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Gandhi et la technologie, selon Bertrand Jarrige

Deuxième article sur l’excellent Technocritiques – Du refus des machines à la contestation des technosciences après celui-ci : Technocritiques par François Jarrige. Jarrige m’a surpris en donnant le point de vue de Gandhi sur la technologie. Passionnant. J’en cite intégralement plus bas les pages 192-195.

Personne n’illustre mieux l’ambivalence du rapport à la technique dans le monde colonial que Gandhi. Si en effet il utilise un simple fuseau traditionnel pour tisser ses vêtements, il voyage en train et utilise une montre. La figure de Gandhi mérite qu’on s’y arrête car la critique de la machine occupe une place centrale dans son discours et son action. Or, si ses successeurs et disciples l’ont vénéré pour sa contribution à l’indépendance politique de l’Inde, ils ont rarement pris au sérieux sa critique du déferlement technique et sa proposition de restaurer l’économie locale indigène. Pour Gandhi (1869-1958), la « civilisation de la machine » et la grande industrie ont créé un esclavage quotidien et invisible qui a appauvri des franges entières de la population en dépit du mythe de l’abondance globale. Alors que certains réduisent la pensée gandhienne à un ensemble de principes frustres et simplistes, d’autres y voient au contraire une riche « économie morale », distincte aussi bien de la tradition libérale que du marxisme [1].

Né en 1869 dans l’État du Gujarat, alors que la domination britannique sur l’Inde s’accentue et que le réseau ferroviaire s’étend, Gandhi part étudier le droit en Angleterre en 1888, comme des centaines de jeunes Indiens des castes supérieures. Après 1893, il se rend en Afrique du Sud, où il prospère comme avocat et s’éveille à la politique au contact des discriminations raciales. IL y élabore peu à peu une méthode de désobéissance civile non violente qui fera sa célébrité et organise la lutte de la communauté indienne. A son retour en Inde, après 1915, il organise la protestation contre les taxes jugées trop élevées, et plus généralement contre les discriminations et les lois coloniales. Durant l’entre-deux-guerres, comme dirigeant du Congrès national indien, Gandhi mène une campagne pour l’aide aux pauvres, pour la libération des femmes indiennes, pour la fraternité entre les communautés de différentes religions ou ethnies, pour une fin de l’intouchabilité et de la discrimination des castes, et pour l’autosuffisance économique de la nation, mais surtout pour le Swaraj – l’indépendance de l’Inde à l’égard de toute domination étrangère.

En 1909, Gandhi rédige l’un de ses rares textes théoriques sous la forme d’un dialogue socratique avec un jeune révolutionnaire indien. Ce texte, Hind Swaraj, écrit en gujarati avant d’être traduit en anglais, vise d’abord à détacher la jeunesse indienne des franges les plus violentes du mouvement nationaliste [2]. L’ouvrage est pourtant interdit jusqu’en 1919. Pour Gandhi, ces jeunes révolutionnaires sont en effet les victimes d’une vénération aveugle du progrès technique et de la force brutale importés d’Occident. Il élargit donc progressivement sa critique politique à la civilisation industrielle et technicienne elle-même. La pensée gandhienne repose sur une vive critique de la modernité occidentale sous toutes ses formes. Sur le plan politique, il critique l’Etat et défend l’idéal d’une société démocratique non violente, formée de villages fédérés et fondée sur l’appel à la simplicité volontaire. Il dénonce les notions de développement et de civilisation, et le déferlement technique qui les fonde, comme des source d’inégalité et de multiples effets pervers. Pour Gandhi, « la machine permet à une petite minorité de vivre de l’exploitation des masses […] or la force qui meut cette minorité n’est pas l’humanité ni l’amour du semblable, mais la convoitise et l’avarice ». L’autonomie politique est donc vaine si elle ne s’accompagne pas d’une remise en cause profonde de la civilisation industrielle moderne. « Il serait insensé, estime Gandhi, d’affirmer qu’un Rockefeller indien serait meilleur qu’un Rockefeller américain », et « nous n’avons pas à nous réjouir de la perspective de l’accroissement de l’industrie manufacturière ». Gandhi défend le développement de l’artisanat local autosuffisant dans le cadre de l’autonomie des villages et d’une limitation des besoins.

