Archives de catégorie : La Silicon Valley et l’Europe

La Silicon Valley est-elle (re)devenue folle?

Régulièrement, je fais un retour aux sources en essayant de découvrir ce que la Silicon Valley a à nous (re)dire de nouveau. Cette fois, je suis revenu un peu plus déboussolé que les fois précédentes. La région reste le centre de l’entrepreneuriat et de l’innovation high-tech, mais elle semble toucher aux limites de la folie. Tout va trop vite (sauf le trafic automobile trop souvent congestionné), tout est trop cher, et nombreux sont ceux qui espèrent une crise afin de revenir à une situation normale. Certes les projets les plus fous sont financés et difficile de dire ce que cela donnera (Tesla ou SpaceX bien sûr, mais que dire de MagicLeap ou encore des explorations de Google et autres dans l’intelligence artificielle et l’homme augmenté ?)

Cependant des connaisseurs avertis de la Silicon Valley s’inquiètent aussi. Ainsi Michael Malone dans Of Microchips and Men: A Conversation About Intel, publiée par le New Yorker pour son nouveau livre The Intel Trinity : « Le phénomène le plus intéressant des trois ou quatre dernières années est que les grandes entreprises de la Vallée comme Facebook et Google et Apple ont tant de liquidités que le jeu est maintenant le suivant : vous atteignez une certaine taille et cherchez à être acheté. Regardez Mark Zuckerberg. Il achète Instagram et puis il achète WhatsApp. Il dépense dix-neuf milliards de dollars pour WhatsApp. Voilà un montant ahurissant pour une start-up. Pour la première fois, les acquisitions sont plus attrayantes que les entrées en bourse (IPO). Nous allons donc entrer dans cette époque intéressante où peut-être les entreprises choisiront de ne plus faire d’IPO, qui avait toujours été la stratégie de sortie la plus rentable, mais plutôt d’aller faire la danse du ventre devant Mark Zuckerberg dans l’espoir d’obtenir ces évaluations indécentes. Quel est votre avis sur les ambitions globales des nouvelles entreprises de haute technologie? Je suis un peu gêné par l’hypocrisie présentée par la nouvelle génération des leaders de la Silicon Valley. Ils sont les auteurs de code, et le logiciel est différent du matériel. Avec les gens de logiciels, il y a cette philosophie romantique et ambitieuse « Do no evil » (ne pas faire le mal) – pourtant elle est toujours associée à une sorte de duplicité. Ces gens-là qui dirigent l’ère du réseau social, se comportent vraiment comme des oligarques: « Vous connaissez la raison pour laquelle nous avons du succès ? C’est que nous sommes spéciaux. Nous sommes plus intelligents que les autres. » Vous ne voyiez pas cela dans la première génération de leaders de la Silicon Valley. Ils étaient les enfants de cols bleus et de familles de travailleurs. Ils travaillaient avec leurs mains. Et en conséquence, ils ne cherchaient pas à être toute votre vie. Ils ne construisaient pas un campus pour y vivre vingt-quatre heures sur vingt-quatre, comme dans une cité universitaire. Ils s’attendaient à vous voir rentrer à la maison dans votre famille. Ils avaient une admiration pour les ouvriers. Vous ne voyez plus cela dans le monde des réseaux sociaux. La moyenne des gens dans la vallée, en particulier les personnes pauvres, ont un sentiment très fort que ces gens-là ne se soucient pas d’eux. Et je pense que cela se manifeste de toutes sortes de façons, comme travailler avec la NSA et le perpétuel effort de monétiser notre information privée. C’est un monde très différent. »

Il y a eu aussi un très intéressant échange oral entre George Packer et Ken Auletta, deux autres grands connaisseurs de la Silicon Valley, même s’il a déjà deux ans :
George Packer and Ken Auletta on Silicon Valley.

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A titre plus anecdotique, j’ai retenu ce qui suit de mon voyage:
– le capital-risque est en pleine transformation en raison du départ des anciennes générations et ils ne financent plus les domaines traditionnels du semiconducteur
ou du hardware, trop risqués au niveau du produit, ni même les cleantech/greentech (qui ne furent qu’une autre bulle). Ce sont les industriels qui financent l’innovation dans ces secteurs,
– les accélérateurs sont avant tout une nouvelle source de projets et talents pour les investisseurs, pas forcément un meilleur modèle pour les entrepreneurs,
– les entrepreneurs sont stressés par les coûts et la concurrence qui poussent à la surenchère,
– la région arrive en conséquence saturée, aussi parce que son centre de gravité s’est déplacé vers San Francisco
– en conséquence ma conviction (toujours forte) qu’il faut connaître les dynamiques de cette région pour innover et entreprendre dans la high-tech est modulée par toutes ces contraintes et il y a sans doute une opportunité pour attirer talents, projets et entreprises petites et grandes en Europe…

