Retour sur le 9 février

Ma chronique régulière à Entreprise Romande, cette fois, l’impact du vote du 9 février…

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Tant a été dit et écrit sur l’impact du vote du 9 février sur la recherche et la formation universitaire, que j’ai hésité avant d’écrire cette chronique. Gel des échanges d’étudiants à travers le programme Erasmus + et de l’accès aux bourses ERC pour les meilleurs chercheurs ; rétrogradation au rang de pays tiers pour les programmes de recherche Horizon 2020. Tout cela a été bien expliqué et devrait être connu des intéressés. Catastrophe annoncée ou contrainte forte à laquelle la Suisse saura s’adapter grâce à son génie propre, l’avenir le dira. Enfin, le peuple est souverain et les inquiétudes exprimées sont assez partagées, en Europe et même aux USA. C’est sans doute l’Europe qui souffre plus que la Suisse et nos voisins ont plutôt montré de l’incompréhension que de la frustration.

Aussi, ne vais-je ici qu’essayer d’illustrer les raisons de ma tristesse. Une simple anecdote pour commencer : je suis arrivé à l’EPFL en 2004. Le premier dossier sur lequel j’ai travaillé était le projet d’un jeune étudiant espagnol, Pedro Bados. Il venait de terminer son travail de master dans le cadre d’un échange Erasmus qui avait donné de jolis résultats. Ces résultats furent brevetés, et l’étudiant se transforma en entrepreneur en fondant NEXThink qui a aujourd’hui une centaine d’employés. La start-up, dont le siège se trouve à l’EPFL, est soutenue en partie par des capitaux étrangers en raison de la faiblesse du capital-risque suisse.

M. Blocher a expliqué à la Radio suisse romande qu’il ne croyait pas aux gros projets européens qui ne donnent aucun résultat. Il est vrai que l’innovation ne se planifie pas et bien malin est celui qui pourrait prédire l’avenir. Mais l’innovation de Pedro Bados est bien réelle et n’aurait tout simplement pas existé sans Erasmus. NEXThink n’est pas la seule entreprise suisse fondée par un migrant. Biocartis a levé plus de 250 millions de francs et son fondateur, Rudi Pauwels, est belge. C’est un « serial entrepreneur » qui était venu chercher l’inspiration à l’EPFL après un premier succès. Plus des trois quarts des spin-off de l’EPFL ont des fondateurs étrangers, et la moitié sont européens.

Autre anecdote : la Suisse est un modèle pour ces voisins pour les questions académiques et pour ses performances en innovation. De nombreuses universités et représentants de région d’Europe visitent le campus de l’EPFL. Depuis six mois, je travaille à un projet avec trois autres universités technologiques européennes autour de l’entrepreneuriat high-tech. Sans l’acceptation de l’intiative sur l’immigration de masse, nous aurions été le chef de projet d’un programme d’échanges d’entrepreneurs. Nous ne serons au mieux que pays tiers et je ne pourrai pas travailler avec mes collègues suisses du secteur privé qui ont un beau savoir-faire en matière d’internationalisation de l’entrepreneuriat. Nous nous adapterons…

Le problème n’est pas tant économique puisque la Suisse contribuait en grande partie à ses financements. Il est humain. Dans un débat récent à Neuchâtel, Peter Brabeck, président de Nestlé,a déclaré: « 75% des personnes qui travaillent en Suisse dans nos équipes de recherche et développement viennent de l’étranger, Il y a donc forcément de l’incertitude pour eux. Mais je peux vous assurer d’une chose: Nestlé ne perdra pas un seul de ses scientifiques. Mais la Suisse peut-être. Car si je n’ai pas le droit de les faire travailler en Suisse, alors je les ferai travailler ailleurs, et leurs projets avec » [1]. Novartis avait déjà fait il y a longtemps le choix d’ouvrir un centre de recherche à Boston. A plus petite échelle, Housetrip, success story récente issue de l’Ecole Hôtelière de Lausanne, a déménagé à Londres, faute d’un nombre suffisant de talents.

Dernière anecdote : je suis arrivé en Suisse en 1998 et le processus d’obtention de mon permis de travail pris plus de … 6 mois ; ce ne fut pas une arrivée facile. L’entrée en vigueur des accords bilatéraux, en 2002, a sans aucun doute simplifié la décision de Pedro Bados de créer sa start-up en Suisse. Je ne sais absolument pas comment les futurs jeunes entrepreneurs étrangers vivront notre nouvelle situation. Sans doute la Suisse s’adaptera-t-elle là aussi ! Mais je ne vois pas qui gagne quoi que ce soit à compliquer l’arrivée des talents alors qu’ils partent très facilement.

Je terminerai sur une dimension plus symbolique en citant une participante à un autre débat sur le sujet [2]: « Et pour revenir sur la question de la recherche, l’EPFL n’a pas seulement une capacité de recherche, elle a un sérieux à conserver dans la formation, moi je suis ingénieur et je suis atterrée de voir que la notion même d’ingénieur est en train de disparaître de l’EPFL lorsqu’on est train de tout miser sur la biotechnologie. J’aimerais que l’EPFL sache encore former des gens qui sachent faire des ponts ». Si le monde académique a été aussi peu audible malgré ses tentatives, c’est qu’il n’est peut-être pas aussi bien aimé que l’on pourrait croire. La Suisse n’apprécie guère l’élitisme. On préfère les PMEs établies aux start-up, qui ne font pas rêver comme dans la Silicon Valley et les fonds de pension ne soutiennent pas le capital-risque. Lors d’un comité de sélection de jeunes gens prometteurs, j’entendis des membres du jury sourire de ces lamentations en indiquant que seuls 2 à 3% des étudiants suisses profitaient d’Erasmus et que s’il s’agissait pour eux de vivre ce que décrit le film « l’Auberge Espagnole », ce n’est peut-être pas si grave. Pourtant l’entrepreneuriat high-tech ne concerne aussi que 2 à 3% de nos étudiants. La rareté, l’élite sont, je le crois, plus importantes qu’on ne pense.

L’EPFL a toujours des spécialistes du béton ou des structures mécaniques. La recherche universitaire a même permis d’améliorer la qualité ou le coût des ponts. Mais le monde change aussi. La bio-ingénierie, l’informatique sont des disciplines prometteuses où les innovations à venir seront beaucoup plus importantes que celles qui amélioreront nos ponts et nos tunnels. Il n’est pas besoin d’être devin pour le comprendre. A moins que nous n’ayons perdu confiance en la science et la technologie ? Je peux vous dire que l’Asie et l’Amérique n’ont pas cette défiance. La Suisse ressemblerait-elle donc à l’Europe ?

