Archives de catégorie : A lire ou à voir

Halt and Catch Fire – la série TV sur l’innovation (sans la Silicon Valley et ses start-up)

Je me souviendrai toujours du jour où l’un de mes anciens patrons m’a dit que je devrais me concentrer sur (le visionnage, l’édition) des vidéos plutôt que (la lecture, l’écriture) des livres. Je suis une personne qui a baigné dans les livres, donc je ne vais probablement pas suivre ses conseils! Mais de temps en temps je découvre des films sur l’innovation high-tech et l’entrepreneuriat, les start-ups.

Halt and Catch Fire ne parle pas vraiment de start-up, ce n’est pas un documentaire, ce n’est pas un film. C’est une série TV qui est certainement plus sérieuse (et moins amusante) que le Silicon Valley de HBO. C’est une coïncidence intéressante pour moi d’avoir commencé à la regarder pendant ma lecture de The Innovators de Isaacson. Ces deux oeuvres traitent des premiers jours des ordinateurs personnels de manière (plutôt) dramatique.

J’en suis encore au début de la saison 1 de sorte que mes commentaires viennent autant de ce que j’ai lu que de ce que j’en ai déjà vu ! Halt and Catch Fire se passe au Texas (pas dans la Silicon Valley), dans une entreprise établie, Cardiff Electrics (pas dans une start-up), où trois personnes qui devraient probablement ne s’être jamais rencontrées, un homme d’affaires, un ingénieur et une geek (pas des entrepreneurs) vont essayer de prouver au monde qu’ils peuvent le changer. Alors pourquoi le Texas? Selon Wikipedia Français: « La saison 1 (qui se déroule en 1983-1984) s’inspire notamment de la création de la société Compaq qui lança en 1982 le premier ordinateur portable compatible IBM PC. Les ingénieurs de Compaq avaient fait de la rétroingénierie en désassemblant le BIOS d’IBM pour en faire réécrire une version compatible par des personnes n’ayant jamais vu le BIOS d’IBM afin de ne pas violer les droits d’auteur. » (Voir ma table de capitalisation de Compaq plus bas…)

Scoot McNairy as Gordon Clark, Mackenzie Davis as Cameron Howe and Lee Pace as Joe MacMillan - Halt and Catch Fire _ Season 1, Gallery - Photo Credit: James Minchin III/AMC

Scoot McNairy joue Gordon Clark, Mackenzie Davis – Cameron Howe – et Lee Pace – Joe MacMillan – Halt and Catch Fire, Saison 1, Crédit Photo : James Minchin III/AMC

Je dois aussi créditer Marc Andreessen qui m’a fait découvrir cette nouvelle série télé d’AMC. Dans un long portrait du New Yorker, le fondateur de Netscape mentionne la série: « Il a poussé un bouton pour dérouler l’écran du mur, puis connecté son Apple TV. Nous allions regarder les deux derniers épisodes de la première saison « Halt and Catch Fire » d’AMC, qui décrit une société fictive appelée Cardiff, qui entre dans la guerre des ordinateurs personnels des années quatre-vingt. La résonance pour Andreessen était claire. En 1983, dit-il, « j’avais douze ans, et je ne savais rien des startups ou du capital-risque, mais je savais tous de ces produits. » Il a utilisé le TRS-80 de Radio Shack de la bibliothèque de son école pour construire une calculatrice pour ses devoirs de mathématiques. » […] « Les meilleures scènes sont avec Cameron quand elle est seule dans le sous-sol, à coder. » Je lui ai rétorqué que j’ai trouvé qu’elle est le caractère le moins satisfaisant: sous-écrite, incohérente, manquant de motivation plausible. Il sourit et répondit: «Parce qu’elle est l’avenir. »

Selon l’article de Wikipedia à propos de la série, « le titre de l’émission fait référence au code d’instruction HCF, dont l’exécution provoquerait l’arrêt de l’unité centrale de l’ordinateur (« catch fire – s’enflammer » est une exagération humoristique). » La série ne traite peut-être pas d’entrepreneuriat et de start-up, mais il y est question de rébellion, de mutinerie. Il y a un beau moment où l’un des héros va convaincre ses deux collègues de poursuivre l’aventure alors qu’ils sont sur le point d’arrêter. Ils sont certainement en quête de quelque chose.

amc_haltandcatchfire_mutiny

Je n’ai en définitive pas vu beaucoup de films et de vidéos sur mon sujet favori alors laissez-moi essayer de récapituler:
– Je commence avec Something Ventured, un documentaire sur les premiers jours de la Silicon Valley, de ses entrepreneurs et des capital-risqueurs.
The Startup Kids est un autre documentaire sur les jeunes entrepreneurs du web. Souvent très émouvant.
– Le Silicon Valley de HBO est plus drôle que HFC mais peut-être pas aussi bon. Seul l’avenir le dira.
– J’ai vu The Social Network, qui semble être le meilleur film de fiction sur tout cela, mais
– Je n’ai pas vu les deux films sur Steve Jobs. Ce n’est apparemment pas la peine de regarder Jobs (2013), mais je vais probablement essayer de ne pas manquer de Steve Jobs (2015)

Donc, en conclusion, visionnez la bande annonce.

La table de capitalization de Compaq lors de son IPO

Compaq_Cap_Table

L’innovation selon Walter Isaacson (4ème partie) – vol… ou partage?

Combien de fois vais-je dire à quel point est extraordinaire le livre de Walter Isaacson The Innovators – How a Group of Hackers, Geniuses, and Geeks Created the Digital Revolution ? Et combien de messages vais-je écrire à ce sujet ? Voici la 4e partie ! Isaacson montre comment la collaboration dans le logiciel a contribué à une création de valeur unique. Cela peut signifier partager mais aussi voler!

Gates se plaignit aux membres du Homebrew Computer Club à ce sujet: Deux choses surprenantes sont apparentes cependant 1) la plupart de ces « utilisateurs » n’a jamais acheté le BASIC (moins de 10% de tous les propriétaires d’Altair), et 2) Le montant des redevances que nous avons reçus de la vente aux amateurs fait que le temps passé sur le BASIC Altair vaut moins de 2$ de l’heure. Pourquoi? Comme la majorité des amateurs doit en être conscient, la plupart d’entre vous volent le logiciel. Le matériel doit être payé, mais le logiciel est quelque chose à partager. Qui se soucie si les gens qui y ont travaillé sont payés? Est-ce juste? Une chose que vous ne aites pas en volant les logiciels est de revenir vers MITS pour les problème que vous auriez eu. MITS ne fait pas d’argent en vendant des logiciels. […] Ce que vous faites c’est un vol. Je serais reconnaissant envers toute personne prête à payer. [Page 342 et http://www.digibarn.com/collections/newsletters/homebrew/V2_01/gatesletter.html]

homebrew_V2_01_p2

Mais Isaacson nuance: Il y avait encore une certaine audace dans la lettre. Gates était, après tout, un voleur en série de temps d’utilisation d’ordinateur, et il avait manipulé les mots de passe pour pirater les comptes depuis la huitième (en high school) jusque sa deuxième année à Harvard. En effet, quand il a affirmé dans sa lettre que lui et Allen avaient utilisé du temps à l’ordinateur équivalent à plus de 40’000$ pour faire le BASIC, il a omis le fait qu’il n’a jamais réellement payé pour cet usage. […] Aussi, bien que Gates ne l’ait pas apprécié à l’époque, le piratage généralisé de Microsoft BASIC a aidé sa jeune entreprise sur le long terme. En se répandant si vite, le icrosoft BASIC est devenu un standard, et d’autres fabricants d’ordinateurs ont dû acheter une licence. [Page 343]

Et que dire de Jobs et Wozniak? Tout le monde connaît comment des « phreaks » du téléphone avaient créé un dispositif qui émettaient la tonalité fréquentielle juste pour tromper le système de Bell et accéder à des appels interurbains gratuits. […] « Je n’ai jamais conçu un circuit dont je sois plus fier. Je pense toujours qu’il était incroyable ». Ils le testèrent en appelant le Vatican, avec Wozniak essayant de se faire passer pour Henry Kissinger pour parler au pape; il avait fallu un certain temps, mais les fonctionnaires du Vatican avaient finalement réalisé qu’il s’agissait d’une farce avant de réveiller le souverain pontife. [Page 346]

Gates, Jobs et l’interface graphique

Et le plus grand vol de tous a peut-être été le GUI – Graphical User Interface. Mais qui a volé? Plus tard, quand il a été critiqué pour avoir pillé les idées de Xerox, Jobs a cité Picasso: « Les bons artistes copient, les grands artistes volent. Et nous avons toujours agi sans vergogne quand il s’agit de voler de grandes idées. Xerox était une boîte de photocopieurs qui n’avait aucune idée de ce qu’un ordinateur pouvait faire. [Page 365]

