Archives mensuelles : mai 2023

nVidia, le nouveau géant

nVidia a récemment fait la une des journaux lorsque la valeur de son action a bondi de 25 % pour atteindre une valorisation proche de 1 billion de dollars (1 000 milliards de dollars) rejoignant un petit club d’entreprises généralement appelé GAFA(M) ou BigTech. Je connaissais nVidia comme une autre réussite de la Silicon Valley, une grande, mais juste une de plus. Elle appartient à ma liste de plus de 800 startups et voici mon tableau de capitalisation habituel.

Nvidia a été fondée en 1993 par Jen-Hsun « Jensen » Huang, Curtis Priem, et Chris Malachowsky et son siège est à Santa Clara, Californie.

Il y aurait tellement de petites choses typiques à mentionner sur son développement, mais en voici simplement quelques-unes :
– Les fondateurs étaient de jeunes ingénieurs (29, 33 et 33 ans), l’un de l’université de Stanford, les deux autres issus d’écoles solides même si moins connues. L’un est d’origine taïwanaise. Ils ont travaillé dans de grandes entreprises technologiques avant de fonder leur startup, et ils la dirigent toujours. Ils avaient une part égale de la startup à la fondation.
– Il y a eu un soutien classique de capital-risque, un total de 20 millions de dollars en 4 tours entre 1993 (la fondation) et 1997, suivi d’une introduction en bourse en 1999, moins de 6 ans après l’incorporation. Les VC étaient Sequoia (qui a également financé Apple et Google) et Sutter Hill. Le conseil d’administration comprenait des experts de Synopsys (son cofondateur) et d’Avid.
– Les employés détenaient au moins 20 % de l’entreprise grâce à des options d’achat d’actions (et peut-être même plus de 35 % grâce à des actions ordinaires supplémentaires).
– La startup est devenu public à une valorisation de 500 millions de dollars, plus que décente et était un leader des puces graphiques informatiques jusqu’à ce que nVidia applique sa technologie à l’IA. D’où sa popularité actuelle.

There would be so many little things to mention about how typical it is, but here are a few:
– The founders were young engineers (29, 33 and 33), one from Stanford University, the two others from solid even if lesser known schools. One is of Taiwenese origin. They worked in big tech companies before founding their startup, and they are still leading it. They had equal ownership at foundation.
– There was a typical support of venture capital, a total of $20M in 4 rounds between 1993 (the foundation) and 1997 (the IPO), followed by an IPO in 1999, less than 6 years after the incorporation. The VCs were Sequoia (which also funded Apple and Google), and Sutter Hill. The board included experts from Synopsys (its cofounder) and Avid.
– Employees owned at least 20% of the company through stock options (and maybe even 35%+ throug additional common shares).
– It went public at a $500M valuation, more than decent and was a leader in computer graphics chips until nVidia applied its technology to AI. Hence its current popularity.

Cormac McCarthy – la réalité et la vie des choses imaginaires

Je parle rarement de littérature sur ce blog. Cela s’est produit parfois lorsqu’il y avait des liens avec les startups, l’entrepreneuriat, l’innovation ou même les sciences et les mathématiques. C’est arrivé avec mon adoré Hopeful Monsters et il y a quelques similitudes avec Le Passager de Cormac McCarthy.

Cormac McCarthy est un auteur proche du génie et relativement célèbre, vous avez peut-être lu ou entendu parler de La Route, Non, ce pays n’est pas pour le vieil homme (No country for old men) ou encore le moins connu, mais vrai chef d’œuvre qu’est Suttree.

Je ne sais pas si Le Passager est un chef-d’œuvre, et je n’ai pas commencé son roman sœur Stella Maris. Mais j’aime l’histoire, sa profondeur et sa beauté. À près de 90 ans, McCarthy est à nouveau impressionnant. Voici un extrait qui, espérons-le, vous poussera à lire plus loin :

Je travaille tout le temps. C’est juste que je ne mets pas grand-chose par écrit.

Alors tu fais quoi ? Tu bulles et tu rumines les problèmes ?

Oui. Buller et ruminer. C’est tout moi.

En rêvant d’équations à venir. Alors pourquoi tu ne mets pas ça par écrit ?

Tu veux vraiment qu’on en parle ?

Ben ouais.

Très bien. Ce n’est pas seulement que je n’ai pas besoin de mettre ça par écrit. Il y a autre chose. Tout ce que tu écris devient figé. Soumis aux mêmes restrictions que n’importe quelle entité tangible. Ça bascule dans une réalité coupée du domaine de sa création. Ça n’est qu’une borne. Un panneau routier. Tu t’arrêtes pour prendre des repères, mais ça se paie. Tu ne sauras jamais jusqu’où l’idée aurait pu aller si tu l’avais laissée y aller. Dans toute hypothèse, on cherche les faiblesses. Mais parfois on a le sentiment qu’il faut attendre. Avec patience. Avec confiance. On a vraiment envie de voir ce que l’hypothèse elle-même va extraire du bourbier. Je ne sais pas comment on fait des maths. Je ne suis pas sûre qu’il y ait une méthode. L’idée lutte toujours contre sa concrétisation. Les idées ne vont pas de l’avant à toute blinde, elles émergent avec un scepticisme inné. Et ces doutes ont leur origine dans le même monde que l’idée elle-même. Et ce n’est pas un monde auquel on ait vraiment accès. Donc les objections que tu apportes, depuis le monde où tu te débats peuvent être complétement étrangères au parcours de ces structures émergentes. Leurs doutes intrinsèques sont des instruments directionnels alors que les tiens sont plutôt des freins. Bien sûr, l’idée finira par trouver sa conclusion. Une fois qu’une hypothèse mathématique est formalisée en une théorie elle a peut-être un certain panache mais à de rares exceptions près on ne peut plus nourrir l’illusion qu’elle offre un réel aperçu du cœur de la réalité. A vrai dire, elle n’apparait plus que comme un outil.

La vache.

Ouais.

Tu parles de tes exercices d’arithmétique comme s’ils avaient une volonté propre.

Je sais.

Tu y crois vraiment ?

Non. Mais c’est dur de résister.

Pourquoi tu ne retournes pas à la fac ?

Je t’ai déjà expliqué. Je n’ai pas le temps. J’ai trop à faire. J’ai postulé pour une bourse de recherche en France. J’attends des nouvelles.

Bigre . C’est sérieux ?

Je ne sais pas ce qui va se passer. Je ne suis pas sûre d’en avoir envie. Envie de savoir. Si je pouvais planifier ma vie je n’aurais plus envie de la vivre. Je n’ai sans doute pas envie de la vivre tout court. Je sais que les personnages de l’histoire peuvent être réels ou imaginaires et qu’une fois qu’ils sont morts, il n’y aura plus de différence. Si des êtres imaginaires meurent d’une mort imaginaire, ils n’en sont pas moins morts. On croit pouvoir créer une histoire de ce qui a été. Présenter des vestiges concrets. Une liasse de lettres. Un sachet parfumé dans le tiroir d’une coiffeuse. Mais ce n’est pas ce qui est au cœur du récit. Et le problème, c’est que le moteur du récit ne survit pas au récit. Quand la pièce s’obscurcit et que le bruit des voix s’estompe on comprend que le monde et tout ceux qu’il contient vont bientôt cesser d’exister. On veut croire que ça recommencera. On désigne d’autres vies. Mais leur monde n’a jamais été le nôtre.

Pour les non-encore convaincus, voici une magnifique critique de ce dyptique par le désormais mythique Philippe Garnier dans Libération. Cliquer ici.