Les acteurs du capital-risque sont toujours très fiers de citer leurs succès. C’est en raison de tels succès que des sociétés telles que Sequoia ou Kleiner Perkins sont des célébrités du domaine. Mais on connait moins les « loupés » célèbres. Dans mon livre, j’avais cité quelques exemples mentionnés par les pionniers du capital risque:
Investissuer
Investissement manqué
Arthur Rock
Rolm puis Compaq
Bill Draper
Apple
Burt McMurtry
Tandem
Tom Perkins
Apple
Don Valentine
Sun Microsystems
Source: “Pioneers Lecture” 2002, Computer History Museum – archive.computerhistory.org.
Quelques VCs utilisent l’humour pour citer leurs pires échecs. Un de mes collègues (merci Amin 🙂 ) m’a récemment indiqué que Bessemer en a une liste très riche sur son anti-portfolio: A123, Apollo, Apple, Check Point, eBay, Federal Express, Google, Ikanos, Intel, Intuit, Lotus et Compaq, PayPal, Stratacom.
L’échec le plus flagrant est sans doute Google: Une amie de fac de Cowan [un partenaire de Bessemer] avait loué son garage à Sergey et Larry pour leur première année. En 1999 et 2000, elle essaya de présenter à Cowan “ces deux étudiants de Stanford absolument brillants qui développaient un moteur de recherche”. Étudiants? Un nouveau moteur de recherche? Dans un des épisodes les plus importants de ces loupés, Cowan lui demanda, “Comment puis-je sortir de cette maison sans être vu par les occupants de ce garage?”
Mais que dire de l’ironie de OVP dans leurs Missed Deals dont
Starbucks.
« Un type vient dans nos bureaux à la fin des années 80 et nous explique qu’il veut lancer une chaine de boutiques qui vendra un produit standard que vous trouvez partout pour 25 cents mais qu’il le vendra 2 dollars. Bien sûr, nous écoutons poliment et nous éclatons de rire dès que la réunion est terminée. Howard Shutlz n’a pas trouvé cela drôle. ET nous n’avons jamais gagné 500 fois la mise. Of course, you listen politely, and then fall off your chair laughing when he leaves. Howard Shultz didn’t see this as humorous. And we didn’t make 500 times our money.
Pour remettre les compteurs à zéro, (comme si nous n’avions pas perdu assez dans l’histoire?), quelques années plus tard, Howard lança son propre fond de capital-risque au coin de notre rue. »
Amazon.
« Le boom de l’Internet n’en était qu’à ses débuts. Amazon faisait $4M de chiffre d’affaires. Nous avions conclu un accord avec leur CEO pour investir $2M dans Amazon pour 20% de la société (à une valorisation de $10M). A la vingt-cinquième heure, un type nommé John Doerr vola jusqu’ici pour offrir $8M pour les mêmes 20% (à une valorisation de $40M). Accord? Quel accord?
Pour remettre les compteurs à zéro, nous achetons tous nos livres chez Barnes & Noble. Nous ne croyons pas qu’Amazon ait remarqué. »
Voici donc juste quelques nouvelles illustrations de la difficulté à lire dans la boule de cristal. Si vous avez d’autres exemples, merci de me les signaler.
J’ai répondu récemment aux questions de Julien Tarby pour Le Nouvel Economiste sur la question de l’internationalisation des start-up. L’article est riche, ma contribution très limitée (mais vous y retrouverez mes obsessions ou références habituelles en italique). Vous en trouverez le texte intégral en cliquant sur le titre.
En voilà une drôle d’idée, alors qu’il est de notoriété publique qu’une entreprise, juste après sa création, doit faire ses preuves sur son marché domestique avant de partir hors des frontières affronter les champions étrangers. Certains entrepreneurs – fondateurs de sociétés “born global”, – cherchent d’emblée à faire du monde leur jardin : ils ont su se libérer du carcan des modèles “incontournables”. Profitant de la dématérialisation des échanges, de la valorisation croissante des innovations et de la spécificité de leur savoir-faire (IT, biotech, cleantech…), ces audacieux ne respectent pas les parcours classiques pour franchir les frontières et d’emblée recherchent directement les avantages comparatifs à l’échelle planétaire pour se financer, s’approvisionner et vendre. Ils ont davantage de possibilités qu’auparavant de se lancer dans cette course contre la montre, mais rencontrent en revanche toujours autant de difficultés à transformer l’essai dans la durée.