Toutefois, lorsque Microsoft copia Apple pour Windows, ce fut une autre histoire… Au début des années 1980, avant l’introduction du Macintosh, Microsoft avait une bonne relation avec Apple. En fait, le jour où IBM a lancé son PC en août 1981, Gates était visitait Jobs chez Apple, ce qui était une chose courante depuis que Microsoft faisait la majorité de ses revenus en développant des logiciels pour l’Apple II. Gates était encore le suppliant dans la relation. En 1981, Apple avait 334 millions de dollars de revenus, par rapport aux 15 millions $ de Microsoft. […] Jobs avait un souci majeur à propos de Microsoft: il n’avait aucune envie de se faire copier l’interface graphique utilisateur. […] Sa crainte que Gates volerait l’idée était quelque peu ironique, étant donné que Jobs lui-même avait chipé le concept à Xerox. [Pages 366-67]

Les choses allaient empirer … « Eh bien, Steve, je pense qu’il y a plus d’une façon de voir les choses. Je pense plutôt que nous avions tous les deux ce riche voisin du nom de Xerox et je me suis introduit dans sa maison pour voler le téléviseur et j’ai découvert que tu l’avais déjà volé. » [Page 368]

Stallman, Torvalds, logiciel libre et open-source

Il y aurait d’autres oppositions. Le groupe de hackers qui a grandi autour de GNU [logiciel gratuit de Stallman] et Linux [logiciel open source de Torvalds] a montré que les incitations émotionnelles, au-delà des récompenses financières, peuvent motiver la collaboration volontaire. « L’argent est pas la plus grande des motivations », a déclaré Torvalds. « Les gens sont à leur meilleur quand ils sont motivés par la passion. Quand ils ont du plaisir. Cela est aussi vrai pour les dramaturges, les sculpteurs et les entrepreneurs que pour les développeurs logiciels. « Il y a aussi, consciemment ou non, un certain égoïsme dans tout cela. « Les pirates sont aussi motivés, en grande partie, par l’estime qu’ils peuvent gagner aux yeux de leurs pairs, à améliorer leur réputation, à élever leur statut social. Le développement open source offre cette chance aux programmeurs. » Gates dans sa « Lettre aux Hobbysts », se plaint du partage non autorisé de Microsoft BASIC, et a demandé sous forme de réprimande: « qui peut se permettre de faire un travail professionnel pour rien? ». Torvalds trouve ce point de vue un peu étrange. Lui et Gates étaient de deux cultures très différentes, le milieu universitaire radical teinté de communisme d’Helsinki face à l’élite des affaires de Seattle. Gates a peut-être fini avec la plus grande maison, mais Torvalds a récolté l’adulation anti-establissement. « Les journalistes semblent aimer le fait que, tandis que Gates vit une maison high-tech, je suis en train de trébucher sur les jouets de ma fille dans une maison de trois chambres avec une mauvaise plomberie dans un ennuyeux Santa Clara, » dit-il avec une conscience de soi ironique. « Et que je conduis une Pontiac poussive. Et je réponds au téléphone. Qui ne voudrait pas m’aimer? » [Pages 378-79]

Ce qui ne fait pas « d’ouvert » un ami de « libre ». Les différends sont allés au-delà de la simple forme et sont devenus, à certains égards, idéologiques. Stallman était possédé par une clarté morale et une aura inflexible, et il a déploré que « toute personne encourageant l’idéalisme est aujourd’hui confrontée à un grand obstacle: l’idéologie dominante encourage les gens à rejeter l’idéalisme comme « irréaliste ». Torvalds, au contraire, était un pratique sans vergogne, comme un ingénieur. « J’étais à la tête des pragmatistes, » a t-il dit. « J’ai toujours pensé que les gens idéalistes sont intéressants, mais un peu ennuyeux et effrayants. » Torvalds a admis « ne pas être exactement un grand fan » de Stallman, expliquant: « Je n’aime pas trop les gens qui ont une préoccupation unique, et je pense que les gens qui voient le monde en noir et blanc ne sont ni très gentils ni finalement très utiles. Le fait est qu’il n’y a pas seulement deux points de vue à tout problème, il y a presque toujours une variété d’approches, et « ça dépend » est presque toujours la bonne réponse à une question importante. Il croit aussi qu’il doit être permis de gagner de l’argent avec le logiciel open-source. « L’open-source doit laisser une place à tout le monde. Pourquoi le business, qui alimente tant l’avancement technologique de la société, devrait-il être exclu ? ». Le logiciel peut vouloir être libre, mais les gens qui l’écrivent peuvent vouloir nourrir leurs enfants et récompenser leurs investisseurs. [Page 380]

Les Innovateurs par Walter Isaacson – Partie 3 : (Silicon) Valley

L’innovation est aussi question de modèles d’affaires – le cas Atari

L’Innovation dans la (Silicon) Valley, après la puce, a vu l’arrivée des jeux, des logiciels et de l’Internet. « Alors qu’ils travaillaient sur les premières consoles de Computer Space, Bushnell entendit dire qu’il avait de la concurrence. Un diplômé de Stanford nommé Bill Pitts et son copain Hugh Tuck du California Polytechnic étaient devenu accros à Spacewar, et ils avaient décidé d’utiliser un mini-ordinateur PDP-11 pour le transformer en un jeu d’arcade. […] Bushnell n’eut aucun respect pour leur plan de dépenser $20’000 pour l’équipement, y compris un PDP-11 qui serait dans une autre pièce et relié par des tonnes de câble à la console, puis de faire payer dix cents le jeu. «Je fus surpris de voir combien ils étaient ingnorants du modèle d’affaires», a t-il dit. « Surpris et soulagé. Dès que j’ai vu ce qu’ils faisaient, je savais qu’ils ne seraient pas une concurrence ».
Le Galaxy Game de Pitts et Tuck a débuté à la coffeehouse de Tresidder à Stanford à l’automne 1971. Les étudiants se rassemblaient chaque nuit comme des croyants devant un sanctuaire. Mais peu importe combien ils étaient prêts à jouer, il n’y avait aucun moyen que la machine soit rentable, et l’entreprise a finalement fermé. « Hugh et moi étions tous deux ingénieurs et nous ne faisions pas du tout attention aux questions business, » a concédé Pitts. L’innovation peut être déclenché par le talent de l’ingénieur, mais elle doit être combinée avec des compétences managériales pour « mettre le monde en feu ».
Bushnell fut capable de produire son jeu, Computer Space, pour seulement $1000. Il fit ses débuts quelques semaines après Galaxy Game dans le bar Dutch Goose à Menlo Park, près de Palo Alto et il s’en vendra le nombre respectable de 1’500 exemplaires. Bushnell était l’entrepreneur idéal: inventif, bon ingénieur, et compétant sur les questions entrepreneuriales et la demande client. Il était aussi un grand vendeur. […] Quand il est entré dans le petit bureau loué par Atari à Santa Clara, il a décrit le jeu à Alcorn [le co-fondateur d’Atari], a esquissé quelques circuits, et lui a demandé de construire la version arcade de celui-ci. Il a dit Acorn qu’il avait signé un contrat avec GE pour produire le jeu, ce qui était faux. Comme beaucoup d’entrepreneurs, Bushnell n’avait aucune honte à déformer la réalité dans le but de motiver les gens. » [Pages 209-211]

L’innovation nécessite d’avoir trois choses: une bonne idée, le talent d’ingénierie pour l’exécuter, et le sens des affaires (plus la détermination à faire des deals) pour le transformer en un produit réussi. Nolan Bushnell eut le trio gagnant quand il avait vingt-neuf ans, ce qui explique pourquoi, plutôt que Bill Pitts, Hugh Truck, Bill Nutting, ou Ralph Baer, il est resté dans l’histoire comme l’innovateur qui a lancé l’industrie du jeu vidéo. » [Page 215]

Vous pouvez également alors écouter Bushnell directement. Le passeg est extrait de SomethingVentured et l’histoire d’Atari commence à l’instant 30’07 « jusqu’à 36’35 » (vous pouvez aller directement sur YouTube pour le bon timing).

Le débat sur l’intelligence des machines

Le chapitre 7 traite des débuts de l’Internet. Isaacson contribue aussi à un sujet qui redevient un débat depuis quelque temps: le possible remplacement par les machines et l’ordinateur en particulier de l’humain avec ou malgré son intelligence, sa créativité et ses capacités d’innovation. Je me sens proche d’Isaacson que je cite, page 226: « Licklider était du côté de Norbert Wiener, dont la théorie de la cybernétique était basée sur l’étroite collaboration entre humains et machines travaillant, plutôt que de leurs collègues du MIT, Marvin Minsky et John McCarthy, dont la quête de l’intelligence artificielle impliquait la création de machines qui pourraient apprendre par elles-mêmes et remplacer la connaissance humaine. Comme l’expliquait Licklider, l’objectif raisonnable était de créer un environnement dans lequel les humains et les machines « coopéreraient pour prendre des décisions. » En d’autres termes, ils grandiraient ensemble. « Les humains fixeront les objectifs, formuleront les hypothèses, détermineront les critères et feront les évaluations. Les machines et ordinateurs feront le travail automatisable qui doit être fait pour préparer la voie vers des idées et des décisions dans les domaines scientifiques et techniques. »

Le dilemme de l’Innovateur

Dans le même chapitre, qui tente de décrire qui étaient les inventeurs (plus que les innovateurs) dans le cas de l’Internet – J.C.R. Licklider, Bob Taylor, Larry Roberts, Paul Baran, Donald Davies, ou même Leonard Kleinrock – et pourquoi il a été inventé – un mélange de motivation entre l’objectif militaire de protection des communications en cas d’attaque nucléaire et l’objectif civil d’aider les chercheurs dans le partage des ressources – Isaacson montre encore une fois le défi de convaincre les acteurs établis.

