Archives mensuelles : mai 2025

Y Combinator contre Google

« Don’t be evil » Ancienne devise de Google

« Make something people want » Devise (actuelle) de Y Combinator

Quel choc de découvrir le mémoire de Y Combinator « contre » Google dans l’affaire de monopole intentée par les États-Unis contre le géant de la recherche. Le lien est ici et le PDF est là :

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J’ai été fan des deux entités depuis 20 ans. Mais le temps passe vite et le monde semble changer. À la fin de cet article, je reviendrai sur les raisons pour lesquelles j’ai été si impressionné par Y Combinator pendant toutes ces années, et en particulier par le duo Jessica Livingston / Paul Graham.

En fait, cet article porte davantage sur Y Combinator. Il se pourrait que ce que j’aimais chez Google soit mort, comme le laissait entendre Goomics. Inutile donc de parler de Google. Je l’ai souvent fait avec le tag #google. Mais je dois d’abord décrire brièvement les arguments de l’accélérateur contre Google.

« BRIEF OF Y COMBINATOR, LLC AS AMICUS CURIAE IN SUPPORT OF PLAINTIFFS »

La phase de recours dans cette affaire a des implications importantes pour la création et le financement des startups technologiques. Nous soumettons respectueusement ce mémoire afin de partager notre point de vue, fondé sur deux décennies d’expérience de terrain, selon lequel une application rigoureuse du droit de la concurrence aux États-Unis peut contribuer à favoriser un écosystème d’innovation américain plus sain, plus résilient et plus dynamique. Les startups avec lesquelles nous travaillons au quotidien devraient pouvoir exercer leur « énergie, leur imagination, leur dévouement et leur ingéniosité » (United States v. Topco Assocs., Inc., 405 U.S. 596, 610 (1972)), sur des marchés exempts de pratiques restrictives et de pouvoir de monopole illégalement maintenu. YC soutient l’ensemble des mesures correctives proposées par les plaignants. Afin d’éclairer l’analyse de la Cour, nous soulignons également ci-dessous certains éléments de la mesure corrective proposée sur lesquels nous estimons que notre expérience directe nous a apporté un éclairage et une perspective uniques.

Les mesures anticoncurrentielles ont été constantes dans l’histoire des États-Unis et le mémoire le rappelle :

L’expérience nous a appris que les points d’inflexion technologiques sont des moments critiques pour la concurrence et l’innovation. L’essor de technologies innovantes et transformatrices peut permettre à des startups agiles de perturber les acteurs en place. […] Les acteurs dominants réagissent souvent par des pratiques d’exclusion pour tenter de ralentir ou de s’approprier l’avenir. […] Par exemple, au milieu des années 1990, Microsoft a reconnu le potentiel disruptif des applications logicielles web et a réagi en empêchant, de manière anticoncurrentielle, les navigateurs internet concurrents d’atteindre les utilisateurs. États-Unis c. Microsoft Corp., 253 F.3d 34, 60 (D.C. Cir. 2001). Plus récemment, Facebook a constaté l’explosion de l’utilisation des applications mobiles et a réagi en acquérant des startups du mobile qu’elle considérait comme des menaces concurrentielles. Voir FTC c. Meta Platforms, Inc., n° CV 20-3590 (JEB), 2024 WL 4772423, aux points *29-30 (D.D.C. 13 novembre 2024) (« [Les] arguments en faveur de l’achat d’Instagram étaient fortement axés sur la neutralisation d’une menace concurrentielle. »).

Les mesures antitrust ont depuis longtemps permis de libérer le dynamisme et l’ingéniosité des États-Unis. Un décret de consentement antitrust de 1956, par exemple, obligeait AT&T à fournir un accès libre à ses brevets et à ses informations techniques de fabrication [sur le transistor]. Cette ordonnance a contribué à l’avènement de l’ère numérique moderne, en grande partie parce qu’elle a permis aux « jeunes et petites » entreprises – ce que nous appelons aujourd’hui les « startup hightech » – d’être compétitives. Voir Martin Watzinger et al., How Antitrust Enforcement Can Spur Innovation: Bell Labs and the 1956 Consent Decree, 12 AM. ECON. J. ECON. POL’Y 328, 330 (2020). Une nouvelle génération a pu pénétrer et se développer sur une multitude de marchés, contribuant à propulser les États-Unis au rang de leader mondial de l’innovation technologique. Ibid. Les économistes ont qualifié le décret antitrust de 1956 de « l’une des contributions les plus méconnues au développement économique » de l’histoire, et le cofondateur d’Intel l’a qualifié de « l’une des avancées les plus importantes pour l’industrie des semi-conducteurs commerciaux ». Cette tradition s’est perpétuée à l’ère moderne. En 2022, par exemple, la Commission fédérale du commerce des États-Unis a bloqué le projet d’acquisition d’Arm Ltd., une entreprise spécialisée dans les semi-conducteurs, par Nvidia Corp. Le PDG d’Arm a expliqué plus tard que cette séparation structurelle « nous a aidés » à nous concentrer sur la fourniture de produits de meilleure qualité à une époque où « de plus en plus d’applications évoluaient vers le cloud » et où « l’IA commençait à émerger ». Entretien avec René Haas, PDG d’Arm. Arm est depuis entré en bourse au Nasdaq, a enregistré un chiffre d’affaires record et vaut désormais plus de 100 milliards de dollars. Parallèlement, les bénéfices de Nvidia ont presque quintuplé, ses puces contribuant à l’essor de l’IA générative.

