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« Il faut chérir l’entrepreneuriat » nous dit le chairman de Nokia.

Je n’ai pas vérifié combien de fois j’ai blogué sur la Finlande, mais il est certainement l’un des pays les plus intéressants pour l’entrepreneuriat high-tech en Europe. Pourtant, lorsque j’ai assisté à la conférence REE à l’Université d’Aalto la semaine dernière, j’ai été frappé par les propos de Risto Siilasmaa. Il n’est pas seulement le président du conseil d’administration du géant des téléphones mobiles, mais aussi le fondateur et le chairman de F-Secure, une start-up de logiciels de sécuité. Si vous avez le temps, regardez son discours en entier et écoutez attentivement. Voici mes notes, que j’espère fidèles. elles commencent par: « l’esprit d’entreprise devrait être célébré, car il sera crucial de l’avenir du monde. Ce n’est pas un métier, c’est un état d’esprit. »


(Aller sur youtube: http://youtu.be/nFyKRCo4QkM si vous ne voyez pas la vidéo insérée!)

«En 1924, la Finlande a obtenu 37 médailles dont 14 médailles d’or aux Jeux olympiques, mais beaucoup moins en 2012. La Finlande était pauvre, mais à cette époque, l’Europe représentait 25% de la population mondiale et 33% du PIB. En 2050, elle représentera 7% de la population et 15% du PIB. Et nous ne serons pas en mesure de donner à tous la richesse dont nous, les Européens, jouissons aujourd’hui. Ne parlons même pas du changement climatique et du vieillissement. Aujourd’hui, en Europe, sur 100 personnes, 46 travaillent, dont 8 dans le monde de la santé. En 2050, 38 travailleront dont 18 dans la santé. Moins de 20 créeront de la richesse pour les autres. L’équation ne fonctionne pas. Les subventions européennes vont pour 1/3 à l’extraction du charbon et à l’agriculture et 8% à la R&D et à la technologie. Ceci n’a aucun sens. Les Européens, les citoyens ont besoin d’élire des dirigeants qui ont une vision et du courage… l’esprit d’entreprise doit avoir un impact et il n’y a aucun intérêt à faire de petites innovations quand vous courez à l’échec. »

Risto a fondé F-Secure quand il avait 24 ans, mais a commencé à se faire de l’argent de poche quand il avait 12 ans. Il a étudié à Aalto, mais se souvient plus d’éléments négatifs que positifs quant à ses études. L’esprit d’entreprise n’était pas apprécié à sa juste valeur, les enseignants ne semblaient pas accorder de valeur de leur enseignement ou ne se préoccupaient pas de la qualité de la transmission. « C’était très décevant ». Il n’avait pas eu camarades de classe ayant un intérêt pour l’esprit d’entreprise, mais il doit remercier Aalto pour l’avoir poussé à créer une entreprise avec un ami quand il a commencé à faire des affaires. C’était un cabinet de conseil / de projets et il a engagé de nombreux anciens d’Aalto. Il se souvient aussi de «l’aversion pour le transfert de compétences pratiques» et une d’une attraction pour la théorie [quelque chose auquel il faut peut-être réfléchir – pourquoi ce fait?]. «Les sciences de la gestion étaient décevantes, le plus compliqué vous étiez, le meilleur (savez-vous ce que sont « déséconomies de compression du temps? »[Voir la prochaine ligne]). Un PDG ne va jamais lire de recherche en gestion, les chercheurs veulent simplement que leurs collègues chercheurs les lisent, ou pourquoi n’auraient-ils pas utiliser « délai d’exécution » ou quelque chose de semblable au lieu de la notion complexe citée plus haut? Siilasmaa considère qu’il pourrait y avoir des trésors cachés dans la recherche, mais comment le savoir.» «Encore une fois l’esprit d’entreprise est un état d’esprit, ce qui implique pragmatisme, ambition, rêves, persévérance, optimisme et capacité à renoncer et recommencer à nouveau. Il y a aussi désir de résultats. Nous devons nous réveiller, essayer, tuer ce qui échoue et recommencer.» Siilasmaa a aussi cité George Bernard Shaw: « Certains voient les choses comme elles sont et se demandent pourquoi. D’autres rêvent de choses qui n’ont jamais existé et disent pourquoi pas. »