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Alors y aura-t-il beaucoup de dégâts comme le prédit le Guardian dans Silicon Valley braces itself for a fall: ‘There’ll be a lot of blood’. Ou bien commettons nous la même erreur qu’AnnaLee Saxenian: « En 1979, j’étais étudiante à Berkeley et j’étais l’un des premiers chercheurs à étudier la Silicon Valley. J’avais terminé mon programme de Master en écrivant une thèse dans laquelle je prédisais avec assurance que la Silicon Valley allait cesser de se développer. Je soutenais que les coûts du travail et du logement étaient excessifs et que les routes étaient trop encombrées, et tandis que le siège social et la recherche des entreprises pourraient y rester, j’étais convaincue que la région avait atteint ses limites physiques et que la croissance de l’innovation et de l’emploi se produirait ailleurs durant les années 1980. Et il se trouve que je m’étais trompée. » (Source: A climate for Entrepreneurship – 1999)

PS: un bref ajout (en date du 12 février 2016) sur la folie des licornes. Regardez simplement la jolie infographie qui suit…

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Source: Licornes et dragons font resurgir le spectre d’une bulle Internet

Lorsque l’entrepreneuriat rencontre le street art

De temps en temps, je poste des articles qui ne sont pas liés aux start-up ou à l’entrepreneuriat, mais à d’autres sujets tels que le Street Art par exemple. Maintenant se présente l’occasion de joindre les deux grâce à Banksy. Et en plus, je peux même parler des migrants (qui sont une composante essentielle de l’entrepreneuriat). Banksy a récemment créé l’œuvre de Street Aart qui suit:

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Banksy a expliqué: « On nous amène souvent à penser que l’immigration est un fardeau pour les finances publiques. Mais Steve Jobs était le fils d’un immigrant syrien. Apple est l’entreprise qui fait le plus de profits au monde, et paye 7 milliards de dollars d’impôts par an. Et tout ça ne peut exister que parce qu’on a laissé entrer un jeune homme originaire de Homs (Syrie). » Dois-je ajouter quelque chose sur l’importance des migrants dans la haute technologie ? Si oui, il suffit de lire à nouveau AnnaLee Saxenian, Migrations, Silicon Valley, et Entrepreneuriat.

Les ingrédients d’un écosystème entrepreneurial selon Nicolas Colin

Analyse passionnante de Nicolas Colin (The Family) dans son article What makes an entrepreneurial ecosystem? Si le sujet vous intéresse, c’est à lire absolument.

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En résumé, les écosystèmes entrepreneuriaux ont besoin de 3 ingrédients – je cite:
– Du capital: par définition, aucune nouvelle entreprise ne peut être lancée sans argent et infrastructures pertinentes (du capital engagé dans des actifs tangibles);
– Du savoir-faire: vous avez besoin d’ingénieurs, de développeurs, de designers, de vendeurs: tous ceux dont les compétences sont nécessaires pour le lancement et la croissance des entreprises innovantes;
– De la rébellion: un entrepreneur conteste toujours le statu quo. Sinon, ils innoveraient au sein de grandes entreprises établies, où ils seraient mieux payés et auraient accès à plus de ressources.

Cela me rappelle deux « recettes » que je cite souvent. D’abord « les 5 ingrédients nécessaires aux clusters high-tech: »
1. des universités et les centres de de la recherche de très haut biveau;
2. une industrie du capital-risque (institutions financières et investisseurs privés);
3. des professionnels expérimentés de la haute technologie;
4. des fournisseurs de services tels que avocats, chasseurs de têtes, spécialistes des relations publiques et du marketing, auditeurs, etc.
5. Enfin et surtout, un composant critique mais immatériel: un esprit de pionnier qui encourage une culture entrepreneuriale.
“Understanding Silicon Valley, the Anatomy of an Entrepreneurial Region”, par M. Kenney, plus précisément dans le chapitre: “A Flexible Recycling” par S. Evans et H. Bahrami