J’ai bien compris que les initiateurs de cette votation campent sur leurs positions et considèrent que les problèmes du pays étaient plus importants que ces conséquences-ci. Exprimer une frustration face à une Europe en crise ou une inquiétude face à l’avenir est une chose. Minimiser l’impact que cela aura sur la Suisse me semble être un pari risqué. Je respecte la décision, mais je la regrette… Dommage.

[1] http://www.arcinfo.ch/fr/regions/canton-de-neuchatel/a-neuchatel-le-president-de-nestle-peter-brabeck-s-inquiete-des-consequences-du-vote-du-9-fevrier-556-1271025

[2] Florence Despot à la RTS: http://www.rts.ch/info/dossiers/2014/les-consequences-du-vote-anti-immigration/5619927-playlist-immigration-suites.html?id=5598709

Les systèmes d’innovation en France: un colloque à Nantes

Pourquoi exprimer une frustration après avoir participé au colloque De l’innovation aux écosystèmes de croissance, par ailleurs très bien organisé et où j’ai trouvé du plaisir ? Sans doute parce qu’après avoir beaucoup attendu de mon pays en matière de réformes sur le sujet de l’innovation (cf mes réflexions passées sur le rapport Beylat-Tambourin), je crains que la France ne reparte dans ses vieux travers : attendre beaucoup de la puissance publique et ne pas comprendre que l’innovation vient avant tout des start-up. Pourtant le problème était bien compris par les organisateurs du colloque qui avaient fait un travail préparatoire remarquable et les invités ont fait leur travail également.

Le grand témoin, Jean-Luc Beylat a fait une analyse détaillée, dont je fournis quelques notes. La France doit prendre en compte quelques grands changements :
– la vélocité des cycles technologiques,
– la puissance des pays émergents (« Shanghai investit plus dans ses transports en commun que l’Europe dans son ensemble »),
– la rareté grandissante des ressources, (notez que j’ai écouté Pascal Lamy la semaine dernière à l’EPFL et celui-ci pense que la matière grise est-elle illimitée et sera utile face à ces défis,)
– le numérique et l’accès au savoir transforme les mécanismes d’innovation.
Parler d’innovation n’est donc pas une posture, mais un devoir. Beylat pense qu’il n’y aura pas de dynamique individuelle sans une politique publique et que si il n’y a pas de copie possible des écosystèmes ayant réussi, il y a des invariants importants:
– l’éducation (et l’importance de tirer vers le haut),
– l’excellence de la recherche,
– le décloisonnement public-privé,
– l’attractivité de ces régions pour les talents,
– la culture de l’entrepreneuriat,
– les financements de la croissance.
L’analyse me convient! Le débat qui suivit parla d’écosystèmes et d’innovation. Et mon malaise a alors grandi alors que les messages étaient clairs : faire émerger les talents et leur fournir des ressources. Point. Comme si je souhaitais plus de radicalisme dans les messages. Un non-choix conduit à arroser un peu partout sans vraiment décider. « Il faut être patient. » « Il n’y a pas que les start-up. » Je crains que les acteurs attendent trop de la puissance publique, peut-être même trop du privé. Alors que bien souvent, l’innovation est une démarche individuelle.

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J’ai exprimé ce malaise lors de la table ronde à laquelle je participais. Je ne suis pas sûr de l’avoir bien explicité. J’ai expliqué le débat à distance que j’ai illustré sur ce blog entre Mariana Mazzucato et Peter Thiel. Mazzucato montre l’importance de la puissance publique, du collectif, Peter Thiel penche du côté de l’entrepreneuriat individuel au point que ce libertarien traiterait sans doute Mazzucato de communiste !

J’ai aussi ajouté que dans deux écosystèmes efficaces comme la Silicon Valley et la région de Boston, il y a aussi des différences similaires. Berkeley et Harvard sont moins favorables aux initiatives individuelles alors que le MIT et Stanford encouragent grandement la création de start-up, sans avoir une « politique d’innovation » très structurée. Stanford et le MIT sont bienveillants envers les entrepreneurs. On pourrait croire que Berkeley et Harvard sont avant tout dans le Savoir, alors que Stanford et le MIT sont dans le Faire et le Vendre (le produit et le client, chers à Steve Blank). Il y a peut-être un lien entre toutes ces dimensions, mais je n’en suis pas sûr. Il est certain par contre que l’entrepreneuriat est du domaine de l’exception, de l’anormal, de la singularité, de l’irrationnel même et donc une « politique publique » pourrait largement ne pas suffire. J’ai aussi expliqué aussi ce que nous faisons à l’EPFL puis l’importance des « role models » et des mentors pour faire émerger les talents, en citant notre Daniel Borel et ma citation habituelle sur la préférence vers la grosse part du petit gâteau que vers la petite part du gros gâteau. Un pari donc sur l’individu autant que sur le collectif.

J’ai répété pour autant que l’on ne sait pas filtrer a priori. Qu’il faut 1000 idées pour faire 100 start-up qui en donneront 10 qui auront les ressources pour croître (du VC) qui donnera 1 succès. Notre rôle est au niveau des 100 en les encourageant à devenir les 10. J’aurais dû ajouter que ce qui compte est :
– la culture (la passion, l’ambition, la prise de risque qui ne fustige pas l’échec)
– l’éducation (au sens de l’exposition au monde des start-up)
– l’argent (public, puis les BAs, puis le VC)
– le talent (encouragé par les mentors, les role models et l’expérience)
– l’internationalisation rapide (« buvez local, pensez global »)

Je crains pourtant d’avoir entendu tous les « buzzwords », l’accélération qui remplace l’incubation, les co-working spaces, les fablab et leurs imprimantes 3D, l’importance du design et des usages – il y a 15 ans on ne parlait que d’incubateurs et de MBAs ! – sans oublier le « ni les start-up ni le capital-risque ne sont la réponse à tout ». Pourtant je crois que la France a gâché des talents en les éloignant de cette simple dualité ! Cette bienveillance qui a tant manqué…

J’ai terminé en indiquant que cette diversité n’est pas ce que j’ai vu dans la Silicon Valley. On y trouve plutôt une majorité quasi-uniforme d’Asperger et de dyslexiques, et le malheureux manque de jeunes femmes n’est pas du à une soi-disant mentalité misogyne de « old boy club » mais plus à une incapacité de ces « talents » intravertis à leur parler…