Puis ce fut la séance de questions-réponses (Q/R):
– le tabou de l’argent. Oui, le nouveau président français a dit qu’il déteste les gens riches. L’argent est un sous-produit, mais le succès devrait être célébré. Une fois que vous en avez assez, vous n’avez pas besoin d’argent, mais c’est un résultat;
– les stock-options – Q: Sont-elles acceptées en Finlande comme dans la Silicon Valley? R: oui, mais les tours de financement successifs et l’absence de sorties font des stock-options un mécanisme moins réussi en Europe, pas moins accepté;
– les valeurs: elles doivent venir de parents, pas de l’école. Maintenant, il est vrai que certains dirigeants ont réussi avec des valeurs étranges, comme des « gourous de secte ». Pas facile de les blâmer quand ils ont du succès, mais comment pouvons nous nous aligner sur ces valeurs … pas facile;
– la recherche sur l’entrepreneuriat à nouveau: si un article n’est pas complexe, il n’est pas accepté pour publication, tant pis! Un PDG lira plus facilement des livres de 300 pages avec 1 seule idée, malheureusement! Alors vous avez besoin de sélectionner des enseignants avec des valeurs et de l’ambition. Pourquoi ne pas des entrepreneurs? Il ya un livre sur la manière de choisir les bonnes personnes. Cherchez le sur Google

La conférence a été riche en intervenants de qualité, mais rien de vraiment comparable à Siilasmaa. J’ai remarqué quelques bonnes choses comme «être entrepreneurs pour avoir un impact. Tout comme pour les scientifiques ou des artistes, il est question de laisser une trace dont l’on se souviendra. Par conséquent, nous devons «exposer autant de personnes que possible à l’esprit d’entreprise et espérer que la diversité va induire la richesse. Encore une fois il s’agit d’un processus darwinien. Et nous devrions aussi être conscients que l’entrepreneuriat n’est pas seulement la satisfaction des besoins, mais aussi la réponse à des frustrations et à des désirs.

J’ai été moins convaincu par le fait que la créativité peut être enseignée (mais je ne suis pas créatif alors peut-être que je devrais suivre ces cours!); j’ai surtout entendu parler des conditions de la créativité. Moins convaincu aussi par l’idée de John Mullins que les clients peuvent être préférables pour financer votre start-up aux investisseurs (ce n’est pas mon expérience mais je pourrais être biaisé) ou même que l’enseignement de l’entrepreneuriat peut remplacer l’état d’esprit. Mais il y eut une analyse intéressante que je reformule à ma façon: «Si 100 étudiants suivent un cours, 10 peut-être vont lancer une entreprise, 5 échoueront car ils n’ont pas écouté / appris, 4 survivront parce qu’ils ont appris les outils pour éviter les erreurs fatales, et 1 réussira parce qu’il n’aura pas entièrement écouté et aura fait son propre chemin différemment des leçons inculquées! »

Permettez-moi de terminer avec quelque chose de vaguement lié. Comme vous le savez peut-être si vous avez un visiteur régulier ici, j’aime publier les tables de capitalisation de start-ups (si les données sont disponible pour la créer, par exemple au moment d’une sortie); voici celle de F-secure.

Le Cygne Noir, suite et fin?