Deuxièmement, Paul Graham dans How to be Silicon Valley?? «Peu de start-up se créent à Miami, par exemple, parce que même s’il y a beaucoup de gens riches, il a peu de nerds. Ce n’est pas un endroit pour les nerds. Alors que Pittsburgh a le problème inverse: beaucoup de nerds, mais peu de gens riches. » Il ajoute également à propos des échecs des écosystèmes: « Je lis parfois des tentatives pour mettre en place des «parcs technologiques» dans d’autres endroits, comme si l’ingrédient actif de la Silicon Valley étaient l’espace de bureau. Un article sur Sophia Antipolis se vantait que des entreprises comme Cisco, Compaq, IBM, NCR, et Nortel s’y étaient établi. Est-ce que les Français n’ont pas réalisé que ce ne sont pas des start-up? »

Beaucoup d’amis toxiques des écosystèmes entrepreneuriaux n’ont pas compris tout cela. Mais pour ceux qui ont compris, la construction d’écosystèmes vivants reste un véritable défi: amener la rébellion, la culture, en diminuant la peur de la prise de risque sans stigmatiser (pas récompenser – ici, je suis en désaccord avec Colin) l’échec reste très difficile à faire alors que le savoir-faire et le capital ne sont pas non plus faciles à amener mais c’est faisable en y travaillant.

Enfin, je copie ses diagrammes qui montrent les combinaisons idéales et moins idéales du capital, du savoir-faire et de la rébellion, en ajoutant mon exercice pour la Suisse.

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La Suisse est probablement 80% Allemagne et 20% France… Un récent article du journal Le Temps aborde cette difficulté de l’animation des espaces entrepreneuriaux: Les start-up se multiplientau cœur des villes (journal au format pdf, en accès peut-être limité).

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(Un bref ajout le 29 octobre 2015) – La meilleure description de la Suisse a été donnée par Orson Welles. Cela explique beaucoup de choses…

« L’Italie sous les Borgia a connu 30 ans de terreur, de meurtres, de carnage… Mais ça a donné Michel-Ange, de Vinci et la Renaissance. La Suisse a connu la fraternité, 500 ans de démocratie et de paix. Et ça a donné quoi ? … Le coucou! » dans Le troisième homme, dit par Holly Martins à Harry Lime.

Pourquoi l’Europe ne crée-t-elle pas de Google ou d’Apple?

Ceci est ma nouvelle contribution à Entreprise Romande . Au milieu de mes résumés de In the Plex, je pense qu’il s’agit d’une coïncidence intéressante. Réagissez si vous le souhaitez…

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Pourquoi l’Europe n’a-t-elle pas créé Apple, Google ou Tesla? Ou faudrait-il dire pourquoi n’avons-nous ni Steve Jobs, Larry Page ou Elon Musk sur le vieux continent ? L’innovation est affaire complexe où le succès ne survient que lors d’un alignement très improbable de planètes que sont un produit, un marché, des fondateurs et une équipe qu’ils auront su réunir, du capital, voire une situation macroéconomique favorable. De plus on ne peut pas ignorer, dans la réussite d’une start-up, le facteur chance qu’implique cette conjonction improbable.

La récente et très réussie biographie d’Elon Musk [1], le fondateur de Paypal, Tesla Motors et SpaceX décrit de manière exemplaire comment un migrant d’origine sud-africaine, qui aurait pu faire de très brillantes études, prit des décisions risquées avec un acharnement presqu’inhumain pour bâtir des entreprises qui pourraient bien changer le monde. Il faut bien sûr se méfier du mythe du surhomme que la Silicon Valley a tendance à mettre en avant. Tous les succès du nouveau Steve Jobs dépendent d’un environnement favorable et hautement efficace. Mais pourquoi l’Europe et la Suisse ont elles si rarement de « role models » similaires à nous présenter ? Nous avons bien sûr Richard Branson ou la dynastie Hayek et de récentes analyses montrent que l’Europe a aussi ses « unicorns » [2], mais la comparaison montre une Europe « peu farouche ». Alors pourquoi ?

L’analyste sérieux et compétent saura montrer les multiples avantages des Etats Unis : une R&D publique discrète mais considérable, notamment dans le domaine militaire, un marché du capital extrêmement efficace, un marché homogène et parfois protectionniste, et une politique et une économie diaboliquement agressives à la limite de l’impérialisme. Mais le pamphlétaire plus pessimiste pourra aussi constater un vieux continent justement vieillissant, des migrants vus comme des menaces – alors qu’ils constituent la sève de la Silicon Valley – et surtout un manque d’ambition de la jeunesse, encouragé par une société aux rêves éteints.

