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Lettre ouverte (?) à l’auteur du Black Swan

Je viens de finir la lecture (en anglais) du Black Swan et j’ai tellement aimé votre livre que je ne peux m’empêcher de vous contacter. Mais il m’a aussi tellement frustré parfois que je ne serai pas que positif dans ce courrier. Comme l’on dit chez nous, qui aime bien, châtie bien ! J’étais à l’aéroport d’Heathrow en partance pour Dallas quand je suis tombé sur l’édition Penguin qui incorpore le long essai intitulé « On Robustnes and Fragility, Deeper Philosophical and Empirical Reflections ». Essai dont l’une des dernières phrases est : “And, just as it is harder to have good qualities when one is rich than when one is poor, it is harder to be a Stoic when one is wealthy, powerful, and respected than when one is destitute, miserable and lonely.” C’est ce qui rend la lecture de vos travaux frustrante, je veux parler de vos généralisations simplificatrices. Pourtant celle-ci est intéressante. Mais vos digressions sur les Français ou sur les méthodes soviéto-harvardiennes m’échappent plus encore !

Autre raison assez proche de frustration : on ne sait jamais tout à fait si vous êtes un sage, un philosophe comme vos maîtres Sénèque et Montaigne ou un pamphlétaire en colère, voire enragé, dont les excès affaiblissent parfois le propos comme je le disais plus haut. Mais après tout, vous écrivez à la fin de votre essai que Sénèque ne fut pas toujours sage, ce qui ne l’empêcha pas d’être philosophe. Je ne crois pas que les qualités ou la sagesse (le stoïcisme) dépendent de la richesse comme vous le dites, mais plus des leçons tirées de l’expérience et de la variété de ces expériences. Avoir été pauvre et riche permet d’en comprendre les avantages ou les limites si elles existent. Comme disait un humoriste célèbre, l’argent ne faire pas le bonheur… des pauvres.

Ces choses étant dites, vous avez écrit des choses qui ont (enfin) soulagé mes propres frustrations. Vous avez illustré et sans doute prouvé avec votre Black Swan les limites de la statistique ou plus généralement de la modélisation mathématique des connaissances humaines. Je ne parle pas seulement des aberrations de la finance qui nous on conduit en partie à la crise actuelle, ni même de la question plus fondamentale de ce qu’est l’économie (Keynes, Marx et Schumpeter d’un côté et nombre de prix Nobel que vous détestez de l’autre – les économétristes en définitive ?), mais bien plus fondamentalement de la différence entre statistique et prédiction, entre connaissance et théorie. Vous m’avez d’ailleurs aussi un peu frustré parce que dans ma jeunesse, je n’avais jamais été convaincu que Benoit Mandelbrot soit un scientifique de la plus haute stature. Vous avez failli me faire croire que je m’étais trompé, puis grâce à votre description des travaux de Poincaré, confirmé que je n’avais peut-être pas tort.

Vos explications sur le Mediocristan et l’Extremistan sont magnifiques et vous le savez ! je travaille depuis 15 ans dans le monde de l’innovation et des entreprises de haute technologie. Comme praticien dans le capital-risque puis dans le soutien aux apprentis entrepreneurs à l’université, mais aussi comme théoricien empirique qui cherche à mieux décrire ce monde. Les start-up sont dans le domaine de l’Extremistan. Google, Apple, Cisco, Intel ou Genentech ne sont peut-être pas des Black Swan car on peut en partie les imaginer (sans pouvoir anticiper leur venue ni les prédire précisément) mais il est certain qu’une seule d’entre elles peut peser plus lourd que mille autres appartenant plus à un monde ressemblant au Mediocristan. Alors que je commençai un travail de recherche sur un tel groupe, j’avais découvert avec un peu de stupeur que mes données n’étaient pas gaussiennes, ce qui a posteriori est moins surprenant. La meilleure description des caractéristiques de ce groupe est d’utiliser des méthodes non paramétriques, donc qualitatives. (Lors de la conférence où je me rendais à Dallas, le chairman de la session m’indiqua ou reprocha que je ne m’intéressai à travers la high-tech qu’à 2% des entrepreneurs… Méconnaissait-il donc lui aussi le phénomène du Black Swan ?!) Avant de plonger par passion dans ce monde là, j’avais fait de la recherche en optimisation dont vous dénoncez l’usage dans certaines disciplines et comme je continue à l’enseigner, je mettrai en garde les étudiants contre son utilisation abusive (en dehors de la science et de l’ingénierie linéaire, comme vous dites si bien) et je peux donc me blâmer d’avoir publié un papier sur son utilisation pour les portefeuilles markoviens. Honte sur moi ! J’ai tout de même souri en découvrant que vous aviez donné une conférence à Lausanne dans une business school renommée alors que vous semblez critiquer ces institutions. Sans doute ne refuse-t-on jamais de manger dans la main ceux que l’on moque, il faut bien vivre. Vous êtes un peu le fou du roi… honte sur vous ?

Je pourrais vous écrire plus longuement encore, mais j’ai à ma manière commenté votre livre sur mon blog et cela suffit sans doute. Vous pourriez avoir l’impression que je suis plus agacé que conquis par votre livre. Détrompez-vous. C’est une des meilleures lectures que j’ai faites depuis des années, depuis ma découverte de Michel Houellebecq (lui est plutôt un cynique), qui comme vous est en quête de la vérité. Je terminerai pas une citation de Poincaré (que je ne suis plus sûr d’avoir lue dans votre livre ou dans un article de Cedric Villani dans le Monde) : « La pensée n’est qu’un éclair au milieu de la nuit. Mais c’est cet éclair qui est tout. »

J’adorerais vous rencontrer un jour, mais quand je me promène, je marche vite.

