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Sciences et technologies émergentes, pourquoi tant de promesses? (Partie 1)

Sciences et technologies émergentes, pourquoi tant de promesses? est le titre d’un ouvrage issu d’un collectif d’auteurs, sous la direction de Marc Audétat, politologue et chercheur à l’Interface Sciences-Société de l’Université de Lausanne. Ce n’est pas un livre de lecture facile, il est assez exigeant, mais il pose des question importantes.

J’ai déjà rendu compte sur ce blog de livres qui parlent d’une certaine crise de la science, par exemple dans La Crise et le Modèle Américain, à propos des livres « La science à bout de souffle » ou « La bulle universitaire. Faut-il poursuivre le rêve américain? » Ou encore dans Rien ne va plus, livre de Lee Smolin, sans oublier la critique plus violente des promesses de la technologie selon Peter Thiel dans La Technologie, notre salut.

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Ce nouvel ouvrage explore les promesses liées à la science et la technologie au point de parler d’une économie des promesses. Il s’agit d’un ouvrage collectif ce qui n’en rend pas la lecture aisée, mais la diversité des points en est aussi sans doute une richesse. Je n’en ai pas achevé la lecture et j’y reviendrai certainement. Dans le premier chapitre, P.-B. Joly décrit le régime des promesses techno-scientifiques. Il commence par introduire les concepts d’imaginaire et de vision [Page 33], ce « couple de concepts prend en compte la façon dont les sources d’inspiration diverses interviennent dans la création technique. […] L’imaginaire donne une apparence presque tangible à des concepts et idéaux qui en sont a priori dépourvus [… et devient] un sens commun qui fonde l’action en société. […] Le concept de vision est proche de celui d’imaginaire, mais à une échelle plus réduite. Il s’apparente à celui de « mythe rationnel » utilisé pour analyser les dynamiques de l’action collective dans des contextes de changement. […] Des coalitions d’acteurs se forment autour de ces visions d’un ordre prospectif et contribuent à leur dynamique. […] Si l’on admet cette distinction conceptuelle entre imaginaires (à des échelles amples – la Nation – et s’inscrivant dans la longue durée) et visions (caractéristiques de coalitions d’acteurs et actives sur des périodes de moyenne durée), se pose la question de l’interaction entre les deux. »

« A la différence des visions et des imaginaires, pour lesquels le contenu des agencements techniques prime, ce qui est essentiel pour les promesses techno-scientifiques, c’est l’instauration d’une relation, la création d’un horizon d’attente. […] Les promesses sont essentielles dans la création technologique, car elles permettent aux acteurs de l’innovation de légitimer leurs projets, de mobiliser des ressources et de stabiliser leur environnement. […] Toute promesse techno-scientifique doit convaincre un large public qu’elle conditionne un avenir meilleur que les solutions alternatives, même si la réalisation de la promesse requiert des transformations majeures, parfois douloureuses. » (L’auteur mentionne l’histoire de l’électricité ou de la révolution verte comme solution de la faim dans le monde)

« Notre concept de promesses techno-scientifiques s’est systématisé pour devenir, depuis une quarantaine d’années, le mode de gouvernance des nouvelles techno-sciences (les biotechnologies et la génomique, les nanotechnologies, les neuroscience, la biologie synthétique, la géo-ingénierie, etc.) La construction d’une promesse techno-scientifique répond à deux contraintes contradictoires : la contrainte de nouveauté radicale et celle de crédibilité. […] (Et j’interprète que) pour que cette demande soit crédible, il faut disqualifier les solutions alternatives. [De plus] Pour qu’une théorie scientifique soit crédible, sa validité n’est ni nécessaire, ni suffisante. […] Les promesses techno-scientifiques doivent bénéficier du soutien d’un cercle de spécialistes. Sinon, elles ne peuvent pas résister aux oppositions qui se manifestent soit dans les arènes scientifiques, soit dans les arènes publiques. On observe une version extrême lorsque les spécialistes se réfèrent à des lois naturelles pour faire croire au caractère inéluctable de l’évolution technologique. (Exemples : loi de Moore et loi de Gabor.) Ainsi, en principe, les promesses génériques ne sont pas soumises à des tests de validité. »

Enfin cette intensification est renforcée par trois éléments complémentaires [page 39] :
– l’avenir constitue plus une menace qu’une source d’espoir ;
– la recherche et l’innovation sont souvent présentées comme la seule façon de résoudre les problèmes ;
– les acteurs de la recherche doivent démontrer leurs impacts sociétaux.

Ce qui conduit à des pathologies [pages 40-43] :
– le mythe d’un public en proie à des peurs irrationnelles et qu’il convient d’éduquer devient un schéma intangible;
– les promesses se transforment en bulles spéculatives ;
– la radicalité de la nouveauté et des incertitudes crée des discours contradictoires, sources de méfiances car les effets produits d’une telle radicalité ne sont pas prédictibles et en expérimentant, le technologue devient apprenti-sorcier et la société, laboratoire ;
– enfin les promesses conduisent à des discussions interminables sur des fictions, sur des questions qui n’ont parfois rien à voir avec la réalité des recherches.