Comme suite aux « posts » sur le Cygne Noir, le « Black Swan » de Nassim Nicholas Taleb, j’ai eu la chance d’expliquer comment je comprenais ce phénomène dans l’émission Babylone de la station Espace 2 sur la Radio Télévision Suisse Romande. Merci à Jean-Marc Falcombello pour ce long entretien. Cela dure 19 minutes entre les minutes 23:15 et 42:00.

je suis moins sûr que le lien suivant fonctionne: http://www.rts.ch/espace-2/programmes/babylone/4203353-moi-je-ne-bluffe-pas-l-insoutenable-legerete-de-l-incertitude-30-08-2012.html?f=player/popup

L’innovation en Suisse d’après Neil Rimer

«Il y a de l’innovation en Suisse, mais peu d’entrepreneurs prêts à conquérir le monde» Voici ce que déclare Neil Rimer aujourd’hui au Journal Le Temps. L’article est parfois payant, cliquer ici.


Neil Rimer, associé et fondateur d’Index Ventures. (Véronique Botteron)

Et d’ajouter: « Pour attirer […], il faut une masse critique de start-up afin qu’il y ait d’autres options envisageables en cas d’échec. […] La Suisse et ses cantons cherchent à attirer des entreprises traditionnelles ou les centres administratifs de grandes sociétés. […] Mon grand souhait serait que les autorités encouragent la création de postes d’ingénieurs, de designers, de marqueteurs et de managers. C’est ainsi que nous attirerons une masse critique de professionnels capables de créer et de faire grandir les start-up en Suisse. »

Le constat ne se limite pas à la Suisse, l’Europe souffre d’un certain soutien à ce qui est établi. Mais il faut croire que le problème est de mieux en mieux compris. Les nouveaux entrepreneurs et investisseurs semblent d’accord et les politiques les écoutent…

La propriété intellectuelle à bout de souffle ?

Voici ma deuxième contribution à Entreprise Romande après un article sur la difficulté à innover.

Droits d’auteurs, brevets, marques. Jamais la propriété intellectuelle («PI») n’a fait autant parler d’elle, mais serait-elle victime de son succès ? Elle devient en effet l’outil quasi-exclusif des puissants et pire, elle est peut-être un frein à l’innovation qu’elle est censée encourager.

En juillet 2011, un consortium réunissant Apple, Microsoft, Sony rachetait 6 000 brevets du défunt Nortel pour $4.5 milliards, En août 2011, Google répliquait en rachetant les brevets de Motorola Mobile pour $12,5 milliards. Enfin en septembre 2011, les Etats-Unis annonçaient une réforme majeure de leur loi sur les brevets, l’America Invents Act. Ces trois événements en un seul été viennent confirmer la place de plus en plus prépondérante de la PI dans le monde des affaires. Pourtant je crois qu’il s’agit plutôt de mauvaises nouvelles!

Nouveaux privilèges

Si un dépôt de brevet ne coûte que quelques centaines de dollars et quelques dizaines de milliers à maintenir sur 20 ans, en garantir la protection en cas de litige juridique se comptera en millions de dédommagements et frais d’avocats. Toute entreprise aux reins fragiles pourra être morte bien avant d’obtenir réparation ou de prouver son innocence. Malheur aux faibles ! Les grandes entreprises ne sont pas les seules à l’avoir compris, puisque sont apparues depuis quelques années des sociétés spécialisées dans la valorisation de portefeuilles de PI («patent trolls») sans la moindre ambition de vendre des produits ou services autour de celle-ci. Et les européens ne doivent pas croire que le problème n’est qu’américain comme l’illustre la récente bataille entre Nokia et l’Allemand IPCom.

On est loin de l’origine des brevets et du droit d’auteur consolidés par les révolutions de la fin du XVIIIème siècle. Il était question de mettre fin au monopole du corporatisme et de soutenir inventeurs et créateurs. Loin de moi l’idée de pousser à la disparition de la propriété intellectuelle. Je ne citerai que l’exemple du laser dont la saga des brevets a au moins permis un magnifique livre, plus proche du thriller que de la physique ardue d’où il est né, Laser: The Inventor, the Nobel Laureate, and the Thirty-year Patent War. Mais je ne suis plus du tout convaincu que la PI pourrait aujourd’hui permettre ce qui avait été possible il y a presque 50 ans avec le laser. Et déjà au XIXème siècle, des mouvements abolitionnistes étaient apparus, conscients des limites d’un système instaurant de nouveaux privilèges.