Mais en empêchant la concurrence, Google a dissuadé des entreprises indépendantes comme YC de financer et d’accélérer des startups innovantes qui auraient pu remettre en cause sa domination. Il en résulte un paysage artificiellement rabougri et stagnant. À notre avis, le dispositif de réparation proposé par les plaignants contribuerait à créer un écosystème de startups technologiques américaines plus dynamique et plus compétitif à l’échelle mondiale.

Y combinator propose les solutions suivantes :
A. La solution devrait ouvrir l’accès à l’ensemble des données et à l’index de recherche de Google.
B. La solution devrait empêcher Google d’étendre ses monopoles aux outils d’IA basés sur les requêtes.
C. La solution devrait empêcher Google de conclure des accords de paiement avec les distributeurs.
D. L’ordonnance de réparation devrait dissuader le contournement et les représailles.

Je ne suis pas sûr de comprendre tout cela, mais les implications seraient certainement majeures. Je n’entrerai pas dans les détails, mais c’est certainement profond et assez fascinant.

À PROPOS DE Y COMBINATOR

Le brief mentionne un article sur Y Combinator, sous-titré The Inside Story of Tech’s Most Influential Startup Accelerator (« L’histoire de l’intérieur de l’accélérateur de startups le plus influent de la tech »). C’est une lecture passionante. Je l’ai beaucoup apprécié et je l’illustre par quelques commentaires.

C’est d’abord leur philosophie qui m’attire le plus. Et encore une fois, cela est lié aux fondateurs, en particulier Paul Graham et Jessica Livingston. Je ne compterai pas le nombre de citations de Graham ici, ses essais sont célèbres (je viens d’en dénombrer 228 sur le site depuis 2005) et, d’une certaine manière, ils sont proches de ceux de Montaigne. Il suffit d’en citer un, par exemple : The Two Kinds of ModerateLes (deux sortes de modérés).

Comme le souligne l’article, le rôle de Jessica Livingston est sous-estimé : « Si Paul Graham était l’architecte philosophique de Y Combinator, Jessica Livingston en était l’architecte sociale, façonnant discrètement et efficacement la culture et la communauté de YC dès ses débuts.» Si vous n’avez jamais entendu parler d’elle, il n’est jamais trop tard pour lire Founders at Work. Paul Graham a d’ailleurs ressenti le besoin d’écrire un essai intitulé Jessica Livingston 🙁

Leur philosophie est à la fois simple et complexe. Relisez l’article mentionné ci-dessus et voici leurs « mantras », issus d’une expérience durement acquise, qui font désormais partie intégrante de la culture startup mondiale :

Faire quelque chose que les gens veulent : en termes simples, le role des startups se résume à résoudre de véritables problèmes. Ce principe incite les fondateurs à moins se focaliser sur les technologies tape-à-l’œil ou le battage médiatique, et davantage sur la compréhension approfondie des problèmes des clients. C’est le premier commandement de YC.
Faire des choses qui ne passent pas à l’échelle : le succès initial se construit grâce à des interactions concrètes, manuelles et profondément personnelles avec les utilisateurs. Airbnb a pris cela à cœur, photographiant personnellement les annonces des hôtes pour accroître rapidement l’attrait.
Parler aux utilisateurs : l’engagement constant avec de vrais clients façonne l’orientation produit. Les entreprises de YC recherchent sans cesse les retours des utilisateurs, garantissant que leurs produits évoluent au plus près de leurs besoins réels.
Rester concentré / Ne pas évoluer prématurément : YC encourage les startups à se concentrer initialement sur un problème clé avant de se développer. Les distractions précoces, les recrutements coûteux ou les fonctionnalités inutiles peuvent freiner la dynamique.
Être infatigablement inventif : les fondateurs doivent faire preuve de créativité pour surmonter les obstacles. YC apprécie les fondateurs qui se démènent et improvisent, considérant les contraintes comme des opportunités d’innovation.
La croissance résout (presque) tous les problèmes : une croissance régulière est le meilleur indicateur de la santé d’une startup. Une croissance rapide et mesurable attire les financements, les talents et le moral.
Ne pas mourir : la survie avant tout. YC conseille aux startups de rester agiles et suffisamment adaptables pour affronter les inévitables tempêtes.
Fondateur = Compétence : Au-delà des idées, des marchés ou des modèles économiques, YC mise sur les personnes. Les bons fondateurs savent s’adapter aux réalités du marché, soulignant l’importance de la dynamique d’équipe et de la personnalité.