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J’ai tout de même aimé le discours courageux de clôture de Christophe Clergeau, qui a su critiquer un millefeuille de structures d’innovation dont les SATT ne sont qu’une nième couche. Il a bien compris l’équilibre à trouver entre structures publiques et soutien aux talents et comment tout dépend de la qualité de réseaux. Fleur Pellerin a disparu en France, enfin elle fera autre chose. Pourtant elle revenait de la Silicon Valley, où un entrepreneur français était présenté grâce au Journal Le Monde : « Marc Rougier est un démenti à ceux qui croient que le mot « entrepreneur » n’existe pas dans la langue française. « C’est ma quatrième boîte. La première était toute petite. La deuxième je l’ai réussie. La troisième, je l’ai plantée ». Pour lui, le problème principal pour créer une entreprise en France, n’est ni le fisc, ni la lourdeur administrative, « même si ça existe ». C’est la peur du risque. « On est topissimes pour la capacité à innover. On est des intellos brillants, innovants, mais conservateurs. On est fort sur l’innovation comme jeu intellectuel. Ici on passe à l’acte. On démissionne à midi, on emporte ses cartons à 14 heures. Le lendemain on commence dans une autre boîte. » Tout est dit…

Du Street Art à l’EPFL – suite et fin

Je viens de reparcourir le campus de l’EPFL et après mes premières découvertes à voir sur Du street art à l’EPFL – or not Street Art? voici la suite. Tout d’abord le résultat final de deux artistes (après vous avoir montré le work in progress).

Edgar Mueller et son site Metanamorph

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Truly Design Studio et leur site Truly Design

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puis trois œuvres construites près de nouveau centre des congrès:

3D Joe&Max et son site 3djoeandmax
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Sylvain Meyer et ses pages web sur artnet.ch
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Daniel Schlaepfer et son site www.dschlaepfer.com
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Dogfight : la dynamique de la concurrence sur les marchés à croissance rapide

Suite à mon précédent post sur Dogfight et la guerre dans le monde du mobile entre Apple et Google, voici un extrait que j’ai trouvé intéressant. Vous pouvez également le trouver sur Wired: Apple vs Google : Apple a t-il appris quelque chose de sa guerre contre Microsoft ?

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La raison pour laquelle ce qui suit est intéressant c’est que cela me rappelle un livre que j’ai lu dans mes années Index: The Gorilla Game le célèbre Geoffrey Moore. Moore explique pourquoi dans les marchés à forte croissance dans la haute technologie, il n’y a généralement de place que pour un seul acteur majeur. Apple et Google dans le monde du mobile pourrait être une aberration historique. Voici pourquoi…

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« Jobs a dit qu’il n’a jamais vu de similitude entre son combat avec Android et son combat avec Bill Gates et Microsoft dans les années 1980. Mais à peu près tout le monde à l’intérieur et à l’extérieur d’Apple l’a vue. Android et l’iPhone sont dans une guerre de plate-forme, et les guerres de plate-forme ont tendance à être des compétitions où le gagnant emporte tout. Le gagnant se retrouve avec plus de 75 pour cent de part de marché et des profits – et le perdant doit se battre pour survivre.

Dans la lutte Microsoft / Apple, Microsoft a gagné en distribuant plus largement ses logiciels, ce qui a créé une plus grande sélection d’applications à acheter, qui a elle-même attiré plus de clients. Une fois que les clients avaient dépensé des centaines de dollars pour des applications d’une seule plate-forme, il était beaucoup plus difficile de les amener à changer. En fin de compte, tout le monde a commencé à utiliser les ordinateurs exécutant Microsoft DOS puis Windows, car le voisin le faisait. ce n’était pas un comportement de mouton de Panurge – mais un comportement tout à fait rationne. Les ordinateurs ne sont utiles que si les travaux effectués sur une machine peuvent être utilisés sur une autre machine .

Ce fut presque exactement la stratégie d’Android. En 2010, l’écosystème Android est encore loin d’être solide. L’AppStore Android était mal organisé, et les développeurs avaient du mal à faire de l’argent. L’avance de trois ans d’Apple lui avait permis de vendre près de 60 millions d’iPhones, de créer un magasin avec plus de 200’000 applications, et d’établir un écosystème de développeurs à qui avait été payé plus de 1 milliard de dollars sur deux ans. Mais parce que tout fabricant de téléphone pouvait faire un téléphone Android, la taille de la plate-forme Android a explosé. À la fin de 2010, elle était aussi grande que celle de l’iPhone. Et cela ne semblait être qu’une question de temps avant que Google fixe les problèmes avec son AppStore .

Plus inquiétant pour Apple, Rubin pourrait réussir sans avoir à convaincre de nombreux clients de l’iPhone de changer. Le nombre de personnes dans le monde des smartphones dans les années à venir allait être si énorme qu’il avait juste besoin de se concentrer sur ce groupe – pas nécessairement sur ​​les clients iPhone – pour obtenir une part de marché dominante. Il semblait incroyable que Jobs allait perdre deux batailles de la même façon à une génération d’écart. Mais avec tant de similitudes entre les deux combats, il était difficile de ne pas y penser.

Il y a toujours eu de bonnes raisons de croire que la lutte Apple / Google pourrait ne pas se dérouler comme celle d’Apple contre Microsoft: les développeurs semblent plus capables d’écrire des logiciels pour deux plates-formes qu’ils ne l’étaient dans les années 1980 et Les coûts de commutation d’une plate-forme à l’autre sont beaucoup plus petits. À l’époque, les ordinateurs coûtaient plus de 3000$ et chaque application logicielle plus de 50$. Aujourd’hui, les coûts sont moins d’un dixième de ceux-ci. Un nouveau téléphone avec une subvention coûte 200$, et chaque application coûte moins de 3$ et est souvent gratuite. En outre, les tiers – les opérateurs – continuent à avoir un intérêt à ce que les consommateurs disposent d’autant de façons de se connecter à leur réseau, et leur verser de l’argent, que possible.

Mais les dirigeants de Google et d’Apple ont toujours compris que si la bataille tourne de cette façon – si en quelque sorte leurs plates-formes mobiles peuvent coexister harmonieusement – ce sera une aberration historique. En raison de la couverture médiatique entourant le procès antitrust de Microsoft il y a 14 ans, une analyse approfondie a été consacrée à la façon dont Microsoft a construit son monopole Windows dans l’activité PC : si vous obtenez assez de gens utilisant votre plate-forme technologique, cela crée finalement un vortex de forces qui conduit presque tout le monde à l’utiliser. Mais ces forces économiques n’ont pas été uniques à Microsoft. Chaque entreprise technologique majeure depuis lors, a essayé de créer le même genre de tourbillon pour son activité .