“I will call you back eventually.” Douche froide pour Sébastien Deguy – créateur en 2003 d’Allegorithmic, une entreprise de logiciels 3D à Clermont-Ferrand juste après l’obtention de sa thèse -, déçu par le manque d’enthousiasme de son prospect américain… jusqu’à ce qu’il réalise qu’“enventually” ne signifie pas “éventuellement”, mais “finalement” en anglais. La langue de Steve Jobs n’était pas son fort. Ce qui ne l’a pas empêché d’ouvrir dès le début de l’aventure un stand au salon Siggraph à San Diego, puis de travailler avec des représentants aux Etats-Unis, à Taïwan et en Chine. Allegorithmic fait donc partie de ces entreprises “born global”.
(…)
A l’étroit
Etre pionnier signifie souvent être seul dans son pays et son marché. Autre raison d’extériorisation précoce. Excico dans les semiconducteurs, après avoir essuyé le refus d’un grand compte français, n’a eu d’autre choix que de prospecter le reste du monde : les grands clients susceptibles d’être intéressés par ses machines lasers à 3 millions d’euros se faisaient rares. “Nos 15 millions de ventes aujourd’hui proviennent entièrement de l’étranger”, commente Dominique Bérard. Le fait que beaucoup de ces soldats “born global” aient d’ailleurs pour patrie de petits pays en termes de population est révélateur. “Ayant commencé mon activité en Australie, j’ai constaté que mes clients partaient très vite s’installer aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni pour trouver des débouchés.
Un concepteur de logiciels ferroviaires a dû dès les premières années répondre à des appels d’offre en Europe du fait de la faiblesse de l’industrie ici”, illustre Christelle Damiens. Ainsi les sociétés israéliennes produisent localement, mais engagent directement des personnes business aux Etats-Unis. “De même elles se financent outre-Atlantique, à tel point que beaucoup d’entre elles sont perçues comme américaines”, décrit Hervé Lebret. Destinée partagée par Logitech, réputé pour ses claviers et souris d’ordinateur aux Etats-Unis, suisse à l’origine.
“Nous avons dû jouer très tôt la carte de l’internationalisation. La technologie était suisse, mais les Etats-Unis, et plus tard le monde, ont défini notre marché, alors que la production est vite devenue asiatique”, écrit son fondateur Daniel Borel. Question de vie ou de mort pour ces sociétés hyperspécialisées. Le laboratoire français HRA Pharma, avec sa pilule du lendemain, a parfaitement intégré cette dimension selon Béatrice Collin, professeur de stratégie et de management international à l’ESCP Europe : “Il a racheté des brevets non exploités : les détenteurs estimaient que le marché n’était pas suffisant pour être rentable. HRA Pharma, avec sa structure légère, a pu très vite se déployer dans une dizaine de pays.” La société réalise aujourd’hui 44 millions d’euros de chiffre d’affaires, dont les deux tiers à l’export.
Ecosystème
(…)
L’émulation et les contacts sourient à ces audacieux comme nulle part ailleurs, comme l’illustre Hervé Lebret : “Dans les années 70, de nombreux ingénieurs de chez Fairchild, National… se rencontraient autour d’une bière au célèbre “Wagon Wheel Bar” pour évoquer les problèmes qu’ils rencontraient dans la production ou la vente de semi-conducteurs. Même les compétiteurs les plus vifs échangeaient des idées. Je croyais cette époque révolue, jusqu’à ce que des salariés de LinkedIn m’expliquent en septembre qu’il leur arrivait, lorsqu’ils étaient confrontés à un problème, de faire appel à leurs homologues de chez Facebook.” Une sorte de coopétition propre à la Silicon Valley.
(…)
Agir vite, rester agile, tel est donc le credo. Ce manque de diversité peut être compensé par un bon réseau de partenaires locaux. Le parcours classique – accord commercial, joint-venture, filiale – n’est pas forcément piétiné mais au moins fortement anticipé. Pour ces entrepreneurs, il ne s’agit pas seulement d’exporter, mais de prendre pied sur des marchés stratégiques. Perspective passant par la sélection d’un distributeur ayant la capacité de devenir un partenaire, soit en créant une filiale commune, soit en investissant.