LES PERFORMANCES DE Y COMBINATOR

Ne vous méprenez pas. Tout cela ne signifie pas que Y Combinator a trouvé la recette du succès. Voici quelques chiffres tirés de l’article :

Vous pouvez vous faire votre propre opinion sur ces chiffres. Voici ce que j’ai lu :
– sur 5 000 startups, 17 sont entrées en bourse (moins de 1 %) et environ 500 ont été rachetées (environ 10 %). N’oubliez pas qu’une acquisition peut être très peu valorisée.
– peu d’entreprises échouent, surtout les premières années ; le principe de « fail fast » n’est donc pas si évident.
Y Combinator a-t-il plus de succès que d’autres ? Je ne sais pas, mais j’ai adoré leur approche de l’entrepreneuriat.

À PROPOS DE L’ÉVOLUTION ET DE LA MORT DES ENTITÉS INNOVANTES

J’ai simplement dit « j’ai adoré » et non pas « j’adore ». Je commence à avoir l’impression que les vieilles structures perdent de leur agilité et de leur créativité. C’est ce que Y Combinator pense de Google. J’ai découvert que Graham et Livingston ont pris leur retraite de YC. Je pense aussi qu’il est difficile de maintenir une culture d’entreprise lorsque les fondateurs partent. J’ai ressenti la même chose avec YC lorsque Sam Altman et d’autres ont pris sa direction. Ce commentaire a quelque chose de déprimant, mais peut-être pas.

Mon premier article sur ce blog portait sur le discours de Steve Jobs à Stanford. Relisez-le encore et encore :

la Mort est sans doute la plus belle invention de la Vie. Elle l’agent du changement pour la Vie. Elle nettoie l’ancien pour laisser la place au neuf. Vous êtes le neuf, mais un jour, pas si éloigné, vous deviendrez progressivement l’ancien et vous serez nettoyé. Désolé d’être aussi tragique, mais c’est la vérité.

Votre temps est compté, alors ne le gaspillez pas à vivre la vie d’autrui. Ne restez pas prisonnier des dogmes, c’est-à-dire du résultat des pensées d’autrui. Ne laissez pas le bruit des opinions assourdir votre propre voix intérieure. Et plus important encore, ayez le courage de suivre votre cœur et votre intuition. Ils savent quelque part déjà ce que vous voulez vraiment devenir. Tout le reste est secondaire.

Silicon Valley : l’effondrement ?

Excellent numéro de FUTU&R, le magazine de Usbek & Rica dont le dossier principal s’intitule Silicon Valley, chronique d’un effondrement.Il ne fait pas bon ces derniers temps d’être un fan de la région. Si vous suivez mon blog, vous avez pu voir mes difficultés à comprendre ce qui s’y passe. Le dossier y contribue et vous découvrirez des personnages douteux comme Curtis Yarvin, Balaji Srinivasan, Palmer Lucky en plus des célèbres Peter Thiel, Marc Andreessen, David Sacks et même Larrry Ellison. Le dossier est un peu à charge mais c’était la règle du jeu puisque la magazine « imagine comment l’eldorado de la tech pourrait s’effondrer ».

Le magazine a eu la bonne idée d’ajouter l’avis éclairé d’Olivier Alexandre, souvent mentionné sur ce blog, notamment comme auteur de La Tech. J’en ai scanné en basse définition les contributions et j’espère que le magazine me pardonnera cette entorse au droit d’auteur. Je vous encourage évidemment à acheter un exemplaire !