Freins

L’autre débat autour de la PI est parfaitement résumé par un récent article de la ParisTech Review : « les brevets freinent-ils l’innovation ? » L’histoire est-elle aussi ancienne : Boldrin et ses co-auteurs [1] affirment que les développements de la machine à vapeur ont été freinés par des brevets déposés en 1769. Sait-on que le microprocesseur d’Intel ne fut jamais protégé, ni même bien sûr l’Internet ; et c’est plus ou moins contraint que Bell Labs accorda des licences sur le transistor, événement qui est peut-être à la naissance de culture de la Silicon Valley : « Dans les années 70 et 80, de nombreux ingénieurs de chez Fairchild, National et autres se rencontraient autour d’une bière pour parler des problèmes qu’ils rencontraient dans la production ou la vente de semi-conducteurs. Le Wagon Wheel Bar était un lieu de rencontres où même les concurrents les plus vifs échangeaient des idées. » Ayant récemment visité LinkedIn, j’y ai entendu des ingénieurs raconter comment ils résolvent certains problèmes avec leurs collègues chez Facebook. Discuter avec Apple ou Google semble beaucoup plus difficile.

La propriété intellectuelle n’est pas la réponse à tout et dans son évolution actuelle, elle pose plus de nouveaux problèmes qu’elle n’en résout. La réforme des brevets américains suscite déjà maintes critiques. Quant à l’Europe, elle semble bloquée dans ses égoïsmes nationaux puisqu’il n’existe pas de brevet européen et son refus des brevets sur le logiciel ou les modèles d’affaire ne lui donnent pas le moindre avantage. Dans un monde dématérialisé et globalisé, la PI doit protéger le créatif, pour mieux permettre la diffusion des idées et des techniques. Le mouvement « open source » dans le logiciel et les récentes expériences de diffusion d’œuvres artistiques exclusivement sur Internet montrent que de nouvelles approches sont possibles sans tuer ni les affaires, ni l’innovation. Mais il semble que les craintes des acteurs établis l’emportent sur la passion et la prise de risque des créateurs.

-[1] Do Patents Encourage or Hinder Innovation? The Case of the Steam Engine. Patent Law Is Highly Controversial. Michele Boldrin, David K. Levine, and Alessandro Nuvolari.
Laser: The Inventor, the Nobel Laureate, and the Thirty-year Patent War. Taylor, Nick (2000). New York: Simon & Schuster
Les brevets freinent-ils l’innovation ? Paristech Review, septembre 2011

PS: Au moment d’écrire ce texte, je n’avais pas encore pris la mesure de la guerre Apple-Samsung

Les bricolages de Robert Noyce

Je ne vais pas développer cet article mais vous renvoyer à la version anglaise. Un article passionnant écrit pat Tom Wolfe en 1983 sur Bob Noyce: The Tinkerings of Robert Noyce.
https://www.startup-book.com/2012/08/21/the-tinkerings-of-robert-noyce/

Andy Bechtolsheim parle à Stanford du processus d’innovation

Je vous invite à passer sur la partie anglophone de mon blog pour trouver un résumé de la magnifique conférence de Andy Bechtolsheim sur le processus d’innovation.
Le fondateur de Sun Microsystems et business angel de Google y décrit son point de vue sur le sujet: ni R&D, ni marketing, l’innovation pour lui est la mise sur le marché d’un produit qui satisfait à une demande (parfois inconsciente.)


cliquer sur l’image pour un accès direct à la conférence

Les accélérateurs, nouvelle mode de l’innovation?