Avec mes salutations respectueuses

Hervé Lebret

NB: j’ai réellement envoyé ce courrier sous forme électronique à Nicholas Taleb, comme suite à mon post sur le Cygne Noir. La réponse fut malheureusement automatique:
Dear correspondent;
I am currently disengaged from the rest of the world (until November 2012).
I had to stop replying to emails outside of the strictly personal (friends, family, citizens of Amioun, etc.), except for extremely important/urgent matters.
Please note that, except for emergencies & appointments, I reply to mails with an equivalent frequency to that of classical letters.
(REQUESTS: Also note that 1) I no longer do media interviews (except those scheduled by publishers), 2) can no longer endorse books, 3) do not participate in documentary films, 4) will not give lectures in Asia, Australia, and other places entailing severe jetlag, etc.)
I apologize for the inconvenience.

Le Cygne Noir ou le danger des statistiques

« La pensée n’est qu’un éclair au milieu de la nuit. Mais c’est cet éclair qui est tout. »
Henri Poincaré *

Quand j’ai parlé à mes amis et collègues du Cygne Noir ou Black Swan («BS»), ils ont été surpris de mon intérêt pour le film avec Natalie Portman. Je ne peux pas confirmer puisque je ne l’ai pas vu. Je parlais du livre de Nassim Nicholas Taleb et de sa théorie. D’autres amis me l’ont résumé comme du b… s… américain, ces livres superficiels qui donnent des conseils sur tout et n’importe quoi et qui semblent toujours devenir des best-sellers; mes collègues me parleraient sans doute de littérature d’aéroport (et non pas de hall de gare), indigne d’être lue dans les cercles académiques.

Je l’ai lu et j’ai beaucoup aimé, mais je dois admettre que Taleb est parfois pénible. Est-ce parce qu’il a été tellement frustré par je ne sais pas qui ou quoi ou est-ce parce qu’il est si fier de ses certitudes? Je ne suis pas sûr. Mais ses idées sont certainement utiles et méritent la réflexion (alors que vous oubliez le b… s… d’aéroport américain après 30 secondes). Donc, retour au BS.

Vous trouverez d’excellents résumés de son livre ou de sa théorie, par exemple sur
– Nassim Taleb « The Black Swan » par Andrew Gelman, http://andrewgelman.com/2007/04/nassim_talebs_t/
– La page Wikipedia sur la théorie du Black Swan
– ou même the Fourth Quadrant, un autre essai de Taleb. Je ne vais donc pas essayer de faire la même chose.

Cependant la définition du Black Swan pourra être utile! Dans le Fourth Quadrant, Taleb écrit ce qui suit: Il ya deux classes de probabilité – très distinctes qualitativement et quantitativement. La première, à longue traîne, définit le Mediocristan », la seconde, à traîne épaisse, définit l’Extremistan. Sans entrer dans les détails, comprenez la distinction comme suit: au Mediocristan, des exceptions se produisent, mais ne portent à de grandes conséquences. Ajoutez la personne la plus lourde de la planète à un échantillon de 1’000 personnes, le poids total serait à peine changé. En Extremistan, des exceptions peuvent avoir un tout autre impact (elles peuvent tout représenter.) Ajoutez Bill Gates à votre échantillon: la richesse peut augmenter d’un facteur 100’000 . Ainsi, au Mediocristan, de grandes déviations se produisent, mais elles sont sans conséquence, à la différence de l’Extremistan. Au Mediocristan le hasard correspond à des « marches aléatoires » décrites dans les livres classiques (et dans les livres populaires sur le hasard). L’Extremistan correspond à « sauts de taille aléatoire ». Dans le premier type, il s’agit de familles de « Gauss-Poisson »; dans le second de familles « fractales ou mandelbrotiennes » (d’après les œuvres du grand Benoit Mandelbrot, reliées à la géométrie de la nature.) Mais il faut noter ici une question épistémologique: il y a une catégorie « je ne connais pas » que j’ai aussi regroupée en Extremistan et nécessaire à la prise de décision, tout simplement parce que je ne connais pas grand chose de la structure probabiliste ou le rôle de certains grands événements. Les Cygnes Noirs sont les événements inconnus en Extremistan .

Voici donc quelques longues notes prises lors de la lecture.

[Page xxii] Le cygne noir est caractérisé par «la rareté, l’impact extrême et la prévisibilité rétrospective (mais pas prospective) » (avec la note additionnelle: la survenance d’un événement hautement improbable est l’équivalent de la non-occurrence d’un évènement très probable).

[Page 8] L’esprit humain souffre de 3 faiblesses:
-L’illusion de la compréhension, ou comment tout le monde pense qu’il sait ce qui se passe dans un monde qui est plus compliqué (ou aléatoire) qu’ils ne le pensent;
-La distorsion rétrospective, ou comment nous pouvons évaluer des questions seulement après les faits, comme si elles étaient vues dans un rétroviseur, et
-La surévaluation de l’information factuelle et le handicap des personnes faisant autorité et sachant – quand ils platonifient.

[Page 15] Taleb adore mélanger théorie et histoire personnelle, pour mieux illustrer ces arguments. Ainsi sur la violence ou la rapidité de l’histoire: « Alors que dans le passé la distinction s’établissait entre la Méditerranée et non-Méditerranée (c’est à dire entre l’huile d’olive et le beurre), dans les années 1970, la frontière est soudainement passée entre l’Europe et la non-Europe. »

[Page 54] Il insiste sur un biais mental ou une erreur logique classsique: pas de preuve de quelque chose ne signifie pas la preuve de son contraire.

