que les jeunes quittaient. Maintenant, c’est un endroit qui les attire.

Qu’est-ce que cela a à voir avec les start-up ? Les start-up sont faites de personnes, et l’âge moyen des personnes dans une start-up typique est justement de 25 à 29 ans.

J’ai vu la puissance pour une ville d’avoir ces gens. Il y a cinq ans, ils ont déplacé le centre de gravité de la Silicon Valley de la péninsule vers San Francisco. Google et Facebook sont sur la péninsule, mais la prochaine génération des grands gagnants sont tous à SF. La raison pour laquelle le centre de gravité s’est déplacé est la guerre pour les talents, pour les programmeurs en particulier. La plupart des 25-29 ans veulent vivre dans la ville, et non pas dans les banlieues ennuyeuses. Alors qu’ils le veuillent ou non, les fondateurs savent qu’ils doivent être dans la ville. Je connais plusieurs fondateurs qui auraient préféré vivre dans la vallée proprement dite, mais qui se sont déplacés à SF parce qu’ils savaient sinon qu’ils perdraient la guerre des talents.

Donc, être un aimant pour les personnes dans la vingtaine est une chose très prometteuse. Il est difficile d’imaginer un lieu devenant une plaque tournante pour les start-up sans être aussi cela. Quand je lis cette statistique sur le pourcentage croissant des 25-29 ans, j’ai eu exactement le même sentiment d’excitation que quand je vois les graphiques qui commencent à se glisser vers le haut depuis l’axe des x.

À l’échelle nationale, le pourcentage des 25-29 ans est de 6.8%. Cela signifie que vous êtes .8% au-dessus [à Pittsburgh]. La population est de 306 000, nous parlons d’un surplus d’environ 2 500 personnes. C’est la population d’une petite ville, et c’est juste l’excédent. Donc, vous avez un avantage. Maintenant, vous avez juste à le développer.

Et bien que le « boom alimentaire axé sur les jeunes » peut paraître un concept frivole, ce n’est pas du tout le cas. Les restaurants et cafés sont une grande partie de la personnalité d’une ville. Imaginez, vous marchez dans une rue de Paris. Qu’est-ce que vous voyez ? Les restaurants et cafés. Imaginez que vous conduisez dans une quelconque banlieue déprimante. Que voyez-vous ? Des Starbucks et des McDonalds et des Pizza Hut. Comme l’a dit Gertrude Stein, il n’y a pas d’ici, là-bas. Vous pourriez être partout.

Ces restaurants et cafés indépendants ne sont pas seulement là pour nourrir les gens. Ils font d’un là, un ici.

Voici donc ma première recommandation concrète pour transformer Pittsburgh en la prochaine Silicon Valley: faire tout votre possible pour encourager ce boom alimentaire axé sur les jeunes. Que pourrait faire la ville? Traiter les personnes qui lancent ces petits restaurants et ces cafés comme vos clients, et allez leur demander ce qu’ils veulent. Je peux deviner au moins une chose qu’ils pourraient vouloir: un processus d’autorisation rapide. San Francisco vous a laissé une énorme chance pour la battre dans ce domaine.

Je sais que les restaurants ne sont pas le principal moteur bien sûr. Le moteur principal, que l’article du Times a mentionné, est un logement abordable. C’est un gros avantage. Mais cette expression « logement abordable » est un peu trompeuse. Il y a beaucoup d’endroits qui sont moins chers. Ce qui est spécial à propos de Pittsburgh n’est pas que c’est abordable, mais que c’est un endroit abordable où vous avez réellement envie de vivre.