The Startup Factories: The rise of accelerator programmes est certainement la meilleure analyse que j’ai lue sur la nouvelle tendance (la nouvelle mode?) dans le soutien aux start-up. « Les premières données suggèrent qu’ils ont un impact positif sur les fondateurs, les aident à apprendre rapidement, à créer des réseaux puissants et devenir de meilleurs entrepreneurs. Bien que les incubateurs soient parfois stigmatisés comme un soutien artificiel à la survie des entreprises, ces programmes d’accélération sont remarquables par la qualité élevée des mentors et les équipes avec lesquels ils travaillent et la valeur qu’ils ajoutent à ces entreprises. « [Page 3]

Si vous savez pas ce que sont les accélérateurs, alors voici de quoi il s’agit: un programme qui rassemble un nombre limité de porteurs de projets avec
• un processus de sélection ouvert à tous, mais très compétitif,
• des investissement de pré-amorçage, généralement en échange d’actions (quelques 10k$ pour 5-10%),
• un accent mis sur de petites équipes de fondateurs et non pas des fondateurs isolés,
• un programme limité dans le temps comprenant des événements et du mentorat intensif (généralement 3 mois)
• des cohortes ou « classes » de start-up plutôt que des entreprises individuelles (de 10 à seedcamp à 60 pour Y Combinator)

En outre, l’élément de limite dans le temps met la pression sur les entrepreneurs qui veulent faire bonne figure par rapport à leurs pairs; une journée de démonstration / des séances de pitchs des entrepreneurs ajoutent une pression supplémentaire pour la livraison de prototypes et la définition de leur vision. Il est évident que les fondateurs, business angels, VCs et même corporates bénéficient de cette nouvelle source de soutien.

Les programmes les plus célèbres sont Y Combinator, Techstars, Seedcamp et Startupbootcamp.

Alors, pourquoi ces programmes ont vu le jour. Les rationnels sont les suivants:
– Ils apportent des solutions nouvelles à l’innovation: [page 24] « Le problème que les accélérateurs résolvent pour les fonds de capital-risque, c’est qu’ils créent de nouveaux deal-flow. Un certain nombre d’investisseurs nous ont dit que c’était la raison principale de soutenir Seedcamp à Londres. Il n’y avait tout simplement pas assez de jeunes fondateurs ni de sociétés ayant des contacts avec le monde de l’investissement. La communauté du capital-risque a un intérêt à la croissance du nombre total de bonnes entreprises. Si elles peuvent attirer des personnes talentueuses dans les start-up plutôt que dans les grandes organisations, ce pourrait être une bonne nouvelle pour l’ensemble du secteur. »
– Ils donnent accès à des mentors de qualité et aux investisseurs pour des fondateurs qui reçoivent une validation précoce grâce à la sélection de l’accélérateur.
– Au moins dans le monde du web et du mobile, les coûts pour lancer une start-up sont en diminution.
– À nouveau dans ces mondes, il est plus facile d’atteindre de nouveaux clients et la route vers les revenus est moins semée d’embûches.
– Les concepts autour des « lean start-up » (Eric Ries, Steve Blank) permettent un développement de produits itératif grâce à des interactions efficaces avec les adopteurs précoces.

Maintenant, les accélérateurs ne sont pas des modèles éprouvés. Ils sont d’abord trop jeunes et deuxièmement, ils ont été critiqués pour les raisons suivantes [page 32]:
– Ils ne bâtissent que des entreprises relativement petites.
– Ils détournent les talents des autres start-up à forte croissance .
– Les bonnes entreprises échouent tout de même après les programmes d’accélération.
– Ils exploitent les fondateurs de start-up.
– Ils attirent les entreprises qui sont déjà en difficulté.
– Ils aident à créer une bulle.
– Ils sont juste des écoles de démarrage.