[Page 77] « La réponse est qu’il y a deux variétés d’événements rares: a) les cygnes noirs, qui sont présents dans le discours actuel et que vous êtes susceptibles d’entendre parler à la télévision, et b) ceux dont personne ne parle, car ils échappent aux modèles: ceux qui vous feraient honte d’en discuter en public parce qu’ils ne semblent pas plausibles. Je peux dire qu’il est entièrement compatible avec la nature humaine que les cas de cygnes noirs soient surestimés dans le premier cas, mais gravement sous-estimés dans le second. »

[Page 80] « Un mort est une tragédie, un million est une statistique. […] Nous avons deux systèmes de pensée. Le système 1 est l’expérience, sans effort, automatique, rapide, et opaque. Le système 2 est la pensée, raisonnée, locale, lente, sérielle, progressive. La plupart des erreurs proviennent du système 1 lorsque nous pensons que nous utilisons le système 2. »

[Page 140] Nous surestimons ce que nous savons et sous-estimons l’incertitude. Un autre biais: « pensez au divorce. La quasi-totalité des gens sont familiarisés avec la statistique, entre un tiers et la moitié de tous les mariages échouent. Mais bien sûr, «pas nous» parce que «nous nous entendons si bien» (comme si les autres s’entendaient mal.)  »

[Page 174-179] Poincaré est un personnage central de la théorie de Taleb (par Mandelbrot interposé) grâce notamment à son problème à 3 corps. D’après Taleb, Poincaré dénigre lui aussi l’utilisation de la courbe en cloche, dans ses excès du moins. Mais surtout la sensibilité aux conditions initiales vient de Poincaré comme le montre la figure suivante.

Les prédictions

Opération 1: imaginez un cube de glace; il s’agit d’examiner comment il pourrait fondre.
Opération 2: regardez une flaque d’eau. Essayez de reconstituer la forme de la glace-cube.
La première opération (vers l’avant) est généralement utilisée en physique et en ingénierie, la seconde (en arrière) pour les évènements non reproductibles, les approches historiques ou non expérimentales. Elle est autrement plus complexe que la première…

[Page 198] En théorie, le hasard est une propriété intrinsèque. Dans la pratique, le hasard est une information incomplète. Les non-praticiens ne comprennent pas la subtilité. Un véritable processus aléatoire ne possède pas de propriétés prévisibles. Un système chaotique possède des propriétés tout à fait prévisibles, mais elles sont difficiles à connaître.
a) Il n’y a pas de différences fonctionnelles, dans la pratique, entre les deux, puisque nous ne pourrons jamais arriver à faire la distinction.
b) Le simple fait qu’une personne parle de la différence implique qu’il n’a jamais pris une décision significative sous incertitude – ce qui explique pourquoi ils ne se rendent pas compte qu’ils sont indiscernables dans la pratique.
Le hasard en pratique est juste du non-savoir. Le monde est opaque et les apparences nous trompent.

[Page 204] Le « processus d’essai  et erreur » signifie essayer beaucoup de choses. Dans le Blind Watchmaker, Richard Dawkins illustre brillamment cette notion du monde sans grand dessein, un monde se transformant par petits changements aléatoires supplémentaires. Notez un léger désaccord de ma part qui ne change pas l’histoire de beaucoup: le monde, se déplace plutôt par de grandes modifications incrémentielles aléatoires. En effet, nous avons des difficultés psychologiques et intellectuelles avec les essais et erreurs et l’acceptation de cette série de petits échecs nécessaires dans la vie. « Vous avez besoin d’aimer perdre ». En fait, la raison pour laquelle je me suis immédiatement senti chez moi en Amérique, c’est précisément parce que la culture américaine encourage le processus d’apprentissage par l’échec, à la différence des cultures d’Europe et d’Asie, où l’échec est est stigmatisé et gênant. [C’est bien Taleb qui écrit et non l’auteur de ce blog, mais je suis en parfait accord]

[Page 207] Quand vous avez un risque de perte très limitée, vous devez être très agressif et spéculatif, et parfois aussi déraisonnable que possible. Certains feront l’analogie avec des billets de loterie. C’est simplement faux. Tout d’abord les billets de loterie ne produisent pas de récompense sans limite. Deuxièmement, les billets de loterie ont des règles connues.

L’économie des superstars

[Page 24] « Pour qui ce livre est-il écrit? Vous avez besoin de comprendre qui est votre public cible. Les amateurs écrivent pour eux-mêmes, les professionnels écrivent pour les autres. » [Cette ironie de l’auteur est passionante. Je l’ai vécue, je suis un amateur. Mais les oeuvres clé ne sont-elles pas alors écrites par des amateurs? Les Black Swans (le Seigneur des Anneaux, Harry Potter) ressemblent peut-être plus à des oeuvres d’amateurs. L’exemple de Yevgenia Krasnova fournie par Taleb est passionante elle aussi]

[Page 214] La victoire va souvent à ce qui est marginalement mieux et souvent le gagnant prend tout. Le problème, c’est la notion de «mieux». le monde tel qu’il est prend aux pauvres pour donner aux riches. Un avantage initial suit quelqu’un à travers la vie et celui-ci continue à recevoir des avantages cumulatifs. L’échec est également cumulatif. L’avènement des médias modernes a amplifié ces avantages cumulatifs. Le sociologue Pierre Bourdieu a noté un lien entre l’augmentation de la concentration de la réussite et la mondialisation de la culture et la vie économique.