C’est ainsi que Jobs a dominé les lecteurs de musique avec l’iPod. C’était aussi la façon dont Google en 2004 a commencé à embarrasser et défier Microsoft pour la domination dans la haute technologie et poussé Yahoo! au bord de l’implosion. La haute qualité de son moteur de recherche a garanti sa domination. Cela lui a donné les meilleures données sur les intérêts des utilisateurs. Ces données ont rendu la publicité figurant à côté des résultats de recherche très attractive. Ce cercle vertueux a encouragé plus de trafic de recherche, plus de données, et encore plus de publicité. Peu importe combien Microsoft et Yahoo! ont essayé d’attirer de trafic avec des tarifs publicitaires plus faibles et des résultats de recherche améliorées, Google a toujours été en mesure d’offrir une meilleure offre.

eBay a fait la même chose pour les deux douzaines d’autres sociétés d’enchères en ligne, comme OnSale et uBid . En permettant aux acheteurs et aux vendeurs de communiquer facilement et de s’évaluer l’un l’autre, il a construit une communauté d’autosurveillance. Qui a alimenté une croissance rapide dans les soumissionnaires. Le plus de soumissionnaires acquis par eBay, le plus fiable sont devenus ses prix. Les cotes d’eBay sont devenue plus fiables, et les nouveaux soumissionnaires ont voulu l’utiliser plus souvent. Plus les soumissionnaires voulaient utiliser eBay, moins ils voulaient utiliser les sites concurrents. La plate-forme de médias sociaux de Facebook est le plus récent exemple de la puissance de l’économie de la plate-forme. Sa technologie supérieure lui a permis d’offrir aux usagers de meilleures fonctionnalités que son concurrent MySpace. De meilleures fonctionnalités rendirent Facebook plus utile. Le plus utile il était, plus les utilisateurs fournissaient de données à partager. Plus les utilisateurs partageaient de données, le plus de fonctionnalités Facebook pourrait offrir. Bientôt les gens se joignaient à Facebook juste parce que tout le monde avait rejoint Facebook.

Alors que la guerre des plateformes mobiles aller se développe, les écosystèmes de Google et Apple pourraient être en mesure de coexister à long terme et générer de gros profits et de l’innovation pour les deux entreprises. Mais compte tenu de l’histoire récente, ils devront se battre comme si cela ne se passera pas de cette façon. « C’est comme la bataille pour les monopoles que les acteurs du câble et les acteurs du téléphone ont connu il y a 30 à 40 ans », a déclaré Jon Rubinstein , le dirigeant de longue date d’Apple et ancien PDG de Palm. « C’est la prochaine génération de tout cela. Tout le monde – Apple, Google , Amazon et Microsoft – tente de construire son pré-carré et le contrôle de l’accès au contenu. C’est vraiment une grosse affaire. » Et ce n’est pas le genre de chose où Apple ou Google peuvent se permettre de se tromper. » [Pages 142-145]

Du street art à l’EPFL – or not Street Art?

L’EPFL organise une très jolie exposition de Street Art à l’occasion de l’inauguration de son nouveau centre des congrès. Si je pose la question « or not Street Art? » c’est parce qu’en général le street art n’est pas autorisé. Mais cela n’enlève rien au charme des oeuvres et la qualité des artistes. les lecteurs de ce blog se demanderont peut-être où est le rapport avec les start-up. Il n’y en a pas, mais j’aime ce domaine comme vous pourrez le voir en suivant le tag Art Urbain. Tout cela risque d’être éphémère., c’est un « work in progress » alors profitez des jours à venir… Voici le lien de l’exposition Art On Science.

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Leon Keer et son site Streetpainting 3D

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Work in Progress…

Zebrating et son site Zebrating-Art

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Work in Progress…

Edgar Mueller et son site Metanamorph
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Work in Progress…

Truly Design Studio et leur site Truly Design
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Work in Progress…

Plus à suivre au fur à mesure de leur apparition… J’ai aussi remarqué d’autres icônes dans un style similaire, mais n’appartenant pas à l’exposition. Deux invaders…
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Mon collègue Pascal qui sait tant de choses sur l’EPFL (:-)) m’a expliqué que ces jolis petits invaders furent créés pour un événement en 2010. Voici le lien Objectif Science – 2010 et la collection entière:

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et quelques confrères.
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Du vrai Street Art pour finir?
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Un combat acharné : comment Apple et Google sont partis en guerre et ont lancé une révolution

Je lisais Dogfight: How Apple and Google Went to War and Started a Revolution dans les transports en commun, ce matin, lorsque j’ai pris une courte pause et regardé les deux jeunes gens en face de moi. Ils utilisaient tous deux leur iPhone et j’ai pensé à cette révolution qui a eu lieu en moins de 10 ans. Peu ou pas de livres numériques aux alentours, plus du tout de journaux et quelques vieux comme moi lisant encore des livres. Mais la plupart utilisaient leur smartphone…

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Dogfight décrit les coulisses du théâtre d’une bataille de géants (je ne suis pas sûr que ce soit une guerre) entre l’Android de Google et l’iPhone d’Apple. Pas besoin de donner un résumé de ce livre, mais quelques anecdotes. Par exemple Fred Vogelstein écrit (page 13): « Une chose à laquelle je ne m’attendais pas quand je me suis lancé dans ce projet est à quel point il est difficile de concevoir et de produire ce que Steve Jobs aimait tirer négligemment de sa poche sur scène. Que vous soyez un ingénieur d’Apple, un ingénieur de Google, ou n’importe quel ingénieur, développer les produits qui changent le monde n’est pas seulement un travail. C’est une quête. Non seulement elle fatigue ses participants comme peut le faire tout travail intense, mais elle les laisse mentalement et physiquement épuisés – et même traumatisés – à la fin. Une partie de l’attraction de Jobs en tant que leader et célébrité était qu’il cachait tout cela avec succès de la vue du public. Il a fait croire que l’innovation est simple et aisée. […] Avant qu’il y ait les smartphones et les tablettes que nous achetons maintenant et considérons comme acquis, il y eut des cris, des hurlements, des coups bas, du découragement, de la panique et de la peur pour que ces projets aboutissent. »

Vogelstein montre également la (basse) politique et les luttes internes telles que celle entre Tony Fadell et Scott Forstall.