Gandhi m’appartient ni aux courants néotraditionalistes indiens qui considèrent l’ancienne civilisation hindoue comme intrinsèquement supérieure, ni au camp des nationalistes modernisateurs cherchant à copier l’Occident pour retourner ses armes contre l’ordre colonial. Il entend définir une troisième voie originale. La pensée gandhienne se nourrit de sources multiples. D’une certaine manière, il appartient au courant antimoderniste qui se développe en Europe à la fin du XIXe siècle. Il a lu William Morris et John Ruskin, et a été marqué par le christianisme anarchisant de Tolstoï [3]. Sa vision du monde se nourrit de l’ambiance intellectuelle de la fin de l’ère victorienne et de la critique éthique et esthétique du déferlement technique et industriel qui se développe alors. Gandhi n’est ni hostile à la science ni antirationaliste, comme on l’écrit parfois. Il critique d’abord la façon dont les découvertes scientifiques et l’usage de la raison sont appliqués et mis au service des puissants et de l’exploitation. Il critique la foi aveugle de l’Occident dans le progrès matériel et son désir de puissance qui s’incarne dans le déferlement technique. Il veut également sauver l’Angleterre de ses propres démons. Pour lui, « la mécanisation a appauvri l’Inde » ; elle transforme les travailleurs des usines en « esclaves ». Ce n’est pas en « reproduisant Manchester en Inde » que les Indiens s’émanciperont de la domination britannique. L’une des bases techniques particulièrement puissantes de la domination britannique est précisément le développement du chemin de fer : « Sans les chemins de fer, les britanniques ne pourraient avoir une telle mainmise sur l’Inde. » Censé libérer le peuple indien, le rail est en réalité utilisé avant tout par le pouvoir comme un outil efficace de maillage et de domination. « Les chemins de fer ont également accru la fréquence des famines car, étant donné la facilité des moyens de locomotion, les gens vendent leur grain et il est envoyé au marché le plus cher » au lieu d’être autocomsommé ou vendu sur le marché le plus proche. Gandhi tente ainsi de lier sa critique de la grande industrie et des technologies européennes à son projet d’émancipation politique. Il montre que le progrès entraine une aggravation des conditions de vie, que la « civilisation » crée en permanence de nouveaux besoins impossibles à satisfaire, qu’elle creuse les inégalités et plonge dans l’esclavage une partie de l’humanité. Pour lui, ce type de civilisation est sans issue. La mécanisation et la mondialisation des échanges sont un désastre pour l’Inde, les filatures de Manchester ayant détruit l’artisanat et l’univers des tisserands indiens : « La civilisation machiniste ne cessera de faire des victimes. Ses effets sont mortels : les gens se laissent attirer par elle et s’y brûlent, comme les papillons à la flamme d’une bougie. Elle rompt tout lien avec la religion pour ne retirer en fait que d’infimes bénéfices du monde. La civilisation [machiniste] nous flatte afin de mieux boire notre sang. Quand les effets de cette civilisation seront parfaitement connus, nous nous rendrons compte que la superstition religieuse (traditionnelle) est bien inoffensive en comparaison de celle qui nimbe la civilisation moderne ».
La critique gandhienne du machinisme intrigue beaucoup dans l’entre-deux-guerres. Elle se retrouve dans son programme économique fondé sur la défense des industries villageoises comme dans son projet de « démécaniser l’industrie textile », qui apparaît d’emblée utopique et irréalisable. Par ailleurs, les positions de Gandhi sont passées d’une opposition totale aux machines européennes à une critique plus nuancée : en octobre 1924, à la question d’un journaliste, « Êtes-vous contre toutes les machines ? », il répond : « Comment pourrais-je l’être… [je suis] contre l’engouement sans discernement pour les machines, et non contre les machines en tant que telles. » Il s’élève d’ailleurs contre ceux qui l’accusent de vouloir « détruire toutes les machines » : « Mon objectif n’est pas de détruire la machine mais de lui imposer des limites », c’est-à-dire d’en contrôler les usages pour qu’elle n’affecte ni les environnements naturels, ni la situation des plus pauvres. Il élabore en définitive une philosophie des limites et du contrôle du gigantisme technologique.

Mais ce discours suscite beaucoup d’incompréhension et est progressivement gommé comme un reliquat de tradition obscurantiste. Les socialistes et avec eux Nehru lui-même dans son autobiographie publiée en 1936, déplorent que Gandhi « ait béni les reliques du vieil ordre ». Son analyse de la technologie industrielle est d’ailleurs rapidement marginalisée à l’indépendance du pays par le projet de modernisation à marche forcée. Mais la figure de Gandhi exerce aussi une fascination considérable bien au-delà de la paysannerie indienne. Dans l’entre-deux-guerres, sa critique devient une source d’inspiration pour les mouvements sociaux et des penseurs d’horizons très divers, alors même que la critique de la « civilisation des machines » s’accentue en Europe.

[1] Kazuya Ishi, The socio-economic thoughts of Mahatma Gandhi as an origin of alternative development, Review of Social Economy, vol. LIX, 2001, p. 198 ; Majid Rahnema et Jean Robert, La Puissance des pauvres, Actes Sud, Arles, 2008.
[2] Hind Swaraj, traduit en anglais sous le tire Indian Home Rule, et plus tard en français sous le titre Leur Civilisation et notre délivrance, Denoël, Paris, 1957.
[3] Ramin Jahanbegloo, Gandhi. Aux sources de la non-violence, Thoreau, Ruskin, Tolstoï, Editions du Felin, Paris, 1998.

Technocritiques par François Jarrige

J’écris de temps en temps et peut-être même de plus en plus souvent sur cette autre facette de l’innovation et de l’entrepreneuriat (qui reste ma passion, positivement) une facette qui est plus sombre, plus négative, une vision plus critique de l’impact de l’innovation sur la société. Je lis en ce moment Technocritiques – Du refus des machines à la contestation des technosciences de François Jarrige. C’est un livre riche, âpre, exigeant, mais exceptionnel pour tous ceux que le sujet intéresse.

Sous des apparences extrêmement critiques, le livre montre que les aspects positifs et négatifs du progrès se sont toujours développés en parallèle. Ma lecture la plus proche de ce travail fut sans doute celle de Bernard Stiegler, Dans la disruption – Comment ne pas devenir fou ? sans oublier les travaux de Libero Zuppiroli, telles que Les utopies du XXIe siècle. Merci à lui pour m’avoir mentionner ce livre remarquable.