[Page 221] Taleb affirme toutefois que les nouveaux arrivants atténuent les avantages cumulatifs. « Des cinq cents plus grandes sociétés américaines en 1957, seulement 74 faisaient encore partie de ce groupe, le S&P500, 40 années plus tard. Seulement quelques centaines ont disparu dans des fusions, le reste a soit été dépassé ou a fait faillite.

Les acteurs qui gagnent un Oscar ont tendance à vivre en moyenne cinq ans de plus que leurs pairs non récompensés. Les gens vivent plus longtemps dans les sociétés qui ont des gradients sociaux aplanis.

[Page 277] Ce qui est mal compris, c’est l’absence d’un rôle pour la moyenne de la production intellectuelle. La part disproportionnée de l’élite dans le rayonnement intellectuel est plus troublante que la répartition inégale des richesses, troublante parce que, contrairement à l’écart de revenu, aucune politique sociale ne peut l’éliminer. Le communisme pouvait cacher ou comprimer les écarts de revenus, mais il ne pouvait pas éliminer le système de superstar dans la vie intellectuelle. [Je n’en suis pas sûr]

Le scepticisme et l’humilité

Taleb se définit comme un sceptique et ses maîtres sont Popper et Hayek (et Mandelbrot pour les sciences).

[Page 190] « Quelqu’un avec un faible degré d’arrogance épistémique n’est pas trop visible, comme une personne timide lors d’un cocktail. Nous ne sommes pas prédisposés à respecter les gens humbles, ceux qui essaient de suspendre leur jugement. Maintenant contemplez l’humilité épistémique. Pensez à quelqu’un de très introspectif, torturé par la conscience de sa propre ignorance. Il ne craint pas d’être jugé comme un fou, ou pire, un ignorant. Il hésite, il ne veut pas s’engager, et il agonise sur les conséquences de se tromper. Introspection, introspection, et toujours introspection jusqu’à ce qu’il atteigne l’épuisement physique et nerveux. » Nous sommes plus proches de Dostoievsky que de Taleb…

Les experts

[Page 146] Nous comprenons la différence entre savoir-faire et savoir-quoi. Les Grecs ont fait la distinction entre la techné et l’épistémè, la technique et la connaissance. Nous avons des experts qui ont tendance à être des experts: les astronomes, les pilotes, les médecins, les mathématiciens, les comptables; et les experts qui ont tendance à être … non-experts: les courtiers, les psychologues, les conseillers… tout simplement les choses qui bougent et donc nécessitent des connaissances n’ont généralement pas d’experts et sont souvent sujettes aux BS. L’effet négatif de la prédiction est que ceux qui ont une grande réputation sont pires prédicteurs que ceux qui n’en avaient pas.

[Page 166] Le modèle classique de la découverte est le suivant: vous recherchez ce que vous savez (par exemple, une nouvelle façon d’atteindre l’Inde) et trouvez quelque chose que vous ne connaissez pas (l’Amérique). C’est ce qu’on appelle un heureux hasard, la sérendipité. Un terme inventé par l’écrivain Hugh Walpole, dans un conte de fées, « Les trois princes de Serendip » qui « sont toujours en train de faire des découvertes par accident ou sagacité, de choses qu’ils ne recherchaient pas. » […] Sir Francis Bacon a fait observer que les progrès les plus importants sont les moins prévisibles.

[Page 169] Les ingénieurs ont tendance à développer des outils pour le plaisir de développer des outils. Outils qui conduisent à des découvertes inattendues. [Donc, je suis en désaccord avec la définition de Taleb: « Un nerd est tout simplement quelqu’un qui pense à l’intérieur de la boîte ». Ce n’est peut-être pas un grand désaccord, mais je préfère celle-ci: «Un nerd est une personne qui utilise le téléphone pour parler à d’autres personnes des téléphones. Et un nerd en informatique est donc quelqu’un qui utilise un ordinateur pour pouvoir utiliser un ordinateur. [Voir le Triomphe des Nerds] Et d’ajouter [Page 170] Pasteur affirme que « La chance ne sourit qu’aux esprits bien préparés. […] « Sur la difficulté de prévoir, il suffit de regarder l’échec du Segway pour lequel il a été prophétisé qu’il allait changer la morphologie des villes. »

[Page 184] Un autre exemple de cible de Taleb: l’optimisation [mon domaine d’expertise passée!] « L’optimisation consiste à trouver le résultat mathématiquement optimal qu’un agent économique pourrait atteindre. L’optimisation est un cas de la modélisation stérile ».

La politique

[Page 16] La catégorisation produit toujours une réduction de la véritable complexité. Essayez d’expliquer pourquoi ceux qui sont favorables au droit à l’élimination d’un fœtus dans le ventre de la mère s’opposent également à la peine capitale. [Et réciproquement]

Ce qui me fait penser à la citation de André Frossard: « Le malheur, c’est que la gauche ne croit pas beaucoup au péché originel et que la droite ne croit pas beaucoup à la rédemption. »

[Page 52] « Je n’ai jamais dit que les conservateurs sont généralement stupides. Je voulais dire que les gens stupides sont généralement conservateurs. » se plaignait John Stuart Mill. Le problème est chronique: si vous dites aux gens que la clé du succès n’est pas toujours liée aux compétences, ils pensent que vous leur dites que ce n’est jamais la compétence qui compte, mais toujours la chance.