En conclusion Joly pense que ce régime de promesses est l’un des ennemis du futur en raison de la séparation nette qu’il créée entre ceux qui formulent la promesse et ceux qui sont censés l’accepter. La reconnaissance de ce régime et de ces problèmes est donc un impératif préalable.

A la lecture de ce premier chapitre, j’ai retrouvé les préoccupations sociétales de Cynthia Fleury, dont j’ai déjà dit le plus grand bien dans une digression sur l’article « Le transhumanisme, c’est de la science fiction ». Nos sociétés démocratiques sont en crise, et la méfiance face aux politiques et face aux experts n’a jamais été aussi forte. La problématique de la recherche et de l’innovation sont une des composantes de cette crise. Je suis donc impatient de découvrir la suite de ce très intéressant (et important) ouvrage…

Sur France Culture, « Le transhumanisme, c’est de la science fiction »

De temps en temps, j’écris un bref article qui n’a rien à voir avec les start-up. Quoi que… J’écoutais ce matin France Culture qui invitait le philosophe André Comte-Sponville. A l’instant 8:13 de la video qui suit commence une séquence sur le transhumanisme que le philosophe va commenter. Je la retranscris aussi plus bas. J’avais déjà eu l’occasion d’aborder le sujet lors de d’une autre édition de la même excellente émission, le 9 mai 2014: Ray Kurzweil raconte n’importe quoi. Je persiste et signe par chroniqueurs interposés!


Les Matins / Philosopher contre les fanatismes par franceculture

A la question « André Comte-Sponville, voulez-vous prendre le bus de l’immortalité », celui-ci répond :
« Non merci ! C’est évidemment exclu. Alors certains plus sérieusement, je pense à Laurent Alexandre, nous annoncent qu’on va bientôt vivre 1000ans. Et son livre s’appelle La mort de la mort. C’est évidemment un contre-sens. Parce que, que vous mourriez à 90 ans ou à mille ans, vous n’en mourrez pas moins. On vivrait davantage mais on ne mourrait pas moins. Quant à l’idée saugrenue, je dirais, de supprimer la mort, à nouveau, c’est une impossibilité. Aucun corps humain, aucun corps vivant ne résistera à la combustion, ne résistera à la noyade. Si vous passez 15 jours sous l’eau, je vous jure que transhumanisme ou pas, vous serez mort. Aucun être humain ne survivra à une balle tirée en plein front. Autrement dit, quand bien même on arriverait, et Dieu sait que ce n’est pas demain la veille, ça relève de la science-fiction, mais quand bien même, on arriverait à vaincre toutes les maladies et la vieillesse, autrement dit on ne mourrait plus que par accident, et bien tôt ou tard, comme sur un temps infini, tout le possible arrive nécessairement, on aurait un accident et on finirait quand même par mourir. Simplement, ce qui se passerait, comme on ne mourrait plus que par accident, nous serions en vérité perpétuellement mort de trouille. Ce qui m’autorise à prendre ma voiture aujourd’hui, c’est que je sais de toute façon que je vais mourir et donc mourir d’un cancer ou d’un accident de voiture, au fond la différence n’est pas essentielle. Si je ne peux plus mourir que par accident ou par assassinat, je serai perpétuellement mort de trouille. Bref ça fera une société de vieillards qui ne pourraient plus faire d’enfants sinon la surpopulation serait atroce, une société de vieillards et de trouillards. Et bien ça n’est mon idéal de civilisation ni de l’humanité.
– Du coup, le transhumanisme vous fait peur ?
– Non, encore une fois cela relève de la science-fiction. Que les sciences et les techniques prennent de plus en plus de place dans notre vie, qu’elles puissent un jour modifier la nature humaine, ça c’est vrai. On n’en est pas là pour l’instant, mais ça peut venir et donc il est légitime d’y réfléchir. J’ai envie de dire que les urgences sont ailleurs. Nous serons neuf milliards et demi, peut-être dix milliards en 2050, personne ne sait comment nous allons nourrir dix milliards de personnes. La question des ressources en eau douce et en terres arables, la question du réchauffement climatique, sont des questions bien plus urgentes que la question du transhumanisme.

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Je saute du coq à l’âne. Voici les écrits d’une autre philosophe française dont la clarté de pensée et la vision sont exceptionnelles. A lire absolument. le monde des start-up a lui aussi besoin de courage, d’éthique et de morale. Cynthia Fleury nous explique merveilleusement bien pourquoi tout individu et toute société en ont aussi besoin… Les mensonges du transhumanisme et de nos sociétés et de nos individus doivent être combattus!

Conversation tout azimut sur la science entre Gérard Berry et Etienne Klein

Très belle conversation « tout azimut » entre Etienne Klein, le physicien et Gerard Berry, médaille d’or du CNRS pour ses travaux en informatique dans l’émission Conversation Scientifique. Il y est question de tellement de belles choses « provocatrices ». Un seul exemple: ce qui coûte le plus cher, entre quelque chose qui coûte les yeux de la tête et quelque chose qui coûte la peau des fesses. L’informaticien prône le Berry pour mesurer le froid, 5 Berry, 6 Berry.