En conclusion: les accélérateurs sont intéressants pour les connexions et le filtrage qu’ils fournissent. Ils créent aussi de la valeur par l’aspect d’éducation, incluant une culture ouverte. Mais le modèle d’affaires n’est pas validé et s’ils s’appliquent bien au monde des applications logicielles, web et mobiles, le modèle est moins clair pour d’autres segments de la technologie . Si vous voulez en savoir plus, vous devriez lire ce très bon rapport 🙂

De la difficulté d’innover

Entreprise Romande m’a demandé un article, et voici ce que j’ai proposé. Il a été publié le 2 mars 2012.

Deux citations célèbres méritent d’être rappelées : en 1899, Charles Duel proposa de fermer l’office des brevets qu’il dirigeait aux Etats Unis en indiquant que « tout ce qui est à inventer l’a déjà été ». Moins d’un siècle plus tard, Bill Gates indiquait avec conviction qu’ « un ordinateur n’avait pas besoin de plus l’équivalent qu’une disquette de mémoire. » Si ces deux prédictions montrent qu’une des difficultés de l’innovation est l’impossibilité qu’il y a à se projeter trop en avant, elles ne sont malheureusement que des légendes ! Il n’en reste pas moins vrai que les innovateurs doivent faire face à de multiples obstacles, le premier d’entre eux étant l’incertitude permanente dans laquelle se trouve celui qui veut proposer de la nouveauté.

Les difficultés ne s’arrêtent pas à la porte du futur. Dans un célèbre ouvrage, le professeur Clayton Christensen explique le dilemme des grandes entreprises face à l’innovation. Christensen emploie le mot Great et non pas Large, car il parle des mieux gérées : en étant à l’écoute de leurs clients, elles cherchent en permanence à mieux les servir en améliorant par des évolutions constantes la qualité de leurs produits et de leurs services. Ce faisant, il leur est extrêmement difficile de voir venir des révolutions, d’autant plus difficiles à identifier qu’elles commencent souvent très humblement, avec des produits de piètre qualité et très incomplets. Christensen cite de nombreux exemples, mais notons simplement que Microsoft faillit manquer le tournant d’un web qui ne générait pas de revenus, Nokia est passé à côté du marché des Smart Phones et j’ajoute cette célèbre citation de Henry Ford : « Si j’avais demandé aux consommateurs ce qu’ils voulaient, ils m’auraient répondu ‘un cheval plus rapide’».

Tout acteur intelligent apprend vite de ces erreurs. Christensen, devenu une référence, explique que les grands acteurs doivent tout simplement créer des spin-off loin des clients et centres de développement. Malgré des errements initiaux, Nespresso est devenu un produit phare de Nestlé. Peut-être sait-on moins que Cisco est devenu un acteur dans le monde des serveurs en ayant intégré une start-up qu’elle avait financée à ses débuts. Les leçons de Christensen ont été digérées et aujourd’hui d’autres experts sont devenus les papes de l’innovation avec des modèles plus affinés

La spin-off est une évidence, et bonne nouvelle, point n’est besoin de ressources considérables, du moins au début. On prône aujourd’hui des itérations rapides en contact permanent avec les clients potentiels dès le lancement d’un projet. Il a aussi été compris qu’il faut d’abord trouver des clients visionnaires prêts à tester des produits incomplets mais prometteurs. Des corrections pourront être apportées en permanence et éviteront des investissements inutiles dans des directions que le marché refuserait plus tard. Enfin, le passage des clients visionnaires aux clients plus conservateurs demandera une stratégie spécifique et souvent une nouvelle équipe pour le développement du produit. Procédés systématiques qui garantiraient le succès des futures innovations ? Malheureusement non. Dans un récent entretien à la presse finlandaise, Steve Blank qui avait cru développer une théorie scientifique de l’innovation déclara : « ces dix dernières années, nous avons cru bâtir une méthodologie répétable au point de croire à une science, que quiconque pourrait appliquer. Je commence à entrevoir mon erreur. Ce n’est pas que la méthode soit fausse, mais tout le monde ne peut également en tirer le meilleur parti. » De la même manière que le traitement de texte, excellent outil par ailleurs, n’a jamais fait l’écrivain, un processus d’innovation bien pensé ne garantira pas le succès. Blank ajoute que « tant que l’on ne saura pas vraiment comment enseigner la créativité, le succès sera toujours limité. Tout le monde n’est pas artiste, après tout. »