(…)
Le petit malin qui parviendra à résoudre ces subtiles équations imposera son développement transfrontalier en quelques années. Le plus dur reste à faire : consolider cette présence dans la durée, ce qui pèche le plus chez les “born global” tricolores. “Les start-up hexagonales qui évoluent dans les dispositifs médicaux, les diagnostics… sont irrémédiablement rachetées dès qu’elles font la preuve du concept”, constate Hervé Le Lous, président des laboratoires Urgo.
La volonté des venture capitalists de se retirer après 5 à 7 ans sonne comme une date butoir. Les “born global” ont percé grâce à un avantage particulier qu’elles ont dû exploiter à l’étranger pour être rentables. Il leur reste à consolider cette expansion éclair en se faisant racheter, à trouver une autre niche – “HRA Pharma a su muter sur les maladies endocriniennes après la pilule du lendemain”, observe Béatrice Collin – ou, beaucoup plus compliqué, à transformer l’essai par elles-mêmes, en faisant grandir toutes leurs implantations. “Il nous faut atteindre la taille critique des 100 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2016 pour assurer notre pérennité, sinon nous allons “vivoter””, assure ainsi Dominique Bérard d’Excico.
Trois après mon post inhabituel sur Obama, voici un sujet qui lui est lié. Mais avant d’aborder le sujet, je dois exprimer mon admiration pour le président américain. Même après voir vu The Ides of March de George Clooney et malgré les déceptions nombreuses qu’il suscite chez beaucoup de gens, je reste fasciné par le parcours. J’ajoute pour l’anecdote que j’étais à Washington en octobre 2009 quand il a reçu Prix Nobel de la Paix puis dans la Silicon Valley en septembre 2011 quand il a prononcé son récent discours au Congrès. J’avais aussi apprécié le Diner des Titans.
La Maison Blanche vient de publier TAKING ACTION, BUILDING CONFIDENCE et la deuxième initiative concerne l’entrepreneuriat. Ces six pages, denses, méritent une lecture attentive et j’ai, entre autres, été frappé par le fait que les USA, « la nation la plus entrepreneuriale de la planète » [page 17] s’inquiète « d’un environnement de plus en plus défavorable » et « d’un optimisme en chute libre ». Pour ces raisons, le rapport propose douze initiatives pour « aider à relancer l’esprit entrepreneurial ». (Elles sont listées en anglais à la fin de ce post)
En voici une analyse simplifiée:
– quelques propositions consistent à diminuer les contraintes, i.e. « changer les règles », que j’ai marquées d’un « R » ci-dessous.
– quelques autres sont liées à l’argent et à l’investissement, marquées du « M » de Money.
Il s’agit de mesures classiques, importantes et nécessaires, mais sans surprise.
Ce sont celles qui restent qui m’ont intéressé:
– trois concernent la Propriété Intellectuelle et le Transfert de Technologie , une indication que le système des brevets a peut-être des problèmes;
– plus intéressant encore, les trois dernières sont relatives aux Personnes, aux Talents. Il y est question d’Immigrants et de Mentors.
Je crois qu’il y a là belle matière à réflexion en particulier pour nous, en Europe!
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Win the Global Battle for Talent
Some of the most iconic American companies were started by immigrant entrepreneurs or the children of immigrant entrepreneurs. Today, however, many of the foreign students completing a STEM degree at a U.S. graduate school return to their home countries and begin competing against American workers. A significant majority of the Jobs Council calls upon Congress to pass reforms aimed directly at allowing the most promising foreign-born entrepreneurs to remain in or relocate to the U.S.
Reduce Regulatory Barriers and Provide Financial Incentives for Firms to Go Public
Lowering the barriers to and cost of IPOs is critical to accessing financing at the later stages of a high growth firms’ expansion. A significant majority of the Jobs Council recommends amending Sarbanes-Oxley and “rightsizing” the effects of the Spitzer Decree and the Fair Disclosure Act to lessen the burdens on high growth entrepreneurial companies.