Le mal est profond. On dit à un jeune diplômé encore plein de rêves d’aller faire ses griffes dans le privé pour acquérir compétence et expérience. Mais quelle entreprise européenne a eu des rêves de véhicules électriques et de voyages interplanétaires ? Pire encore, on dit aux enfants de bien s’intégrer avant tout et l’on en oublie de les laisser rêver plus loin. L’école n’encourage pas les folles aventures et dans cet environnement et les rêveurs retombent vite des étoiles sur le plancher des vaches.

Cinq start-up de l’EPFL ont été vendues récemment (Sensima, Jilion, Lemoptix,Composyt et Aïmago) à la grande satisfaction de leurs fondateurs et de nombreux autres seront ravis de bâtir de solides PMEs avec une cinquantaine d’employés. Mais quand je leur dis qu’aux Etats-Unis leurs homologues rêvent de changer le monde, ils me regardent d’un drôle d’œil. Ils me répondent tout comme leurs investisseurs que nous ne sommes pas sur la même planète et que les modèle allemand ou suisse des PME est une aussi belle alternative. L’ambition est vue comme de l’arrogance et un ingénieur n’aime ni l’incertitude ni le risque de l’échec.

Que de souffrances inutiles pour les rares exceptions. Certains souffrent de conseillers ou investisseurs, parfois incompétents, le plus souvent bienveillants mais n’ayant pour références que nos modestes succès. « Prouve que ton modèle peut d’abord fonctionner ici ». « Ne va pas chercher trop d’argent ». « Tu perdras le contrôle et tu seras remplacé ». Sans oublier les lectures tatillonnes de business plan dont chacun devrait savoir qu’ils ne sont que l’expression d’une vision. Au point que je leur conseille parfois de partir s’ils le souhaitent…

Je vais rester optimiste car Skype et Spotify sont de récents contre-exemples encourageants et l’Europe a pris la mesure de la menace, je crois. Je vais surtout rester optimiste car l’entrepreneuriat est affaire d’exceptions et je côtoie des jeunes gens qui ont encore quelques rêves. Mais s’il vous plait, ne les éteignez-pas !

[1] Elon Musk : Tesla, SpaceX, and the Quest for a Fantastic Future par Ashley Vance; Ecco – mai 2015.
[2] http://www.bloombergview.com/articles/2015-06-16/europe-s-tech-unicorns-are-so-tame

Startup Land : l’aventure de Zendesk – du Danemark à la Silicon Valley jusque l’IPO

Nombre de mes amis et collègues me disent que la vidéo et les films sont aujourd’hui plus efficace que les livres pour documenter la vie réelle. Je me pourtant qu’il y a toujours dans les livres une profondeur que je ne trouve pas ailleurs. Une question de génération, sans doute. Le Silicon Valley de HBO est sans doute une description drôle et assez proche de la réalité de ce qu’est l’esprit d’entreprise high-tech, mais Startup Land est un excellent exemple de la raison pour laquelle je préfère encore les livres. Je n’ai pas trouvé pas tout ce que je cherchais – et je vais vous donner un exemple à la fin de cet article – mais j’ai pu ressentir de l’authenticité et même de l’émotion dans le récit de Mikkel Svane sur la construction d’une start-up et le développement de ses produits. Alors permettez-moi de partager avec vous quelques leçon de Startup Land.

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La motivation pour se lancer

« Nous ressentions que nous avions besoin de changer de vie avant qu’il ne soit trop tard. Nous savons tous que les gens vieillissent avec une plus grande aversion au risque avec les années. Quand nous commençons à avoir des maisons avec leurs prêts hypothécaires, et des enfants et des voitures, et les écoles et les institutions, nous commençons à nous poser. Nous investissons beaucoup de temps dans les relations avec les amis et les voisins, et faire de grands changements devient plus difficile. Nous devenons de moins en moins disposés à simplement tout jeter par la fenêtre et à tout recommencer. « [Page 1]

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« Dans mon récit, je vais développer le point de vue non conventionnelle que vous n’apprenez que dans les tranchées. Je suis allergique au saupoudrage de conseils business qui vise à donner une formule pour le succès. J’ai appris qu’il n’y a pas de telle formule pour le succès; le monde va trop vite pour que dure aucune formule, et les gens sont beaucoup trop créatifs –et itèrent toujours pour trouver une meilleure méthode. « [Page 6]