Il faut viser global tout de suite

Je ne fais pas la une si souvent, ce fut donc intéressant de me retrouver sur la page de l’EPFL ce matin. Tout ego mis à part, je parle de mes obsessions habituelles, du manque de croissance des start-up européennes. Vous pouvez lire l’entretien en cliquant sur l’image plus bas ou la lire à la suite.

Plus sérieuse sans doute, une analyse récente d’Oseo, l’agence française d’innovation, « Dix ans de création d’entreprises innovantes en France ». scrute 5500 start-up fondées entre 1998 et 2007.

On y découvre que 85% des entreprises sont toujours en activité 5 ans après leur création (contre 50% aux USA; j’avais déjà abordé le sujet dans Survie ou échec – quel succès?), elles emploient en général moins de 10 employés et une des explications de ces difficultés est liée au réseaux relationnels. Rien de bien nouveau dans tout cela, si ce n’est peut-être « plus de 50 % des entreprises innovantes se positionnent d’emblée sur les marchés étrangers, et plus de 30 % adressent uniquement des marchés étrangers ».

« Il faut viser global tout de suite »

10.02.12 – Comment se lancer dans la création d’entreprise? Hervé Lebret, spécialiste des start-up et en charge du programme innogrant à l’EPFL, répond à nos questions. « En matière de start-up, il faut viser global tout de suite », estime Hervé Lebret, responsable des Innogrants, outil de soutien aux entrepreneurs académiques. Il estime les suisses et les européens trop frileux en matière de création de jeunes pousses. Chargé de la rédaction d’une chronique mensuelle dédiée aux start-up, dès lundi prochain sur le nouveau site de l’EPFL, il s’est prêté au jeu de l’interview.

Le contexte économique actuel rend-t-il la recherche de fonds plus difficile?
Je vais peut-être vous surprendre mais je trouve que ça n’a pas changé. C’est difficile de trouver de l’argent, comme toujours, mais pas impossible. Cela dépend des domaines, mais je dirais même qu’il y a plus d’argent aujourd’hui qu’il y a quinze ans. Des entreprises comme Scala ou Aleva, issues de l’Ecole, ont levé d’importantes sommes de la part des Capital risqueurs ces dernières années, tout comme Aïmago, Lemoptix ou Attolight qui ont obtenu 1-2 millions de la part de Business Angels.

Y a-t-il des domaines plus porteurs que d’autres ?
C’est plus facile si le savoir-faire est présent localement, comme c’est le cas ici dans le domaine des biomeds ou des nanotechnologies. Les cleantechs commencent à perdre l’engouement qui prévalait jusqu’à dernièrement. Mais je suis convaincu que les idées peuvent sortir de n’importe où et obtenir un bon écho, pour autant qu’elles soient bien relayées. Il ne faut d’ailleurs pas trop se fier aux besoins actuels du marché. Ils ne suffisent pas à prédire quelle start-up va être la prochaine pépite. Les domaines porteurs ont des besoins, mais pas de solution immédiate et lorsque cette dernière arrive sur le marché les premiers ont souvent évolué dans une autre direction.