Berry

Plus sérieusement, il parle de la difficulté à prédire et des promesses impossibles, du courage en sciences. Le physicien comprend l’énergie, l’informaticien, l’information comme une grande partie des nouvelles générations. Berry nous parle aussi de la machine et de l’humain. La machine numérique, l’ordinateur, va très vite, mais n’a pas beaucoup plus d’intelligence qu’une machine à vapeur. Par contre l’ordinateur est partout. Mais nous, humains, sommes intuitifs, il n’y a aucune intuition dans un ordinateur. Nous sommes très complémentaires. A nouveau, je ne suis pas les transhumanistes qui croient que la machine va nous dépasser – du moins à court terme. Berry est très embêté par la notion d’intelligence en informatique. La performance n’est pas de l’intelligence, mais il y a eu beaucoup de choses intéressantes comme l’apprentissage; retrouver des gens dans des bases de données de photos fascine Berry.

Sur la politique de la science, Berry exprime beaucoup de prudence et de sagesse. « Prétendre qu’un sujet de recherche va arriver tout de suite est le meilleur moyen de le tuer. » Il répondait à une question sur l’ordinateur quantique. « Ce fut le cas de l’intelligence artificielle ». Il y a des gens prêts à promettre la lune et encore plus de gens prêts à les croire. On promet des choses sensationnelles, sur des choses intéressantes; il faut chercher dans ces domaines, mais ne pas promettre. Parmi les retombées possibles, mais imprévisibles, il y aura des choses intéressantes.

Il parle aussi de neurosciences. De l’apprentissage fascinant des enfants que l’on comprend difficilement. Pourquoi le cerveau se fige-t-il au bout d’un certain temps. Berry est fasciné par le temps, « de longues minutes ». Sa fascination vient du fait que le cerveau traite l’information, mais on ne comprend pas la créativité, le cerveau est une machine immense dont on ne comprend pas le fonctionnement. Mais encore une fois, il sera difficile, sans doute très difficile de comprendre comment le cerveau fonctionne. Berry ne croit « pas plus que ça » à notre capacité à construire des neurones artificiels pour simuler les mécanismes du cerveau. On découvre aussi que le plaisir et l’ennui, la motivation sont essentiels à l’apprentissage. Enfin Berry lance une petite pique sur l’état actuel de la recherche. « Il ne faut pas faire du nouveau quand on veut avoir du succès. Ou plutôt il faut se battre » (comme dans tout art).

Je vous laisse découvrir le dernier quart d’heure où il est question du collège de Pataphysique, ou relisez mon premier paragraphe…

Aux confins de la recherche – l’univers et le cerveau – et comment fonctionne la science?

Je viens de lire deux livres étonnants, qui à première vue ne semblent pas avoir grand chose en commun, et pourtant… Le premier est Time Reborn de Lee Smolin. Le second est en Touching a Nerve par Patricia Churchland.

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Attention Newton, Leibniz (et pas seulement Einstein) est de retour !

Lee Smolin revisite les défis actuels de la physique de l’univers – l’incompatibilité de la relativité générale et la physique quantique – et tente d’apporter de nouvelles idées, comme une réflexion sur ce qu’est le Temps. Ce n’est pas un livre difficile, mais il est si riche en idées, que je ne suis pas sûr ce qui est le plus important. Son idée principale est que le temps est un concept essentiel. Par exemple, les lois de la physique pourraient évoluer au fil du temps. Il croit aussi que la philosophie de Leibniz est très utile pour comprendre l’univers. [Ce que j’avais retenu de Leibniz est la critique de Voltaire dans Candide, avec le récurrent « meilleur des mondes possibles« ]. Permettez-moi de citer Smolin: « l’image de l’histoire de l’univers donnée par les relations causales réalise le rêve de Leibniz d’un univers où le temps est défini complètement par les relations entre les événements. Les relations sont la seule réalité qui correspond au temps. » [Page 58, édition Penguin 2014]

Il y a quelque chose d’aussi stimulant: « Le principe de Leibniz a des conséquences qui devraient contraindre une théorie cosmologique. L’une est qu’il de devrait rien y avoir dans l’univers qui agisse sur ​​d’autres choses sans être lui-même touché. » [Page 116] C’est le principe d’impossibilité d’action sans réaction. J’avais appris cela quand j’avais été choqué de comprendre que la terre me retient et m’empêche de voler, mais que j’attire également la terre. Avec Einstein, la matière modifie l’espace. Donc suivant le même principe, si les lois agissent sur l’univers et ses composants, alors que l’inverse est vrai. Les lois peuvent évoluer et Smolin pense que cela se fait selon une loi darwinienne de sélection naturelle.