Une partie tient aux bâtiments eux-mêmes. Je me suis rendu compte, il y a longtemps, quand j’étais un pauvre et jeune adulte moi-même, que les meilleurs plans étaient des endroits qui avaient été chers autrefois, puis sont devenus pauvres. Si un endroit a toujours été cher, il est agréable mais trop cher. Si un endroit a toujours été pauvre, il n’est pas cher, mais déprimant. Mais si un lieu était cher autrefois et est ensuite devenu abordable, vous pouvez trouver des palais à des prix abordables. Et voilà ce qui amène les gens ici. Lorsque Pittsburgh était riche, il y a cent ans, les gens qui vivaient ici ont construit de grands bâtiments solides. Pas toujours du meilleur goût, mais certainement solides. Voici donc un autre conseil pour devenir une plaque tournante pour l’entrepreneuriat : ne pas détruire les bâtiments qui font venir les gens ici. Quand les villes sont sur le bon chemin, comme Pittsburgh l’est maintenant, les développeurs foncent pour démolir les vieux bâtiments. Ne laissez pas cela se produire. Focalisez-vous sur la préservation historique. Les grands projets de développement immobilier ne sont pas ce qui amène les jeunes ici. Ils sont à l’opposé des nouveaux restaurants et cafés; ils retirent sa personnalité à la ville.

Les données empiriques suggèrent que vous ne pouvez pas être trop strict sur la préservation historique. Mais plus les villes sont strictes à ce sujet, mieux elles semblent s’en sortir.

Mais l’attractivité de Pittsburgh ne tient pas seulement aux bâtiments eux-mêmes, mais à ses quartiers. Comme San Francisco et New York, Pittsburgh a la chance d’être une ville antérieure à l’automobile. Elle n’est pas trop étalée. Parce que ces 25-29 ans n’aiment pas conduire. Ils préfèrent la marche ou le vélo, ou prendre les transports en commun. Si vous avez été à San Francisco récemment, vous ne pouvez pas ne pas remarquer le grand nombre de cyclistes. Et ce n’est pas juste une mode que les jeunes ont adopté. A cet égard, ils ont découvert une meilleure façon de vivre. Les hipsters passeront, mais pas les vélos. Les villes où vous pouvez vous déplacer sans conduire sont juste meilleures. Point. Donc, je vous suggère de faire tout votre possible pour tirer profit de cela. Comme pour la préservation historique, il semble impossible toutefois d’aller trop loin.

Pourquoi ne pas faire de Pittsburgh la ville la plus accueillante du pays pour les piétons et les cyclistes ? Voyez si vous pouvez aller assez loin au point de rendre San Francisco ringarde en comparaison. Si vous le faites, il est très peu probable que vous le regretterez. La ville sera comme un paradis pour les jeunes que vous voulez attirer. S’ils la quittent toutefois pour obtenir un emploi ailleurs, ce sera avec regret de laisser derrière eux un tel endroit. Et quel est le risque ? Pouvez-vous imaginer un titre « Une ville ruinée d’avoir été trop favorable aux cyclistes ? » Cela ne se produit jamais.

Donc, supposons que les vieux quartiers sympas et les petits restaurants sympas font de vous la prochaine Portland. Cela sera-t-il suffisant ? Cela vous mettra dans une meilleure situation que celle de Portland, parce que Pittsburgh a quelque chose que Portland n’a pas : une université de recherche de premier ordre. CMU [Carnegie Mellon] plus les petits cafés signifie que vous avez plus que des hipsters buvant des lattés. Cela signifie que vous avez des hipsters buvant des lattés tout en parlant de systèmes distribués. Maintenant, vous vous rapprochez vraiment de San Francisco.

En fait, vous êtes mieux que San Francisco dans un sens, parce que la CMU est au centre-ville, mais Stanford et Berkeley sont dans les banlieues.

Qu’est-ce que CMU peut faire pour aider Pittsburgh à devenir une plaque tournante entrepreneuriale ? Etre une meilleure université de recherche encore et encore. CMU est l’une des meilleures universités du monde, mais imaginez ce que les choses seraient si elle était la meilleure, et que tout le monde le savait. Il y a beaucoup de gens ambitieux qui doivent se rendre au meilleur endroit, là où il est, – et même si c‘est en Sibérie. Si CMU était cet endroit, ils seraient tous venus ici. Il y aurait des enfants au Kazakhstan rêvant de vivre un jour à Pittsburgh.