Je vais me contenter de commenter ce que dit Olivier Alexandre et je terminerai ce post en évoquant un sujet connexe à travers un article scentifique assez récent, The Role of Universities in Shaping the Evolution of Silicon Valley’s Ecosystem of Innovation (pdf)

« Est-ce qu’on assiste à l’effondrement de la Silicon Valley ? Ce qui est sûr c’est qu’elle est à la croisée des chemins. Historiquement la tech s’est pensée comme une industrie de solutions, sauf que ses solutions sont désormais nos problèmes. [..] Force est de constater qu’on n’entend plus de voix dissidentes. Il y a toujours eu des débats dans la Vallée, mais la frange suprémaciste de la tech, à laquelle appartiennent les soutiens de Trump comme Peter Thiel ou David Sacks était minoritaire, noyée dans la masse. […] On a fait de Steve Jobs et des entrepreneurs du software des stars et résumé l’histoire de la Silicon Valley au succès d’une contre-culture hippie alors que c’est avant tout une histoire de transistors, de microprocesseurs et d’ingénieurs aux vies parfaitement normées. »

En effet la région était une république d’ingénieurs avec des allers et retours entre concurrence forcenée dans un monde global et dérégulation et isolationnsime ponctuel permettant des monopoles. Dans les années 80, la menace était le Japon et l’industrie du semiconducteur avait fait appel à l’Etat pour sa survie (après avoir profité des flux d’argent public au plus haut de la guerre froide deans les années 60.) J’ai dit récemment ma difficulté à touver des voix dissidentes.

« En 2022, la conjoncture a changé et les Big tech ont commencé à licencier. Depuis ils dégraissent chaque année 5% de leur masse salariale. »

Sur ce point je suis en désaccord avec le constat. En 2009 et 2013 par exemple, Google avait réduit sa workforce de 5% aussi. J’avais entendu que Cisco se séparait chaque année de 5% de sa workforce « la moins performante ». La région était si dynamique qu’on en parlait très peu. Les conditions de travail ont toujours été « rudes et exigeantes ». Un monde d’ingénieurs sans aucun doute. Il nous a apporté les ordinateurs et les smartphones, l’internet, donc des possibilités d’agir. Il a aussi contribué à créer d’immenses biais parce que sans doute l’utilisation de la science et de la techologie ne sont jamais totalement neutres.

« La question qui est posée au monde, c’est celle du lien entre nouvelles technologies, innovation et progrès qui sont trois notions très différentes. Historiquement les innovations qui ont eu un impact durable sont peu nombreuses : les montres, les lunettes, le jean… Or, aujourd’hui, la Silicon Valley crée majoritairement des innovations très éphémères. »

Tom Kleiner allait plus loin en mentionnant l’imprimerie, la machine à vapeur, l’électricité et enfin le transistor comme innovations changeant la civilisation. C’est sans doute proche de la réalité.

Et Olivier Alexandre ajoute une belle question : « Les produits proposés reposent essentiellement sur la promesse de nous faire gagner du temps. Mais que perdons-nous quand nous gagnons du temps ? »

Et de conclure (provisoirement) : « Dubai est un l’un des rares endroits qui a su rendre le futur sexy, unevision optimiste de l’avenir : la pluie sans nuage, des iles sans terre, la neige sans montagne. Mais surtout le progès echnoque sans démocratie. Le tout dans une zone de vulnérabilité où la question des ressources, de l’alimentation et de l’habitat s’est toujorus posée. D’uen certiane manière, l’Europe incarne l’inverse: la démocratie, au pri parfois du progrès technique. »

Ce n’est pas la première fois que l’avenir de la Silicon Valley a semblé sombre. Vous pouvez retrouver par exemple les prévisions d’AnnaLee Saxenian dans un post intitulé La Silicon est-elle (re)devenue folle ? : « En 1979, j’étais étudiante à Berkeley et j’étais l’un des premiers chercheurs à étudier la Silicon Valley. J’avais terminé mon programme de Master en écrivant une thèse dans laquelle je prédisais avec assurance que la Silicon Valley allait cesser de se développer. Je soutenais que les coûts du travail et du logement étaient excessifs et que les routes étaient trop encombrées, et tandis que le siège social et la recherche des entreprises pourraient y rester, j’étais convaincue que la région avait atteint ses limites physiques et que la croissance de l’innovation et de l’emploi se produirait ailleurs durant les années 1980. Et il se trouve que je m’étais trompée. »

Aucun doute la région est à une nouvelle croisée des chemins ! Mais je n’ai pas fini, voir plus bas.

J’ai promis plus haut de parler d’un article scientifique datant de 2020. J’en traduis une partie de la conclusion :

Silicon Valley : une métaphore en quête de structure ?