[Page 227] Ce qui peut expliquer « nous vivons dans une société d’une personne, une voix, où les impôts progressifs ont été adoptés précisément pour affaiblir les gagnants ». Je ne sais pas si Taleb ne préfère pas le monde aristocratique. Au moins, il semble favoriser ses amis dans ce monde.

[Page 255] Il est vrai que je cherche dans la vie les personnages intellectuellement sophistiqués. Mon père érudit et esprit universel – qui, s’il était encore vivant, n’aurait été que deux semaines plus agé que Benoît Mandelbrot [son mentor sur les fractales et les non-linéarités] – aimait la compagnie des prêtres jésuites extrêmement cultivés. Je me souviens de ces visiteurs jésuites […] Je me souviens que l’un deux avait un diplôme de médecine et un doctorat en physique, et encore qu’il enseignait l’araméen à la population locale dans l’Institut des Langues Orientales de Beyrouth . […] Ce genre d’érudition impressionnait mon père bien plus que le « scientifique travailleur à la chaîne ». J’ai peut-être quelque chose dans mes gènes qui m’éloigent des « bildungsphilisters ».

La mondialisation / l’Évolutivité

[Page 28] Les professions évolutives (« scalable ») sont bonnes seulement si vous avez du succès, elles sont plus concurrentielles, produisent des inégalités monstrueuses et sont beaucoup plus aléatoires. Prenons l’exemple de l’enregistrement de la musique d’abord, de l’alphabet, de l’imprimerie. Aujourd’hui, peu d’acteurs prennent presque tout, et ne laissent que des miettes aux autres. « Winner takes all ».

[Page 32] Au Mediocristan, « lorsque votre échantillon est suffisamment grand, pas un seul cas ne change notablement le total ». En Extremistan, « Bill Gates pour sa richesse et J. K. Rowling dans la vente de livres changent totalement la moyenne d’une foule. Presque tous les problèmes sociaux sont en Extremistan. » [Lors de ma présentation à la conférence BCERC, j’eus une remarque d’un type similaire sur mon travail sur les start-up high-tech: « mais vous n’étudiez que 2% des entrepreneurs! » Et j’ai répondu, oui, mais quel impact (de type Extremistan)…]

[Page 85] « Les activités intellectuelles, scientifiques et artistiques appartiennent à la province de l’Extremistan. Je suis toujours à la recherche d’un contre-exemple simple, une activité non-terne qui appartient au Mediocristan. »

[Page 90] « Vous devez voir que les investisseurs vivent mieux que les entrepreneurs, mais aussi que les éditeurs vivent mieux que les auteurs, les agents vivent que les artistes, et la science se débrouille mieux que les scientifiques. » [Je peux ajouter que les chercheurs d’or font moins d’argent que les gens qui leur ont vendu des pics et des pelles.]

[Page 102] La conséquence de la dynamique de superstar, c’est que ce que nous appelons « l’héritage littéraire » où les « trésors littéraires » sont une infime proportion de ce qui a été produit de façon cumulée. Balzac était juste le bénéficiaire d’une chance disproportionnée par rapport à ses pairs.

[Page 118] Le problème ici avec l’univers et la race humaine est que nous sommes les survivants chanceux (qui ne devraient pas avoir survécu – il n’y a pas là de destinée, mais une survie a posteriori].

Les statistiques

[Page 37] Taleb n’est pas contre les statistiques, mais contre la loi de Gauss, les moyennes, etc. « Les Cygnes noirs ne sont pas modélisables. Ce sont des phénomènes communément appelés par des termes tels que évolutifs, invariants par échelle, les lois de puissance, de Pareto-Zipf, la loi de Yule, les procédures paréto-stables et de lois de Levy -stables et fractales. »

[Page 239] Les écarts-types n’existent pas en dehors de la gaussienne, ou si elles existent, elles ne comptent pas et n’expliquent pas grand-chose. Mais il y a pire. La famille gaussienne (qui comprend divers amis et parents, comme la loi de Poisson) est la seule classe de distributions que l’écart type (et la moyenne) est suffisante à décrire. Vous n’avez besoin de rien d’autre. La courbe en cloche satisfait le réductionnisme de l’illusion. Il y a d’autres notions qui ont peu ou pas de signification en dehors de la gaussienne: la corrélation et pire, la régression. Pourtant, elles sont profondément ancrées dans nos méthodes: il est difficile d’avoir une conversation d’affaires sans avoir entendu le mot corrélation.

[Page 240] Taleb n’a rien contre les mathématiciens, mais il pense comme Hardy: Les «vraies» mathématiques des «vrais» mathématiciens, les mathématiques de Fermat, Euler, Gauss, Abel et Riemann sont presque entièrement « inutiles » (et cela est aussi vrai des mathématiques «appliquées» que des mathématiques «pures»).

[Page 252] Une caractéristique essentielle des statistiques gaussiennes est la vérification de deux hypothèses:
Première hypothèse centrale: les événements sont indépendants les uns des autres. Une pièce de monnaie n’a pas de mémoire. Le fait que vous ayez obtenu pile ou face sur le test précédent ne modifie pas les chances d’obtenir pile ou face au prochain lancer. Vous ne devenez pas un « meilleur » lanceur de pièce au fil du temps. Si vous introduisez la mémoire ou les compétences dans le lancer, l’ensemble du modèle de Gauss devient caduque. (Et notez qu’il y a attachement préférentiel et un avantage cumulatif dans le monde réel et donc non gaussien.) Deuxième hypothèse centrale: pas de saut « sauvage ». La taille du saut aléatoire est toujours connue, à savoir une seule étape. Il n’y a aucune incertitude quant à la taille de l’étape. […] Je n’ai pas de toute ma vie pu trouver quelqu’un autour de moi dans le monde des affaires et des statistiques qui était cohérent intellectuellement, en ce sens qu’il ait accepté à la fois le Cygne noir et a rejeté les outils de Gauss. Beaucoup de gens acceptent mon idée du Black Swan, mais ne peuvent aller jusqu’au bout de sa conclusion logique, qui est que vous ne pouvez pas utiliser une seule mesure de l’aléa appelé écart-type (ni l’appeler « risque »), vous ne pouvez pas trouver une mesure simple qui caractérise l’incertitude.