À propos de l’échec

Dans la Silicon Valley, il y a beaucoup de discussions à propos de l’échec – là-bas on y célèbre presque l’échec. Les gens récitent des mantras sur le « échouer vite » (fail fast), et les gens qui réussissent sont toujours prêts à vous dire ce qu’ils ont appris de leurs échecs, affirmant qu’ils ne seraient pas là où ils sont aujourd’hui sans leurs précédents et spectaculaires ratages. Pour moi, ayant connu la déception qui vient avec l’échec, tout cet engouement est un peu bizarre. La vérité est, d’après mon expérience, que l’échec est une chose terrible. Ne pas être en mesure de payer vos factures est une chose terrible. Laisser les gens partit et les décevoir, eux et leurs familles est une chose terrible. Ne pas tenir vos promesses aux clients qui ont cru en vous est une chose terrible. Bien sûr, vous apprenez de ces épreuves, mais il n’y a rien de positif dans l’échec que vous a conduit là. J’ai appris qu’il y a une distinction importante entre promouvoir une culture qui permet de ne pas avoir peur de faire des erreurs et d’admettre et une culture qui dit l’échec est une bonne chose. L’échec n’est pas quelque chose dont on puisse être fier. Mais l’échec est quelque chose à partir duquel vous pouvez repartir. [Pages 15-16]

Il y a d’autres jolis points de vue sur « être ennuyeux est beau » [page 23], le « travail à domicile » [page 34], « l’argent est non seulement dans votre compte bancaire, il est aussi dans votre tête » [page 35], et une « checklist non conventionnelle (et peut-être illégale) sur la manière d’embaucher » [page 127]

Je cite à nouveau Svane tout d’abord sur les investisseurs [page 61]: «J’ai appris une leçon importante dans cette expérience – qui a influencé toutes les décisions que nous avons prises depuis sur les investisseurs. Il y a un vaste éventail d’investisseurs. Les investisseurs professionnels sont extrêmement conscients du fait qu’ils ne seront couronnés de succès que si tout le monde réussit avec eux. Les grands investisseurs ont des relations uniques avec les fondateurs, et ils se consacrent à faire croître l’entreprise de la bonne manière. Les investisseurs médiocres et les mauvais contournent les fondateurs, et l’histoire se termine en catastrophe. Le problème est que dans les premiers jours de nombreuses startups ont peu d’options, et les fondateurs ont à interagir avec des investisseurs amateurs qui sont à courte vue et uniquement concernés par l’optimisation de leur propre position » [et page 93] « De bons investisseurs comprennent que l’équipe fondatrice est souvent ce qui porte l’esprit d’une entreprise et fait ce qu’elle est.  »

Et à propos de la croissance [Page 74]: « Même après le tour d’amorçage avec Christoph Janz, nous étions toujours à la recherche d’investisseurs. Si vous n’avez jamais été dans une start-up, cela peut sembler étrange, mais quand vous êtes un fondateur, vous êtes toujours essentiellement à la recherchede fonds. Construire une entreprise coûte de l’argent, et plus vite vous grandissez, plus vous avez besoin d’argent. Bien sûr, ce n’est pas le cas pour toutes les startups – il y a bien sûr des exemples de sociétés qui ont réussi uniquement grâce à leur trésorerie – mais la règle générale est que si vous optimisez la rentabilité, vous sacrifiez la croissance. Et pour une startup, il n’est question que de croissance. »

En mai 2014, Zendesk est entrée en bourse et l’équipe était si enthousiaste, qu’elle a tweeté de nombreuses photos! La société a levé 100M$ à 8$ par action. Ils ont fait un placement secondaire en mars 2015 à 22,75$ en recueillant plus de 160 millions de dollars pour l’entreprise. En 2014, le chiffre d’affaires était de 127M$ Zendesk! … Et la perte de 67 M $.

Zendesk-IPO

Il y a un élément d’information que je n’ai trouvé ni dans Startup land ni dans les documents IPO : Zendesk a trois fondateurs, Mikkel Svane, PDG et auteur du livre. Alexander Aghassipour, responsable des produit et Morten Primdahl, ditecteur technique. Je suis un fan des tables de capitalisations (comme vous le savez peut-être ou pouvez le voir ici dans L’actionnariait de 305 start-up high-tech avec les parts des fondateurs, employés and investisseurs) et en particulier j’aime étudier comment les fondateurs partagent le capital à la fondation de l’entreprise. Mais il n’y a pas d’informations sur les actions de Primdahl. Je n’ai qu’une seule explication. A la page 37, Svane écrit: « l’argent, cela se passe dans votre tête. Tout le monde le traite différemment. » Aghassipour et Svane pouvaient vivre sans salaire dans les premiers temps de Zendesk, mais Primdahl ne pouvait pas. Il est possible qu’il ait eu un salaire en contrepartie de moins de d’actions. Je serais ravi d’apprendre de Svane si j’ai raison ou tort!