Être ce genre d’aimant pour les talents est la plus importante contribution que les universités peuvent faire pour rendre leur ville un centre pour les start-up. En fait, c’est pratiquement la seule contribution qu’elles peuvent avoir.

Mais attendez, les universités ne devraient-elles pas mettre en place des programmes avec des mots comme « innovation » et « entrepreneuriat » ? Non, elles ne le devraient pas. Ce genre de choses est presque toujours sujet de déceptions. Elles visent les mauvaises cibles. La manière d’obtenir l’innovation est de ne pas viser l’innovation, mais de viser quelque chose de plus spécifique, comme de meilleures batteries ou une meilleure impression 3D. Et la façon de se découvrir l’esprit d’entreprise est de le pratiquer, ce que vous ne pouvez pas faire à l’école.

Je sais que cela peut décevoir certains administrateurs d’apprendre que la meilleure chose qu’une université peut faire pour encourager les start-up est d’être une grande université. C’est comme dire à des gens qui veulent perdre du poids que la façon de le faire est de manger moins.

Mais si vous voulez savoir d’où les start-up viennent, examinez les preuves empiriques. Regardez les histoires des start-up les plus connues, et vous trouverez qu’elles grandissent organiquement d’un couple de fondateurs qui bâtissent quelque chose et qui commence comme un projet secondaire intéressant. Les universités sont parfaites pour réunir des fondateurs, mais au-delà de cela, la meilleure chose qu’elles puissent faire est de se retirer. Par exemple, en ne revendiquant pas de droits sur la « propriété intellectuelle » que les étudiants et les professeurs développent, et en ayant des règles libérales au sujet de l’admission et des congés différés.

En fait, l’une des choses les plus efficaces qu’une université puisse faire pour encourager les start-up est une forme élaborée de retrait inventée par Harvard. Harvard avait l’habitude de placer les examens de la session d’automne après Noël. Au début de Janvier, ils avaient quelque chose appelé « période de lecture » où vous étiez censé étudier pour les examens. Et Microsoft et Facebook ont quelque chose en commun que peu de gens savent: elles ont toutes deux commencé pendant la période de lecture. C’est la situation parfaite pour produire ce genre de projets parallèles qui se transforment en start-up. Les étudiants sont tous sur le campus, mais ils n’ont rien à faire parce qu’ils sont censés étudier pour les examens.

Harvard peut avoir supprimé cette occasion, car il y a quelques années ils ont déplacé les examens avant Noël et raccourci la période de lecture de 11 jours à 7. Mais si une université voulait vraiment aider ses étudiants à lancer des start-up, les données empiriques, pondérées par la capitalisation boursière, suggèrent que la meilleure chose à faire est littéralement rien.

La culture de Pittsburgh est un autre de ses points forts. Il semble qu’une ville doit être socialement très libérale pour être une plaque tournante pour les start-up, et la raison en est assez simple. Une ville doit tolérer l’étrangeté pour être accueillante pour les start-up, parce que les start-up sont si étranges. Et vous ne pouvez pas choisir d’autoriser seulement les formes d’étrangeté qui vont se transformer en grandes start-up, parce que tout est mélangé. Vous devez tolérer toutes les étrangetés.

Cela exclut immédiatement une grande partie des USA. Je suis optimiste, cela ne concerne pas Pittsburgh. Une des choses dont je me souviens pour avoir grandi ici, même si je ne savais pas à l’époque qu’il y avait quelque chose d’inhabituel à ce sujet, est la façon dont les gens s’entendaient. Je ne sais toujours pas pourquoi. Peut-être l’une des raisons était que tout le monde se sentait comme un immigrant. Quand j’étais un enfant à Monroeville, les gens ne se disaient pas américains. Ils se sentaient italiens ou serbes ou ukrainiens. Imaginez ce que ce devait avoir été ici il y a une centaine d’années, quand les gens affluaient de vingt pays différents. La tolérance était la seule option.