Mais Taleb va encore plus loin. [Page 272] «Mais le hasard fractal ne donne pas de réponse précise. […] les fractales de Mandelbrot nous permettre de rendre compte de quelques cygnes noirs, mais pas de tous. […] Un cygne gris peut modéliser des événements extrêmes, un cygne noir décrit des « inconnus inconnus ». […] Je le répète: Mandelbrot traite des cygnes gris, je m’occupe du Cygne Noir. Ainsi Mandelbrot domestique beaucoup de mes cygnes noirs, mais pas tous, pas complètement.

La finance

Taleb montre que les accidents d’achat d’actions sont parfois liés à la modélisation et il est particulièrement critique des options de Black-Scholes . Il est très critique des théories de portefeuille et des prix Nobel associés (Markowitz, Samuelson, Hicks ou Debreu), « une démolition des idées de Keynes ». L’histoire du hedge fund LTCM en est une illustration de points Taleb.

Le Business et la Technologie

[Page xxv] Presque aucune découverte, aucune technologie notable ne sont nées de la conception et de la planification – elles étaient tout simplement des cygnes noirs. […] Donc, je suis en désaccord avec les disciples de Marx et avec ceux d’Adam Smith: la raison du succés du libéralisme, des marchés, c’est qu’ils permettent aux gens d’être chanceux grâce à un processus agressif d’essais et d’erreurs, et non parce qu’ils donnent des récompenses ou des «incitations» pour les compétences.

[Page 17] Le monde des affaires est inélégant, terne, pompeux, vorace, inintellectual, égoïste et ennuyeux. […] Ce que j’ai vu, c’est que dans quelques-unes des plus prestigieuses business schools dans le monde, les dirigeants des sociétés les plus puissantes ont été invités à décrire ce qu’ils ont fait pour gagner leur vie et il était bien possible qu’ils ne savaient pas trop ce qui se passait.

[Page 135] Lorsque je demande aux gens de nommer trois technologies récemment mises en œuvre et ayant un impact sur notre monde d’aujourd’hui, ils proposent généralement l’ordinateur, l’Internet et le laser. Aucune des trois n’était planifiée; elles furent imprévues et peu appréciées lors de leur découverte, et sont restées incomprises bien après leur utilisation initiale. Ils étaient consécutifs. Ils étaient cygnes noirs.

Critique de la moyenne

[Page 295] « La moitié du temps, je suis un hypersceptique, l’autre moitié je suis plein de certitudes. […] La moitié du temps je déteste les cygnes noirs, l’autre moitié je les aime. […] La moitié du temps je suis très prudent, l’autre moitié je suis hyperactif. » Je pourrais supprimer les guillemets!

Je n’en ai pas totalement fini avec le Cygne Noir, je suis en train de lire l’essai de 70 pages que Taleb a ajouté à la dernière édition de poche. Il pourrait y avoir plus à dire (et à lire si vous m’avez suivi jusqu’ici…)

* Poincaré est cité dans Le Monde le 7 Juillet 2012, par Cédric Villani, qui mentionne également les cygnes noirs dans Villani, Dans les entrailles des cygnes noirs.

The Ultimate Cure, un beau roman

Non seulement « the ultimate cure » est un bon roman sur le monde des start-up, du capital risque et sur ce que cela coûte d’être un entrepreneur (et en cela il me rappelle le « The First $20 Million Is Always The Hardest » de Po Bronson), mais c’est aussi un beau roman, sur la nature humaine et sur ce qui nous anime dans la vie. En cela, je pense plus à l’étoile montante suisse, Martin Suter et à ses thrillers psychologiques. Mais surtout, c’est un plaisir de lecture.

L’auteur Peter Harboe-Schmidt a donc produit de la belle ouvrage. En voici un bref extrait que je traduis de l’anglais:


« Prend ta start-up par exemple. Pourquoi t’es tu lancé? Si tu analysais le pour et le contre, tu ne le ferais sans doute jamais. Mais ton intuition t’y a poussé, en sachant que tu en tirerais une expérience positive. Ai-je raison? » Martin réfléchit à ce qui l’a poussé vers un monde qui de temps en temps ressemblait à un asile de fous. Comme un monde parallèle, avec quelques ressemblances avec le nôtre, juste beaucoup plus rapide et intense. Des gens essayant de réaliser leur rêve dans un monde incertain et pleins d’inconnu, travaillant sans compter, sacrifiant leur vie privée, courant à côté de ces autres start-up high-tech. Les instruments médicaux, les moteurs de recherche Internet, les télécom, les nanotechnologies et tous les autres recherchant la même chose: l’Argent. Pour faire tourner l’horloge du succès  un peu plus vite. « C’est drôle que tu dises cela, » dit finalement Martin. « J’ai toujours pensé à cette start-up comme une évidence. Je n’ai jamais essayé de la justifier de quelque manière que ce soit. »

Carol Bartz à la tête de Yahoo

Carol Bartz est une femme exceptionnelle. La nouvelle CEO de Yahoo avait donné une interview recueillie en 2002 dans le livre Betting It All. Michael Malone y décrivait ses deux passions. « Combattre le cancer » et « les Filles face aux Math ».