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Sur les épaules des géants …

La politique existe également chez Google et il y avait la même tension entre l’équipe dirigée iPhone par Vic Gundotra et l’équipe Android dirigé par Andy Rubin . La lutte atteignit les plus hauts sommets de Apple et Google , entre JOvs et le triumvirat Schmidt, Page & Brin.
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Andy Rubin , responsable d’Android, Vic Gundotra, responsable du social, Sundar Pichai, chef de Chrome en 2011.

Il semble que Google fut embarrassés par l’attitude de Jobs (page 102): « Ils croient qu’il y a très peu de premières dans la Silicon Valley – que toutes les innovations sont construites sur les épaules des autres […] Un élément de preuve utilisé par les Googlers pour faire valoir leur point de vue lors de leurs négociations avec Jobs était une vidéo de 1992 de James Gosling, un célèbre ingénieur de Sun Microsystems et inventeur du langage de programmation Java, montrant le STAR7. Cet appareil de poche assez rudimentaire avait une radio de 200KB, un écran LCD couleur de quatre pouces et les haut-parleurs d’une Game Boy Nintendo. Avant que quiconque à l’exception des cadres les plus riches aient eu un téléphone mobile ou vu un ordinateur de poche comme le Newton, Gosling avait brandi une machine non seulement avec un écran tactile, mais avec un défilement à inertie. Plus vous appuyiez sur l’écran, plus les informations défilaient rapidement ».

… Jobs et Dieu

La plupart des gens de la Silicon Valley étaient (et sont encore) fascinés par Jobs. Vic Gundotra appartient à ce groupe (page 98): « Un dimanche matin, le 6 Janvier 2008, je participai à un service religieux quand mon téléphone portable vibra. Le plus discrètement possible, je vérifiai mon téléphone et je lus « Appel inconnu ». Je choisis de l’ignorer. Après le service, alors que je marchais vers ma voiture avec ma famille, j’appelai ma messagerie. L’appel venait de Steve Jobs. « Vic, peux-tu m’appeler à la maison? J’ai quelque chose d’urgent à discuter ». Avant même d’arriver à ma voiture, je rappelai Steve Jobs. J’étais responsable de toutes les applications mobiles de Google, et dans ce rôle, j’ai eu des relations régulières avec Steve. C’était un des avantages de l’emploi. « Hey Steve – c’est Vic », lui dis-je. « Je suis désolé, je n’ai pas répondu à votre appel plus tôt. J’étais à l’office religieux, et l’identification de l’appelant marquait « inconnu », et je n’ai pas réagi ». Steve rit.  » Vic, à moins que l’identification de l’appelant te dise « Dieu », il ne faut jamais répondre pendant l’office ». J’ai ri nerveusement. Après tout, s’il était d’usage que Steve appelle dans la semaine quand il était contrarié par quelque chose, il était inhabituel pour lui de m’appeler le dimanche et me demander de rappeler chez lui. Je me demandais ce qui était si important? « Donc, Vic , nous avons un problème urgent, que je dois résoudre immédiatement. J’ai déjà nommé quelqu’un de mon équipe pour vous aider, et j’espère que vous pouvez résoudre ce problème demain », a déclaré Steve. « J’ai regardé le logo Google sur l’iPhone et je ne suis pas heureux de l’icône. Le second O dans Google n’a pas le bon gradient de jaune. Ce n’est tout simplement pas bon et Greg va réparer tout cela demain. Est-ce que vous êtes d’accord? » Bien sûr que j’étais d’accord!. Quelques minutes plus tard, ce dimanche-là, je reçus un courriel de Steve avec le sujet « Ambulance Icône ». Le courriel me dirigeait vers Greg Christie pour réparer l’icône. Depuis que j’ai 11 ans et que je suis tombé amoureux d’un Apple II, j’ai des dizaines d’histoires à raconter sur les produits Apple. Ils ont été une partie de ma vie depuis des décennies. Même en travaillant pendant 15 ans pour Bill Gates chez Microsoft, j’avais gardé une énorme admiration pour Steve et ce que Apple avait produit. En définitive, quand je pense au leadership, à la passion et à l’attention au détail, je repense à l’appel que j’ai reçu de Steve Jobs un dimanche matin de Janvier. C’était une leçon que je n’oublierai jamais. Les PDG devraient se soucier des détails. Même des nuances de jaune. Un dimanche. A l’un des plus grands dirigeants que j’ai jamais rencontré, mes prières et mes espoirs sont avec vous Steve ».

Plus à venir peut-être quand j’aurai fini de lire ce combat de chien …

Quand Peter Thiel parle des start-up – Humain après tout

Comme vous l’avez remarqué si vous avez lu mes posts précédents, j’ai été très impressionné par les notes de Peter Thiel sur les start-up. J’ai écrit 7 longs articles. J’avais été impressionné de la même manière par Mariana Mazzucato et son État entrepreneurial, même si avec 5 posts seulement!

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Je l’ai dit déjà, j’aurais aimé assister à leur débat dans quelques jours à la conférence Humain après tout, Toronto 2014. Mais apparemment, ils ne participent plus à la même table ronde… (Après avoir lu ce qui suit, je vois que Taleb aurait été un excellent ajout).

– Il discutera du thème « L’économie de l’ incertitude radicale ».
Comment les êtres humains réagissent vraiment face à des conditions de véritables « inconnus non-connus »? Selon Frank Knight, « l’incertitude doit être prise dans un sens radicalement distinct de la notion familière de risque, dont elle n’a jamais été correctement séparée… Le problème essentiel est que « le risque », dans certains cas, est une quantité mesurable, tandis qu’à d’autres moments, il est d’une nature tout à fait différente, et ces différences peuvent être extrêmes et cruciales pour certains phénomènes… il semble que l’incertitude mesurable, ce qui est le risque, tel que nous allons utiliser le terme, est bien différente d’une incertitude incommensurable qui n’est du coup pas du tout une incertitude. « La littérature économique depuis Knight a très bien explicité la facilité avec laquelle les marchés ont tendance à sous-estimer et sur-estimer ces points fondamentaux. Cependant, l’économie ne répond pas adéquatement aux conséquences de l’incertitude « Knightienne », parce que la discipline a du mal à modéliser ce phénomène. Pour obtenir une pleine mesure de cela, il faut entrer dans le domaine de la psychologie et des neurosciences. C’est là que se trouve la définition. L’incertitude radicale, comme beaucoup d’autres concepts, est trop importante pour être laissée à la seule sphère économique.