Voici une copie intégrale d’un long passage passionnant aux pages 87-88. Il pourrait décrire notre monde, il en décrit un plus ancien.

« Si nous devions caractériser notre temps par une seule épithète, nous ne le nommerions pas âge héroïque, religieux, philosophique ou moral ; mais l’âge mécanique, car c’est là ce qui le distingue entre tous les autres. » [1] Carlyle incarne la dénonciation romantique du « mammonisme » (c’est-à-dire le culte religieux du dieu Argent), dont le déferlement mécanique de son temps est l’une des manifestations. Pourquoi toujours s’efforcer, grâce aux mécaniques, de vendre « à plus bas prix que toutes les autres nations et cela jusqu’à la fin du monde », pourquoi ne pas « vendre à prix égal », demande-t-il ? [2] Il invite les « hommes ingénieux » à trouver le moyen de distribuer plus équitablement les produits plutôt qu’à chercher toujours les moyens de les réaliser au plus bas coût : « un monde composé de simples machines à digérer brevetées n’aura bientôt rien à manger : un tel monde s’éteindra et de par la loi de la nature il faut qu’il s’éteigne. »

A la même époque, Michelet, le grand historien romantique français, découvre le gigantisme du machinisme lors d’un voyage en Angleterre en 1834. Il met également en scène l’ambivalence des effets des machines. Impressionné par les « êtres d’acier » qui asservissent « l’être de sang et de chair », il est persuadé néanmoins que l’on continuera de préférer aux « fabrications uniformes des machines les produits variés qui portent l’empreinte de la personnalité humaine ». Si la machine est indéniablement un « puissant agent du progrès démocratique » en « mettant à la portée des plus pauvres une foule d’objets d’utilité », elle a aussi son revers terrible : elle crée un « misérable petit peuple d’hommes-machines qui vivent à moitié [et] qui n’engendrent que pour la mort ». [3]

L’inquiétude à l’égard des machines s’atténue à l’époque victorienne, avec l’expansion de la prospérité de la période impériale, le déclin des violences ouvrières, la montée en puissance de l’économie politique. Elle continue toutefois de susciter les craintes de certains moralistes, comme John Stuart Mill, penseur radical complexe, libéral fasciné par la socialisme et féministe justifiant l’impérialisme. Dans ses Principles of Political Economy (1848), Mill propose un état des lieux de l’économie politique de son temps. Il prend ses distances à l’égard des économistes qui donnent une image trop optimiste du changement technique, il exprime des réticences à l’égard des effets bénéfiques de la division du travail et considère que l’État doit compenser les effets néfastes du machinisme. Mais sa critique dépasse ces questions classiques car John Stuart Mill propose une théorie de « l’état stationnaire » qui rompt avec l’économie classique. Il décrit cet « état stationnaire des capitaux et de la richesse » comme « préférable à notre situation actuelle », marquée par la lutte de tous contre tous. Il l’envisage comme un monde façonné par la « prudence » et la « frugalité », où la société serait composée « d’un corps nombreux et bien payé de travailleurs » et de « peu de fortunes énormes » ; ce monde « stationnaire », où chacun aurait suffisamment pour vivre, laisserait une place à la solitude et à la contemplation « des beautés et de la grandeur de la nature ». Dans ce monde, les « arts industriels » ne s’arrêteraient évidemment pas, mais « au lieu de n’avoir d’autre but que l’acquisition de la richesse, les perfectionnements atteindraient leur but, qui est la diminution du travail. » [4]

A suivre, peut-être….

Sources:

[1] Thomas Carlyle, “Signs of the Times”, Edinburgh Review vol. 49, 1829, p. 439-459
Were we required to characterise this age of ours by any single epithet, we should be tempted to call it, not an Heroical, Devotional, Philosophical, or Moral Age, but, above all others, the Mechanical Age. It is the Age of Machinery, in every outward and inward sense of that word; the age which, with its whole undivided might, forwards, teaches and practises the great art of adapting means to ends.
http://www.victorianweb.org/authors/carlyle/signs1.html

[2] Thomas Carlyle, “Past and Present” (1843), trad fr Cathédrales d’autrefois et usines d’aujourd’hui. Passé et présent, trad. fr. de Camille Bos, Editions de la Revue Blanche, Paris, 1920, p.289
I admire a Nation which fancies it will die if it do not undersell all other Nations, to the end of the world. Brothers, we will cease to undersell them; we will be content to equal-sell them; to be happy selling equally with them! I do not see the use of underselling them.
A world of mere Patent-Digesters will soon have nothing to digest: such world ends, and by Law of Nature must end, in ‘over-population;’

P. 229-31, http://www.gutenberg.org/files/26159/26159-h/26159-h.htm

[3] Jules Michelet, « Le peuple ». Flammarion. Paris, 1974 [1846]

[4] John Stuart Mill, « Principes d’économie politique », trad. fr. de Léon Roquet, Paris 1894 [1848] Pages 138-142.

La créativité selon Isaac Asimov

Lors de mon voyage aux États-Unis en janvier, il m’a été mentionné un essai écrit par Isaac Asimov en 1959, « Comment les gens ont-ils de nouvelles idées ? » – J’en ai lu la version publiée en anglais par le MIT Technology Review).