Enhance Access to Capital for Early Stage Startups as well as Later Stage Growth Companies
The challenging economic environment and skittish investment climate has resulted in investors generally becoming more risk-adverse, and this in turn has deprived many high-growth entrepreneurial companies of the capital they need to expand. The Jobs Council recommends enhancing the economic incentives for investors, so they are more willing to risk their capital in entrepreneurial companies.
Make it Easier for Entrepreneurs to Get Patent-Related Answers Faster
There are concerns among many entrepreneurs that, as written, the recently passed Patent Reform Act advantages large companies, and disadvantages young entrepreneurial companies. The Jobs Council recommends taking specific steps to ensure the ideas from young companies are handled appropriately.
Streamline SBA Financing Access, so More High -Growth Companies Get the Capital they Need to Grow
The SBA has provided early funding for a range of iconic American companies. The Jobs Council recommends that the Administration streamline and shorten application processing with published turnaround times, increase the number of full time employees who perform a training or compliance function, expand the overall list of lending partners, and push Congress to fully authorize SBIR and STTR funding for the long term, rather than for short term re-authorizations.
Expand Seed/Angel Capital
The Jobs Council recommends that the Administration clarify that experienced and active seed and angel investors should not be subject to the regulations that were designed to protect inexperienced investors. We also propose that smaller investors be allowed to use “crowd funding” platforms to invest small amounts in early stage companies.
Make Small Business Administration Funding Easier to Access
The SBA has provided early funding for a range of iconic American companies, including Apple, Costco, and Staples. The Jobs Council recommends that the Administration streamline and shorten application processing with published turnaround times, increase the number of full time employees who perform a training or compliance function, expand the overall list of lending partners, and push Congress to fully authorize SBIR and STTR funding for the long term, rather than for short term re-authorizations.
Enhance Commercialization of Federally Funded Research
The government continues to play a crucial role in investing in the basic research that enables America to be the launchpad for new industries. The Jobs Council recommends that the Administration do more to build bridges between researchers and entrepreneurs, so more breakthrough ideas can move out of the labs and into the commercialization phase.
Address Talent Needs by Reducing Student Loan Burden and Accelerating Immigration Reforms
A large number of recent graduates who aspire to work for a start-up or form a new company decide against it because of the pressing burden to repay their student loans. The Jobs Council recommends that the Administration promote Income-Based Repayment Student Loan Programs for the owners or employees of new, entrepreneurial companies. Additionally, we recommend that the Administration speed up the process for making visa decisions so that talented, foreign-born entrepreneurs can form or join startups in the United States.
Foster Regional Ecosystems of Innovation and Support Growth of Startup Accelerators
There is a significant opportunity to build stronger entrepreneurial ecosystems in regions across the country – and customize each to capitalize on their unique advantages. To that end, the Jobs Council recommends that the private sector support the growth of startup accelerators in at least 30 cities. Private entities should also invest in at least 50 new incubators nationwide, and big corporations should link with startups to advise entrepreneurial companies during their nascent stages.
Expand Programs to Mentor Entrepreneurs
Research consistently shows that a key element of successful enterprises is active mentorship relationships. Yet, if young companies do not have the benefit of being part of an accelerator, they often struggle to find effective mentors to coach them through the challenging, early stages of starting a company. Therefore, the Jobs Council recommends leveraging existing private sector networks to create, expand and strengthen mentorship programs at all levels.
Allow University Faculty to Shop Discoveries to Any Technology Transfer Office
America’s universities have produced many of the great breakthroughs that have led to new industries and jobs. But too often, research that could find market success lingers in university labs. The Jobs Council recommends allowing research that is funded with federal dollars to be presented to any university technology transfer office (not just the one where the research has taken place).
