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La fin d’une aventure de la Silicon Valley

Je viens de lire ce matin un article sur l’ acquisition de Magma par Synopsys pour $507M. Bien souvent, une telle acquisition semblerait être un succès. Je ne suis pas sûr que ça soit le cas ici…

L’EDA est une industrie que j’apprécie car elle décrit parfaitement les dynamiques du monde des start-up. Je ne vias pas entrer dans les détails ici mais vous pouvez lire mes contributions passées sur le sujet. J’ai aussi eu la chance de rencontrer les deux fondateurs et CEO, (tous les deux migrants de la Silicon Valley – SV) Aart de Geus et Rajeev Madhavan, deux légendes de l’EDA, pour ne pas dire de la Silicon Valley. Laissez moi vous donner quelques extraits de mon livre, en date de 2007.

« Le seul succès récent s’appelle Magma Design Automation. Son fondateur, Rajeev Madhavan a étudié dans son pays natal, en Inde, puis au Canada. Il a déjà fondé avec succès deux start-up : LogicVision (vendue à Synopsys) puis Ambit (vendue à Cadence). Il pourrait s’en satisfaire. Magma va être sa nouvelle aventure. »

De plus, il faut ajouter que Andy Bechtolsheim, une autre légende de la SV, fut un business angel dans Magma, avec un montant investi digne d’un VC.

« Il est trop tôt encore pour parler de l’avenir de Magma et de sa capacité à devenir un très grand. Quelques nuages se profilèrent à l’horizon toutefois. Les litiges dans la Silicon Valley ne sont pas monnaie courante. Mais le monde de l’EDA a connu quelques cas célèbres. … Au début de l’année 2005, Synopsys et Magma se retrouvèrent dans une histoire similaire quant au rôle d’un des fondateurs de Magma et quant à l’appartenance de certains brevets. La valorisation de Magma chuta du jour au lendemain et elle ne retrouva sa valeur d’alors qu’avec la résolution du litige en 2007. »

Plus tard le stock souffrit à nouveau comme le montre la courbe ci-dessous.

« Costello se plaint amèrement d’un changement culturel de la région, une plus grande âpreté au gain, trop de litiges. Des start-up ambitieuses nées à la fin des années 90, seule Magma a réussi à passer les premiers obstacles. Il reste encore à Magma à prouver qu’elle peut devenir un grand du domaine. Disparaîtra-t-elle comme Quickturn et Avant! avant elles ou va-t-elle devenir un géant ? Aucune nouvelle société ne semble vraiment capable de menacer les joueurs établis. Dans le monde instable, dynamique, innovant qu’est la Silicon Valley, ce n’est pas une bonne nouvelle. »

Il ne reste que trois grands acteurs de l’EDA, Synopsys, Cadence et Mentor. Aucune start-up ne semble capable de menacer le statu-quo et le marché n’est plus vraiment en croissance. Ceci n’est en effet pas une bonne nouvelle.

PS: Juste pour mémoire et parce que je fais aussi l’exercice régulièrement, voici les données de Magama lors de son IPO. Notez que sa valorisation n’est pas très différente de l’offre d’achat en 2011…

Le retour de l’EDA? Apache veut entrer en bourse.

Comme vous l’avez noté si vous lisez ce blog, les volontés d’entrées en bourse s’empilent. La dernière en date (à ma connaissance) est celle d’Apache Design Solutions et cela m’intéresse car j’ai consacré un chapitre de mon livre au domaine de la conception de circuits électroniques (en anglais Electronic Design Automation (EDA) dans lequel Apache est active, et je suis de temps à autre le domaine de l’EDA sur ce blog.

L’EDA est un marché intéressant car il a atteint une certiane maturité et qu’on peut en étudier les dynamiques depuis presque 30 ans. J’y reviens à la fin de cet article. Mais tout d’abord Apache. John Cooley sur son site DeepChip donne un excellent descriptif de la société à travers A brief history of Apache and its IPO.

Voici donc ma table de capitalisation habituelle. Il aura fallu dix à Apache pour être mure pour une IPO, malgré la bonne profitabilité de la start-up depuis de nombreuses années. Pas d’investisseurs célèbres (quoi que… Intel, Bechtolsheim), des revenus et des bénéfices solides. Cela montre à quel point le secteur de la high-tech a souffert. De telles start-up auraient été cotées depuis longtemps, il y a dix ans. D’ailleurs Cooley note qu’il n’y a pas eu d’IPO dans l’EDA depuis 2001.

Et le marché de l’EDA? La dernière IPO en 2001, fut celle de Magma. Je vous laisse regarder toutes ces données et juger par vous-même.


Figure 1 – marché et acteurs de l’EDA 1983, – 2010.