Isaac Asimov par Andy Friedman (Source: MIT Technology Review)

J’ai toujours été sceptique sur la façon d’enseigner la créativité ou même de l’encourager. Je me sens du coup beaucoup plus en accord avec ce qu’avait écrit Asimov il y a 60 ans. Laissez-moi en donner quelques extraits:

– la méthode de génération [d’idées] n’est jamais claire même pour les « générateurs » eux-mêmes,

– il faut non seulement des personnes ayant une bonne expérience dans un domaine particulier, mais également des personnes capables de faire une connexion entre un point 1 et un point 2, points qui pourraient ne pas sembler normalement liés,

– une fois la connexion croisée établie, cela devient évident,

– la connexion croisée nécessite une certaine audace,

– une personne disposée à se lancer contre la raison, l’autorité et le bon sens doit être une personne dotée d’une grande assurance; puisque cela ne survient que rarement, il/elle doit sembler excentrique (du moins à cet égard) au reste de nous autres,

– mon sentiment est que pour ce qui est de la créativité, l’isolement est nécessaire; la personne créatrice, en tout cas, travaille continuellement; son esprit est en train de mélanger des informations à tout moment, même s’il/elle n’en a pas conscience,

– la présence des autres ne peut qu’empêcher ce processus, car la création est embarrassante; néanmoins, une réunion de telles personnes peut être souhaitable pour des raisons autres que l’acte de création lui-même,

– le nombre optimal de personnes du groupe [i.e. de telles personnes juste au-dessus] ne doit probablement pas très élevé. J’imagine que moins de cinq est souhaitable.

C’est assez fascinant: pour Asimov, la créativité est un acte isolé; rendre les connexions possibles peut-être aidé par de petits groupes, mais même de cela, Asimov n’est pas totalement convaincu… J’ai souvent lu des articles intéressants sur la créativité dans l’art, la science, la technologie et l’idée que la liberté de penser combinée à une obsession de résoudre ou de faire quelque chose pourrait être beaucoup plus critique que les interactions sociales.

Un article du New Yorker sur deux développeurs de Google: l’amitié qui a rendu Google énorme

Le New Yorker vient de publier un bel article sur deux développeurs de Google. The Friendship That Made Google Huge (L’amitié qui a rendu Google énorme) est sous-titrée Coding together at the same computer, Jeff Dean and Sanjay Ghemawat changed the course of the company—and the Internet (En codant ensemble sur le même ordinateur, Jeff Dean et Sanjay Ghemawat ont changé le cours de la société et l’Internet).



Les meilleurs codeurs de la société semblent être les deux moitiés d’un même esprit.
Illustration de David Plunkert

Voici quelques extraits:

Sanjay Ghemawat, [est] un diplômé du MIT de trente-trois ans, silencieux, avec les sourcils épais et les cheveux noirs grisonnants aux tempes. Sanjay avait rejoint la société quelques mois auparavant, en décembre. Il avait suivi un de ses collègues, Jeff Dean, un jeune homme âgé de 31 ans et énergique, de Digital Equipment Corporation. Jeff avait quitté DEC dix mois avant Sanjay. Ils étaient exceptionnellement proches et préféraient écrire du code conjointement. Dans la salle des combats, Jeff se dirigea vers le bureau de Sanjay, laissant le sien vide. Sanjay travaillait au clavier pendant que Jeff s’inclinait à côté de lui, corrigeant et cajolant comme un producteur à l’oreille d’un présentateur.
[…]
Aujourd’hui, les ingénieurs de Google font partie d’une grande chaîne qui commence au niveau 1. En bas se trouve le personnel de soutien en IT. Les niveaux 2 sont fraîchement sortis du collège; Les niveaux 3 ont souvent une maîtrise. Atteindre le niveau 4 prend plusieurs années, ou un doctorat. La plupart des progressions s’arrêtent au niveau 5. Les ingénieurs de niveau 6 – les 10% les plus performants – sont si capables qu’ils pourraient être considérés comme la raison du succès d’un projet. Les niveaux 7 sont des niveaux 6 avec une longue expérience. Les ingénieurs principaux, les niveaux 8, sont associés à un produit majeur ou à un élément d’infrastructure. Les ingénieurs distingués, les niveaux 9, sont évoqués avec révérence. Devenir Google Fellow, le niveau 10, c’est gagner un honneur qui vous suivra toute la vie. Les Google Fellows sont généralement des experts mondiaux dans leur domaine. Jeff et Sanjay sont des Senior Fellows de Google, les premiers et les seuls de niveau 11 de la société.

Et plus sur la créativité en binôme. Assez fascinant!

Il a fallu que Monet et Renoir, travaillant côte à côte à l’été de 1869, développent le style qui devint l’impressionnisme; Au cours des six années de collaboration qui ont donné naissance au cubisme, Pablo Picasso et Georges Braque ne signaient souvent que le verso de leurs toiles, afin d’observer lequel de ceux-ci avait achevé chaque peinture.
[…]
Dans «Powers of Two: Trouver l’essence des innovations dans des couples créatifs», l’écrivain Joshua Wolf Shenk mentionne une interview de 1971, dans laquelle John Lennon expliquait que lui-même ou Paul McCartney « écrivait la bonne part, créée simplement comme si je lisais les nouvelles aujourd’hui ou quoi que ce soit. » Le premier resterait alors coincé jusqu’à ce que l’autre arrive – puis, Lennon déclara: « Je chantais à moitié et cela l’inspirait pour écrire la suite et vice versa. »
[…]
François Jacob, qui, avec Jacques Monod, a été l’un des pionniers de l’étude de la régulation des gènes, a fait remarquer qu’au milieu du XXe siècle, la plupart des recherches dans le domaine en plein essor de la biologie moléculaire étaient le résultat de deux vies.