Baran est entré en collision avec une des réalités de l’innovation, qui est que les bureaucraties enracinées sont réfractaires au changement. […] Il a essayé de convaincre AT&T de compléter son réseau à commutation de circuits pour la voix savec un réseau de données à commutation de paquets. « Ils se sont battus bec et ongles », a t-il rappelé. « Ils ont essayé toutes sortes de choses pour l’arrêter. » [AT&T sera aller aussi loin que l’organisation d’une série de séminaires qui impliquera 94 intervenants] « Maintenant voyez-vous pourquoi la commutation de paquets ne fonctionnera pas? » Baran répondit simplement : « Non ». Une fois de plus, AT&T a été freinée par le dilemme de l’innovateur. La société rechigna à envisager un tout nouveau type de réseau de données, car elle avait tellement investi dans ses circuits. [Pages 240-41]

[Davies] utilisa un bon vieux mot anglais pour eux: les paquets. En essayant de convaincre le General Post Office d’adopter le système, Davies rencontra le même problème que Baran avait vécu lorsqu’il avait frappé à la porte d’AT&T. Mais ils ont tous deux trouvé un soutien à Washington. Larry Roberts non seulement accepta leurs idées; il adopta également le mot paquet.

L’entrepreneur est un rebelle (qui aime le pouvoir)

Un pirate informatique « hard-core », Steve Dompier, proposa de descendre à Alburquerque en personne pour y trouver une machine de MITS, qui avait de la difficulté à suivre les commandes. Au moment de la troisième réunion du Homebrew en avril 1975, il avait fait une découverte amusante. Il avait écrit un programme pour trier les nombres, et tandis qu’il l’utilisait, il écoutait une émission de la météo sur une radio transistor basse fréquence. « La radio a commencé à faire zip-zzziiip-ZZZIIIPP à différents moments », et Dompier se dit: « Eh bien, vous savez quoi! Mon premier périphérique! » Puis il fit quelques expériences. « J’ai essayé d’autres programmes pour voir à quoi cela ressemblait, et après environ huit heures à bidouiller, j’avais un programme qui pouvait produire des sons musicaux et effectivement faire de la musique ». [Page 310]

« Dompier publia son programme musical dans le numéro du People’s Computer Company, ce qui amena une réponse historiquement remarquable d’un lecteur perplexe. « Steven Dompier a un article sur le programme musical qu’il a écrit pour l’Altair dans le People’s Computer Company, » écrivit Bill Gates, un étudiant en congé de Harvard pour écrire des logiciels pour MITS à Albuquerque. « L’article donne le listing de son programme et des données musicales pour ‘The Fool on the Hill’ et ‘Daisy’. Il n’explique pas pourquoi cela fonctionne et je ne vois pas pourquoi. Est-ce que quelqu’un le sait? » La réponse simple est que l’ordinateur, en lançant les programmes, produisait des interférences qui pouvaient être contrôlées par des boucles temporelles et transformées sous forme d’impulsions de tonalité par une radio ondes moyennes.
Au moment où sa requête a été publiée, Gates s’était lancé dans une dispute plus fondamentale avec le Homebrew Computer Club. Cela est devenu l’archétype de l’affrontement entre l’éthique commerciale qui croyait aux informations exclusives, représentée par Gates [et Jobs] et l’éthique des hacker du partage librement des informations, représentée par la population du Homebrew [et Wozniak]. » [Page 311]

Isaacson, par sa description de Gates et Jobs, explique ce qu’est un entrepreneur.

« Oui, maman, je pense, » répondit-il. « As-tu déjà essayé de penser? » [P.314] Gates était un obsessif en série. […] Il avait un style confrontationnel [… et il] savait le faire dégénérer en insulte comme «la chose la plus stupide que j’ai jamais entendue . » [P.317] Gates a utilisé le pouvoir dans sa future relation avec Allen. Voici comment Gates l’a décrit, « Voilà, j’ai dit « Ok, mais je vais être aux commandes. Et je vais vous habituer à ce que je sois aux commandes, et il sera difficile de discuter avec moi à partir de maintenant à moins que je ne sois aux commandes. Si vous me mettez aux commandes, je suis aux commandes de cela et de tout ce que nous faisons. » [P.323] Comme beaucoup d’innovateurs, Gates était rebelle juste par principe. [P.331] « Un innovateur est probablement un fanatique, quelqu’un qui aime ce qu’ils fait, travaille jour et nuit, peut ignorer des choses normales dans une certaine mesure, et donc être considéré comme un peu déséquilibré. […] Gates était aussi un rebelle avec peu de respect pour l’autorité, un autre trait des innovateurs. [P.338]

Allen avait supposé que son partenariat avec Gates serait cinquante-cinquante. […] Mais Gates avait insisté pour être aux commandes. « Ce n’est pas juste si tu as la moitié. […] Je pense que ça devrait être 60 à 40. » […] Pire encore, Gates insista pour revoir la répartition deux ans plus tard. « Je mérite plus de 60 pour cent. » Sa nouvelle demande était que la répartition soit 64-36. Né avec un gène de la prise de risque, Gates pouvait disparaître tard dans la nuit en conduisant à des vitesses terrifiantes sur les routes de montagne. «J’ai décidé que c’était sa façon de se défouler.», a déclaré Allen. [P.339]

gates-arrested
Gates arrêté pour excès de vitesse en 1977. [P.312]

« Il y a quelque chose d’indéfinissable chez un entrepreneur, et je l’ai vu avec Steve, » s’est souvenu Bushnell. « Il était intéressé non seulement par l’ingénierie, mais aussi par tous les aspects commerciaux. Je lui ai appris que si vous agissez comme si quelque chose est possible, alors cela va marcher. Je lui ai dit, fais semblant de maîtriser totalement et les gens supposent que tu l’es ». [P.348]

Le concept de l’entrepreneur comme un rebelle n’est pas nouveau. En 2004, Pitch Johnson, l’un des premiers VC dans la Silicon Valley a écrit «Les entrepreneurs sont les révolutionnaires de notre temps. » Freeman Dyson a écrit Portrait du scientifique en rebelle. Et vous devriez lire l’analyse de Nicolas Colin sur les écosystèmes entrepreneuriaux: Capital + savoir-faire + rébellion = économie entrepreneuriale. Oui des rebelles qui aiment le pouvoir …

Les Innovateurs de Walter Isaacson (suite) : Silicon (Valley)

Ce que je lis à la suite de mon post récent La complexité et la beauté de l’innovation selon Walter Isaacson est probablement beaucoup plus connu: l’innovation dans la Silicon Valley, aux débuts du Silicium – Fairchild, Intel et les autres « Fairchildren ». J’ai ma propre archive, de belles affiches de cette période, l’une à propos de la généalogie des start-up et entrepreneurs, avec un zoom sur Fairchild et un sur Intel et une autre sur la généalogie des investisseurs.

Des entrepreneurs…

SiliconValleyGenealogy-All

SiliconValleyGenealogy-Fairchild

SiliconValleyGenealogy-Intel

« Il y avait des problèmes internes à Palo Alto. Les ingénieurs ont commencé à faire défection, ensemençant ainsi la vallée avec ce qui est devenu connu sous le nom Fairchildren: des entreprises qui ont germé à partir de spores émanant de Fairchild. » [Page 184] « L’artère principale de la vallée, une route animée nommée El Camino Real, était autrefois la route royale qui reliait vingt et une des églises de la Mission de la Californie. Au début des années 1970 – grâce à Hewlett-Packard, au Stanford Industrial Park de Fred Terman, à William Shockley, à Fairchild et aux « Fairchildren » – elle a connecté un couloir animé de sociétés de haute technologie. En 1971, la région a obtenu un nouveau surnom. Don Hoefler, un chroniqueur pour le journal hebdomadaire Electronic News, a commencé à écrire une série de colonnes intitulées « Silicon Valley Etats-Unis » et le nom est resté. » [Page 198]

…Et des investisseurs

WCVCGenealogy-All

WCVCGenealogy-Beginnning

« Dans les onze ans qui avaient suivi l’aide fournie aux huit traîtres pour former Fairchild Semiconductors, Arthur Rocck avait aidé à construire quelque chose qui était destiné à être presque aussi important à l’ère du numérique que la puce: le capital-risque. » [Page 185 ] « Quand il avait cherché un soutien pour les huit traîtres en 1957, il avait sorti un seule feuille de papier et avait écrit une liste numérotée de noms, puis méthodiquement téléphoné à chacun, barrant les noms comme il descendait la liste. Onze ans plus tard, il prit une autre feuille de papier pour y écrire le nom personnes qui seraient invitées à investir et combien des 500’000 actions disponibles à 5$ il offrirait à chacun. […] Il leur a fallu moins de deux jours pour réunir l’argent. […] « Tout ce que je devais dire aux gens était que c’était Noyce et Moore. Ils n’avaient pas besoin de savoir grand chose d’autre. » [Pages 187-88]