Smolin conclut son livre sur des considérations plus générales sur la science et la société, qui sont aussi très intéressantes. J’avais déjà mentionné ici son précédent livre Rien ne va plus en physique. Son point de vue sur la science n’est pas original mais il est convaincant. Par exemple, «pour être scientifique, les hypothèses doivent suggérer des observations par lesquelles elles pourraient être vérifiées ou falsifiés» [Page 247] et il déteste certains aspects de la politique de la science. La vérité est l’objectif ultime même si inaccessible . « Les communautés scientifiques et plus largement les sociétés démocratiques à partir desquelles elles ont évolué, progressent parce que leur travail est basé sur deux principes de base:
(1) lorsque l’argument rationnel de la preuve suffit à trancher une question, elle doit être considéré comme résolue,
(2) lorsque l’argument rationnel de la preuve ne suffit pas à trancher une question, la communauté doit encourager un large éventail de points de vue et hypothèses compatibles avec une tentative de bonne foi de développer une preuve convaincante ».
[Page 248]

Et je terminerai par une dernière citation de Smolin : « Nous avons besoin d’une nouvelle philosophie, qui prévoit la fusion du naturel et de l’artificiel par la réalisation d’une conciliation des sciences naturelles et sociales, dans laquelle l’action humaine a toute sa place dans la nature. Ce n’est pas du relativisme, où tout ce que nous voulons être vrai peut l’être. Pour survivre au défi du changement climatique, ce qui est vrai importe beaucoup. Nous devons aussi rejeter à la fois la notion moderniste que la vérité et la beauté sont déterminés par des critères formels et la rébellion postmoderne selon laquelle la réalité et l’éthique sont de simples constructions sociales. Ce qui est nécessaire est un relationalisme, selon lequel l’avenir est limité par, mais n’est pas déterminé par, le présent, de sorte que la nouveauté et l’invention sont possibles ». [p 257]

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Comme transition vers le cerveau, je triche ici et cite Smolin une dernière fois (promis!) «Par le problème de la conscience, je veux dire que si je vous décris dans toutes les langues que les sciences physiques et biologiques mettent à notre disposition, je laisse quelque chose hors de portée. Votre cerveau est un réseau vaste et fortement interconnecté d’environ 100 milliards de cellules, dont chacune est elle-même un système complexe fonctionnant avec des chaînes contrôlées de réactions chimiques. Je pourrais décrire cela dans autant de détails que je voudrais, et je n’aurais jamais expliqué le fait que vous avez une expérience intérieure, un courant de conscience. Si je ne sais pas, en raison de mon propre expérience, que je suis conscient, ma connaissance de votre processus neuronal ne me donne aucune raison de soupçonner que vous êtes. […] Supposons que nous avons cartographié les circuits neuronaux dans le cerveau sur des puces de silicium et téléchargé votre cerveau dans un ordinateur, est-ce que l’ordinateur sera conscient? [… ] Y aurait-il maintenant deux êtres conscients avec vos souvenirs dont les futurs vont à partir de là diverger. » [pages 268-69]

Patricia Churland commence son livre avec les «craintes» que la recherche scientifique génère quand vous êtes à la frontière. «Je déteste le cerveau, je déteste le cerveau » est ce qu’un philosophe a dit lors d’une conférence, peut-être pour expliquer son malaise sur l’importance de la biologie pour expliquer les processus de l’esprit. Churchland ajoute que découvrir que la terre n’est pas le centre de l’univers, ou le cœur est juste une pompe a eu des résultats semblables dans la société: la peur et le déni. Mais Churchland n’a pas peur de la connaissance et du progrès. « Mon role est d’enseigner à mes aspirations à se conformer à la réalité, et non pas d’essayer de mettre les faits en harmonie avec mes aspirations. »

A la fin de son livre [page 240] elle aborde le sujet de la conscience:
Vers 1989, le psychologue Bernard Baars a proposé un cadre pour la recherche sur la conscience en vue de favoriser une coévolution de la psychologie et de la neurobiologie.
Premièrement, […] les signaux sensoriels dont vous êtes conscient sont fortement intégrés et traités à haut niveau par des réseaux cérébraux de niveau inférieur (inconscients). Autrement dit, lorsque vous entendez [quelque chose], vous n’êtes pas conscient d’abord d’une série de sons, ensuite conscient de trouver comment ces morceaux se transforment en suite de mots, puis conscient de comprendre ce que signifie les mots, enfin conscient de mettre tout cela ensemble pour comprendre le sens de la phrase. Vous entendez; vous êtes conscient de ce que cela veut dire.
Deuxièmement, les informations stockées concernant [l’évènement] sont soudainement consciemment disponibles pour vous aider à décider quoi faire dans cette situation nouvelle. Cela signifie qu’il doit y avoir intégration des signaux sensoriels avec un fond pertinent de connaissance – avec les informations stockées.
Le troisième point important est que la conscience a une capacité limitée. Vous ne pouvez pas suivre deux conversations à la fois, vous ne pouvez pas en même temps faire une longue division mentalement et faire attention à des tourbillons dangereux dans une rivière impétueuse. Lorsque nous pensons que nous sommes « multi-tâche », nous sommes probablement en train de modifier notre attention en va-et-vient entre deux, voire trois tâches, que nous maitrisons bien individuellement et que l’on sait pouvoir effectuer avec une vigilance mineure.
Quatrièmement, la nouveauté dans une situation appelle à la conscience et à l’attention consciente. Si vous vous battez contre un feu de grange, vous devez être alerte et vigilant. Par contre, si vous êtes un trayeur de vache expérimenté, vous pouvez traire la vache et pouvez faire attention à autre chose.
Cinquièmement, l’information qui est consciente peut être consultée par de nombreuses autres fonctions du cerveau, telles que la planification, la décision et l’action. L’information peut être consultée par les zones de la parole afin que vous puissiez en parler. Les informations conscientes restent « sur le devant de la scène », pour ainsi dire, c’est-à-dire que l’information est disponible pendant quelques minutes dans la mémoire afin que vos décisions soient cohérentes. La disponibilité généralisée d’un événement conscient était une hypothèse que Baars a proposée, pas un fait établi, mais cela semble tout à fait plausible et a provoqué d’autres questionnements, tels que la régulation de l’accès et l’étendue des fonctions auxquelles on peut avoir accès.
Aucune de ces cinq caractéristiques n’est un révolution en soi, mais notez que, collectivement, elles donnent un cadre raisonnable et assez puissant pour guider la recherche dans d’autres domaines, tels que la façon dont l’information est intégrée et rendue cohérente dans notre expérience. Sagement, Baars éviter d’essayer d’identifier l’essence de la conscience, se rendant compte que les essences sont une manière démodée de penser des phénomènes, qui entravent des progrès réels. Cela contraste avec l’approche privilégiée par certains philosophes, par laquelle ils ont essayé d’identifier la propriété définissant la conscience, comme auto-référentiellement, i.e. savoir ce que vous savez que vous sentez une démangeaison ou une douleur.