– Elle fera partie de la table ronde « Innovation : les retours privés produisent-ils les retours sociaux dont nous avons besoin ? »
Les premières machines ont remplacé et multiplié le travail physique des humains et des animaux. Les machines qui suivront remplaceront et multiplieront notre intelligence. La force motrice de cette révolution, soutiennent les « techno-positivistes », accroîtra la puissance de l’informatique (ou réduira son coût) de manière exponentielle. L’exemple célèbre est la loi de Moore, du nom de Gordon Moore, fondateur d’Intel. Depuis un demi-siècle, le nombre de transistors sur une puce semi-conductrice a doublé au moins tous les deux ans. Mais l’âge de l’information a coïncidé avec – et doit, dans une certaine mesure, avoir causé – des tendances économiques défavorables: stagnation des revenus médians réels; inégalité croissante des revenus du travail et de la répartition des revenus entre le travail et le capital, et chômage de plus en plus long. Les gains importants en richesse et la prospérité matérielle créée par nos entrepreneurs est-elle suffisante pour produire les rendements sociaux souhaités demandés dans le monde d’aujourd’hui ?

Les start-up sont un domaine idéal pour étudier la tension entre les individus et la société. Une sorte de nouvelle manière d’aborder le problème de la poule et l’oeuf… En effet, elles pourrait expliquer l’écart croissant entre les Etats-Unis et l’Europe dans de nombreuses dimensions. Mazzucato serait sur ​​du côté du collectif, Thiel plus proche de l’individuel. Mais il n’y a pas de provocation ou de caricature dans cette classification. Les pensées de Thiel et Mazzucato sont profondes. Je suis d’accord avec la plupart de ce qu’ils disent, en désaccord sur des sujets mineurs, bien que la plupart des gens pourraient penser que leur pensée ne peut être conciliée. Je pense vraiment que la combinaison de leur point de vue est une approche intéressante pour comprendre que sont l’innovation et ses enjeux …

PS (8 mai 2014): Je viens de trouver cette vidéo de Thiel à SXSW.

Quand Peter Thiel parle des start-up – partie 7: la chance et l’indertitude.

Voici mon dernier post sur ​​les notes de cours de Thiel à Stanford et il s’agit de sa classe 13 – la chance. Maintenant je dois attendre son livre soit publié…

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J’aime les accidents. Je l’ai mentionné dans un post qui n’a rien à voir avec les start-up (lié au Street Art). L’accident ici est amusant: j’avais totalement oublié de copier – coller la classe 13 de Thiel et c’est seulement quand j’ai commencé à lire la classe 14 que j’ai remarqué mon erreur. Maintenant, permettez- moi de citer Thiel: « Notez que c’est la classe 13 . nous n’allons pas faire comme les gens qui construisent des bâtiments sans 13ème étage et sautent par superstition de la classe 12 à 14. La chance n’est pas quelque chose à contourner ou à craindre. Nous avons donc la classe 13. Nous dominons la chance. » Étrange, non? Je me devais d’appeler cette dernière partie, la partie 7 …

Alors qu’est-ce Thiel dit de la chance ? Eh bien, c’est un sujet très débattu, comme je l’ai vécu dans mon activité à l’EPFL. Thiel ressent la même chose. Il commence par: « La grande question philosophique sous-jacente est de savoir si les start-up ont beaucoup de chance quand elles réussissent. Si importante que soit la question de la chance face à la compétence, cependant, il est très difficile d’obtenir une réponse. Les outils statistiques ne veulent rien dire si vous avez une taille d’un échantillon. Ce serait génial si vous pouviez faire des expériences. Lancer Facebook mille fois dans des conditions identiques. Si cela fonctionne 1000 fois sur 1000, vous pourriez conclure qu’il n’était question que de compétences. Si cela fonctionnait juste une fois, vous concluriez que c’était un coup de chance. Mais, évidemment, ces expériences sont impossibles » et d’ajouter la célèbre phrase de Thomas Jefferson: « Je suis un grand croyant en la chance, et je trouve que plus je travaille, plus elle me sourit ».

Thiel n’est pas tellement intéressé par la chance autant que par le déterminisme contre l’indéterminisme. « Si vous croyez que l’avenir est fondamentalement indéterminé, vous irez vers la diversification. […]. Si l’avenir est déterminé, il fait beaucoup plus de sens d’avoir des convictions fermes. […] Superposez cette dynamique diversification / convictions avec la question optimisme / pessimisme et vous obtenez plus de raffinement. Que vous regardiez vers l’avenir ou en ayez peur fait une grande différence. Et voici sa vision du monde:

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Avec une illustration encore plus surprenante (et tout à fait convaincante si vous lisez Thiel)

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« Mais l’avenir indéterminé est en quelque sorte celui dans lequel probabilités et statistiques sont la modalité dominante pour donner un sens au monde. Les courbes en cloches et les marches aléatoires définissent ce à quoi l’avenir va ressembler. Un argument pédagogique est que les écoles secondaires devraient se débarrasser du calcul classique et le remplacer par les statistiques, qui sont vraiment importantes et réellement utiles. Il y a un courant de pensée important selon lequel les statistiques vont influencer l’avenir ».

Mais ici, je serais ravi de demander à Peter Thiel ce qu’il fait des cygnes noirs s’il croit au « 0 à 1 » plus qu’au « 1 à n ». Le « 1 à n » appartient aux statistiques, pas le « 0 à 1″… (relisez ma partie 1 si je suis incompréhensible!)

