Archives mensuelles : février 2022

La loi de la puissance et le capital-risque selon Sebastian Mallaby (la suite)

Mallaby est un merveilleux conteur – grâce à son équipe probablement puisqu’il mentionne au moins 15 collaborateurs dans ses remerciements. Ceci est la partie 3 de mes articles sur son livre The power law (la loi de puissance, après la partie 2 en anglais seulement et la partie 1).

Vous découvrirez tellement de figures du capital-risque et de l’entrepreneuriat qu’il serait impossible de toutes les citer. Mais voici des illustrations. Si vous ne les connaissez pas, vérifiez leurs noms à la fin.

Ce qui est vraiment impressionnant dans le livre de Mallaby, c’est que quelle que soit la stratégie des investisseurs – par exemple être des improvisateurs ou des planificateurs, parier gros ou petit sur un petit ou un grand nombre d’opportunités, remplacer ou encadrer les fondateurs, la loi de puissance prévaut.

Un commentaire additionnel et sans grande importance : Mallaby est doué pour raconter des histoires, il est moins doué pour les chiffres. Mais les valorisations des startups peuvent être délicates lorsque vous mélangez pre-money et post-money, dilution et stock-options. Page 155-6 : « Les fondateurs ont provisoirement suggéré une valorisation de 40 millions de dollars contre seulement 3 millions de dollars lorsque Sequoia avait investi huit mois plus tôt. […] Son a dûment dirigé le financement de série B de Yahoo en fournissant plus de la moitié des 5 $ millions […] Dans une offre sans précédent dans l’histoire de la Silicon Valley, il a proposé d’investir entièrement 100 millions de dollars dans Yahoo. En échange, il voulait 30% supplémentaires de la société. L’offre de Son impliquait que la valeur de Yahoo avait grimpé de huit fois depuis son investissement quatre mois plus tôt. » Je ne suis pas sûr que tout cela soit correct. Je vous laisse vérifier. Ou page 147 : « Plutôt que de simplement doubler de puissance tous les deux ans, comme l’ont fait les semi-conducteurs, la valeur d’un réseau augmenterait comme le carré du nombre d’utilisateurs. Le progrès serait donc quadratique plutôt qu’exponentiel ; quelque chose qui continue de croître de manière quadratique grandira bientôt beaucoup plus vite que quelque chose qui continue de doubler. » Comme l’a souvent dit Etienne Klein, la « fonction exponentielle », est médiatiquement fort malmenée et désormais abusivement assimilée à une fonction qui aurait pour seule caractéristique de croître très rapidement…

The founders:
Nolan Bushnell, Jimmy Treybig, Bob Swanson, Sandy Lerner, Bob Metcalfe, Mitch Kapor, Jerry Kaplan,
Rick Adams, Marc Andreessen, Jerry Yang, Pierre Omidyar, Larry Page, Mark Zuckerberg, Max Levchin, Elon Musk.

The funders:
Don Valentine, Mike Moritz (Sequoia), Tom Perkins, John Doerr (KP), Jim Swartz, Arthur Patterson (Accel),
Bill Draper, Masayoshi Son (Softbank), Bruce Dunlevie, Bob Kagle (Benchmark), Peter Thiel, Paul Graham.

La loi de la puissance et le capital-risque selon Sebastian Mallaby

Sebastian Mallaby vient de publier un nouveau livre sur le capital-risque. Il y est question de loi de puissance que j’ai souvent discutée sur ce blog (par exemple ici) et je ne vais pas y revenir. Mais je vais comme d’habitude quand j’apprécie un livre en citer quelques passages.

Le terme « capital-risque » avait également fait son apparition en 1938 lorsque Lammont du Pont, le président de E. I. du Pont de Nemours & Company, avait pris la parole devant le comité sénatorial américain chargé d’enquêter sur le chômage et les aides. « Par capital-risque, j’entends ce capital qui ira dans une entreprise et ne s’attendra pas à un retour immédiat, mais tentera d’obtenir un retour ultime », avait précisé du Pont. […] mais cette formulation n’a pas duré et le terme n’a été largement utilisé qu’à partir des années 60. [Note 28 page 418]

« Tout progrès dépend de l’homme déraisonnable, de l’inadapté créatif. La plupart des gens pensent que les idées improbables ne sont pas importantes, mais la seule chose qui est importante est quelque chose qui est improbable ». D’après Vinod Khosla [Page 3]

Sur les retours sur investissement des VC. La distribution normale s’applique à la taille, au poids des individus, aux marchés boursiers traditionnels, mais la loi de puissance s’applique à l’exceptionnel, à la richesse des individus lorsqu’elles ne sont pas vraiment réglementées, ainsi qu’au capital-risque : « Comme la star de 2 mètres 10 de la NBA dans une salle de cinéma, les sauts inattendus de prix des marchés classiques sont suffisamment rares et modérés pour ne pas affecter la moyenne. Le S&P500 a bougé de moins de 3% en 7763 jours sur 7817 entre 1985 et 2015, soit 98% du temps. […] Considérons maintenant le capital-risque. Hosley Bridge est une société d’investissement qui détenait des participations dans des fonds de capital-risque qui ont soutenu 7 000 startups entre 1985 et 2014. Un petit sous-ensemble de ces transactions, représentant seulement 5% du capital déployé, a généré 60% de tous les rendements de Hosley Bridge. » [Page 8]