Rock_List

La culture Intel

« Il y eut à Intel une innovation qui eut presque autant d’impact sur l’ère du numérique que toute [autre]. Cela aura été l’invention d’une culture d’entreprise et d’un style de gestion qui était l’antithèse de l’organisation hiérarchique des entreprises de la cote Est. » [[Page 189] « La culture Intel, qui imprégna la culture de la Silicon Valley, est un produit de ces trois hommes. [Noyce, Moore et Grove]. […] Elle était dépourvue de caractères hiérarchiques. Il n’y avait pas de places de stationnement réservées. Tout le monde y compris Noyce et Moore travaillait dans des « cubicles » semblables. […] « Il n’y avait pas de privilèges », a rappelé Ann Bowers, qui était le directeur du personnel et épousa plus tard Noyce, [elle deviendrait alors le premier directeur des ressources humaines de Steve Jobs] « Nous avons commencé une forme de culture d’entreprise qui était complètement différente de tout ce qui avait existé auparavant. C’était une culture de la méritocratie.
Ce fut aussi une culture de l’innovation. Noyce avait une théorie qu’il a développé après avoir été bridé par la hiérarchie rigide à Philco. Plus le lieu de travail est ouvert et non structuré, croyait-il, plus rapidement surgissaient de nouvelles idées qui seraient ensuite diffusées, raffinées et appliquées. » [Pages 192-193]

L’humour suisse et les start-up

Voici un rappel rafraichissant sur le monde des start-up. La réalité n’est pas aussi rose, mais je ne me souviens pas d’un message aussi drôle. A apprécier sans modération…

L’émission 26 minutes plus tôt: Les start-up vaudoises ont le vent en poupee rebondissait sur le nouveau top 100 des start-up suisses, où les start-up vaudoises et en particulier celles issues de l’EPFL excellaient… évidemment la définition de l’excellence pour 26 minutes est très particulière.

Reid Hoffmann sur le succès de la Silicon Valley : pas les startup, mais le scaleup

Dans son article d’introduction sur le cours qu’il donne à Stanford, Reid Hoffman explique de manière convaincante pourquoi la Silicon Valley est toujours en tête dans l’innovation high-tech: la Silicon Valley n’est plus unique dans sa capacité à lancer des start-up. Aujourd’hui, de nombreuses régions du monde possèdent tous les ingrédients nécessaires. Il y a à travers le monde de jeunes et brillants diplômés des universités techniques. Le capital risque est devenu global. Et les entreprises technologiques ont des centres R&D dans de nombreuses régions du monde. Il y a même eu une expansion globale de certains des éléments les plus subtils comme une acceptation de la culture de l’échec des entreprises risquées. Et la croyance en l’esprit d’entreprise se répand partout dans le monde – la création d’une culture réceptive dans de nombreuses villes. Alors, pourquoi la Silicon Valley continue-t-elle à produire autant d’entreprises capables de transformer les industries ? Le secret est passé des start-up au « scaleup ».

L’article complet est CS183C: Technology-enabled Blitzscaling: The Visible Secret of Silicon Valley’s Success. J’ai regardé la 1ère session. La voici avec les diapositives:

Et en voici quelques unes que je aimées:

CS183C-1-fig1

CS183C-1-fig2

La complexité et la beauté de l’innovation selon Walter Isaacson

Les Innovateurs de Walter Isaacson est un grand livre en raison de sa description équilibrée du rôle des génies ou des innovateurs de rupture autant que du travail d’équipe dans l’innovation incrémentale. « La prise en compte de leur travail d’équipe est importante parce que nous ne nous focalisons pas souvent sur le rôle central de leur compétence dans l’innovation. […] Mais nous avons beaucoup moins d’histoires de créativité collaborative, qui est en fait plus importante à comprendre pour l’évolution de la technologie aujourd’hui. » [Page 1] Il va aussi plus loin: « J’explore aussi les forces sociales et culturelles qui fournissent l’atmosphère favorable à l’innovation. Lors de la naissance de l’ère numérique, cela a inclus un écosystème de recherche qui a été nourri par les dépenses du gouvernement et géré par une collaboration militaro-industrielle. Et ceci fut combiné avec une alliance informelle de coordinateurs de communautés, de hippies avec un esprit de commune, de bricoleurs amateurs, et de pirates anarchisants, dont la plupart se méfiaient de l’autorité centrale. » [Page 2] « Enfin, je fus frappé par la façon dont la créativité la plus authentique de l’ère numérique est venue de ceux qui étaient en mesure de relier les arts et les sciences. » [Page 5]

the-innovators-9781476708690_lg

L’ordinateur

J’ai été un peu moins convaincu par le chapitre 2 car j’ai le sentiment que l’histoire de Ada Lovelace et Charles Babbage est bien connue. Je peux me tromper. Mais j’ai trouvé le chapitre 3 sur les premiers jours de l’ordinateur plus original. Qui a inventé l’ordinateur? Probablement beaucoup de personnes différentes dans des endroits différents aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Allemagne, autour de la Seconde Guerre mondiale. « Comment ont-ils développé cette idée au même moment alors que la guerre maintenait leurs deux équipes isolées ? La réponse tient en partie au fait que les progrès de la technologie et de la théorie ont lieu quand le moment est mûr. En parallèle à de autres nombreux innovateurs, Zuse et Stibitz étaient familiers avec l’utilisation de relais dans les circuits téléphoniques, et il était logique de les relier à des opérations binaires en mathématiques et en logique. De même, Shannon, qui était aussi très familier avec les circuits téléphoniques, serait en mesure d’effectuer les tâches logiques de l’algèbre booléenne. L’idée que les circuits numériques seraient la clé de l’informatique devenait rapidement évidente pour les chercheurs un peu partout, même dans des endroits isolés comme le centre de l’Iowa ». [Page 54]

Il y aurait une bataille légale autour de brevets que je ne connaissais pas. Lisez les pages 82-84. Vous pouvez également lire ce qui suit sur Wikipedia : « Le 26 Juin 1947, J. Presper Eckert et John Mauchly ont été les premiers à déposer un brevet sur un dispositif de calcul numérique (ENIAC), à la grande surprise de Atanasoff. L’ABC [Atanasoff-Berry Computer] avait été examiné par John Mauchly en Juin 1941, et Isaac Auerbach, ancien élève de Mauchly, prétendit que cela avait influencé son travail plus tard sur l’ENIAC, bien que Mauchly ait nié ceci. Le brevet ENIAC ne fut pas accordé avant 1964, et en 1967, Honeywell poursuivit Sperry Rand dans une tentative de casser les brevets ENIAC, en faisant valoir l’ABC comme art antérieur. La Cour de district des États-Unis pour le district du Minnesota rendit son jugement le 19 Octobre 1973, indiquant dans « Honeywell v. Sperry Rand » que le brevet ENIAC était un dérivé de l’invention de John Atanasoff. » [Le procès avait commencé en Juin 1971 et le brevet sur l’ENIAC a donc été invalidé]

J’ai aussi aimé son bref commentaire sur les compétences complémentaires. « Eckert et Mauchly ont servi de contrepoids l’un pour l’autre, ce qui les rend typique de tant de duos de leaders de l’ère numérique. Eckert motivait les personnes ayant une passion pour la précision; Mauchly tendait à les calmer et à se sentir aimés. » [Pages 74-75]

Les Femmes dans la Science et la Technologie

C’est dans le chapitre 4 sur la programmation que Isaacson se consacre au rôle des femmes: « L’éducation [de Grace Hopper] n’était pas aussi rare qu’on pourrait le penser. Elle était la onzième femme à obtenir un doctorat en mathématiques de l’Université de Yale, la première l’ayant obtenu en 1895. Ce n’était pas du tout rare pour une femme, en particulier si elle était issue d’une famille ayant réussi, d’obtenir un doctorat en mathématiques dans les années 1930. En fait, c’était plus courant que ce ne le serait une génération plus tard. Le nombre de femmes américaines qui ont obtenu des doctorats en mathématiques pendant les années 1930 était de 133, soit 15 pour cent du nombre total de doctorats en mathématiques américains. Au cours de la décennie 1950, seulement 106 femmes américaines ont obtenu des doctorats en mathématiques, ce qui était un petit 4 pour cent du total. (Pour la première décennie des années 2000, les choses avaient plus que rebondi et il y avait 1600 femmes qui ont obtenu un doctorat en mathématiques, soit 30 pour cent du total.) » [Page 88]