Vous devriez lire l’article …

Qu’est-ce que l’innovation ?

Alors, qu’est-ce que l’innovation? J’avais déjà abordé la question en 2015 dans Invention, Entrepreneuriat et Innovation. Mon collègue Federico m’a donné il y a quelques jours une autre définition de l’innovation de Bill Aulet du MIT.

Innovation = Invention * Commercialisation

Vous trouverez la vidéo ici.

Et voici quelques extraits:

Est-ce que cela aurait pu être “L’innovation est synonyme d’invention?” Non, souvent les gens confondent ces deux choses. Elles ne sont pas identiques. L’innovation est quelque chose qui génère de la valeur pour le monde. Cela rend quelque chose plus rapide, meilleur, moins cher. Cela donne une grande satisfaction à quelqu’un. Une invention est une idée, une technologie, un brevet. En soi, elle ne génère pas de valeur. Donc, elles ne sont pas la même chose. Et parfois vous les voyez interchangées. Et ce n’est pas correct.

Donc, l’innovation est synonyme de commercialisation fois l’invention. Et quand on regarde cette équation de l’innovation, quelque chose de valeur, cela nécessite une nouvelle idée. Et puis, il faut que quelqu’un ou une organisation qui commercialise cette idée et créee de la valeur pour le monde. Il est donc important de comprendre qu’une idée en soi n’a pas de valeur. Les idées sont bon marché. C’est la commercialisation, combinée à l’invention, qui les rend extraordinairement précieuces. Auparavant, j’avais l’habitude de dire invention plus commercialisation, en fait, c’est fois. (Pas une addition, une multiplication)

C’est un produit parce que si je n’en ai pas, c’est zéro. Alors, je n’ai aucune innovation. Si je n’ai pas d’idée nouvelle, je ne peux rien commercialiser. Par conséquent, c’est zéro. Si j’ai une invention et pas de commercialisation, je n’ai pas d’innovation. Donc, c’est en fait un produit. C’est, en fait, l’aspect commercial de cette opération qui est très, très difficile.

Si l’on considère l’entreprise la plus innovante au monde à l’heure actuelle, à savoir Apple, les inventions sous-jacentes qui ont créé Apple, les grandes innovations commençant par le Mac, ne sont pas venues d’elle-même. Cela venait en fait de Xerox PARC. C’était des fenêtres, une icône, une souris, un pointeur. Ces inventions, ils les ont commercialisées pour créer de l’innovation, ce qui a créé une valeur formidable sur le marché et pour leurs clients et pour eux-mêmes, leurs investisseurs aussi. De même, après cela, regardez cette autre invention sous-jacente et potentielle, la technologie de l’iPod, le MP3, ne venait pas encore d’Apple. Cela venait de Fraunhofer. Mais ce qui a été formidable pour Apple, c’est la commercialisation pour créer de l’innovation et, encore une fois, créer de la valeur pour leurs clients et leurs actionnaires. Donc, c’est cette définition de l’innovation que nous avons trouvée très utile pour montrer que l’innovation est une combinaison d’une nouvelle idée, d’une nouvelle technologie, mais qui doit alors, être commercialisée et mise en correspondance avec un client dans le monde réel, où elle générera de la valeur.

Merci Federico ?

Les utopies du XXIe siècle selon Libero Zuppiroli

Dans son dernier ouvrage en date, Les utopies du XXIe siècle, Libero Zuppiroli fait une présentation originale de ce que j’appelle les excès des promesses de l’innovation. J’en ai fait la brève chronique récemment dans Entreprise Romande et Bernard Stiegler en fait une analyse beaucoup plus pessimiste dans Dans la disruption – Comment ne pas devenir fou ? Une troisième référence très intéressante est l’ouvrage collectif Sciences et technologies émergentes, pourquoi tant de promesses?

Libero Zuppiroli aborde la problématique sous l’angle des utopies et des dystopies en faisant appel au début de son livre à d’anciens auteurs des XVIIIe et XIXe siècle, montrant ainsi que l’optimisme excessif a toujours existé et que son pendant réaliste voire pessimiste l’a aussi toujours accompagné. Flora Tristan en 1840 répond à Sadi Carnot sur les bénéfices de la machine en 1824, Marat en 1774 vient en contrepoint au libéralisme économique de Adam Smith en 1776, et Francis Bacon, dès 1627, rêve de progrès scientifiques et technologiques sans fin. Les promesses utopiques ne sont pas nouvelles!