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Thiel aime les idées folles, comme le projet de Reber pour la région de San Francisco dans les années 1940 (voir ci-dessus). Il croit aussi encore dans la finance, malgré ses excès: « Dans un avenir à l’optimisme déterminé, vous créez des villes sous-marines et des villes dans l’espace. Dans un monde à l’optimisme indéterminé, vous obtenez la finance. Le contraste ne pourrait pas être plus prononcé. La grande idée de la finance est que le marché boursier est fondamentalement aléatoire. Ce n’est que mouvement brownien. Tout ce que vous pouvez savoir, c’est que vous ne pouvez rien savoir quoi que ce soit. C’est alors une question de diversification. Il existe des moyens astucieux pour combiner divers investissements pour obtenir des rendements plus élevés et à faible risque, mais vous ne pouvez repousser la frontière. Vous ne pouvez pas savoir quelque chose de substantiel sur aucune entreprise spécifique. Mais le monde doit rester optimiste, la finance ne fonctionne pas si vous êtes pessimiste. Vous devez supposer que vous allez faire de l’argent. […] L’indétermination a réorienté les idées des investisseurs. Alors qu’auparavant les investisseurs avaient des convictions, aujourd’hui, ils se concentrent sur la gestion des risques. Le capital-risque a été la victime de ce même phénomène. Au lieu d’avoir des idées bien formées sur l’avenir, la grande question aujourd’hui est de savoir comment avoir accès à de bons tuyaux. En théorie du moins, le VC devrait avoir très peu en commun avec une telle approche statistique de l’avenir. »

Et il sera peut-être d’accord avec Mariana Mazzucato lors de son débat à venir avec elle (lors de la conférence Human After All, Toronto 2014 – programme en pdf): « La taille du gouvernement n’a pas changé tant que ça dans les 40-50 dernières années. Mais ce que fait le gouvernement a radicalement changé. Dans le passé, le gouvernement prenait position sur des idées spécifiques et les implémentait. Pensez au programme spatial. Aujourd’hui, le gouvernement ne fait plus autant de choses spécifiques. Principalement il déplace seulement de l’argent de certaines personnes vers d’autres personnes. Que faites-vous à propos de la pauvreté ? Eh bien, nous ne savons pas. Donc, nous allons donner tout l’argent aux gens, en espérant que cela aide, et laissons-les découvrir ».

Darwinisme et design.

Et tout à coup, dans le fil de la lecture sur la chance, Thiel me surprend encore! De toute évidence, l’optimisme indéterminé peut être facilement lié à la théorie de l’évolution de Darwin. Les accidents arrivent, mais il y a une évolution positive générale. « Appliquée aux start-up, l’obsession de l’indétermination conduit aux phénomènes suivants:
• des tests darwinistes A/B
• des processus itératifs
• l’apprentissage automatique
• pas de réflexion sur l’avenir
• des horizons de temps court. »

Il s’agit là de messages typiques d’un Steve Blank ! Mais Thiel envisage une autre possibilité: « Apple est l’antithèse absolue de la finance. Apple fait du design délibéré à tous les niveaux. Il y a bien sûr sa manière de concevoir les produits. La stratégie de l’entreprise est bien définie. Il existe des plans précis, pluriannuels. Les choses sont méthodiquement déployées. » (Je ne pense pas que Thiel face allusion aux théories du design intelligent qui s’opposent au Darwinisme, mais la coïncidence est un peu déroutante !)

« Dans la foulée d’Apple, a émergé l’idée que les produits bien conçus étaient très importants. Airbnb, Pinterest, Dropbox et Path ont tous ont tous un côté anti-statistique. […] Ce point commun – la conception de qualité – semble fonctionner mieux et plus vite que les tests darwinistes A/B ou la recherche itérative dans un très grand espace de possibilités. Le retour de la conception contribue pour une grande part au courant allant à l’encontre de la philosophie dominante de l’indétermination. S’ajoute à cela l’observation que les entreprises avec de très bons plans, généralement, ne se vendent pas. Si votre start-up obtient de la traction, les gens feront des offres d’achat. Dans un monde indéterminé, vous vous vendez et vous prenez l’argent, parce que l’argent est ce que vous voulez. […] Mais lorsque les entreprises ont des plans précis, ces plans encouragent à ne pas vendre. […] Dans un monde indéfini, les investisseurs donnent aux plans secrets une valeur nulle. Mais dans un monde déterminé, la robustesse du plan secret est l’un des paramètres les plus importants. […] Il est important de noter que vous pouvez toujours bâtir un plan précis, même dans le plus indéfini des mondes. […] La tendance est que nous tombons plutôt vers le pessimisme. Mais alors pouvons-nous encore revenir à l’optimisme déterminé? »

Ceci conclut mes notes sur la vision assez extraordinaire de Thiel sur les start-up.

Quand Peter Thiel parle des start-up – partie 6: l’exceptionnalité des fondateurs, la singularité des technologies.

Thiel conclut ses notes de cours (CS183 – Stanford, printemps 2012) par des considérations philosophiques sur l’unicité des fondateurs (classe 18) et la singularité de la technologie (classe 19). Les fondateurs sont un sujet que j’ai régulièrement couvert ici, par exemple dans European Founders at Work ou Founders at Work.

Encore une fois Thiel présente des idées insolites et stimulantes sur les fondateurs, qu’il voit comme une combinaison « d’outsiders extrêmes et d’initiés extrêmes ».
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ce qu’il renforce par ce cercle vertueux / vicieux :
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Si ce n’est pas clair , deux exemples peuvent aider:
– « Tous [ces] questions s’appliquent à Bill Gates. Était-ce la nature ou la culture? Il a été éduqué à Harvard mais est devenu un outsider en abandonnant l’université. Il portait de grosses lunettes. Est-il devenu un nerd involontairement ? A t-il prospéré en accentuant sa « nerdiness »? C’est difficile à dire. »
– « Et puis il y a le cas de Steve Jobs. […] Il avait tout de l’outsider extrême classique et des traits d’initié extrême. Il a abandonné ses études. Il était excentrique et pratiquait tous ces régimes fous. Il avait développé des téléphones illégaux avec Steve Wozniak. Il avait pris du LSD. »

Thiel est convaincant quand il explique que la start-up n’est pas une démocratie. Les fondateurs sont rois, et dans doute Thiel a-t-il sété influencé par René Girard à Stanford puisqu’il développe ensuite une théorie de boucs émissaires. Le dieu peut devenir une victime.
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Thiel est un peu court sur ​​le cas du double fondateur: « Le cas du double fondateur doit être noté. Les co-fondateurs semblent rencontrer beaucoup moins de problèmes que la situation plus déséquilibrée du fondateur unique. egardez Hewlett et Packard, Moore et Noyce, et Page et Brin. Il y a toutes sortes d’avantages théoriques à avoir plusieurs fondateurs tels que plus de puissance de réflexion, de collaboration, etc. Mais la vraie différence entre un seul fondateur ou plus est qu’avec plusieurs fondateurs, il est beaucoup plus difficile d’identifier un bouc émissaire. Est-ce Larry Page ? Ou est-ce Sergey Brin ? Il est très difficile pour un groupe de s’unir contre plusieurs personnes – le bouc émissaire doit être seul. Plus le fondateur est singulier et isolé, plus dangereux phénomène de bouc émissaire. Pour le sceptique incliné à voir la fiction déguisée en vérité, cela soulève des questions intéressantes. Page et Brin sont-ils, par exemple, vraiment égaux ? Ou est-ce une stratégie pour plus de sécurité ? Nous allons laisser ces questions sans réponse et de toute façon très peu abordées ».