Sans surprise, dans les premiers jours du développement informatique, les hommes travaillaient plus dans le matériel alors que les femmes seraient dans le logiciel. «Tous les ingénieurs qui ont construit le matériel de l’ENIAC étaient des hommes. Moins relatée par l’histoire était un groupe de femmes, six en particulier, qui se révéla être presque aussi important dans le développement de l’informatique moderne. » [Page 95] « Peu de temps avant sa mort en 2011, Jean Jennings Bartik relate fièrement le fait que tous les programmeurs qui ont créé le premier ordinateur à usage général étaient des femmes. «Malgré notre venue à une époque où les possibilités de carrière des femmes ont été généralement assez limitées, nous avons contribué à initier l’ère de l’ordinateur. » Cela est arrivé parce que beaucoup de femmes à cette époque avaient étudié les mathématiques et leurs compétences étaient recherchées. Il y avait aussi une ironie implicite: les garçons avec leurs jouets pensaient que l’assemblage matériel était la tâche la plus importante, et donc le travail d’un homme. «La science et l’ingénierie américaine était encore plus sexiste qu’elle ne l’est aujourd’hui,» a dit Jennings. «Si l’administration de l’ENIAC avait su que la programmation serait essentielle au fonctionnement de l’ordinateur électronique et à quel point elle se révélerait complexe, ils auraient pu être plus hésitants à donner un rôle important aux femmes. » [Pages 99-100]

Les sources de l’innovation

« Les chapitres historiques de Hopper étaient concentrés sur les personnalités. Ce faisant, son livre soulignait le rôle des individus. En revanche, peu de temps après que le livre de Hopper fut achevé, les dirigeants d’IBM commandèrent leur propre histoire du Mark I qui donnait le crédit principal aux équipes d’IBM à Endicott, New York, équipes qui avaient construit la machine. » Les intérêts d’IBM seraient mieux servis en remplaçant l’histoire individuelle par l’histoire de l’organisation», a écrit l’historien Kurt Beyer dans une étude de Hopper. « Le lieu de l’innovation technologique, selon IBM était l’entreprise. Le mythe de l’inventeur solitaire radical travaillant dans un laboratoire ou un sous-sol a été remplacé par la réalité d’équipes d’ingénieurs dans une organisation sans visage contribuant à des progrès incrémentaux. »Dans la version d’IBM de l’histoire, le Mark I contenait une longue liste de petites innovations, comme le compteur de type cliquet et l’alimentation redondante des cartes, que le livre d’IBM attribuait à une foule d’ingénieurs peu connus qui travaillaient de manière collaborative à Endicott.
La différence entre la version de l’histoire de Hopper et d’IBM est plus profonde qu’un différend sur qui devrait recevoir le plus de crédit. Elle montre des perspectives fondamentalement contrastées sur l’histoire des innovations. Certaines études technologiques et scientifiques soulignent, comme Hopper l’a fait, le rôle des inventeurs créatifs qui font des sauts innovants. D’autres études soulignent le rôle des équipes et des institutions, telles que le travail de collaboration fait à Bell Labs et sur le site d’IBM à Endicott. Cette dernière approche tente de montrer que ce qui peut ressembler à des sauts créatifs – le moment de type Eureka – sont en fait le résultat d’un processus évolutif qui se produit lorsque les idées, les concepts, les technologies et les méthodes d’ingénierie mûrissent ensemble. Aucune des deux façons de regarder l’avancement technologique n’est, prise seule, complètement satisfaisante. La plupart des grandes innovations de l’ère numérique est née de l’interaction de personnes créatives (Mauchly, Turing, Von Neumann, Aiken) avec des équipes qui ont su mettre en œuvre leurs idées. »
[Pages 91-92]

L’innovation de rupture et l’innovation incrémenatle d’après Google

Cela me semble très proche de ce que j’ai lu apropos de Google et mentionné dans l’article L’importance et la difficulté de la culture dans les start-up : Google à nouveau… : « Pour nous, l’innovation implique à la fois la production et la mise en œuvre d’idées nouvelles et utiles. Comme « nouveau » est souvent juste un synonyme fantaisiste pour inventif, il faut aussi préciser que pour quelque chose fasse preuve d’innovation, il doit offrir des fonctionnalités inventives, et il doit aussi être surprenant. Si vos clients vous demandent quelque chose, vous n’êtes pas innovant quand vous leur donnez ce qu’ils veulent; vous êtes juste à l’écoute. Voilà une bonne chose de dite, mais ce n’est pas être novateur. Enfin «utile» est un adjectif plutôt décevant pour décrire cette innovation « chaude », nous allons donc ajouter un adverbe et dire radicalement utile. Voilà: pour qu’une chose fasse preuve d’innovation, elle doit être nouvelle, surprenante, et radicalement utile. » […] « Mais Google ajoute également plus de cinq cents améliorations à son moteur recherche chaque année. Est-ce innovant? Ou incrémental? Elles sont nouvelles et surprenantes, bien sûr, mais si chacune d’eux par elle-même est utile, il est peut-être exagéré de dire radicalement utile. Mettez-les toutes ensemble, cependant, et elles le sont. […] Cette définition plus inclusive – l’innovation ne concerne pas seulement les choses vraiment nouvelles, les très grandes choses – est importante car elle offre à chacun la possibilité d’innover, plutôt que de la réserver au domaine exclusif de ces quelques personnes dans ce bâtiment hors campus [Google[x]] dont le travail est d’innover. » [How Google Works – Page 206]

Google in the Plex – dernières remarques

Il est temps que je termine mon analyse de In The Plex après déjà quatre articles. le chapitre 5 traite de Google dans le mobile et dans la vidéo. le chapitre 6 de ses relations avec la Chine, un chapitre très intéressant sur les dilemmes moraux de Google. Le chapitre 7 concerne les relations avec la puissance publique.

in-the-plex-home

Ces chapitres montrent que Google est aujourd’hui une entreprise mature et sérieuse, avec des exceptions:

Le discours ne se termina pas sur une bonne note. Page avait insisté qu’il y ait une séance de questions, presque comme s’il s’agissait d’un TGIF chez Google. Ce fut presque du jamais vu dans les keynotes du CES. Les personnes de Google en charge du discours avaient eu une idée géniale: ils passèrent du temps à convaincre le comédien Robin Williams (un grand fan de Google) d’être l’acolyte de Page pour la séance de questions/réponses. L’idée était que Williams serait un Google humain. Ses improvisations maniaques proches de la bande dessinée firent oublier instantanément la maladresse de la présentation de Page. Le moment le plus drôle fut quand un journaliste français commença à poser une question difficile à Page, mais qu’il ne put pas terminer en raison des moqueries implacables, politiquement indéfendable, et pourtant totalement hilarantes de Williams sur l’accent et la nationalité du journaliste. Le malheureux Français devint fou de rage. Ce moment était parfait pour le style Google: une présentation d’entreprise devenue aussi anarchique qu’un sketch des Marx Brothers. [Pages 246-247]



« Sergey et Larry ne sont pas plus des enfants, » a noté Eric Schmidt au début 2010. « Ils ont entre 30 et 40 ans, ce sont des cadres accomplis dans notre industrie. Lorsque je suis arrivé, ils étaient de jeunes fondateurs, des enfants – très, très intelligents, mais sans l’expérience opérationnelle qu’ils ont maintenant. Il est très important de comprendre que ce sont des machines à apprendre et que dix ans après la fondation de la société, ils sont beaucoup plus expérimentés que vous ne pourrez jamais l’imaginer. » Des commentaires de Schmidt, il est raisonnable de se demander quand l’inévitable se produirait – quand Larry Page, maintenant d’âge mûr et officiellement expérimenté, pourrait redevenir le PDG de Google, un travail qu’il avait été réticent à céder et avait abandonné seulement sur l’insistance des VCs. Lorsqu’on lui demanda directement s’il avait hâte de reprendre le rôle, Page refusa de s’engager. « Ce n’est que pure spéculation, » a-t-il dit.
[Page 254]

Et la fuite des cerveaux inévitable suivrait:

Google n’avait de cesse de recruter les meilleures personnes qu’elle pouvait trouver, surtout des ingénieurs. En fait, l’effort était devenu plus urgent parce qu’il y avait des postes vacants chez Google en raison d’employés clé qui avaient rejoint d’autres entreprises de haute technologie, plus jeunes et plus agiles que Google ou qui avaient lancé leurs propres entreprises. Et de temps en temps, un Googler prenait tout simplement sa retraite avec la fortune créée par ses stock-options. Les défections incluaient des dirigeants de haut rang et peut-être plus effrayant pour la société-certains de ses plus brillants jeunes ingénieurs. La presse a qualifié le phénomène de « fuite des cerveaux ». Sheryl Sandberg, qui avait mis en place l’organisation AdWords, est partie pour devenir devenir COO de Facebook. Tim Armstrong a quitté son poste de chef des ventes nationales pour devenir PDG d’AOL. (« Nous avons passé tout le lundi à le convaincre de rester », avait déclaré tristement Sergey Brin au TGIF de la semaine en question, exprimant ainsi le souhait de garder son précieux directeur des ventes.) Paul Buchheit, l’inventeur de Gmail, rejoignit Bret Taylor (qui avait été chef de produit pour GoogleMaps) pour démarrer une société appelée FriendFeed. Des 18 APMs – les futurs leaders désignés – qui avaient fait le tour du monde avec Marissa Mayer à l’été 2007, moins de la moitié était encore avec Google deux ans plus tard. Tous sont partis pleins de respect et de gratitude pour Google, mais ils ont estimés que des opportunités plus intéressantes se trouvaient ailleurs. Bret Taylor, tout en précisant qu’il chérissait son passage chez Google, a expliqué plus tard pourquoi il était parti. « À mes débuts dans l’entreprise, je connaissais tout le monde là-bas, » dit-il. « Il y a moins une sensation d’entreprise aujourd’hui. Vous avez moins d’impact sur l’organisation dans son ensemble. » Quand il a annoncé son départ, une procession de cadres est venue dans son bureau pour lui demander de reconsidérer sa décision. « Je ne savais pas que Google avait autant de vice-présidents, » a-t-il dit. Mais il avait pris sa décision. [Page 259]

La maturité, vraiment ?