Exemples de retours de Khosla [Page 10]

Startup Investment Return Multiple
Juniper Networks $5M $7B 1,400
Siara A few $M $1,5B >150
Cerent $8M Bought for $7B

À propos des prédictions : « Les révolutions qui compteront – les grandes perturbations qui créent de la richesse pour les inventeurs [et les investisseurs ! note HL] et l’anxiété des travailleurs, ou qui brouillent les équilibres géopolitiques et altèrent les relations humaines – ne peuvent être prédites sur la base d’extrapolations de données passées, précisément parce que de telles révolutions sont si profondément perturbatrices. Au contraire, elles émergeront à la suite de forces trop complexes à prévoir – de la soupe primordiale des bricoleurs, des hackers et des rêveurs orgueilleux – et tout ce que vous pouvez savoir, c’est que le monde dans dix ans sera extrêmement différent. […] L’avenir peut être découvert au moyen d’expériences itératives soutenues par des investisseurs aventureux. Il ne peut pas être prédit. [Page 11] « Je dis toujours à mes PDG de ne pas planifier. Continuez à tester les hypothèses et à itérer » Khosla encore. [Note 32, page 416] Tout cela n’est bien sûr pas s’en rappeler le phnénomène du Cygne noir ou Black Swan.

Pourquoi le capital-risque est-il si différent des autres types de financement ? La plupart des financiers allouent des capitaux avec réserve sur la base d’une analyse quantitative. les investisseurs en capital-risque rencontrent des gens, les charment et se soucient rarement des feuilles de calcul excel. [*]. La plupart des financiers évaluent les entreprises en projetant leurs flux de trésorerie. Les capital-risqueurs soutiennent fréquemment les startups avant qu’elles n’aient des flux de trésorerie à analyser. D’autres financiers échangent des millions de dollars d’actifs papier en un clin d’œil. Les capital-risqueurs prennent des participations relativement faibles dans de vraies entreprises et les détiennent longtemps. Plus fondamentalement, d’autres financiers extrapolent les tendances du passé, sans tenir compte du risque d’événements « extrêmes ». Les capital-risqueurs recherchent des ruptures radicales avec le passé. Les événements « extrêmes » sont tout ce dont ils se soucient. [Page 14]

[*] Les travaux universitaires confirment qu’un capital-risqueur sur cinq n’essaie même pas de prévoir les flux de trésorerie lorsqu’il prend une décision d’investissement. [Note 36 page 416]

Tout cela ne fait partie que du chapitre introductif. Sans doute plus à venir. En attendant voici l’histoire visuelle du capital-risque que j’avais réalisée en 2011:

Licence exclusive ou possession de la propriété intellectuelle

La propriété intellectuelle (PI) est un sujet sensible et souvent clivant. J’ai parfois abordé le sujet ici, à travers le terme #propriete-intellectuelle (et aussi #transfert-de-technologie). Mais même une fois que la valeur générale de la propriété intellectuelle est abordée, il existe quantité de problèmes secondaires. L’un est la question spécifique de savoir comment la possession de la propriété intellectuelle par une startup par rapport à une licence exclusive accordée par une institution académique est considérée, en particulier par les investisseurs. Le 27 janvier 2022, j’ai envoyé un court e-mail à plus de 300 investisseurs et j’ai obtenu un taux de réponse d’environ 10 %. En parallèle, j’ai évoqué le sujet sur mon compte LinkedIn et j’ai reçu des commentaires complémentaires. Bien qu’il existe une riche argumentation sur les avantages et les inconvénients des deux situations, si bien que le lecteur pourra vouloir lire les réponses plus loin, voici ma compréhension synthétique :

Il n’y a pas de différence fondamentale entre licence et cession du point de vue de la stratégie de la startup, si ce n’est ce qu’il advient en cas de faillite ou liquidation. La licence n’est pas un actif et donc la propriété intellectuelle n’est plus utilisable. Avec cette nuance, certes de taille, il y a deux points complémentaires :
– Certains investisseurs pensent que le propriétaire paie la maintenance de la PI et poursuit les éventuels « infringers » pour défendre cette propriété. Je ne crois pas que ce soit le cas car dans mon expérience c’est le licencié qui agit ainsi.
– Dans le cas d’une vente (acquisition de la startup par un tiers), il est important que la licence puisse être transmise et c’est un élément majeur, qui doit être garanti. Il peut cependant y avoir des problèmes politiques ou stratégiques.
Enfin, un prix pour le transfert peut être ajouté quand ou si possible.
Il ne fait aucun doute que la réputation de l’institution et la stabilité de ces actes sont essentiels. (Il y aurait plus à ajouter comme la prise de participation ou les redevances (plafonnées ou non) dans les termes de la licence, les jalons et de nombreux détails… mais j’ai fait aussi court que possible).

Vous pouvez télécharger ici le fichier pdf Survey on license vs ownership of IP.

Survey on license vs ownership of IP – Lebret – 1Feb2022