Mais entre-temps, vous pourrez également en apprendre davantage sur le rôle de l’ADN et des gènes; des protéines et des hormones et d’autres molécules telles que les androgènes, le cortisol, la dihydrotestostérone, la dopamine, l’estradiol, l’estrogène, la mélatonine, l’oxyde nitrique synthase, la noradrénaline, l’ocytocine, la sérotonine, la testostérone, la vasopressine; et les multiples modules et sous-ensembles de notre cerveau.

Les deux auteurs, Smolin et Churchland ont le plus grand respect pour la recherche et les chercheurs scientifiques en quête de vérité. Juste pour cette raison, vous devriez les lire!

Quand la science ressemble à la religion: la théorie qui ne mourrait pas.

Voici le troisième livre que je lis en peu de temps sur les statistiques et c’est probablement le plus étrange. Après mon cher Taleb et son Cygne Noir, après les statistiques plus classiques avec Naked Statistics, voici l’histoire de la statistique bayésienne.

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Si vous ne connaissez pas Bayes, permettez-moi simplement de mentionner sa formule, belle par sa symétrie: [Selon wikipedia]
En théorie des probabilités, le théorème de Bayes énonce des probabilités conditionnelles : étant donné deux évènements A et B, le théorème de Bayes permet de déterminer la probabilité de A sachant B, si l’on connaît les probabilités de A, de B et de B sachant A.
P (A | B) P (B) = P (B | A) P (A)

Je n’ai jamais été vraiment à l’aise avec ses applications. J’avais sans doute tort encore une fois, étant donné tout ce que j’ai appris après la lecture de livre de Sharon Bertsch McGrayne. Mais j’ai aussi compris pourquoi je n’ai jamais été à l’aise: depuis trois siècles, il y a eu une guerre quasi-religieuse entre bayésiens et fréquentistes sur l’utilisation des probabilités. Sont-elles liées aux événements fréquents seulement ou peuvent-elles être appliquées à des événements rares? Quelle est la probabilité d’un événement rare qui peut ne jamais se produire ou peut-être juste une fois?

[Laissez-moi vous donner un exemple personnel: Je suis intéressé par l’entrepreneuriat en série, et j’ai fait et je fais encore des tonnes de statistiques sur les entreprises liées à Stanford. J’ai plus de 5’000 entrepreneurs, et plus de 1’000 sont en série. J’ai des résultats qui montrent que les entrepreneurs en série ne sont pas en moyenne meilleurs que les autres, en utilisant  les méthodes classiques des statistiques. Mais maintenant, je dois penser à utiliser:
P (Réussite | Série) = P (Série | Réussite) P (Réussite) / P (Série)
Je ne sais pas ce qui va en ressortir, mais je devrais essayer!].

Si vous voulez un bon résumé de l’ouvrage, lisez la critique de Andrew I. Daleby (pdf). McGrayne illustre l’histoire «récente» des statistiques et des probabilités par des scientifiques de renom (Laplace) et moins célèbres (Bayes), à travers de histoires célèbres (la machine Enigma et Alan Turing) et moins célèbres (des bombes atomiques perdues dans la nature) et c’est un livre fascinant. Je ne suis pas convaincu qu’il soit bon à expliquer la science, mais la quantité d’anecdotes est impressionnante. Et peut-être qu’il n’est pas question de science en définitive, mais plus de croyance comme cela est mentionné dans le livre: « Swinburne inséra des opinions personnelles à la fois dans les probabilités a priori et dans les données prétendument objectives du théorème de Bayes pour conclure que Dieu avait plus de 50% de chance d’exister; plus tard Swinburne calcula la probabilité de la résurrection de Jésus « à quelque chose comme 97 pour cent » [page 177]. Cela évidemment me rappelle la fameuse citation d’Einstein: « Dieu ne joue pas aux dés avec l’univers. » Ce n’est pas directement lié mais encore une fois, je lisais quelque chose sur les liens entre la science, la religion et les probabilités.