Eric se tourna vers lui et dit: «D’accord, Larry, qu’est-ce que tu veux faire? Comment as-tu envie de grandir?» – «Combien d’ingénieurs a Microsoft ?» demanda Page. – «Environ 25’000». « Nous devrions avoir un million,» réagit-il. Eric, habitué aux réponses hyperboliques de Page, rétorqua: «Allez, Larry, soyons réalistes.» Mais Page avait une vraie vision: tout comme le matériel de Google serait réparti à travers le monde sous forme de centaines de milliers de racks de serveurs, la matière grise de Google serait dispersée de manière similaire, révolutionnant la propagation de l’information tout en parlant la langue locale. [Page 271]

Échec en Chine

La Chine a été le plus grand échec de Google. Malgré les efforts et des compromis (trop?), Google n’a jamais vraiment réussi en Chine. Le chapitre 6 est égalemt à lire. Brin qui a toujours été le plus sensible en matière de droits de l’homme « est allé aussi loin » que s’abstenir sur le sujet lors d’une réunion des actionnaires.

Au cours de l’assemblée annuelle des actionnaires de Google le 8 mai 2008, Brin a pris l’initiative rare de se distancer de Page et Schmidt sur la question. Les actionnaires mécontents de la censure de Google en Chine ont transmis deux propositions pour atténuer cette faute. La première, organisée par Amnesty International et soumis par le fonds de pension de l’Etat de New York, qui possédait 2 millions d’actions de Google, a exigé un certain nombre d’étapes avant que l’entreprise engagée dans des activités de restriction de la liberté. La deuxième serait de forcer le conseil d’administration à mettre en place un comité mettant l’accent sur les droits humains. Google s’opposa officiellement aux propositions, et avec une structure de vote d’un poids dix fois supérieur par action des fondateurs en comparaison de celles détenues par des investisseurs externes, les propositions ont été défaites facilement. Mais Brin s’estt abstenu, l’envoi d’un signal – peut-être seulement à lui-même – que sa conscience ne lui permettait d’endosser plus d’actions de son entreprise en Chine sans réserve. Lorsque les actionnaires eurent la possibilité d’interroger les dirigeants de Google, Brin s’expliqua directement: «Je suis d’accord avec l’esprit de ces deux propositions, sur les droits de l’homme, la liberté d’expression, et la liberté de recevoir des informations. » Il a ajouté qu’il était « assez fier de ce que nous avons pu réaliser en Chine » et que les activités de Google là-bas « honoraient nombre de nos principes. » Mais pas tous.
C’était un signe clair que Brin ne croyait plus à la stratégie de Google en Chine. Un autre signal est le fait que après l’installation de Google en Chine, et en dépit de l’insistance de Kai-Fu Lee, ni Brin, ni Page n’ont jamais franchi le seuil de leur centre d’ingénierie le plus important à l’étranger. Même à la mi-2009 lorsque le duo décida de voler dans leur Boeing 767-200 privé vers l’atoll isolé d’Eniwetok dans le Pacifique pour voir une éclipse solaire et que Brin eut l’occasion pour passer chez Google Tokyo, ils délaissèrent la Chine. Pourtant, Google était réticent à défier le gouvernement chinois. Il y avait l’espoir silencieux que les choses allaient changer. En outre, ses activités commerciales en Chine allaient bien. Bien qu’il y avait beaucoup à faire pour déloger Baidu, Google tenait la deuxième place et de manière très solide. Dans les cartes et le mobile, Google était leader. Dans le plus grand marché Internet du monde, Google était en meilleure position que toute autre société américaine.
[Page 305]

Enfin…

« L’incident de sécurité, à cause de sa nature politique, nous fit dire ‘assez est assez’ », expliqua Drummond. Le lendemain Drummond a écrit un article sur son blog expliquant la décision de Google. Il était intitulé « Une nouvelle approche de la Chine. » Il décrivaitt la nature de l’attaque sur Google et expliquait qu’elle avait des répercussions bien au-delà de la violation de sa sécurié; il aavit frappé au cœur d’un débat mondial sur la liberté d’expression. Puis il lâcha la bombe de Google:
Ces attaques et la surveillance qu’elles ont révélé – combinées avec les tentatives au cours de la dernière année afin de limiter davantage la liberté d’expression sur le Web – nous ont amené à conclure que nous devrions examiner la faisabilité de nos opérations commerciales en Chine. Nous avons décidé que nous ne sommes plus désireux de continuer à censurer nos résultats sur Google.cn, et ainsi au cours des prochaines semaines, nous allons discuter avec le gouvernement chinois de la base sur laquelle nous pouvons fonctionner comme moteur de recherche non filtré dans la légalité, si cela est possible. Nous reconnaissons que cela peut bien signifier de fermer Google.cn, et potentiellement nos bureaux en Chine.
Le 12 Janvier, Google publia le texte de Drummond sur son blog. Les nouvelles se propagèrent à travers Mountain View comme un tremblement de terre. Des réunions partout sur campus s’arrêtaient alors que les gens regardaient leurs ordinateurs portables et lisaient que Google na’llait plus faire le sale boulot de la dictature chinoise. « Je pense que toute une génération de Googlers se rappelera exactement où ils étaient quand l’article parut, » dit un chef de produit, Rick Klau.
[Page 311]

Et selon Wikipedia, https://en.wikipedia.org/wiki/Google_China, « en Novembre 2013, sa part de la recherche a diminué à 1,7% de son niveau de 36,2% en août 2009 ».

Google et la politique

À la fin 2007, Barack Obama avait déjà une impressionnante cohorte de supporters issus de Google. Andrew McLaughlin, chef politique de Google, conseillait le sénateur sur les questions de technologie. Le chef de produit pour Blogger, Rick Klau, avait vécu dans l’Illinois et avait maintenu le blog d’Obama lorsque le politicien candidatait au Sénat (il avait même laissé Obama utiliser sa maison pour une collecte de fonds). Eric Schmidt était l’hôte officiel du candidat. [Page 316]

Dans un monde idéal: «Je pense à eux comme représentant les valeurs de l’Internet. Ce sont des valeurs d’ouverture, ce sont les valeurs de participation, ce sont des valeurs de rapidité et d’efficacité. Apporter ces outils et techniques dans le gouvernement est essentiel. » [Page 322]

Mais la réalité est plus difficile: «Le travail était frustrant. Google n’a pas été parfait, mais les gens faisaient des choses-parce qu’ils étaient des ingénieurs. Une des grandes idées de Google est que si vous donnez aux ingénieurs la liberté de rêver et le pouvoir de faire – si vous construisez l’ensemble des opérations autour de leur état d’esprit et indiquez clairement qu’ils sont en charge – l’impossible peut être accompli. Mais dans le gouvernement, même si le travail de Stanton était de construire de nouvelles technologies et de nouveaux programmes, « je n’ai jamais rencontré un ingénieur, » dit-elle. « Pas un seul informaticien qui travaille pour le gouvernement des États-Unis. Je suis sûr qu’ils existent, mais je n’en ai pas rencontré un seul. Chez Google, je travaillais avec des gens beaucoup plus intelligents et créatifs que moi, et ils étaient ingénieurs, et ils faisaient les autres se sentir bien. Ils font. Nous sommes coincés dans le gouvernement parce que nous ne disposons pas vraiment beaucoup de ces personnes ». [Page 323]

Une dernière remarque: Google fait-il le mal?

Ceci est un débat que j’ai souvent avec mes amis et collègues. Vous avez vu ma fascination et j’aime la façon dont Google essaie, d’explore et change notre monde. Pourtant, on peut voir les choses différemment. A titre d’exemple, voici quelques citations sur Google Print.