Cela ressemble à tant d’histoires connues de la Silicon Valley que cela pourrait devenir lassant. Peut-être faut-il prendre tout cela avec quelques pincettes… quoi qu’il en soit, l’article ci-dessus mérite la lecture et voici les 10 leçons que j’en retiens:
1- UN JEUNE GEEK – Drew Houston, « typique » Americain fondateur de start-up, a commencé à jouer avec les ordinateurs à l’âge de 5 ans. A 14 ans, il travaille déjà pour des start-up. Steve Jobs l’avait repéré pour avoir désossé (« reverse-engineeré ») le système de fichiers d’Apple. Il a 24 ans quand il crée Dropbox. 2- UN ROLE MODEL – « Personne ne nait CEO, mais on ne vous le dit pas » est ce que Houston a appris mais quand il vit un des ses amis lancer sa start-up, il pensa « S’il pouvait le faire, je savis que je le pouvais aussi. ». 3- UN COFONDATEUR – Paul Graham le sélectionna en 2007 dans son programme Y Combinator tout en insistant pour qu’il se trouve un co-fondateur. Il s’agira d’un dropout du MIT, Arash Ferdowsi. 4- UN ANGE BIENVEILLANT – Quelques mois plus tard, ils reçoivent le soutien de Pejman Nozad (célèbre avec Saeed Amidi pour leur business de tapis d’Orient transformé en bureaux pour start-up [Logitech, Google] puis en fonds d’investissement [PayPal]). 5- UN CAPITAL-RISQUEUR – Rapidement, Nozad les présente à Michael Moritz (l’investisseur légendaire de Sequoia [Yahoo et Google]) qui parie $1.2M sur dropbox. 6 – DES MIGRANTS – Ferdowsi et Nozad des origines en Iran. Ils parlèrent en persan lors de leur première rencontre. 7- TALENT & PASSION – « Je pariais qu’ils auraient l’intellect et l’énergie pour être meilleurs que tous les autres » affirme Moritz. « Houston et Ferdowsi changèrent de bureau et dormaient souvent sur leur lieu de travail. » 8- FRUGALITE & RAPIDITE – Ycombinator finança Dropbox en juin 2007, Sequoia en septembre 2007, suivi l’année suivante par $6M d’Accel et Sequoia. 9 employés en 2008 (pour 200’000 utilisateurs) et 14 personnes in 2010 pour 2Mio d’utilisateurs. 9- DES CLIENTS – En 2011, Dropbox devrait atteindre les $240M de chiffre d’affaires, provenant de seulement 4% des sa base de 50Mio d’utilisateurs. 70 employés et bénéficiaire. 10- DES RESSOURCES – Être profitable n’a pas empêché Dropbox de lever $250M avec Index, Greylock, Benchmark et les investisseurs déjà présents. A une valorisation de $4B.
Elles ne sont pas nombreuses, mais voici la troisième entrée en bourse d’une start-up française en 2011, après Sequans et Envivio. Alors que ces deux dernières ont fait leur IPO au Nasdaq et au NYSE, Mauna Kea Technologies est allé sur Euronext à Paris en août. Je ne connaissais pas MKT mais je viens de travailler sur leur prospectus d’entrée ne bourse.
Une jolie histoire entrepreneuriale. Deux fondateurs, amis semble-t-il depuis le collège, fondent MKT en mai 2000. Benjamin Abrat (MBA, quelques années chez Givaudan) et Sacha Loiseau (Ecole Polytechnique, docteur et astrophysique et postdoc à Caltech) forment le couple typique de jeunes entrepreneurs sans grande expérience professionnelle, mais on peut imaginer ayant confiance l’un en l’autre.
Moins habituelle, en France du moins, est l’histoire de son financement:
– un amorçage de €1.6M avec business angels français de renom: Marc Vasseur (Genset), Jérôme Chailloux (Ilog), Jean-Luc Nahon (Isdnet), Christophe Bach (Isdnet), Patrice Giami (Isdnet), Philippe Maes (Gemplus) et Daniel Legal (Gemplus)
– un premier tour de €5M en 2004,
– un second tour de €20M en 2007,
suivi d’une levée de €50M lors de l’IPO cet été. Voici donc mon tableau habituel décrivant actionnariat et financement.
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Dans une autre interview, Sacha Loiseau décrit ce qu’il manque aux doctorants français:
« Que pensez-vous de leur formation ?