C’est un livre qu’il faut lire et je vous laisserai découvrir son analyse des promesses dans les domaines des technologies de l’information, de la robotique, de la défense, des imprimantes 3D et des nanotechnologies, de la ville, de l’énergie, de la santé et du big data. Une simple illustration: aux alentours de 2005, les nanotechnologies étaient considérées comme un marché extrêmement prometteur, qui atteindrait 3 000 milliards de dollars en 10 ans. Plus de 10 ans plus tard, le marché se situe autour de 100 millions de dollars… (Pages 125-6)

Je crains pourtant que Libero Zuppiroli ne se fasse pas beaucoup d’illusions sur l’impact de ses analyses. Dans une note sur les auteurs critiques (note 119, page 293), il écrit « il fait partie de ces célèbres intellectuels critiques que la société américaine ne se contente pas seulement de tolérer, mais dont on favorise l’éclosion. Pourtant leurs critiques vis-à-vis du système américain sont acerbes et fondées sur des analyses remarquables. Mais ceux qui possèdent le pouvoir savent bien que, malgré leur réputation internationale, l’audience de ces intellectuels se limite à une faible fraction de personnes convaincues d’avance. Quel que soit leur talent, leur influence sur les masses d’électeurs et d’électrices sera toujours très inférieure à celle des télé-évangélistes. »

Mais je savais Libero Zuppiroli malicieux et sa conclusion me le confirme: cet empire s’effondrera comme ce sont effondrés les empires romain, napoléonien et soviétique. Quand? Nul ne le sait… mais il s’effondrera victime de son Hubris

PS (29 octobre 2018): le lecteur pourrait être aussi intéressé par trois autres critiques du livre:

“Les utopies du XXIe siècle”, un livre qui dénonce le mythe de l’inéluctabilité d’un certain progrès. Philippe Junod, La Méduse.
Les utopies du XXIè siècle de Frédéric Pitaval, Directeur chez IC Eau SA
Les utopies du XXIe siècle, Libero Zuppiroli de Antoine St. Epondyle

Innovations virtuelles ?

Je n’avais pas contribué à Entreprise Romande depuis un moment, ce qui pourrait être la raison de ma relative fatigue face au flux continu d’innovations (virtuelles?). Voici ma dernière contribution…

Lorsque le rédacteur de votre magazine préféré m’a demandé une nouvelle chronique sur l’innovation en évoquant pêle-mêle le bitcoin, l’intelligence artificielle, la protection des données, les GAFAs et la Chine, j’ai été saisi sinon d’un léger vertige, en tout cas d’une certaine lassitude. Il a suffi que j’ajoute à cette liste Fake news, voyages sur Mars ou remplacement de l’homme par la machine pour que ma passion continue pour les startups et l’innovation technologique se transforme en léger cauchemar. Il me semble en effet que plus l’on parle d’innovation et moins on innove réellement.

Quand j’explique mon léger scepticisme à tout interlocuteur, celui-ci commence en général par mentionner le remplacement de la caissière de la Migros par une machine. Je lui rétorque qu’il me semble que c’est nous, acheteurs, qui avons remplacé la caissière. Si les média ont relayé en 2011 l’annonce de Foxconn qu’elle voulait installer un million de robots en 3 ans, menaçant à terme les 1,2 millions d’employés, une recherche en ligne indique aujourd’hui qu’elle a une capacité à installer 10000 robots par an, et toujours le même nombre d’employés.

La Silicon Valley ayant été à l’origine des innovations majeures de ces cinquante dernières années est scrutée plus attentivement. Bien sûr les GAFAs représentent une réelle menace : les deux A deviennent le supermarché du monde alors que G et F les soutiennent à force de publicités basées sur des données que nous avons bien voulu leur donner, les mettant en situation de quasi-monopole. Mais vous avez bien lu, supermarché, publicité. Et c’est ce qu’on appelle des innovations majeures ?

Et que dire du capital-risque mondialisé ? Softbank vient d’annoncer le lancement d’un fonds de 100 milliards, de loin le plus grand jamais constitué. Dans les deux derniers mois, 10 startups de l’internet (dont Dropbox et Spotify) ont annoncé leur intention d’aller en bourse. Les chiffres donnent le vertige : elles ont réalisé 10 milliards de revenus et 2 milliards de pertes au total en 2017, grâce à 4 milliards de fonds levés depuis leur création. Le capital-risque est devenu une machine infernale qui, comme la Chine et les GAFAs, semble inarrêtable. Mais le capital-risque qui finançait en 1976 Genentech et Apple avec quelques millions finance aujourd’hui massivement « l’ubérisation » du monde, nouveau supermarché global, et de moins en moins la « deeptech ». Je vois dans ces tendances une mondialisation accélérée mais peu d’innovations majeures.

Quand je pense aux innovations de demain, je pense à la fusion nucléaire qui résoudra nos problèmes énergétiques, à la recherche sur le sida ou le cancer qui nous débarrassera de ces fléaux comme nous avons pu nous débarrasser des maladies précédentes, je pense à solutions de rupture pour l’eau, l’alimentation, la mobilité. Tom Perkins, grand capital-risqueur de la Silicon Valley, pensait que les innovations de notre temps reposaient sur trois inventions majeures, la machine à vapeur, l’électricité et surtout le transistor qui a rendu possible toutes les technologies qui semblent nous menacer aujourd’hui. Mais où est la prochaine invention ? Je me reconnais dans la phrase de Peter Thiel : « nous voulions des voitures volantes ; à la place, nous avons eu 140 caractères. »