Peut-être le fait que Google ait pris tant de soin à cacher son activité était un indicateur précoce des difficultés à venir. Si le monde était prêt à accueillir avec impatience les fruits du projet Ocean [le nom de code de Google Print] quelle était la nécessité de tant de discrétion? Ce secret est encore une autre expression du paradoxe d’une société qui a parfois embrassé la transparence et à d’autres moments semblait se modeler sur la NSA. Dans d’autres domaines, Google avait mis ses investissements dans le domaine public, comme les systèmes d’exploitation open-source Android et Chrome. Et en ce qui concerne l’information, Google a toujours permis aux utilisateurs de ne pas être enfermés dans ses produits. […] Il semblerait que la numérisation des livres serait un bon candidat pour une transparence similaire. Si Google avait une façon plus efficace de numériser des livres, partager les techniques améliorées pourraient bénéficier à la société sur le long terme – Inévitablement, une grande partie des résultats pourrait trouver son chemin sur le web renforçant l’indexage de Google. Mais dans ce cas, la paranoïa et une focalisation sur les gains à court terme mit les machines sous le boisseau. «Nous avons fait un travail énorme pour rendre ces machines un ordre de grandeur meilleures », a déclaré AMac. « Cela nous donne un avantage en termes de taux de numérisation et de coût, et nous voulons garder cet avantage pendant un certain temps. » Page lui-même a rejeté l’argument que partager la technologie de numérisation aiderait l’entreprise Google à long terme, en plus du bénéfice social. « Si vous ne disposez pas d’une raison d’en parler, pourquoi en parler? » a-t-il répondu. « Vous êtes dans la gestion d’une entreprise, et vous devez contrebalancer [l’exposition] contre les inconvénients, qui peuvent être importants. » [Page 354-55]

Mais tous les éditeurs ne trouvèrent pas Google séduisant. Jack Romanos, alors PDG de Simon & Schuster, se plaignit plus tard de « l’arrogance innocente » de Google et de l’attitude «plus saint que toi ». « D’abord, ils prétendent être entièrement idéalistes, parlant de la façon dont ils sont là seulement pour agrandir la connaissance du monde, et le lendemain, ils vous disent que vous allez devoir faire les choses à leur manières ou pas du tout. »
[Page 357]

[Il] y avait cette conviction pour une entreprise à plusieurs millions de dollars comme Book Search qu’il était inadmissible que les auteurs et éditeurs ne soient pas rémunérés. Après le débat, Aiken expliqua l’essence des arguments de son groupe à un membre de l’Association des Auteurs qui lui avait dit qu’il aimerait que ses soient détectables par Google. « Vous ne comprenez pas? », déclara Aiken. « Ces gens de la Silicon Valley sont milliardaires, et ils vont se faire de l’argent sur votre dos! » [Page 360]

Google a échoué dans de nombreux projets comme dans les réseaux sociaux. Orkut, puis Wave, Dodgeball, Buzz remplacé par Google + étaient plus des tests bêta et puis une réaction à Facebook. Google tente souvent des choses sans trop d’effort et vérifie si la traction arrive ou pas. Mais son ambition n’a pas vraiment ralenti : « Michigan avait déjà commencé à numériser une partie de ses archives. « C’était un projet qui d’après nos bibliothécaires prendrait mille ans, » dit Coleman plus tard dans un discours». Larry a dit Google le ferait en six ans. » [Page 352]

En effet Page avait rêvé de numérisation des livres déjà à Stanford et dans les premiers jours de Google, il avait commencé à jouer avec des scanners, aidé par Marissa Meyer: « Les premières tentatives étaient un peu bâclée, parce que le pouce de Marissa interférait. Larry disait: «Ne va pas trop vite … ne va pas trop lentement. » Et il fallait un rythme que quelqu’un puisse maintenir longtemps – cela devait passer à l’échelle, rappelez-vous, c’est-à-dire pour chaque livre jamais écrit. Ils ont finalement utilisé un métronome pour synchroniser leurs actions. Après un peu de pratique, ils ont découvert qu’ils pouvaient scanner un livre de 300 page tels que Startup en environ 42 minutes, plus vite que prévu. Puis ils ont utilisé la reconnaissance optique de caractères (OCR) sur les images et ont commencé à chercher à l’intérieur du livre. Page ouvrait le livre à une page au hasard et disait: « Ce mot, peux-tu le trouver? » Mayer ferait faire une recherche pour voir le résultat. Ça a marché. Vraisemblablement, une machine dédiée pourrait travailler plus vite, et il serait possible de capturer des millions de livres. Combien de livres ont été imprimés? Autour de 30 millions? Même si le coût était de 10$ par livre, le coût total ne serait de 300 millions de dollars. Cela ne semblait pas trop d’argent pour la connaissance la plus précieuse au monde.
[Page 360] (Google Print est maintenant Google Livres – https://fr.wikipedia.org/wiki/Google_Livres)

En 2011, l’ambition de Page est toujours vivace. Il est maintenant le PDG de Google. A la fin 2010, « Sergey Brin avait répété le sentiment: « Nous voulons que Google soit la troisième moitié de votre cerveau » « . [Page 386]

«Je sens que les gens ne travaillent pas assez sur des choses qui peuvent avoir un impact », a déclaré Page. « Les gens ont vraiment peur de l’échec, et il est donc difficile pour eux de faire des trucs ambitieux. Et aussi, ils ne réalisent pas la puissance des solutions technologiques, en particulier des ordinateurs. » Il a continué à s’extasier à propos de grands objectifs comme entraîner une baisse du prix de l’électricité à trois cents par watt – cela ne prendrait pas vraiment beaucoup de ressources pour lancer un projet visant à cela, selon lui. En général, la société ne lance pas suffisamment de grands projets. Chez Google, dit-il, lorsque ses ingénieurs ont entrepris un projet de pointe redoutable, il y avait d’énormes avantages, même si l’objectif déclaré du projet n’a pas été réalisé. Il a laissé entendre que, même chez Google n’y avait pas assez de cette ambition. «Nous n’en sommes vraiment qu’au début de tout cela, » at-il dit. « Et nous ne faisons pas encore un bon travail pour parvenir rapidement et à grande échelle au genre de choses que nous essayons de faire. » [Page 387]

MyGoogleBooks

Je viens de terminer In le Plex et je me sens un peu triste. C’est le genre de livre que je souhaiterais n’avoir jamais fini de lire. J’ai pourtant déjà lu quatre livres sur Google. Pour me rassurer, nous sommes sans doute loin de la fin. Il est même possible que nous soyons juste au début comme Page et Brin semblent le penser et je vais probablement lire d’autres livres sur Google dans un avenir proche. Aussi bon que celui-ci? Seul l’avenir nous le dira… et pour terminer sur un post de 2007…

Dan Perjovschi - Venice Biennale

Google in the Plex – Partie 4: tant de produits

Si je considère les 3 premiers chapitres de In the Plex comme d’exceptionnelles descriptions de la technologie de Google (chapitre 1), de son business (chapitre 2) et de sa culture (chapitre 3), les chapitres suivants sont également excellents, mais je ne vais pas les décrire avec autant de détails. Le chapitre 4 traite des produits de Google qui semblent avoir deux caractéristiques principales: ils sont rapides et ils sont basé sur le cloud (Gmail, Google Docs, Youtube, Chrome).

in-the-plex-home

Sergey Brin a même mis un nom sur la frustration de son co-fondateur quant à la tendance des développeurs à ajouter de plus en plus de fonctionnalités dans les programmes informatiques, avec la conséquence de les ralentir. La loi de Page, selon Brin est l’observation selon laquelle tous les dix-huit mois, le logiciel devient deux fois plus lent. Google était déterminé à éviter ce problème. « Nous voulons rompre effectivement la loi de page et rendre nos logiciels de plus en plus rapides avec les années », dit Brin. [Page 185]

Et bien sûr: Google garde souvent ses produits en version bêta beaucoup plus longtemps que d’autres entreprises, signalant que les utilisateurs devraient être tolérants avec les défauts et qu’une mise à jour était probablement imminente. Dans le cas de Gmail, qui est devenu le nom public pour le projet, l’étiquette bêta n’a été retirée que cinq ans après son lancement par Google, quand il avait des dizaines de millions d’utilisateurs. [Page 171]

Ce qui est aussi intéressant c’est qu’ils ne sont pas toujours été construits en interne, mais aussi par des acquisitions (JotSpot, Upstartle, Zenter, Android et bien d’autres – consulter la liste des acquisitions de Google – https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_acquisitions_de_Google – avec ma courte l’analyse ci-dessous)

Cela me rappelle une citation de Richard Newton: « La Silicon Valley et la région de la baie sont des berceau d’innovation. » Et il a en outre ajouté, citant un de ses collègues: « La région de la baie est l’Entreprise. [… Quand les gens changent d’emploi ici dans la Bay Area], ils sont en fait juste mutés dans une autre unité de la Bay Area Corporation ».

Je vous laisse découvrir la longue analyse autour des préoccupations sur la protection de la vie privée (Pages 179 à 78), mais je ne peux éviter une dernière citation: Ce n’est pas le rôle de Google – et ça ne devrait pas le devenir – de filtrer […] les informations personnelles. Griffin avait compris ce que [Eric Schmidt] ressentait, parce qu’elle avait rencontré les gens bouleversés tout le temps. Vous pouviez expliquer sans cesse pourquoi rendre publiques des informations obscues, mais potentillement dommageable informations en quelques millisecondes était au cœur de la haute mission de Google. « Les principes font toujours sens jusqu’à ce qu’il touchent à la vie personnelle, » dit-elle. […] « Mon opinion personnelle est que vous devriez être en mesure de supprimer de l’histoire l’information privée qui est vraiment privée », a dit Schmidt. Mais cela n’a pas été la politique de Google. Si même le PDG de Google a eu du mal à gérer la vie privée, comment les gens ordinaires pourraient-ils faire face? [Page 175]

Les acquistions de Google

En août 2015, Google avait acquis 182 entreprises (136 aux États-Unis, 26 en Europe, et 20 dans le reste du monde) pour plus de 26 milliards de dollars. Voici une description visuelle des domaines et des années.