Zendesk-captable
cliquer sur l’image pour l’agrandir

Les meilleurs entrepreneurs européens high-tech selon le Financial Times

Comme suite à mon article publié le 25 Juin, intitulé L’Europe et les start-up – devrions-nous nous inquiéter? Ou y a t-il de l’espoir? voici une analyse plus détaillée des 50 meilleurs entrepreneurs high. tech. européens selon le Financial Times. D’abord, vous pouvez faire un quiz: les connaissez vous? ou du moins combien?

FT Top 50 Europe

Avant de vous donner la liste complète (le classement est fait de gauche à droite et de haut en bas), voici quelques statistiques intéressantes (je crois).

FT Top 50 Europe Stats

Les pays ne sont pas vraiment surprenants alors que la présence massive d’Index Ventures l’est, comparativement à Atomico ou même Accel. Les fonds américains, y compris les meilleurs d’entre eux, sont tous présents. Intéressant aussi. Alors, combien entrepreneurs connaissiez-vous…

FT Top 50 Europe List
(cliquer pour agrandir – références additionnelles : Crunchbase et SEC)

L’Europe et les start-up – devrions-nous nous inquiéter? Ou y a t-il de l’espoir?

Je viens de lire deux articles (merci à Kevin et Deborah :-)!) sur l’entrepreneuriat high-tech en Europe. L’un est optimiste, l’autre moins… Le Financial Times vient de publier un dossier sur les 50 meilleurs entrepreneurs high-tech en Europe, dossier qui comprend Watch out Silicon Valley par le co-fondateur de Skype, Niklas Zennström. Le New Times York a publié de l’autre côté de l’Atlantique A Fearless Culture Fuels U.S. Tech Giants. Vous ne devriez pas être surpris de mon inclination vers le point de vue américain. Alors permettez-moi de commencer avec l’analyse la moins optimiste…

Voici une comparaison frappante : aux États-Unis, trois des dix premières sociétés en termes de capitalisation sont des sociétés technologiques fondées dans le dernier demi-siècle: Apple, Microsoft et Google. En Europe, il n’y en a pas dans le top 10 et quand il est question de remèdes: « Ils veulent tous une Silicon Valley, » [dit] Jacob Kirkegaard, économiste danois […] « mais aucun lieu en Europe ne peut se comparer à l’échelle et à la concentration des nouvelles technologies réellement innovantes que vous avez aux États-Unis. L’Europe et le reste du monde se battent pour rattraper le retard, à la grande frustration des décideurs. L’article ajoute: « alors qu’il y a toujours des exceptions individuelles aux généralités hâtives sur les Européens et les Américains, les principales barrières sont culturelles. » […] « échouez vite, échoue souvent » est devenu un proverbe de la Silicon Valley, et la liberté d’innover est inextricablement liée à la liberté d’échouer. En Europe, l’échec est une marque beaucoup plus forte qu’aux États-Unis. […] Rien de tout cela ne sera facile à changer, même en supposant que les Européens veulent du changement.

Zennström est beaucoup plus optimiste et j’aimerais bien être d’accord avec lui … « Tout comme une petite start-up peut vaincre un grand acteur établi, en tournant attention et vitesse à son avantage, de même constatons-nous par certains aspects que les entrepreneurs européens ont un avantage. Le premier est très visible : le développement extraordinaire des hubs technologiques en Europe « . Il mentionne ici Helsinki pour les jeux sur plateformes mobiles et Londres pour la finance. Il voit une deuxième raison pour laquelle la Silicon Valley pourrait être moins nécessaire. «Lorsque nous avons fondé Skype, notre but n’a jamais été de construire le meilleur service de communication peer-to-peer de Suède. De même, Daniel Ek et Martin Lorentzon ne partaient pas de construire le meilleur service de musique de Suède avec Spotify, ni Riccardo Zacconi et ses co-fondateurs de King ne visaient à bâtir des jeux incroyables pour les Suédois. Sans le luxe d’un énorme marché intérieur, nous avons été obligés de penser au développement international dès le premier jour – pour résoudre des problèmes globaux, en travaillant à travers les frontières, et agissant rapidement à y arriver » […] « En bref, nous assistons à l’émergence d’une cohorte remarquable de nouvelles entreprises. Des start-us commencent dans quelques-uns des plus petits marchés domestiques du monde mais sont capables, grâce à leur approche très internationale, d’atteindre l’échelle mondiale en un temps record. A terme, je crois que ce sera une tendance aussi importante que la concentration historique de l’innovation dans la Silicon Valley, et qu’elle jouera un rôle majeur dans l’économie européenne pour les décennies à venir. »

J’ai l’impression de relire les mêmes analyses qu’il y a quinze ou vingt ans… Regardez par exemple, même si c’est plus récent, mon analyse en 2010: L’Europe et Etats-Unis: la croissance en IT et biotech. Seul l’avenir nous dira qui a le mieux analysé la situation.