Lorsque l’âge n’empêche pas la créativité: un rare exemple en mathématiques

Je parle rarement ici (mais parfois) de Science ou de Mathématique. Seulement quand cela m’aide à illustrer ce que l’innovation ou la créativité ont en commun, et parfois quand je vois des crises analogues dans ces domaines (voir par exemple mes articles sur Dyson, Thiel, Ségalat ou Smolin). Et il y a un autre point connexe: il est souvent affirmé que les grandes découvertes scientifiques et les projets d’entreprise sont réalisés à un jeune âge.

YitangZhang
Yitang Zhang

Vous n’avez probablement jamais entendu parler de Yitang Zhang qui a stupéfié le monde des mathématiques le mois dernier en ayant résolu un problème vieux de plusieurs siècles. C’est un mathématicien totalement inconnu et plus surprenant, il a (plus de) 50 ans. Pour ceux qui s’intéressent au problème, vous pouvez lire d’abord l’article de Nature First proof that infinitely many prime numbers come in pairs. Fondamentalement, Zhang a prouvé qu’il existe une infinité de paires de nombres premiers dont la distance est inférieur à un nombre N donné. Les mathématiciens rêvent encore de prouver que N est égal à 2 – la conjecture des nombres premiers jumeaux -, mais Zhang est le premier à prouver que N existe … même si N vaut 70 millions!

7 x 7 = (7-1) x (7+1) + 1

Je notai hier cette drôle de formule. Y aurait-il de la magie comme le pensent beaucoup dans le chiffre 7. Est-ce que je serais en train de perdre de mon esprit rationnel – quoique je doive admettre que le monde des start-up est souvent irrationnel? Non : le nombre 7 n’est pas le seul. Il en de même pour 5 [25=24+1], 3 [9=8+1], et ainsi de suite 11, 17. Alors il s’agit des nombres premiers? Même pas, la formule est vérifiable pour tous les entiers… Je me suis senti un peu stupide quand j’ai découvert qu’il ne s’agissait que d’appliquer la formule a^2 – b^2 = (a-b) x (a +b)!!

J’adore les mathématiques et elles n’ont rien de magique, malgré leurs mystères. J’aime aussi lire des livres sur le sujet. Les meilleurs montrent la poésie, la beauté de la discipline. Et pour conclure sur cet article inhabituel sur ce blog, voici quelques unes de mes lectures passées, sans préférence particulière:

Il y a toujours des problèmes non résolus. Le plus célèbre est sans doute de résoudre l’hypothèse de Riemann. Voici deux livres qui racontent sa genèse:

(Cliquer sur chaque image pour un lien au livre)

Il y a même un prix de un million de dollars pour 7 prix à résoudre, proposé par le Clay Institute. Le premier problème résolu fut la conjecture de Poincaré par Grigori Perelman. Perelman a décliné le prix mais ceci est une autre histoire !

Avant ces problèmes, il y eut les problèmes de Hilbert. A l’époque, le Théorème de Fermat était sans doute le plus célèbre !

Enfin deux derniers exemples pour terminer, mais je pourrais en citer tant d’autres, voici la biographie de génies des mathématiques assez étranges, Srinivasa Ramanujan et Paul Erdös

Je reviendrais peut-être un jour sur le sujet, et plus généralement sur les livres de popularisation des sciences! N’hésitez pas à me donner vos exemples et conseils… 🙂

NB: si vous cherchez les éditions en anglais, voir l’article https://www.startup-book.com/2012/11/19/7-x-7-7-1-x-71-1/

Freeman Dyson : Portrait du scientifique en rebelle

Freeman Dyson est un étrange scientifique, mélange de conservatisme sage et modéré et de défricheur de l’iconoclasme. Il prône des analyses à froid mais adore ce qui est étrange. Je viens de lire Portrait du scientifique en rebelle, un livre magnifique ou chacun doit pouvoir trouver sa part de stimulation intellectuelle.

Quel rapport avec l’innovation ou l’entrepreneuriat high-tech? Assez peu directement, et le sujet est plus proche des mes autres articles sur des livres de réflexion sur la science (Smolin, Ségalat par exemple). Il y a en fait de nombreuses connections entre recherche scientifique et innovation technologie, ne serait-ce que du point de vue de la créativité. Autre lien des plus ténus, il est le père de Esther Dyson, capital-risqueuse célèbre dans la Silicon Valley.