Figure 2 – marché et acteurs de l’EDA, 1983 – 2010.


Table 1 – marché et acteurs de l’EDA, 1983 – 2010 (Revenus en $M).

Les chiffres 2010 pour Magma et le total sont des hypothèses car ils ne sont pas encore connus à ce jour.

Les Bons Vieux Jours

Deux articles on attiré mon attention ces derniers jours. L’un est intitulé Frank Quattrone, Star Banker of Technology Ventures, Talks Wistfully of the Good Old Days—Before Netscape’s IPO.

L’autre est moins nostalgique et je vous passe la traduction du titre du site, que je trouve amusante: You’re in Deep Chip Now.

En voici le contenu:

Je ne vais pas commenter cette info, mais je reviens brièvement sur Quattrone. Quattrone était une des stars du monde des IPOs comme vous pourrez le lire sur ce post de Xconomy. Ce qui est frappant est que depuis 8 ans, depuis l’éclatement de la bulle internet, il y a (beaucoup) moins de capital-risque et d’IPOs. Les causes en sont multiples. Mais la question principale est pour moi la suivante: faisons-nous face à une crise majeure de l’innovation? Les années 60 avaient donné le transistor et l’industrie du semiconducteur date de ces années-là, puis vint l’ordinateur dans les années 70, le PC dans les années 80, puis l’Internet et les communications mobiles dans les années 90. Mais que nous ont donné les années 2000? Sans parler de la décennie à venir… je n’ai pas de réponse. Et vous?

Un européen dans la Silicon Valley, Aart de Geus

Voici ma quatrième contribution à Créateurs, la newsletter genevoise, qui m’a demandé d’écrire une série de courts articles sur des start-up célèbres et leurs fondateurs. Après Femmes Entrepreneurs, Adobe et Genentech, voici donc un article sur Aart de Geus, fondateur de Synopsys.

Aart de Geus est né aux Pays-Bas en 1954. A l’âge de 4 ans, il arrive avec ses parents en Suisse romande et en 1978, il reçoit son diplôme de l’EPFL. Il quitte ensuite la Suisse pour les Etats Unis où il obtient son PhD au Texas. Après quelques années chez General Electric (GE), il fonde Synopsys en 1986, lève $15M de capital-risque avant que Synopsys n’entre en bourse en 1994. En 2008, Synopsys compte plus de 5’600 employés, des ventes de $1.3 milliard et une capitalisation boursière de $3 milliards.

Selon lui, « tout européen qui va en Amérique du Nord est en quête ». Lorsqu’il arrive aux Etats-Unis, il considère que sa grande chance fut de se trouver un mentor. Ron Rohrer, son directeur de thèse, « m’a donné la latitude de faire ce que je voulais. » Il apprit à gérer une équipe d’étudiants, un savoir faire qu’il transformera en style de management. « Les membres d’une équipe s’appuient les uns sur les autres, il y a un rôle spécifique pour chacun, ce qui contribue à cet écosystème qui s’entretient de lui-même ». Chance autant que destin, reconnait-il.

Il montre la difficulté de prédire l’avenir dans les hautes technologies par une autre anecdote. « En 1978, j’assistai à une conférence en Suisse qui réunissait les leaders de la microélectronique. Ils étaient tombés d’accord sur deux choses. Point no1, l’électronique allait devenir une industrie majeure. Point no2, passer la barrière du micron serait le défi majeur de cette industrie émergente. Et ce sont les mêmes personnes qui firent ces prédictions qui, 20 ans plus tard, travaillent à 22 nanomètres (0,02 micron) », ajoute-t-il en riant. « La morale de tout ceci est qu’à chaque fois que l’on prédit la fin de quelque chose en high-tech, il y aura toujours un tournant ou une nouvelle perspective qui permettra un nouveau progrès. »


Aart de Geus, un entrepreneur né ?

L’art de la métamorphose…

Il est un adepte de la complexité et de la métamorphose. Tout compte et tout change. Aux débuts d’une start-up, ce sont les idées et les personnes qui comptent. « Je travaillais chez GE et j’ai du me poser une question éthique : pouvais-je développer mes idées dans une start-up. Après tout, il s’agissait de leur propriété intellectuelle. » La réponse fut trouvée en posant la question à sa hiérarchie. GE lui donna non seulement l’autorisation, mais investit dans la start-up. L’argent et les valeurs sont deux autres ingrédients essentiels dès le début.

Mais bientôt il s’agit de transformer le bébé. L’adolescence va passer par les produits, les clients, les ventes. Se sent-il chanceux d’avoir réussi à passer cette crise ? « La chance sourit à ceux qui sont préparés. Il y a une combinaison fortuite de géographie, de personnes (étudiants, managers), de modèle d’affaires viable et de marketing adapté sans oublier de disposer de la bonne technologie au bon moment. »


De retour à l’EFPL en 2007.

