Quelque chose de pourri dans le royaume Silicon Valley?

J’avais déjà abordé la difficulté qu’avait la Silicon Valley à parler ou traiter de politique dans Les promesses de la technologie. Décevantes ? et surtout dans La Silicon Valley et la politique – Changer le monde. J’y faisais allusion à deux articles (que je qualifie d’exceptionnels) écrits par George Packer dans le New Yorker en 2011 et 2013. C’est un article publié le 27 janvier sur le même site, Tom Perkins and Schadenfreude in Silicon Valley de Vauhini Vara, qui me pousse à me poser la question: Y a-t-il quelque chose de pourri dans le royaume Silicon Valley?

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Cet article est plutôt le énième révélateur d’une situation qui mérite l’attention. Quatre jours plus tôt, Le Monde publiait l’article de Jérôme Marin, A San Francisco, les protestations anti-Google dérapent. Le résumé de cette situation peut se faire simplement, mais je vous encourage à lire ces articles (surtout ceux de Packer dont la profondeur de l’analyse m’avait enthousiasmé):

De nombreux nouveaux millionnaires (en particulier employés de Twitter et Facebook), et même quelques milliardaires (voir Les milliardaires de la technologie en 2013) ont contribué à l’accélération récente de la gentrification de San Francisco. Or les autorités de San Francisco ont plutôt encouragé le phénomène et à une échelle plus large, le débat commence à faire rage. D’un côté une population qui exprime sa frustration devant cette situation nouvelle en bloquant les célèbres bus privés qui transportent ces employés high-tech de leur domicile à leur bureau (Cf. Un bus de Google bloqué, la colère monte à San Francisco du même Jérôme Marin) ou un employé de Google à son domicile. De l’autre, le « dérapage » de Tom Perkins qui compare ces protestations aux attaques des Nazis contre les Juifs…

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Ces réactions sont vraiment le révélateur d’un débat de plus en plus visible entre les tenants de la Main Invisible (laissez les riches être plus riches et le marché s’auto-régulera pour le bénéfice de tous) et des opposants de plus en plus déterminés aux conséquences de ce libéralisme exacerbé. Comme si Occupy Wall Street déménageait dans la Silicon Valley. Les Américains réagissant toujours assez vite, la mairie de San Francisco a pris la décision de faire payer à ces bus privés l’usage des arrêts de bus publics. Vauhini Vara mentionne aussi que Mark Zuckerberg est devenu le plus grand donateur privé en 2013 aux USA (avec le montant de $1 milliard de dollars…) et que Sergueï Brin se classe 5ème.

Mon avis n’a que peu d’importance et je vous laisse juger. Laissez moi juste ajouter (et vous comprendrez où je me situe en admettant que cela vous intéresse!) que les grandes entreprises américaines paient des montants ridicules d’impôt en utilisant légalement toutes les possibilités offertes par la législation du commerce mondial. En 2011, Le Monde publiait Etats-Unis: profit ne rime pas forcément avec impôt, dont voici un extrait:

Sur 280 entreprises parmi les 500 plus grosses entreprises américaines,, 111, soit 40%, ont bénéficié d’un taux d’impôt moyen de 4,6%. Il doit bien y avoir une explication rationnelle à ce traitement particulier me direz-vous, une chute des résultats par exemple, qui justifie une moindre pression fiscale ? Le problème, c’est que d’après les données compilées dans ce rapport, cet argument ne tient pas. Les 111 entreprises dont nous parlons ont même enregistré un total de bénéfices supérieur aux autres. Entre 2008 et 2010 l’opérateur télécom Verizon a accumulé 32,5 milliards de dollars de bénéfices, le conglomérat General Electric totalise 10,4 milliards de profits, quant au fabricant de jouets, Mattel, il a gagné plus d’un milliard de dollars sur la période. Pourtant, aucune de ces entreprises n’a payé l’impôt fédéral.

«Ce n’est pas un rapport contre les entreprises, précise l’étude dans son préambule. Au contraire, à l’instar de la plupart des Américains, nous voulons que les affaires aillent bien. Dans une économie de marché, nous avons besoin de managers et d’entrepreneurs, comme nous avons besoin de salariés et de consommateurs. Mais nous avons aussi besoin d’un meilleur équilibre sur le plan de la fiscalité».

Le milliardaire américain Warren Buffet appelait récemment les pouvoirs publics à lui faire payer plus d’impôts sur le plan individuel dans le sens d’une plus grande justice fiscale. Les multinationales sont elles capables d’un tel sursaut citoyen ?

Puisque j’avais commencé en mentionnant que la Sillcon Valley avait changé le monde, je termine pas une citation entendue ce matin sur France Culture et que je donne de mémoire: « Si vous ne changez pas le cours de l’Histoire, c’est l’Histoire qui vous changera. »

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