Ce dont je me souviens de la culture de Pittsburgh est qu’elle était à la fois tolérante et pragmatique. Voilà comment je décrirais la culture de la Silicon Valley aussi. Et ce n’est pas une coïncidence, parce que Pittsburgh était la Silicon Valley de son temps. C’était une ville où les gens bâtissaient de nouvelles choses. Et alors que les choses que les gens bâtissaient ont changé, l’esprit que vous deviez avoir pour ce genre de travail est resté le même.

Ainsi, même si un afflux de hipsters buveurs de lattés peut être gênant à certains égards, je crois qu’il faut les encourager. Et plus généralement tolérer l’étrangeté, aussi loin que ces fous de Californiens la tolèrent. Pour Pittsburgh c’est un choix sans risque : c’est un retour aux racines de la ville.

Malheureusement, j’ai gardé la partie la plus difficile pour la fin. Il y a encore une chose que vous devez avoir pour devenir une plaque tournante pour les start-up, que Pittsburgh ne possède pas : les investisseurs. La Silicon Valley a une très forte communauté d’investisseurs, car elle a eu 50 ans pour la développer. New York a une très forte communauté d’investisseurs, car elle est pleine de gens qui aiment l’argent et beaucoup sont prompts à remarquer de nouvelles façons d’en gagner. Mais Pittsburgh n’en a aucune. Et le logement abordable qui attire d’autres personnes ici n’a aucun effet sur les investisseurs.

Si une communauté d’investisseurs grandit ici, cela va se passer de la même façon que dans la Silicon Valley: lentement et organiquement. Donc, je ne parierais pas sur le fait d’avoir une communauté d’investisseurs à court terme. Mais heureusement, il y a trois tendances qui font que cela est moins nécessaire qu’auparavant. La première est que les startups sont de plus en plus pas simples à lancer, de sorte que vous n’avez tout simplement pas besoin d’autant d’argent que dans le passé. La deuxième est que grâce à des choses comme Kickstarter, une start-up peuvent obtenir des revenus plus rapidement. Vous pouvez mettre quelque chose sur Kickstarter depuis n’importe où. La troisième vient de programmes tels que Y Combinator. Une start-up partout dans le monde peut aller à YC pendant 3 mois, trouver des fonds, puis retourner à la maison si elle le souhaite.

Mon conseil est de faire Pittsburgh un endroit idéal pour les start-up, et peu à peu plusieurs d’entre elles s’y installeront. Certaines vont réussir; certains de leurs fondateurs deviendront des investisseurs; et encore plus de start-up apparaîtront.

Ce n’est pas un chemin rapide pour devenir une plaque tournante entrepreneuriale. Mais c’est au moins un chemin, que peu d’autres villes peuvent avoir. Et ce n’est pas comme si vous aviez à faire des sacrifices douloureux dans l’intervalle. Pensez à ce que j’ai suggéré. Encouragez les restaurants locaux, préservez des bâtiments anciens, profitez de la densité, faire de CMU la meilleure des universités, promouvez la tolérance. Ce sont les choses qui font qu’il fait bon vivre à Pittsburgh aujourd’hui. Tout ce que je veux dire est que vous devez amplifier toutes ces choses.

Et voilà une pensée encourageante. Si le moyen pour Pittsburgh de devenir une plaque tournante entrepreneuriale est d’être encore plus elle-même, elle a une bonne chance de réussir. En fait, elle a probablement la plus forte probabilité de succès parmi les villes de sa taille. Il faudra un certain effort, et beaucoup de temps ; mais si une ville ne peut le faire, c’est bien Pittsburgh.

Merci à Charlie Cheever et Jessica Livingston pour la lecture de brouillons de ce discours, et à Meg Cheever pour l’organisation de Opt412 et m’y avoir invité à parler.