La Silicon Valley est une métaphore d’une région dépourvue de structure gouvernementale viable. Elle en est au stade de New York, avant sa consolidation en une ville unifiée en 1989. À l’exception notable de l’écologie de la Baie, un inconvénient est apparu : un déséquilibre public-privé révélant des lacunes en matière de logement et de transports. Répartie sur une multitude de comtés et de villes, la Silicon Valley ne dispose pas des capacités de gouvernance suffisantes pour faire face aux conséquences négatives de son succès fulgurant.
Un déséquilibre supplémentaire dans les capacités universitaires résulte en partie d’un plan directeur vieux de plus d’un demi-siècle, segmentant strictement la sphère universitaire publique, ce qui a limité l’avancement institutionnel individuel. Ce déficit a été en partie comblé par la création de campus annexes par des universités d’autres régions du pays, comme Carnegie Mellon et la Wharton School, qui, ironiquement, traitent la région comme une zone sous-développée, du moins en termes de capacités universitaires. De plus, le financement public des universités publiques a considérablement diminué, passant de 40 % du budget de Berkeley dans les années 1980 à 14 % aujourd’hui. Cet écart est en train d’être comblé par une campagne de financement massive qui devrait permettre de lever 6 milliards de dollars et d’augmenter le nombre de postes de titulaires dans les universités dans les années à venir.
Rééquilibrer la Triple Hélice nécessitera également une interaction accrue entre les différents secteurs, un phénomène en déclin ces dernières décennies, mettant en péril l’innovation et la capacité d’accueil à long terme de la région. Le développement économique innovant et durable de la Silicon Valley ne dépend pas seulement de la présence d’universités performantes, mais aussi de la manière dont elles interagissent et chevauchent leurs rôles avec les autres acteurs du modèle de la Triple Hélice, en recherchant des objectifs stratégiques communs et en identifiant les problématiques transversales qu’aucune d’entre elles ne peut traiter individuellement. Les interactions entre l’université, l’industrie et le gouvernement, dans un environnement hautement dynamique et volatile, représentent une opportunité unique de se remettre de la crise économique, de créer de nouveaux emplois et de promouvoir un développement prolifique, inclusif et économiquement durable des régions à long terme….

Génie(s) invisibilisé(es), Lost Einstein(s), Marie Curie(s) perdues dans le Morbihan

Xavier Jaravel revient dans une chronique intitulée N’oublions pas les Marie Curie perdues pour le journal les Echos sur un de ses sujets favoris : « l’accès à l’innovation dépend fortement de l’origine sociale, du revenu des parents, du sexe et du département de naissance. A capacités égales, les enfants de milieux modestes ont de bine plus faibles chances de devenir des chercheurs, des entrepreneurs ou des inventeurs que ceux issus de familles favorisées. »

Je dis « un de ses sujets favoris » car j’avais adoré le court et magnifique essai qu’il a publié en 2023 : Marie Curie habite dans le Morbihan – Démocratiser l’innovation.

Pour les (très) curieux, il est possible d’approfondir le sujet en lisant deux articles scientifiques :
Social Push and the Direction of Innovation du même auteur et de Elias Einiö et Josh feng, mars 2025.
Invisible Geniuses: Could the Knowledge Frontier Advance Faster? de Ruchir Agarwal et Patrick Gaule, IMF Working Paper 18268, décembre 2018.

J’ai eu la chance d’être invité par le même FMI en janvier 2019 pour analyser les sources de l’innovation. J’y avais découvert le concept similaire de Lost Einstein. Un papier lui-aussi co-écrit par Xavier Jaravel et intitulé Who Becomes an Inventor in America? The Importance of Exposure to Innovation en donne la définition : Il existe de nombreux « Einstein perdus » – des individus qui auraient fait des inventions à très fort impact s’ils avaient été exposés à l’innovation dans leur enfance – en particulier parmi les femmes, les minorités et les enfants issus de familles à faibles revenus. (There are many “lost Einsteins” – individuals who would have had highly impactful inventions had they been exposed to innovation in childhood – especially among women, minorities, and children from low-income families.)

Quand je lis des analyses sur les raisons des échecs de l’innovation en particulier en Europe, j’y vois des explications « rationnelles et éconmiques », comme les régulations trop fortes, des marchés peu homogènes, des taxations inadaptées et des investissements inadéquats. J’entends moins de raisons culturelles ou sociologiques, qui me emblent pourtant autrement plus convaincantes. Xavier Jaravel contribue à mettre en avant des éléments importants et mal connus. Merci à lui !