… au risque de la fossilisation !

L’âge adulte passe par la mise en place de processus, de managers expérimentés, mais il faudra avoir passer ces tempêtes adolescentes si bien décrites par Geoffrey Moore dans « Inside the Tornado ». Il résume ces métamorphoses continues par la capacité à gérer en parallèle les équipes, les clients, les investisseurs, les produits, leurs cycles de vie, mais aussi les managers, la direction, l’implémentation. Toutes ces choses sont interdépendantes et on fait souvent l’erreur de le négliger. Dans la présentation qu’il fit à l’EPFL en 2007, il présenta la liste des acquisitions faites par Synopsys depuis sa fondation sous la forme animalesque montrée ici. Le sens de l’humour est peut-être un ingrédient utile. Sens de l’humour qui cache l’humilité de celui qui a réussi sans donner de leçons. S’il y a une leçon à retenir, c’est qu’il faut essayer, être curieux et s’adapter. Le succès sera peut-être sur le chemin.

Pour finir, les habituels table de capitalisation et camemberts

Références :
-Aart de Geus à l’EPFL (vpiv.epfl.ch)
-Peggy Aycinena (www.eetimes.com)
The Aart of Analogy is alive and well at Synopsys -2001
The Aart of Analogy Revisited -2009

Prochain article: Un Suisse dans la Silicon Valley

Aart de Geus reçoit la Kaufman Award

J’ai récemment eu l’occasion de parler d’EDA sur ce blog. Aart de Geus, un Européen, un Hollandais qui a étudié à l’EPFL à Lausanne, vient de recevoir la Kaufman Award, le Nobel de l’EDA. Un des articles sur le sujet a été publié par EDN News.

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Aart de Geus est une des icones de la Silicon Valley. Il est venu à l’EPFL faire une présentation tout à fait exceptionnelle qui résume magnifiquement l’histoire de Synopsys.

Quand, dans une autre interview,  il parle des raisons pour un Européen de partir aux USA, il parle de quête. Comme si ces Européens n’avaient pas trouver chez eux ce qu’ils cherchent…

Quant à l’EDA, je lui consacre un chapitre entier dans mon livre tant elle me semble révélatrice des hauts et bas, des dynamiques de la Silicon Valley…

EDA, une industrie de la Silicon Valley

Penny Aycinena m’a demandé d’écrire un bref article pour EDA confidential, qui résume mes inquiétudes et mes espoirs quant à l’innovation et aux start-up. Il est publié aujourd’hui (30 juin 2008).

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Laissez-moi lui ajouter quelques lignes:

Le chapitre de “Start-Up” qui a été le moins remarqué est le chapitre 6. Il est pourtant un de mes préférés. EDA signifie Electronic Design Automation. Aujourd’hui aucun architecte ne peut concevoir un bâtiment complexe sans logiciel spécialisé ; il en est de même pour un ingénieur qui conçoit une automobile, un avion. C’est exactement la même chose pour la conception des circuits électroniques.

Il y a vingt-cinq ans, l’EDA n’existait quasiment pas. Il y a quarante ans, les circuits étaient conçus en interne (et manuellement) chez IBM, Motorola,… mais petit à petit, de nouveaux acteurs apparurent, des start-up minuscules sont devenus des géants, et une industrie s’est bâtie. L’EDA a représenté plus de $5B de revenus en 2007. Le cycle typique de créations et d’acquisitions de start-up s’est perpétué sur presque vingt ans, mais depuis, 2001, il ne s’est plus passé grand-chose : pas d’IPO, peu d’acquisitions de taille, et il y a quelques jours, Cadence, le no1 mondial, a lancé une offre hostile d’acquisition contre Mentor, le no3. Les deux sociétés ont été fondées dans les années 80.

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L’EDA est une parfaite illustration de la Silicon Valley: un réseau dense d’individus, chercheurs, entrepreneurs, investisseurs. Ce qui est intéressant à propos de l’EDA est que son centre est Berkeley (plus que Stanford ou Sand Hill Road) comme le montre la figure qui suit. Pour terminer, voici deux citations de légendes de l’EDA, deux récipiendaires de la Kaufman award, le prix Nobel de l’EDA:

– “Risk taking in EDA is gone.” Joe Costello

– “If there is a single point I wish to make here today, it is that as a discipline, both in industry and in academia, we are just not taking enough risks today.” Richard Newton

Il est possible que la maturité de l’EDA comme de la Silicon Valley ne soit pas un très bon présage.

 

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