Les ingrédients d’un écosystème entrepreneurial selon Nicolas Colin

Analyse passionnante de Nicolas Colin (The Family) dans son article What makes an entrepreneurial ecosystem? Si le sujet vous intéresse, c’est à lire absolument.

Colin-Ecosystems

En résumé, les écosystèmes entrepreneuriaux ont besoin de 3 ingrédients – je cite:
– Du capital: par définition, aucune nouvelle entreprise ne peut être lancée sans argent et infrastructures pertinentes (du capital engagé dans des actifs tangibles);
– Du savoir-faire: vous avez besoin d’ingénieurs, de développeurs, de designers, de vendeurs: tous ceux dont les compétences sont nécessaires pour le lancement et la croissance des entreprises innovantes;
– De la rébellion: un entrepreneur conteste toujours le statu quo. Sinon, ils innoveraient au sein de grandes entreprises établies, où ils seraient mieux payés et auraient accès à plus de ressources.

Cela me rappelle deux « recettes » que je cite souvent. D’abord « les 5 ingrédients nécessaires aux clusters high-tech: »
1. des universités et les centres de de la recherche de très haut biveau;
2. une industrie du capital-risque (institutions financières et investisseurs privés);
3. des professionnels expérimentés de la haute technologie;
4. des fournisseurs de services tels que avocats, chasseurs de têtes, spécialistes des relations publiques et du marketing, auditeurs, etc.
5. Enfin et surtout, un composant critique mais immatériel: un esprit de pionnier qui encourage une culture entrepreneuriale.
“Understanding Silicon Valley, the Anatomy of an Entrepreneurial Region”, par M. Kenney, plus précisément dans le chapitre: “A Flexible Recycling” par S. Evans et H. Bahrami

Deuxièmement, Paul Graham dans How to be Silicon Valley?? «Peu de start-up se créent à Miami, par exemple, parce que même s’il y a beaucoup de gens riches, il a peu de nerds. Ce n’est pas un endroit pour les nerds. Alors que Pittsburgh a le problème inverse: beaucoup de nerds, mais peu de gens riches. » Il ajoute également à propos des échecs des écosystèmes: « Je lis parfois des tentatives pour mettre en place des «parcs technologiques» dans d’autres endroits, comme si l’ingrédient actif de la Silicon Valley étaient l’espace de bureau. Un article sur Sophia Antipolis se vantait que des entreprises comme Cisco, Compaq, IBM, NCR, et Nortel s’y étaient établi. Est-ce que les Français n’ont pas réalisé que ce ne sont pas des start-up? »

Beaucoup d’amis toxiques des écosystèmes entrepreneuriaux n’ont pas compris tout cela. Mais pour ceux qui ont compris, la construction d’écosystèmes vivants reste un véritable défi: amener la rébellion, la culture, en diminuant la peur de la prise de risque sans stigmatiser (pas récompenser – ici, je suis en désaccord avec Colin) l’échec reste très difficile à faire alors que le savoir-faire et le capital ne sont pas non plus faciles à amener mais c’est faisable en y travaillant.

Enfin, je copie ses diagrammes qui montrent les combinaisons idéales et moins idéales du capital, du savoir-faire et de la rébellion, en ajoutant mon exercice pour la Suisse.

NicolasColin-NationalEcoCompar

La Suisse est probablement 80% Allemagne et 20% France… Un récent article du journal Le Temps aborde cette difficulté de l’animation des espaces entrepreneuriaux: Les start-up se multiplientau cœur des villes (journal au format pdf, en accès peut-être limité).

SwissNationalEcoCompar

(Un bref ajout le 29 octobre 2015) – La meilleure description de la Suisse a été donnée par Orson Welles. Cela explique beaucoup de choses…

« L’Italie sous les Borgia a connu 30 ans de terreur, de meurtres, de carnage… Mais ça a donné Michel-Ange, de Vinci et la Renaissance. La Suisse a connu la fraternité, 500 ans de démocratie et de paix. Et ça a donné quoi ? … Le coucou! » dans Le troisième homme, dit par Holly Martins à Harry Lime.