L’échec en est un autre exemple. Dans une interview antérieure à ce livre Dyson disait à propos du rôle de l’échec: « Vous ne pouvez pas raisonnablement obtenir une bonne technologie sans un nombre énorme d’échecs. Si vous regardez les bicyclettes, il y avait des milliers de modèles bizarres construits et testés avant qu’ils ne trouvent celui qui marchait vraiment. Vous ne pouvez jamais construire une bicyclette théoriquement. Même maintenant, après les avoir construit depuis une centaine d’années, il est très compliqué de comprendre comment fonctionne une bicyclette – il est même difficile de le formuler comme un problème mathématique. Mais juste par essais et échecs, nous avons trouvé comment le faire, et l’erreur était essentielle! » (tiré de Freeman Dyson’s Brain.)

Le titre « Portrait du scientifique en rebelle » n’est pas non plus sans me rappeler la citation de Pitch Johnson que j’avais mentionnée dans Entrepreneurs et Révolution: “Les entrepreneurs sont les révolutionnaires de notre temps” et il s’expliquait ainsi: “La démocratie fonctionne mieux quand il y a un peu de turbulence dans la société, quand ceux qui ne sont pas encore à l’aise peuvent grimper l’échelle économique en utilisant leur intelligence, leur énergie et leur habileté pour créer de nouveaux marchés ou mieux servir les marchés existants.”

Dans ce livre, il est question d’éthique, de religion, de changement climatique et de scientifiques aussi varés que Gödel, Erdös, Hardy, Oppenheimer, Feynman bien sûr, Teller l’indéfendable, et Thomas Gold dont je n’avais jamais entendu parler.

Le chapitre sur Gold et celui qui a le plus retenu mon attention et s’intitule « un hérétique des temps modernes. » Gold a abordé des sujets aussi divers que
– la physiologie de l’oreille (validée 30 ans plus tard malgré les résistances de tout ordre),
– la théorie du déplacement de 90 degrés de l’axe de la terre,
– l’origine abiotique du gaz naturel et du pétrole, (i.e. pas issu de la dégradation d’êtres vivants,)
– l’existence de la vie à l’intérieur de la croute terrestre,
– l’interprétation des pulsars.
Il n’a pas eu peur de se tromper sur des sujets comme
– l’état stationnaire de l’univers,
– la lune couverte de poussière électrostatiques.
Gold était « un intrus mais tout sauf un ignorant » et ajouta que « la science n’est pas drôle si on n’a jamais tort. » Je viens de trouver un autre article de blogger sur Gold si vous souhaitez en savoir plus: The Radical Ideas Of Thomas Gold.

Dyson a écrit un livre stimulant, passionant, et je ne peux qu’en encourager la découverte!

La Technologie, notre salut

« Notre élite technocratique nous a dit de nous attendre à un avenir toujours plus riche et la science n’a pas tenu ses promesses. A l’exception des ordinateurs et de l’Internet, l’idée que nous vivions un progrès technique fulgurant est un mythe. »

Ainsi parle Peter Thiel dans une interview au Wall Street Journal que j’ai lu lors de mon voyage à la découverte de l’écosystème high-tech finlandais (j’y reviendrai à mon retour). J’ignorais que Peter Thiel était né en Allemagne, voici donc encore un de ses migrants européens de la Silicon Valley.


Zina Saunders

« Personne ne veut croire que la technologie a un problème… La pharma, la robotique, l’intelligence artificielle, les nanotechnologies – tous ces domaines où les progrès ont été moindres qu’imaginés. Et la question est pourquoi. » […] L’innovation dit-il vient d’une culture de la « frontière », une culture de « l’exceptionnalisme » où l’on s’attend à des choses exceptionnelles – dans notre monde, un attribut presque uniquement américain mais qui se perd. […] L’idée que la technologie a un problème est un tabou. Un vrai tabou.

Peter Thiel est un personnage intéressant, un caractère assez unique même pour l’Amérique. je ne suis pas sûr qu’il soit plutôt conservateur que libertarien comme T. J. Rodgers. Vous devriez lire l’interview dans son intégralité (et comme je ne suis pas sûr que le WSJ va l’offrir gratuitement pour encore un peu de temps, je l’ai copiée dans le post en anglais); lisez aussi les commentaires. La raison pour laquelle j’aime cet article est qu’il s’agit d’un sujet qui me préoccupe et que j’ai abordé dans mes posts sur la crise ainsi que sur un certain nombre de mes lectures sur la crise de la science comme celles de Smolin, ou encore Zuppiroli ou Ségalat.

A nouveau voici le lien pour l’article en anglais sur mon blog.

La Crise et le Modèle Américain

J’ai souvent des dialogues sur la crise. La crise. Mais crise de quoi? Cette crise financière, économique cache-t-elle autre chose? Une crise de civilisation? Mes collègues me reprochent souvent ma fascination pour le modèle américain qui est peut-être bien à l’origine de cette crise. Alors je vais essayer de contribuer très indirectement à la réflexion en commençant pas la crise de la Science. J’espère que vous allez me suivre!

En août 2008, j’écrivais un texte bref sur le sujet à travers le livre de Lee Smolin, Rien ne vas plus en physique. Je viens de lire récemment deux autres ouvrages dont les préoccupations sont proches. Laurent Ségalat a écrit La science à bout de souffle. Cliquez sur le lien qui précède et vous aurez un meilleur descriptif du livre que je ne pourrais le faire.