Il faut créer un Google sur sol européen

L’auto-citation est un exercice délicat mais comme il ne m’arrive pas souvent de donner mon point de vue dans les media, j’imagine que cela reste acceptable… Le Journal Le Temps m’a demandé mon point de vue sur les récente acquisitions de spin-off de l’EPFL. J’en extrais quelques messages.

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Par contre, ce qui m’inquiète c’est qu’en Europe, je n’ai jamais vu naître de sociétés technologiques de type Google, Apple ou Cisco.

– Pourtant, on peut citer SAP en Allemagne ou le service de téléphonie via Internet Skype…

– Oui mais [à l’exception de SAP] il n’y a pas eu de gros succès en Europe dans la technologie ces cinquante dernières années. Certes, Microsoft a racheté Skype pour 8,5 milliards de dollars et Logitech vaut 2 milliards en bourse et compte 6000 employés. Mais, en comparaison avec les Etats-Unis, les poids lourds du secteur sont évalués à plus de 170 milliards de dollars et comptent plus de 50 000 employés. Il y a un décalage d’un facteur dix entre les deux continents et cela me perturbe depuis vingt-cinq ans. J’ai des doutes et des craintes sur l’avenir de l’Europe.

– Comment expliquez-vous ce décalage?

– Je pense que c’est essentiellement culturel. Un jeune ingénieur qui écoute ses parents va travailler chez Nestlé ou Novartis et il y reste. Les Américains ont des parents ou grands-parents issus de l’immigration. La tradition du changement est intégrée et l’échec est accepté.

– Quels sont les risques face à une telle situation?

– Si l’on ne se renouvelle pas, c’est la mort de l’Europe. On y est presque, regardez la France. C’est une inquiétude que j’ai pour mes deux enfants. Il faut créer un Google sur sol européen pour que l’économie puisse se renouveler. Sans la présence d’un important groupe technologique, les start-up innovantes se feront systématiquement racheter par des groupes américains. Yahoo! a repris le français Kelkoo, le danois Navision appartient désormais à Microsoft, le suédois MySQL à Oracle et le français ILOG à IBM.

Pour les spin-off de l’EPFL, c’est pareil. La société d’imagerie médicale Aïmago a été rachetée par le groupe américain Novadaq Technologies pour 10 millions de dollars. Sensima Technology, active dans la production de capteurs magnétiques, a été intégrée au sein de Monolithic Power Systems (MPS) basée à San José en Californie. Seule Jilion a été rachetée par le français Dailymotion, qui a intégré leur technologie vidéo sur leur site. Et maintenant, c’est Intel. Or, lorsque ces sociétés sont rachetées, c’est tout un savoir-faire et des emplois qui peuvent disparaître. Il y a un risque de perte de richesse.

Le reste de l’article est disponible sur le site web du journal Le Temps.

Mon « coming out » – dans le monde des start-up

Non il ne s’agit pas d’un vrai coming à la Tim Cook, mais d’un message beaucoup moins spectaculaire! Je me suis réveillé cette nuit, perturbé. Comme vous pourrez le voir plus bas, l’écosystème de soutien aux entrepreneurs de l’EPFL (financement, conseils, exposition, immobilier) est riche et complexe. Pourtant nos succès sont moyens, voire médiocres… Tout ces efforts ne servent à rien sans l’ambition et la prise de risque d’individus enthousiastes et passionnés.