Comment mesurez-vous votre écosystème entrepreneurial?

Le tire de cet article est la première phrase du rapport publié par la fondation Kauffman intitulé Mesure d’un écosystème entrepreneurial (pdf en anglais). Et c’est une question cruciale. Depuis des années, les universités, les villes, les régions, les pays tentent d’évaluer s’ils sont assez innovants et entrepreneuriaux. Et malheureusement, cela est souvent mesuré par les conditions cadres mais pas par les résultats. Parfois pour de bonnes raisons, parce que les parties prenantes peuvent offrir des conditions favorables mais en définitive ce sont les entrepreneurs et les entreprises qui « font », l’écosystème n’étant là que pour aider…

measuring_an_entrepreneurial_ecosystem

La fondation Kauffman propose un ensemble de métriques pour aider à évaluer votre écosystème Il s’agit de propositions ambitieuses car les métriques ne sont pas faciles à obtenir, mais elles m’ont semblé très intéressantes et j’ai pensé utile de les décrire ici. Elles sont classés en quatre catégories:

DENSITÉ

1- Nombre de nouvelles et jeunes entreprises pour 1000 habitants,
où «jeune» peut signifier moins de cinq ou dix ans. Ce premier élément montrera, de la manière la plus simple, comment l’entrepreneuriat évolue au fil du temps par rapport à la population.

2- Part de l’emploi représenté par les nouvelles et jeunes entreprises.
Le dynamisme entrepreneurial ne doit pas seulement être mesuré par le nombre d’entreprises – il devrait également inclure toutes les personnes impliquées dans ces entreprises. Cela inclut fondateurs et employés.

3- Densité des entreprises nouvelles et jeunes en termes de secteurs spécifiques.
Certains endroits peuvent déjà avoir un secteur économique particulier qui a été identifié comme la pièce maîtresse d’un écosystème, tels que les industries de fabrication ou «créatives». Ici aussi il convient d’utiliser la taille de la population comme dénominateur.

FLUIDITE

4- Flux de la population ou des personnes se déplaçant entre villes ou régions.
Le dynamisme entrepreneurial implique des gens qui vont et viennent. Du point de vue de l’écosystème, cela signifie que l’environnement entrepreneurial doit être fluide pour permettre aux entrepreneurs de s’engager. L’envers, bien sûr, est que les limites à la fluidité restreindront dynamisme entrepreneurial.

5- Flux de population au sein d’une région donnée.
Les individus doivent également être en mesure de trouver la bonne adéquation avec différents emplois dans une région. Le rythme auquel ils sont capables de passer d’un emploi à l’autre et entre les organisations devrait être un indicateur important de dynamisme.

6- Le nombre (et la densité) des entreprises à forte croissance,
qui sont responsables d’une part disproportionnée de la création d’emplois et l’innovation. Une concentration d’entreprises à forte croissance indique si oui ou non les entrepreneurs sont en mesure d’allouer des ressources à des fins plus productives. Et il faut noter qu’une forte croissance n’est pas nécessairement synonyme de haute technologie.

CONNECTIVITÉ

7- Connectivité des programmes ou des ressources pour les entrepreneurs.
Un écosystème entrepreneurial dynamique n’est pas simplement une collection d’éléments isolés – les connexions entre les éléments importe tout autant que les éléments eux-mêmes. La diversité de votre population entrepreneuriale est susceptible d’être élevée, et il est peu probable qu’un guichet unique pour servir les entrepreneurs fasse beaucoup de bien. Les entrepreneurs se déplacent dans un écosystème, assemblant des connaissances et de l’aide de différentes sources, et la connectivité des organisations de soutien devrait contribuer à soutenir le développement d’un solide réseau d’entreprise.

8- Taux de spin-off.
La «généalogie» d’entreprises d’une région donnée, telle que mesurée par les liens entre les entrepreneurs et les entreprises existantes, est un indicateur important de vitalité.