Comment s’assurer un bon départ avec une start-up ?
Une start-up sur dix parvient à être financée par du capital risque comme Aleva ou Biocartis et atteint la taille de 50 à 100 employés. Puis parmi celles-ci, un dixième aura un gros succès sur dix ans, comme Endoart ou Swissquote qui dépasse les 400 emplois. L’ambition ne devrait pas être la survie. Au contraire, ces jeunes poussent durent parfois trop longtemps. Quelque 90% sont encore là après 5 ans, mais elles n’ont pas grandi. Aux Etats-Unis, il y a davantage de renouvellement : 50% seulement sont encore là passé le même laps de temps. Le problème c’est le conservatisme européen qui n’ose pas la croissance rapide. Je pense qu’il faut rendre les étudiants sensibles à ça très tôt, déjà au gymnase. Etre entrepreneur ne s’improvise pas. Il faut donner aux enfants, aux jeunes, l’envie d’explorer et ne pas stigmatiser l’échec comme c’est encore le cas actuellement en Suisse. Nous allons d’ailleurs projeter bientôt un documentaire passionnant – Something Ventured – au sujet des étudiants curieux de l’entrepreneuriat.

Comment faire sa place ?
Il est relativement facile, avec une bonne idée, de trouver jusqu’à 500’000 frs de fonds publics ou d’associations philantropiques, ce qui permet de survivre un ou deux ans. Ces contacts permettent aussi un marketing gratuit qui peut permettre de trouver de premiers business angels et un premier million. Les limites viennent plus de la trop grande humilité, de l’autolimitation du jeune entrepreneur. Pour réussir, il faut être vendeur et extraverti ou s’allier avec quelqu’un d’autre qui l’est. Le réseau est une aide essentielle pour se positionner.

Quelle est l’importance des start-up dans le tissu économique suisse ?
Il y a environ 40 start-up créées chaque année dans le canton de Vaud, dont 15 dans le domaine académique. Elles jouent un rôle considérable pour l’avenir du canton, de la Suisse et même de l’Europe. Logitech ou Swissquote, par exemple, ont créé beaucoup d’emplois. Cependant, les start-up suisses de manière générale ont de la peine à dépasser les 5 à 6 postes de travail. Le plus grand problème est bien connu : c’est la frilosité des entrepreneurs, qui ont du mal à les faire croître. Ils préfèrent y aller par étape. Aux Etats-Unis, la politique du «tout ou rien» prévaut et amène à un taux de réussite plus important. Facebook, qui annonce son entrée en bourse, en est déjà à 3’000 employés. Les personnes qui ont de bonnes idées foncent et n’ont pas peur de l’échec. Ils visent d’emblée des marchés globaux. La première erreur est de penser en premier lieu au marché suisse, alors qu’il faudrait directement viser le marché mondial. Adopter une vision globale et ne pas avoir peur de paraître arrogant est essentiel.

Auteur: Cécilia Carron – Source: Mediacom

Le côté sombre de l’innovation

Je ne sais pas si vous connaissez l’excellente Chronique de Philippe Meyer sur France Culture. Elle est drôle, caustique, mais vendredi dernier, alors qu’il parlait de technologie et d’innovation (ce qui est rare), le ton était plus dramatique. Vous pouvez l’écouter au format mp3 ici.

Philippe Meyer fait allusion au diner auquel le président Obama invita des personnalités de la Silicon Valley. Mais surtout il y est question du prix à payer pour obtenir des objects tels que téléphones et autres tablettes. A savoir la situation des ouvriers qui fabriquent en Chine ces objets chez Foxconn entre autres, mais aussi la situation de la classe moyenne américaine.

En fait Philippe Meyer cite un récent article du New York Times: How the U.S. Lost Out on iPhone Work

Je n’ai pas de (bonne) réponse à la question. Mais il est bon de réfléchir à ce côté sombre de l’innovation et de l’économie en général. Je lis en ce moment une biographie de Schumpeter. Déjà au début du XXème siècle, les questions se posaient à travers les travaux de Keynes, Marx et économistes libéraux. Avons-nous progressé ou régressé?

Andy Grove avait les mêmes préoccupations en 2010 quand il écrivait How America Can Create Jobs pour Business Week. On oublie souvent que les américains sont nationalistes et peut-être autant qu’Intel produisait quasi-exclusivement aux USA. Aujourd’hui Grove est inquiet, parfois moi aussi.