Je ne parle pas des personnes, mais du système. Il y a quelques jours, je disais à des collègues être un entremetteur. Je favorise les rencontres et je mets de l’huile dans les rouages. J’ai alors souri en pensant – je ne suis d’habitude pas trop vulgaire – que j’offrais plutôt de la vaseline pour l’introduction des investisseurs. Il y a une quinzaine d’années, un entrepreneur qui avait apprécié notre échange m’avait dit que je lui faisais penser à une prostituée mais que caché derrière moi, il y avait de vilains maquereaux…

Il y a deux jours, j’ai écouté à l’EPFL un prix Nobel d’économie expliquer que le monde occidental était en perte de vitesse, que la crise s’explique en partie par une faiblesse de l’innovation. Le corporatisme et la financiarisation en sont la raison. Puis il y eut un message choquant d’un autre intervenant. La Suisse irait bien parce qu’elle est travailleuse alors que son voisin irait mal parce que ses travailleurs commencent leur weekend le mercredi à midi. Qui peut croire que le chômage et la faillite à Détroit serait issue de la fainéantise des ouvriers de l’automobile et la réussite de la Silicon Valley aà l’addiction au travail (workaholism) de ces nerds. Les choses sont infiniment plus complexes ! Il suffit de voir en particulier l’analyse récente de Thomas Picketty ou l’excellent article de la MIT Technology Review: la technologie et l’inégalité.

Il y quatre jours, j’écoutai l’ambassadrice des Etats Unis en Suisse et au Liechtenstein. Suzi Levine connaît bien le monde des start-up. Elle s’intéresse donc à la situation suisse. J’ai retenu deux messages :
– d’abord, « vous avez beaucoup d’argent mais peu de capital », je vous laisse réfléchir à ce message qui lui a été donné à l’EPFL, je crois, « vous avez beaucoup d’argent mais peu de capital ».
– ensuite, elle a noté la faiblesse de la présence féminine dans ce monde et a donc tout particulièrement apprécié que le Prix Musy soit créé cette année.
Mais rien n’aura été utile de nos efforts, si nous ne permettons pas, si nous n’encourageons pas l’éclosion d’entrepreneurs passionnés et aventureux… Pas seulement les femmes, mais toute la diversité des individus passionnés qui ne doit pas être entravée par le corporatisme et la financiarisation.

EPFL-VoD-funding

Plus sur le soutien aux entrepreneurs à l’EPFL

EPFL-VoD-support

Quelques caractéristiques des innovations / innovateurs de rupture

Mon ami Jean-Jacques (merci :-)) m’a envoyé un lien sur le CNBC Disruptor 50, une liste de 50 « entreprises privées dans 27 industries – de l’aérospatiale aux logiciels d’entreprise ou à la vente au détail – dont les innovations sont en train de révolutionner le monde des affaires ». On pourrait critiquer la méthode, les industries, ce qui du domaine de la rupture et ce qui ne l’est pas, mais la liste est en soi intéressante. Et j’ai fait quelques analyses rapides. (Je veux dire par rapide une analyse discutable de l’âge de fondateurs sur la base des données disponibles – leur âge ou l’année de leur bachelor – mon analyse complète est disponible à la fin du post)

cnbc-disruptors

J’ai trouvé ce qui suit:
– les innovateurs dans la rupture sont jeunes (33 ans),
– ils lèvent beaucoup d’argent: plus de 200 millions de dollars!
– Et oui, ils sont pour la plupart basés dans la Silicon Valley

Disruptor50-stats

Les innovateurs dans la rupture sont jeunes

L’âge moyen des fondateurs est 33 ans (alors que l’âge de fondateurs de start-up est plus proche de 39 – voir mon post récent Age and Experience of High-tech Entrepreneurs). Comme dans cette analyse plus générale, des fondateurs dans la biotechnologie et dans l’énergie. sont beaucoup plus âgés que dans le logiciel ou l’internet. C’était quelque chose que j’avais déjà abordé dans ce document: la rupture pourrait être la chasse gardée des jeunes créateurs.

Ils lèvent beaucoup d’argent

Un point vraiment frappant est le montant d’argent recueilli par ces entreprises. Avec une moyenne d’âge de 6 ans, ces entreprises ont levé en moyenne 200 millions de dollars … Dans l’énergie, c’est plus que 400 millions de dollars et même plus de 250 millions de dollars pour l’Internet.

La Silicon Valley en tête

Il n’est pas surprenant que la Silicon Valley semble être l’endroit où être. 27 entreprises y sont basées (un peu plus de 50%). C’est là aussi que les entreprises ont accès à plus de capitaux ($280M en moyenne). Puis sur la Côte Est (25%). Étonnamment, ils sont basés à New York, plus à Boston quand la côte Est est concernée. Seulement 3 sont des Européens… (Spotify, Transferwise et Fon), même si quelques Européens ont également opté pour la SV …

Voici mon analyse complète qui, comme je l’ai dit peut contenir des erreurs (notamment sur l’âge des fondateurs …). Vous pouvez également êrte en désaccord avec mon classement des indjustries…

Disruptor50
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