9- Le réseau des « dealmakers »
Les personnes avec un riche capital social, qui ont des liens nombreux au sein des économies régionales ou qui ont un rôle de médiation des relations, des connexions et de facilitateur dans la création des entreprises jouent un rôle essentiel dans un écosystème entrepreneurial dynamique.

DIVERSITÉ

10-La diversification économique,
un concept important, car aucune ville ou de la région ne devrait être excessivement dépendante d’une industrie en particulier. Au niveau des pays, la recherche a montré que la complexité économique est corrélée avec la croissance et l’innovation.

11- Activité et assimilation des immigrants.

Historiquement, les immigrants ont une propension entrepreneuriale très élevée.

12- Mobilité économique
C’est à dire la probabilité de monter ou descendre l’échelle économique à travers différents quintiles de revenu. L’objectif est d’améliorer la qualité de vie des citoyens, d’élargir les possibilités offertes, et de créer un cercle vertueux d’opportunités, de croissance et de prospérité.

Mon « coming out » – dans le monde des start-up

Non il ne s’agit pas d’un vrai coming à la Tim Cook, mais d’un message beaucoup moins spectaculaire! Je me suis réveillé cette nuit, perturbé. Comme vous pourrez le voir plus bas, l’écosystème de soutien aux entrepreneurs de l’EPFL (financement, conseils, exposition, immobilier) est riche et complexe. Pourtant nos succès sont moyens, voire médiocres… Tout ces efforts ne servent à rien sans l’ambition et la prise de risque d’individus enthousiastes et passionnés.

Je ne parle pas des personnes, mais du système. Il y a quelques jours, je disais à des collègues être un entremetteur. Je favorise les rencontres et je mets de l’huile dans les rouages. J’ai alors souri en pensant – je ne suis d’habitude pas trop vulgaire – que j’offrais plutôt de la vaseline pour l’introduction des investisseurs. Il y a une quinzaine d’années, un entrepreneur qui avait apprécié notre échange m’avait dit que je lui faisais penser à une prostituée mais que caché derrière moi, il y avait de vilains maquereaux…

Il y a deux jours, j’ai écouté à l’EPFL un prix Nobel d’économie expliquer que le monde occidental était en perte de vitesse, que la crise s’explique en partie par une faiblesse de l’innovation. Le corporatisme et la financiarisation en sont la raison. Puis il y eut un message choquant d’un autre intervenant. La Suisse irait bien parce qu’elle est travailleuse alors que son voisin irait mal parce que ses travailleurs commencent leur weekend le mercredi à midi. Qui peut croire que le chômage et la faillite à Détroit serait issue de la fainéantise des ouvriers de l’automobile et la réussite de la Silicon Valley aà l’addiction au travail (workaholism) de ces nerds. Les choses sont infiniment plus complexes ! Il suffit de voir en particulier l’analyse récente de Thomas Picketty ou l’excellent article de la MIT Technology Review: la technologie et l’inégalité.

Il y quatre jours, j’écoutai l’ambassadrice des Etats Unis en Suisse et au Liechtenstein. Suzi Levine connaît bien le monde des start-up. Elle s’intéresse donc à la situation suisse. J’ai retenu deux messages :
– d’abord, « vous avez beaucoup d’argent mais peu de capital », je vous laisse réfléchir à ce message qui lui a été donné à l’EPFL, je crois, « vous avez beaucoup d’argent mais peu de capital ».
– ensuite, elle a noté la faiblesse de la présence féminine dans ce monde et a donc tout particulièrement apprécié que le Prix Musy soit créé cette année.
Mais rien n’aura été utile de nos efforts, si nous ne permettons pas, si nous n’encourageons pas l’éclosion d’entrepreneurs passionnés et aventureux… Pas seulement les femmes, mais toute la diversité des individus passionnés qui ne doit pas être entravée par le corporatisme et la financiarisation.

EPFL-VoD-funding

Plus sur le soutien aux entrepreneurs à l’EPFL

EPFL-VoD-support