« Les filles ne sont en général pas intéressées par les math. Je crois qu’elles en sont en fait dissuadées. » A propos du sujet plus général des femmes et de la technologie ou du business, elle ajoute: « J’ai quitté 3M car je n’aurais pas eu de progression de carrière parce que j’étais une femme. […] Vous êtes une femme, qu’est-ce que vous faites ici? » Et d’ajouter: « Mais être une femme dans la Silicon Valley est aussi appartenir à une minorité ». Le sujet des femmes et de la technologie est un sujet peu ou pas assez abordé.

Carol Bartz est une femme d’énergie exceptionnelle : « Je continuai à diriger ma société alors que je suivais une chimiothérapie »

Enfin parmi les ingrédients de l’entrepreneuriat, elle cite l’incertitude qu’il faut affronter: « Face à nombreux jobs que j’ai acceptés, je n’étais pas très à l’aise, parce que je me demandais si j’étais la meilleure personne. » Tout en ajoutant sur le risque: « Si vous n’y arrivez pas, vous traversez la rue et vous essayer chez quelqu’un d’autre… ce qui est bien sûr toujours possible dans la Silicon Valley »

En compagnie des géants

J’avais lu In the Company of Giants en 1997 juste avant de devenir capital-risqueur. Puis, lorsque j’ai commencé à relire des livres sur les entrepreneurs, je n’ai simplement pas pu retourver l’ouvrage et j’ai du utiliser le réseau des revendeurs d’Amazon. Il est aussi intéressant que d’autres mentionnés dans mes posts passés (Once You’re Lucky, Betting it All, Founders at Work).

Je vous laisse faire le lien entre les noms et les photos!

Steve Jobs: « In the early days, we were just trying to hire people that knew more than we did about anything and that wasn’t hard because we didn’t know a lot. Then your perspectives are changing monthly as you learn more. People have to be able to change. »

T. J. Rodgers (Cypress Semiconductor): « the standard entrepreneurial answer is frustration. You see a company running poorly, you see that it could be a whole better. Intel and AMD were arrogant. If you think about it, any billion dollar company, that has so much money to spend on R&D should be unassailable. But the large companies routinely cannot crunch little companies so something’s got to be wrong. »

Gordon Eubanks (Symantec): « What makes a company successful is people, process, product, and passion. You must have great people and product and passion balanced by process. »

Steve Case (AOL): « Do something you really love, you are passionate about. Take a long-term view, be really patient. There are going to be bumps on the road. »

Scott Cook (Intuit): « People [customers] won’t tell you what they want. Often they can’t verbalize it because they don’t understand things they’ve not seen. You must understand fundamental motivations and attitudes. »

Sandy Kurtzig (ASK): « I did not see it as incredible risk. Many entrepreneurs would tell you why it was obvious to do what they did. When you have nothing, you have nothing to lose. That’s why so few entrepreneurs can do it a second time. Even Jim Clark did not really start Netscape or Jobs did not really start Pixar. They funded it. You need other people to be hungry… Believe in yourself, surround yourself with good people, be willing to make mistakes, don’t get wrapped up in your success. You are still the same person you were when you started. »

John Warnock and Charles Geschke (Adobe): « Actually there was the very first business plan, then there was the second business plan, and then the third business plan; we never actually wrote the third business plan. »

Michael Dell: « It did not seem risky to leave school because I was already earning obscene amounts. The worst thing that could happen is I would return to school. The greater risk was to stay at school. »

Charles Wang (Computer Associates): « Managing is not just telling people what to do, but it is leading by doing. Know your strengths and weaknesses and complement yourself. Be realistic and objective. Surround yourself with great people. »

Bill Gates: « It’s mostly about hiring great people. We are [in 1997] 18,000 people and still the key constraint is bringing in great people. We naively thought there were guys who could tell us we weren’t doing things the best way. »

Andy Grove: « I can’t look at a startup as an end result. A startup to me is a means to achieve an end. »

Trip Hawkins (Electronic Arts): « You don’t have an objective, rational process. You need a certain amount of confidence. There are many things that you don’t know will go wrong. If you knew in advance all the things that could go wrong, as a rational person, you wouldn’t go into business in the first place. »

Ed McCracken (Silicon Graphics): « My venture capital friends tell me that many of the ideas they’re seeing for new businesses are coming from people under 26 years old. »

Ken Olsen: « Business school’s goal today is to teach people to become entrepreneurs. I think it’s a serious mistake. You learn first how to be a team member, then a leader. »

Bill Hewlett: « It was 1939 and it was no time to start a company. It was probably the supreme optimism of youth. » and « It’s not all due to luck, but certainly a large percentage of success is. We were in the right place at the right time. We were lucky and we had wonderful teachers and mentors. HP didn’t start in a vacuum. »

les débuts de Google

Une très jolie interview des fondateurs de Google qui date de 1998!