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La vision de Thiel (ainsi que les visions de ses invités – je les ai mélangées ici) sur la technologie a été mentionneé dans mon post précédent. Encore une fois, c’est tout à fait fascinant. « Les gens ont tendance avoir une certaine vision de l’avenir. Ils projettent souvent une relative stagnation. Les gens ont tendance à croire que, non seulement la plupart des choses ne changera pas, mais ce qui va changer ne changera pas très vite. » Mais « il y a des arguments convaincants que nous allons très probablement voir des progrès extraordinaires ou accélérés dans les décennies à venir. »

Un invité : « Mon point de vue est que l’innovation vient de deux endroits : de haut en bas et de bas en haut . Il y a une énorme communauté de bricoleurs. Ces amateurs travaillent dans les laboratoires qu’ils mettent en place dans leurs cuisines et les caves. À l’autre extrémité du spectre, vous avez le DARPA qui dépense des tonnes d’argent. Les scientifiques parlent aux uns et aux autres dans différents pays et collaborent. Cette inter-connectivité compte. Toutes ces interactions en fin de compte apporteront le changement .

Un autre invité : « Je suis en désaccord. Il y a très peu de gens visionnaires qui peuvent faire une réelle différence en amont C’est pourquoi les leaders d’opinion traditionnels sont absolument cruciaux. Aucun autre groupe de personnes ne pourrait faire davantage pour les technologies radicales. En maîtrisant la réticence du public et en influençant le discours, ces personnes peuvent stimuler tout un chacun à construire la technologie. Si nous changeons l’opinion publique, les grands visionnaires pourront agir. »

Le troisième invité : « Je ne pense pas que le progrès viendra de haut en bas ou de bas en haut, vraiment. les bienfaiteurs qui se concentrent sur une chose, comme Paul Allen, font certainement de bonnes choses. Mais ils ne poussent pas vraiment sur ​​l’avenir, ils changent la conviction que l’avenir peut venir plus vite. Le sentiment est que ces gens ne sont pas vraiment en coordination suffisante les uns avec les autres. Historiquement, les grandes approches planifiées n’ont pas fonctionné. Et l’approche « bottom-up » ne fonctionne généralement pas non plus. C’est au milieu que se provoque le changement, avec des tribus comme les Quakers, les pères fondateurs, ou la Royal Society. Ces groupes efficaces se comptaient en dizaines de membres ou en petites centaines. Ce n’est presque jamais le génie isolé travaillant en solo. Et ce n’est presque jamais le ministère de la Défense ou une grande institution. Vous avez besoin de dépendance et de confiance. Ces traits ne peuvent pas exister chez une seule personne ou parmi des milliers ».

Peter Thiel : « Voici trois opinions différentes sur ce qui modifie l’avenir: une combinaison bottom-up et top-down, les leaders d’opinion sociale et les tribus. »

Pour être honnête, je suis plus convaincu par son analyse des fondateurs que des technologies. Sa conclusion mérite elle d’être lue comme source d’inspiration: « Ce cours a été en grande partie une analyse du concept de 0 à 1. Nous avons beaucoup parlé de la façon de créer de nouvelles technologies, et comment des technologies radicalement meilleures peuvent mener à la singularité. Mais nous pouvons appliquer le cadre de 0 à 1 de façon plus large que cela. Il y a quelque chose de singulier et d’important dans chaque nouvelle qui vient au monde. Il y a une mini-singularité à chaque fois que vous démarrez une entreprise ou que vous prenez une décision qui touche à votre vie. Dans un sens très profond, la vie de chaque personne est une singularité. La question évidente est ce que vous devriez faire avec votre singularité. La réponse évidente, malheureusement, a été de suivre un chemin bien tracé. Vous êtes constamment encouragés à jouer la sécurité et rester classique. L’avenir, nous dit-on, est fait seulement de probabilités et de statistiques. Vous êtes une statistique. Mais la réponse évidente est erronée. C’est de la courte vue. Les processus statistiques, la loi des grands nombres et la mondialisation – ces choses sont intemporelles, probabilistes et peut-être aléatoires. Mais, comme la technologie, votre vie est un récit d’événements ponctuels De par leur nature, des événements singuliers sont difficiles à enseigner ou généraliser. Mais le grand secret c’est qu’il y a beaucoup de secrets à découvrir. Il y a encore beaucoup de grands espaces blancs sur la carte de la connaissance humaine. Vous pouvez aller les découvrir. Donc faites-le. Sortez et remplissez les espaces vides. Chaque moment est une possibilité d’aller vers de nouveaux lieux et de les explorer. Il n’y a sans doute pas de bon moment pour lancer votre entreprise ou changer votre vie. Mais certains moments semblent plus propices que d’autres. C’est maintenant le moment. Si nous ne nous prenons pas en charge et ouvrons la voie de l’avenir – si vous ne prenez pas en charge votre vie – il y a le sentiment que personne ne le fera. Alors, allez trouver une frontière et allez-y. Choisissez de faire quelque chose d’important et de différent. Ne soyez pas découragés par les notions de chance, d’impossibilité, ou d’échec. Utilisez votre pouvoir de façonner votre propre vie et aller et faire de nouvelles choses ».

En lisant ces dernières lignes, je me suis souvenu de la conclusion de mon livre: Je me suis alors souvenu de la lecture d’un essai que Wilhelm Reich, le grand psychanalyste, rédigea en 1945 : « Écoute, Petit Homme » est un magnifique essai, petit par la taille, grand par l’inspiration. « Je vais te dire quelque chose, petit homme : tu as perdu le sens de ce qu’il y a de meilleur en toi. Tu l’as étranglé. Tu l’assassines partout où tu le trouves dans les autres, dans tes enfants, dans ta femme, dans ton mari, dans ton père et dans ta mère. Tu es petit et tu veux rester petit. » Le petit homme, c’est vous, c’est moi, c’est nous. Le petit homme a peur, il ne rêve que de normalité, il est en nous tous. Le refuge vers l’autorité nous rend aveugle à notre liberté. Rien ne s’obtient sans effort, sans risque, sans échec parfois. « Tu cherches le bonheur, mais tu préfères la sécurité, même au prix de ta colonne vertébrale, même au prix de ta vie. »