Ne vous méprenez pas, l’innovation a été exceptionnelle au XXe siècle et les développements continuent. En biotechnologie, la technologie Crispr-CAS9 [1] est aussi prometteuse que la révolution génétique des années 70. Trois startups, Crispr Therapeutics, Intellia Therapeutics et Editas Medicine sont entrées en bourse en 2016 et promettent de soigner 10000 maladies. Mais aujourd’hui ces trois sociétés représentent moins de 70 millions de dollars de revenus et plus de 200 millions de pertes en 2017. Nous n’avons pas pour autant encore de thérapie génique ni de médecine personnalisée. L’Alphago de Google a battu le meilleur joueur de go mais les méchantes langues disent que ce n’est que la plus grande puissance de calcul et le plus grand stockage de données des ordinateurs qui a permis pareille performance, mais aucune invention ni intelligence particulière. Dans un contexte plus complexe, la machine ne se mesure pas à l’humain. Et que va réellement nous apporter la multiplication du Big Data ? Mais les promesses des uns aux politiciens et des autres aux actionnaires, amplifiées par les médias, sont parfois une insulte à l’intelligence : pourquoi parasiter l’esprit humain de promesses d’innovations (virtuelles) parfois plus abracadabrantesques les unes que les autres et au final décevantes quand le monde réel est suffisamment complexe et passionnant ?

[1] https://www.investors.com/news/technology/crispr-gene-editing-biotech-companies/

8 mars – Journée internationale des femmes

Sur le point de donner mon cours d’optimisation ce matin, je viens de me rappeler qu’une seule femme a obtenu la médaille Fields. C’était en 2014. Malheureusement, elle est morte d’un cancer l’année dernière.

Maryam Mirzakhani (3 mai 1977 – 14 juillet 2017) est devenue la première iranienne et la première et seule femme à remporter la médaille Fields.

Permettez-moi d’ajouter que dans le domaine de l’optimisation, apparemment, une seule femme a reçu le prix Dantzig, Eva Tardos.

Je dois admettre que je n’ai pas pris le temps de penser à un nom similaire pour les startups et l’innovation. Commentaires bienvenus …

Google n’est plus la source de revenu de licence la plus importante de Stanford

Jusqu’à tôt ce matin, je pensais que la licence Google (c’est-à-dire les droits que l’université de Stanford avait accordés à la startup sur le brevet PageRank) était le plus grand générateur de revenus de licences pour l’université californienne. J’avais tort! Si vous lisez les rapports annuels de l’OTL, son Office of Technology Licensing, par exemple le pdf de son rapport annuel 2016, vous remarquerez que le plus grand générateur de revenus avait une autre source: la propriété intellectuelle / les brevets sur les anticorps monoclonaux. Voici ce que ces rapports disent de la plus grande quantité de revenus pour une année donnée issue d’une seule invention:
2016: $64M
2015: $62,77M
2014: $60,53M
2013: $55M
2012: $51M
2011: $44M
2010: $45M
2009: $38M
2008: $37M
2007: $33,5M
2006: $29M
Ces chiffres donnent un total de $363M et un autre livre mentionne $125M cumulativement avant 2006. Et un document powerpoint plus récent indique que le total des revenus cumulés est de … 613 M $ !!

Pour information, en 2005, le brevet Google a généré $336M suite à l’introduction en bourse de la société. Les rapports de 2004 et de 2003 ne mentionnent pas le montant de la plus grande source de revenu, alors qu’en 2002, il s’agissait de « redevances exceptionnelles de 5,8 millions de dollars » et en 2001, « pour la première fois depuis plus de 20 ans, une invention en physique – un amplificateur à fibre optique – a généré le plus de revenus ».

Comme l’a dit Lita Nelsen du MIT (voir mon article précédent): « Même à l’échelle nationale, vous pouvez montrer que le transfert de technologie est, au mieux, une loterie si vous croyez pouvoir influencer [la situation financière d’une université]. Les principaux gagnants – pas 100 pour cent d’entre eux, mais presque – sont des produits pharmaceutiques. Parce que si un produit pharmaceutique arrive sur le marché, il se situera dans un ordre de grandeur de plusieurs milliards de dollars. L’equity vaut rarement beaucoup, à moins bien sûr que vous puissiez suivre avec des investissements privilégiés. Mais ce n’est pas ce que nous sommes en train de faire. Toute université qui compte sur son transfert de technologie pour faire un changement important dans ses finances sera statistiquement en difficulté ». Google fut une énorme exception tandis que le brevet autour des anticorps monoclonaux et le brevet Cohen-Boyer sont liés à l’industrie pharmaceutique. regardez la figure suivante extraite du même document powerpoint.

Coïncidence intéressante, je suis en train de lire un livre excellent (plus quand j’aurai terminé) qui décrit les débuts de la Silicon Valley et en particulier la création du bureau de transfert de technologie par Niels Rimers.

Dans Troublemakers, l’auteur Leslie Berlin décrit en détail le brevet Cohen-Boyer. Dans la note 32 (page 450), elle décrit les termes de la licence Cohen-Boyer. Vous pouvez également les trouver dans les leçons de la commercialisation des brevets Cohen-Boyer: Le programme de licences de l’Université de Stanford (Lessons from the Commercialization of the Cohen-Boyer Patents: The Stanford University Licensing Program).

73 entreprises avaient signé le paiement initial initial de $10’000 , mais « dix entreprises à elles seules ont fourni 77% (197 millions $ US) du revenu total des licences » et 3 (Amgen, Genentech et Lily) ont fourni près de 50% du total. Tout cela est bien connu mais je pensais qu’il serait intéressant de bloguer à ce sujet aujourd’hui.