S. L. : Elle leur apporte autonomie et esprit d’initiative, deux qualités importantes pour la recherche fondamentale ou appliquée. Néanmoins, la formation doctorale française ne couvre pas certaines notions pourtant essentielles au monde de l’entreprise : le client, le travail en équipe, la veille technologique, la propriété industrielle, le transfert de technologie, la maîtrise de l’anglais pour n’en citer que quelques-unes. Le point fort de cette formation est que, confrontés à des problèmes ardus, les thésards apprennent à se débrouiller seuls pour trouver une solution. C’est une habitude très positive pour une entreprise qui doit innover en permanence, mais ça ne favorise pas toujours le travail en équipe, l’ouverture sur le monde… Beaucoup de thésards sont, me semble-t-il, très isolés et ne savent pas ce que font leurs concurrents. »
Je lis depuis quelques jours le très intéressant « La Guerre Civile Numérique » de Paul Jorion. Si vous ne connaissez pas Jorion, découvrez son blog et sa vision de l’état du monde et de son économie. Je vous en donne un extrait qui me laisse toutefois un peu sceptique étant donnée ma passion pour le monde des start-up!
On s’est beaucoup trompé sur le devenir d’Internet, et ce dès le début de sa popularité. Voyez la cotation en bourse des start-up, qui a généré l’apparition de ce qu’on appelle la bulle internet sur les marchés boursiers tout à la fin des années 1990. On a d’abord cru que toute compagnie fournissant des services internet allait faire des milliards, les gens qui y travaillaient percevaient des salaires astronomiques et étaient inondés de stock options. Le prix des actions est monté subitement, mais la plupart de ces sociétés se sont effondrés très rapidement. Je peux vous dire pourquoi parce que j’ai eu plusieurs entretiens dans des sociétés de ce genre., à Los Angeles et dans Orange County, au sud de L.A. Je me souviens de ce monsieur qui me disait: « Il y aura un moment difficile pour la société: celui de notre entrée en bourse, parce que l’ensemble des fondateurs – moi y compris – nous prendrons alors notre retraite. Il n’a pas dit « fortune faite », mais cela allait de soi: l’entrée en bourse signifiait plusieurs millions de dollars pour chacun d’eux. L’une de ces start-up me proposait de créer un site boursier en temps réel, ce que je savais faire. Honnêtement, celle du monsieur qui prendrait ses cliques et ses claques, je ne me souviens plus de ce qu’elle prétendait qu’elle allait faire. Cela n’a aucune importance puisqu’ils laissaient derrière eux des coques vides. Et l’on s’étonne que cela n’ait pas marché.
C’était l’un des grands moments qu’a connu le capitalisme… avant la fermeture définitive que nous vivons en ce moment! Le KRACH du Nasdaq a eu lieu en avril 2000, seules Yahoo, Amazon et AOL on survécu, et cette dernière a connu de puis une importante perte de vitesse. A cette époque, les gains que pouvaient rapporter ce type d’entreprises ont été largement surévalués , je parle de celles qui n’étaient pas de simples coques vides.
Bien sûr, quelques une son sorti leur épingle du jeu, comme Google, le site le plus visité au monde qui, sous prétexte de prendre des photos dans les rues pour Google Maps, écoutait aux portes et aurait vendu des informations sur les particuliers aux agences de renseignement américaines. C’est ce qui expliquerait la mansuétude don l’entreprise fut l’objet quand elle fut traduite en justice pour cette « erreur technique ». La compagnie a gagné en 2009 plus de 20 milliards de dollars en vendant aux enchères des mots clés qui sont placés dans les liens commerciaux du site. Même phénomène avec Facebook. la compagnie créée par Mark Zuckerberg: ce dernier a vendu à Microsoft une part de l’entreprise ainsi que des fiches d’information concernant les usagers de ce site, lequel est devenu ainsi le seul fournisseur de publicités sur Facebook. Grâce à cette opération, et l’annonce de nouveaux investisseurs, l’entreprise vaudrait aujourd’hui 60 milliards de dollars.
Pourtant, il faut rester très prudent pour analyse ces chiffres… En effet, la compagnie s’est livrée à d’habiles manœuvres, cautionnées par Wall Street, pour conserver la confidentialité de ses données. financières. Le but étant de dissimuler l’écart désastreux entre son chiffre d’affaires et la valorisation de son capital (plus de 100 fois le chiffre d’affaires), Et de poursuivre ainsi sa marche triomphale de « création de valeur », dont la réalité économique est artificiellement gonflée.