Libero Zuppiroli publie La bulle universitaire. Faut-il poursuivre le rêve américain?. Il y montre un problème qui commence à se généraliser. Ces derniers jours l’intellectuel français Régis Debray sur France Inter ou le professeur de l’EPFL, Denis Duboule sur la RSR (il faut aller à 22mn15sec environ), se sont eux aussi exprimé l’un sur l’université de la performance et l’autre sur la fraude scientifique. Duboule comme Ségalat compare la pression sur les scientifiques à celle qui pousse les sportifs à se doper. Debray qualifie hier sur France Inter d’asphyxiante cette université de la performance devenue entreprise. Il y expliquait que copier l’Amérique protestante, mélange de temple et de supermarché où Dieu est sur les billets de banque dans une France catholique où l’argent est plus proche de l’enfer risque de faire disparaître le désintéressement, qualité par excellence du service public, de l’université et sans doute de notre culture. Il ajouta qu’une de ses amies, professeur de latin à la Sorbonne, est partie aux USA, faute de « clients en France », parce que « dans les universités américaines, on fait de plus en plus de latin et de grec ». Le constat est plus complexe car un de mes amis, spécialiste de Beaudelaire et professeur aux USA, ne serait pas convaincu que la nouvelle Athènes que serait le nouveau monde est aussi reluisante, quant à la culture classique. Comme quoi, l’enthousiasme réel que j’ai pour certains aspects des USA n’empêche pas (et ne doit pas empêcher) l’esprit critique.

Zuppiroli termine son livre par une postface dont j’extrais un passage:

« La servitude volontaire des masses est encore aujourd’hui le plus grand danger qui guette nos sociétés et menace la paix du monde. C’est le sentiment profond que le plus fort a toujours raison : son succès est la preuve qu’il n’y a pas d’autre choix que de suivre son exemple, car c’est là que se trouve l’espoir. Si les plus forts sont ouvertement injustes, le soutien qu’il convient malgré tout de continuer à leur apporter est ressenti comme une fatalité à laquelle on ne peut échapper.

En principe c’est aux dangers de la servitude volontaire que la culture universitaire, que le travail de pensée devraient permettre de résister pour proposer des solutions nouvelles. »

Je vais sauter du coq à l’âne, ou plutôt au chat… allez voir Les chats persans de toute urgence. La servitude n’y est pas volontaire, dictature obligeant. Mais dans une interview à la revue Positif, le réalisateur Bahman Ghobadi explique que son film l’a libéré. Il n’a plus peur. Et d’ajouter qu’à sa connaissance la censure ne tue plus les cinéastes ou le cinéma aux USA. Modèle pour les uns, repoussoir pour les autres. Cliquez sur ce qui suit pour un intermède musical.

Je vais revenir au point de départ, le coq. Un peu d’égo donc! Je citais Wilhelm Reich en conclusion de mon livre. « Écoute, Petit Homme » est un magnifique essai, petit par la taille, grand par l’inspiration. « Je vais te dire quelque chose, petit homme : tu as perdu le sens de ce qu’il y a de meilleur en toi. Tu l’as étranglé. Tu l’assassines partout où tu le trouves dans les autres, dans tes enfants, dans ta femme, dans ton mari, dans ton père et dans ta mère. Tu es petit et tu veux rester petit. » Le petit homme, c’est vous, c’est moi, c’est nous. Le petit homme a peur, il ne rêve que de normalité, il est en nous tous. Le refuge vers l’autorité nous rend aveugle à notre liberté. Rien ne s’obtient sans effort, sans risque, sans échec parfois. « Tu cherches le bonheur, mais tu préfères la sécurité, même au prix de ta colonne vertébrale, même au prix de ta vie. »

Il me semble que nous avons une crise profonde du collectif et de l’individuel. Comment laisser s’exprimer l’ambition individuelle s’exprimer en enrichissant le collectif. Paradoxalement, le collectif en croyant favoriser l’individuel l’a emprisonné, l’a censuré et le pousse à l’autocensure ou à la fraude. »

La réponse à la crise est difficile. On la trouve en partie chez Zuppiroli. Une utopie universitaire basée sur la créativité et sur l’enseignement, outil de transmission et d’échange. La créativité, l’inventivité et aussi (ou en conséquence?) l’innovation sont, je crois, en crise profonde. Elles sont étouffées par une culture du résultat et de la performance. J’écoutai ce matin un autre point de vue dans le Café philo de la RSR. Rétablir la confiance. La confiance en soi (l’individu) et la confiance réciproque en les autres (le collectif) qui permet respect, transmission et sans doute rapprochement de la tradition et de la nouveauté. « La confiance en soi individuelle peut faire tache d’huile sur le plan collectif ». Il y faudra aussi un esprit critique qui libère de notre servitude et une profonde discussion de nos modèles .

Si vous m’avez suivi jusque là, merci! J’y ai mis beaucoup de conviction. Réagissez, réagissez s’il vous plait.