Quelques perspectives de Lita Nelsen (MIT) sur le transfert de technologie universitaire

Je viens de lire une excellente interview de Lita Nelsen, qui a récemment pris sa retraite à la tête du Bureau de Transfert de Technologie du MIT. Vous devriez lire l’interview complète: Exit Interview: Lita Nelsen on MIT Tech Transfer, Startups & Culture. J’avais l’habitude de dire que le MIT était plus conservateur que Stanford, tout comme la région de Boston était connue pour être plus conservatrice que la Californie, mais les choses changent. Alors permettez-moi de mentionner quelques extraits.


Lita Nelsen (anciennement responsable du Bureau de Transfert de Technologie du MIT)

A propos des brevets:

Les brevets sont nécessaires parce que l’idée est de faire en sorte que quelqu’un investisse beaucoup de temps et beaucoup d’argent, si vous réussissez, vous ne voulez pas que l’autre gars, celui qui a les moyens, dise: «Eh bien, merci vous beaucoup. Maintenant que vous avez montré la voie, laissez-nous faire.» Nous utilisons principalement les brevets pour inciter à l’investissement.

A propos des universités ayant un fonds d’investissement:

[Le Bureau de Transfert de Technologie] aide à démarrer environ 25 ou 30 entreprises par an. Dieu sait combien [d’autres entreprises ont démarré sur le campus] en passant par la porte de derrière. Aucun fonds ne pourrait investir autant d’argent dans chacun d’entre eux. Maintenant, imaginons que nous ayons le fonds du MIT et j’investis dans la société A, mais je n’ai pas les ressources pour faire B, ou peut-être pas C. Puis je vais avec C à [une société de capital-risque] et je dis: que pensez-vous de ceux-là » Il y aurait un biais de sélection négatif pour celles dans lesquelles nous n’investirions pas. Donc, mieux vaut laisser un terrain de jeu neutre pour tous ceux qui veulent jouer.

Mais une chose que n’importe quelle institution doit décider est: sommes-nous principalement là pour une retour sur investissement? Ou sommes-nous principalement là pour démarrer des entreprises qui n’auraient pas démarré autrement? Vous recevez généralement un message contradictoire si vous demandez aux gens de quoi il s’agit. Et comme tout le monde le sait, lorsque vous avez des missions mixtes, les choses deviennent très difficiles à gérer.

À propos de la prise de participation dans licences aux startup:

Quel pourcentage de participation le Bureau de Transfert de Technologie prend-il habituellement lorsqu’il entre dans une entreprise? Habituellement dans faibles pourcentages à un seul chiffre, peut-être un peu plus si vous avez une spin-out dans le logiciel. Et ce sont des actions ordinaires.

Si c’est de la recherche intensive – de la biotechnologie, des choses qui nécessitent plusieurs tours de financement – [nos parts] sont habituellement réduites en [minuscules] portions. On fait un peu d’argent. Sauf dans les cas où la bulle de Wall Street est totalement irrationnelle. Même à l’échelle nationale, vous pouvez montrer que le transfert de technologie est, au mieux, une loterie si vous croyez pouvoir influencer [la situation financière d’une université]. Les principaux gagnants – pas 100 pour cent d’entre eux, mais presque – sont des produits pharmaceutiques. Parce que si un produit pharmaceutique arrive sur le marché, il se situera dans un ordre de grandeur de plusieurs milliards de dollars. L’equity vaut rarement beaucoup, à moins bien sûr que vous puissiez suivre avec des investissements privilégiés. Mais ce n’est pas ce que nous sommes en train de faire. Toute université qui compte sur son transfert de technologie pour faire un changement important dans ses finances sera statistiquement en difficulté.

A propos des accélérateurs:

« Est-ce que le MIT a un incubateur? » Et ma réponse classique a été: « Oui, ça s’appelle la ville de Cambridge. »

Le problème avec les accélérateurs est que la définition est devenue aussi large et variée que les incubateurs, qui vont des parcs scientifiques aux petits projets au sein des universités, alors vous ne savez pas ce que signifie le mot jusqu’à ce que vous regardiez en détail. Certains d’entre eux sont des fonds de capital-risque qui attendent un retour sur investissement. Certains d’entre eux sont [financés] par des dons, comme nous l’avons fait avec Deshpande et Harvard avec leur accélérateur.

Il va être intéressant d’examiner les mécanismes que les gens tentent. Parce que le problème est là: comment allons-nous faire à partir du stade où l’université a fait ses recherches et peut-être même la couverture du magazine Science, où quelqu’un va investir dans ce processus de maturation avant qu’il ne se transforme en véritable produit? Comment passez-vous de la boîte de Pétri à des essais cliniques à grande échelle? Vous devez aller assez loin avant que pharma ne le fasse pour vous. Les gens cherchent donc à combler les lacunes tant au sein des universités qu’à l’extérieur des universités.

A propos de l’enseignement de l’entrepreneuriat:

Aujourd’hui, le MIT, qui met l’accent sur l’innovation, investit officiellement dans la formation des étudiants en innovation et en entrepreneuriat, parallèlement à leurs formations techniques intenses. Ce n’est pas «tu vas apprendre à devenir entrepreneur», c’est apprendre la biologie ou la chimie ou l’électrotechnique ou l’informatique, mais tu apprends aussi comment l’entrepreneuriat et l’innovation et le transfert de la technologie sur le marché fonctionnent plutôt que d’apprendre après votre diplôme.