De telles opérations invitent à douter de la viabilité économique proprement miraculeuse de ces sociétés phares du monde des nouvelles technologies. Celles-ci ne vivent pas leur chiffre d’affaires, mais « brûlent » l’argent qui résulte de l’augmentation de leur valorisation. Quant aux investisseurs, il se pressent à la porte dans l’espoir que la cote de l’action de l’entreprise va continuer de monter. Une certitude qui a fait long feu sur le marché immobilier, selon laquelle le prix des maisons n’allait pas cesser d’augmenter. Avec les résultats que l’on sait…
Je ne suis pas en désaccord avec l’analyse qui me semble correcte mais avec l’impression que l’article pourrait laisser que les start-up high-tech ne sont que spéculation, ce qui n’est pas le cas. Pas de meilleure manière d’exprimer mon enthousiasme intact que de fournir une interview de Steve Jobs bien avant l’émergence de l’Internet sur l’apport des start-up à l’économie mondiale. A absolument écouter. Et merci à Paul Jorion pour ces contributions, malgré tout!
L’Amérique aime ces héros. Deux événements récents semblent montrer qu’après le Walk of Fame d’Hollywood et les célèbres Hall of Fames du sport entre autres, voici venu le temps de la starification des entrepreneurs et innovateurs high-tech.
– Boston a commencé avec son Kendall Square. Voir par exemple l’article de Xconomy: Entrepreneur Walk of Fame Opens in Kendall Square: Gates, Jobs, Kapor, Hewlett, Packard, Swanson, and Edison are Inaugural Inductees.
– Stanford a suivi avec son projet de « Engineering Heroes ».Il ne s’agit que d’un projet avec uen longue liste de plus de 60 nominés.
A vous de faire votre propre liste. La mienne est implicitement dans mon livre! Je crois que Boston a oublié Robert Noyce. Stanford décidera bientôt de ses vainqueurs. L’intérêt de cette liste est bien sûr les « role models » qu’elles induisent.
Je profite de la publication en Français chez Maxima du livre de Dan Senor et Saul Singer pour rappeler le post que j’avais écrit sur cet excellent livre: Israel, la “Start-Up Nation”.
La version française publiée par Maxima en septembre 2011
L’accent est mis sur les immigrants que le sous-titre illustre: « Comment les Chinois, Français, Allemands, Indiens, Iraniens, Israéliens et autres étrangers entrepreneurs ont contribué à l’innovation technologique dans la Silicon Valley, aux États-Unis et outre-mer. » Et les leçons sont assez intéressantes.
L’auteur résume à la page 260 quelques caractéristiques des personnes interrogées:
– Une grande intelligence, souvent couplée avec une éducation brillante
– Une volonté de travailler dur, de se concentrer, de la détermination et de la persévérance
– Une vision du succès dans leur carrière professionnelle et leur vie personnelle
– La curiosité et la passion
– L’amour de la famille et un dévouement à la soutenir
– Une troublante capacité à lire en soi et dans les autres
– La croyance en soi-même
– Une capacité de développement émotionnel et intellectuel
– Une tolérance pour le, et même un amour du, risque et la capacité à (rapidement) se remettre de l’échec
– Un appétit de collaborer
– Une grande humilité
– Une volonté de redonner à la société ce qu’elle vous a offert
J’ai été particulièrement frappé par les récits de personnes qui ont déménagé et ont tout laissé derrière elles. Il y a là un élément de l’entrepreneuriat dont quelqu’un m’a parlé ce matin : les entrepreneurs savent qu’ils peuvent tout perdre (maison, famille) et qu’ils sont prêts à affronter ces risques, parfois parce qu’ils en ont déjà fait l’expérience et ils savent qu’ils peuvent recommencer. C’est ce qui explique la passion, le dévouement et la soif d’essayer.
Entrevue après entrevue, il est question des valeurs, de leadership et de l’ouverture à la diversité, de briser les barrières. Je peux ne pas avoir appris beaucoup de nouvelles choses, mais j’ai aimé ce livre, peut-être juste pour la raison que c’est une autre illustration de ce que sont les valeurs de la Silicon Valley et pourquoi les immigrants ont été si importants pour la région.
Dernier détail, j’ai fait une simple analyse des origines des personnes interrogées:
France: 7
Israël: 5
Inde: 5
Chine: 3
Taiwan: 2
Iran: 2
Allemagne : 2
Reste du monde (hors USA) : 5
Intéressant de noter que la France est en tête, bien que le pays ne soit pas connu pour sa culture entrepreneuriale …