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Quelques leçons:

A propos des réseaux de personnes: « Sergey: Basically, we talked to our advisers and other faculty whom we knew. And they just pointed us to other people. Pretty soon, we had investors, we had a lawyer, we had everything that we needed. »

A propos de la prise de risque: « Larry: Silicon Valley is a little bit different. There’s not so much risk to us. If you fail in starting your company, you’re actually more fundable. You may have failed for some reason not involving yourself at all, just [due to] some random factors... Sergey: The main risk is really our time. We’re working much, much harder than we would in a normal job. It’s not a 40 hour a week job. »

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Rien ne va plus…

Je viens de lire (en anglais) Rien ne va plus en physique ! : L’échec de la théorie des cordes de Lee Smolin (mais aussi Alain Connes pour la version française). Quel est le rapport avec l’innovation et les start-up ? Je vois un lien : dans mon livre je mentionne Thomas Kuhn à travers son livre La Structure des révolutions scientifiques. Je crois qu’innovation et recherche ont bien des similitudes, par exemple dans leurs progrès. Un des sujets que Smolin aborde est l’absence de progrès en physique théorique. N’avons-nous pas des problèmes similaires avec l’innovation ? J’avais aussi cité dans mon livre Pitch Johnson, un des pionniers du capital-risque : « La démocratie fonctionne mieux quand il y a un peu de turbulence dans la société, quand ceux qui ne sont pas encore à l’aise peuvent grimper l’échelle économique en utilisant leur intelligence, leur énergie et leur habileté pour créer de nouveaux marchés ou mieux servir les marchés existants. »

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Smolin analyse que la science a besoin de deux ingrédients : de l’éthique et de l’imagination. Si la science établie et ses scientifiques ne permettent pas l’émergence d’une nouvelle génération et de nouvelles idées, la crise n’est pas loin. C’est ce qu’il analyse brillamment (son livre dit aussi beaucoup d’autres choses passionnantes).  Quand des figures de la Silicon Valley telles que Joe Costello ou Richard Newton prétendent que la Silicon Valley ne prend plus assez de risques et devient « greedy », j’y vois des similarités…

Founders at Work

Voici un livre passionnant, si passionnant que je me décide à écrire un post alors que je n’en ai pas achevé la lecture: Jessica Livingston dans Founders at Work a interviewé 32 entrepreneurs. Les leçons sont convaincantes et souvent fascinantes. Sans obtenir son autorisation, j’en copie ici quelques extraits. Le livre est un vrai plaisir même s’il y a quelques fois des longueurs relatives au descriptif spécifique des start-up, mais cela fait dans doute partie des contraintes de l’exercice. A lire absolument !

 

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Paul Buchheit, créateur Gmail à propos de la prise de risque

As I say, for people, it depends on their situation if they can take that risk of joining a startup or moving to a new city if they don’t live in the right place. For me, I was actually single at the time, I didn’t have a mortgage, so the idea of joining a little startup that may well be destroyed was just like, “That will be fun.” Because I kind of thought, “Even if Google doesn’t make it, it will be educational and I’ll learn something.” Honestly, I was pretty sure AltaVista was going to destroy Google.

Mike Ramsay, fondateur de Tivo à propos de la Silicon Valley

I was curious to see what’s the attitude of a typical startup in Scotland compared to here. I found that they are just culturally a whole lot more conservative and cautious. And somewhat lacking in self-confidence. You come over here and . . . I had a meeting recently with a couple of early 20-year-olds who have decided to drop out of Stanford because they got bored, and they are trying to raise money to fund their startup. They believe they can do it, and nothing’s going to hold them back. They have confidence, they have that spirit, which I think is great and is probably unique to this part of the world. Being part of that for so long, for me, has been very invigorating.

Joshua Schachter, fondateur de del.icio.us à propos de l’exécution

But the guy who says, “I have a great idea and I’m looking for other people to implement it,” I’m wary of—frequently because I think the process of idea-making relies on executing and failing or succeeding at the ideas, so that you can actually become better at coming up with ideas.

…et à propos des VCs

In general, I found VCs to be significantly politer than the folks I worked with. The worst they did was not call me back. I’d never hear from them again. Brad Feld does a nice blog talking about how the VC process works. He says they never call you back to say no—they don’t want to close the door in case they want to open it again, but they don’t want to actually give you a response. Very few VCs actually said, “Sorry, we’re not interested.”

Craig Newmark, fondateur de craiglist sur la définition d’une start-up

“in the conventional sense, we were never a startup. In the conventional sense, a startup is a company, maybe with great ideas, that becomes a serious corporation. It usually takes serious investment, has a strategy, and they want to make a lot of money.”

L’ADN de l’Innovation

John HennessyIls sont peu nombreux à pouvoir parler d’innovation aussi bien que John Hennessy. Président de l’université de Stanford, fondateur de start-ups telles que MIPS ou Atheros, membre du conseil d’administration de Cisco et de Google, il est aussi un spécialiste d’informatique de classe mondiale.

Dans une tribune récente du Stanford Magazine, « the DNA of Innovation », il cite les trois ingrédients centraux à un esprit d’innovation :

les individus, à travers la diversité des talents et des approches,

un environnement favorable à la prise de risque et à la créativité

des institutions facilitant le transfert des connaissances et idées là où elles pourront être implémentées

Le texte est bref et mérite l’attention. Il est aussi disponible en pdf (scanné).

Prendre des Risques

Le site Stanford Venture Technology Program est une des meilleures sources d’informations que je connaisse sur les start-up. Dans une récente newsletter, est mentionnée une vidéo deVinod Khosla (co-fondateur de Sun Microsystems et ancien capital-risqueur chez Kleiner Perkins). STVP résume son point de vue ainsi:

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« Launching a start-up is not a rational act. And Vinod Khosla, a partner in Kleiner, Perkins, Caufield & Byers and former Sun Microsystems CEO, believes that success only comes from those who are foolish enough to think unreasonably. Entrepreneurs need to stretch themselves beyond convention and constraint to reach something extraordinary. »