Google-M&A-year

Google-M&A-type

Google dans le (Null) Plex. Partie 3 : une culture

Après un premier post sur la technologie, suivi d’un deuxième sur le business, voici le troisième qui suit correspond au troisème chapitre du In the Plex de Steven Levy.

in-the-plex-home

« Vous ne pouvez pas comprendre Google », a déclaré Marissa Mayer, « sauf si vous savez que les deux Larry et Sergey sont des enfants Montessori. » [Page 121]

« C’est vraiment ancré dans leurs personnalités, » dit-elle. « Poser leurs propres questions, faire leurs propres choses. Manquer de respect à l’autorité. Faites quelque chose, parce que c’est logique, non pas parce que quelque d’autorité vous l’a dit. À l’école Montessori, vous aller peindre parce que vous avez quelque chose à exprimer ou si vous voulez juste le faire cet après-midi-là, non pas parce que l’enseignant le dit. Ceci est vraiment inscrit dans la façon dont Larry et Sergey approchent les problèmes. Ils demandent toujours ‘Pourquoi cela devrait-il être comme ça?’ C’est la façon dont leurs cerveaux ont été programmés dès le début.»
[Page 122]

Des blagues ringardes

En tant qu’entreprise, Google était déterminé à maintenir son sens du jeu, même si elle a dû faire des efforts pour le faire. Le grand jour saint de la culture Google est le 1er avril, quand l’imagination déjà encouragée à se débrider naturellement est canalisée dans des farces élaborées nécessitant des mois de travail. L’effort implique une organisation considérable, que les idées passent par un processus d’approbation complexe pour trouver une place de plus en plus difficile dans la liste des parodies saisonnières de l’entreprise. La nécessité d’une certaine surveillance est devenue clair dès l’année 2000, lorsque Brin a envoyé un courriel aux employés annonçant que Google avait une nouvelle évaluation (ce qui signifie que l’estimation de son prix de marché avaitavait augmenté) et le prix des stockloptions serait bientôt augmenté de 25 cents à 4.01$. Certaines personnes ne se rendirent pas compte que 4-01$ était une référence au calendrier et ont frénétiquement essayé d’acheter toutes les actions qu’ils avaient droit avant que le prix n’augmente. Ils vidèrent leurs économies et empruntèrent à leurs familles. Google a finalement expliquer la situation. [Page 123]

Comme les années ont passé, plus de divisions Google se sont sentis obligés de concevoir leurs propres blagues, et en 2010 Wikipédia comptait dix-sept initiatives majeures d’April Fool pour cette seule année. [Page 123] Et voici un exemple des plus célèbres.

************ GOOGLE MENTALPLEX – 1ER AVRIL 2000 ************

Title_HomPg2

Enter your search terms…


…or browse web pages by category.
New! Search smarter and faster with Google’s MentalPlexTM
foolanim Instructions:

  • Remove hat and glasses.
  • Peer into MentalPlex circle. DO NOT MOVE YOUR HEAD.
  • Project mental image of what you want to find.
  • Click or visualize clicking within the MentalPlex circle.

See our FAQ and illustrations for correct usage.

Note: This page posted for April Fool’s Day – 2000.

© Google Inc.

Une entreprise non-conventionelle

Le Googleplex sur Bayshore également connu comme bâtiment numéro zéro, ou Nullplex, était le lieu de la mise en scène pour Google de sa culture dans une structure d’entreprise durable. Peu importe ce qui arrivait, les ingénieurs auraient la responsabilité de l’endroit: leur liberté inspirée Montessori seraient un trait distinctif de Google.
[Page 129]

« Google n’est pas une entreprise classique, » c’est ainsi que commence la lettre de Page, publiée le 29 Avril, 2004. « Nous ne voulons pas en devenir une. » C’était un avertissement explicite aux actionnaires potentiels: attachez vos ceintures!
Dans son « Mode d’emploi de Google », Page mettait en haut et au centre la devise officieuse de Google, « Don’t be evil. » « Nous aspirons à faire de Google une institution qui fait du monde un endroit meilleur», écrit-il. «Nous croyons fermement que, à long terme, nous serons mieux servis, comme actionnaires et pour quiconque par une compagnie qui fait de bonnes choses pour le monde, même si nous renonçons à certains gains à court terme. Ceci est un aspect important de notre culture et largement partagée au sein de la société. »
[Pages 149-50]

L’impact de faire de l’argent …

Même la masseuse de Google remarqua l’impact de l’argent, surtout quand il est question de la fracture entre les premiers employés détenant des options précieuses et ceux qui sont venus plus tard. « Quand l’un regardait les horaires du cinéma voisin sur son écran, l’autre s’occupait de la réservation d’un vol pour Belize pour le week-end, » dit-elle dans un livre qu’elle a écrit. « Ne pensez pas que quiconque ignorait la coupure. »
[Pages 149-50] Elle est devenue millionnaire elle-même.

« Les ingénieurs peuvent s’auto-organiser »

Les deux Page et Brin ont cru que la société devrait fonctionner comme l’Internet lui-même: en mouvement rapide, de bas en haut, de travailler tous les jours à rendre la veille obsolète. « Nous sommes nés à l’ère Internet », explique Megan Smith, « aussi bien nos produits que d’une certaine manière bizarre notre entreprise. »
Google, cependant, avait vite vécu quelques épreuves qui avaient montré que cette organisation plate était un idéal inaccessible. En 2001, Google avait plus de quatre cents employés, au point d’atteindre un situation où il était impossible de prétendre qu’elle était une société intime où tout le monde connaissait tout le monde. Pire pour Page et Brin, malgré tous leurs efforts, une couche de gestion intermédiaire se glissait dans l’entreprise. Pire encore, certains nouveaux arrivants avaient été des gestionnaires de produits expérimentés de sociétés telles que Microsoft, dont la formation faisait d’eux des non-googlers et ces nouveaux arrivants avaient du mal à adopter des approches souvent hérétiques des fondateurs.
Brin et Page en vinrent à une solution radicale : Google n’aurait plus de managers. Du moins pas dans l’ingénierie. Au lieu de cela, ils crurent que les ingénieurs pourraient s’auto-organiser. Cette approche a bien fonctionné dans les premiers jours de Google. Si quelque chose devait être fixé, les employés résoudraient par eux-mêmes ce qui n’allait pas, et ce qui était cassé serait réparé. D’autres personnes seraient à même d’identifier des problèmes intéressants en informatique, et à partir de ces idées, de nouveaux produits allaient émerger. Au moment Google venait d’embaucher Wayne Rosing à la tête de l’ingénierie. Brin et Page avaient pensé que tout le monde pourrait lui reporter. Les ingénieurs se seraient organisés eux-mêmes par équipes de trois, travaillant sur des projets, en vérifiant avec Wayne.
Ceci frappa certains des dirigeants de Google comme une folie. Stacy Sullivan, le directeur des ressources humaines, pria Page et Brin de ne pas aller jusqu’au bout de cette approche. « Vous ne pouvez pas simplement auto-organiser! » leur dit-elle. « Les gens ont besoin de quelqu’un vers qui aller à quand ils ont des problèmes! »
Eric Schmidt nouvellement arrivé et le coach officieux de l’entreprise, Bill Campbell, n’étaient pas non plus heureux de cette initiative. Campbell revenait sans cesse sur la question. «Les gens ne veulent pas être gérés», insistait Page, et Campbell disait, « Si, ils veulent être gérés. » Une nuit Campbell arrêta ce Ping-Pong verbal et dit: «Bon, nous allons commencer à appeler les gens et le leur demander. « Il était environ 20 heures, et il y avait encore beaucoup d’ingénieurs dans les bureaux, picorant à Dieu sait quoi. Un par un, Campbell les appela et Page, et un par un, eur demanda: « Voulez-vous être géré? »
Comme Campbell le rappela plus tard, « Tout le monde a dit oui. » Page a voulu savoir pourquoi. Ils lui ont dit qu’ils voulaient apprendre de quelqu’un. Quand ils étaient en désaccord avec des collègues et que les discussions atteignaient une impasse, ils avaient besoin de quelqu’un qui pourrait débloquer la situation.
Néanmoins, Page et Brin ont été déterminés à aller jusqu’au bout du plan. Ils organisèrent une assemblée générale et l’annoncèrent à des employés déroutés. Pour quelques personnes, cela signifiait quitter l’entreprise. D’autres durent se débrouiller à trouver de nouveaux rôles. Mais d’un autre côté, la décision fut saluée par les ingénieurs, qui avaient souffert des frictions et des contraintes de la gestion. Par exemple, Eric Veach, qui à l’époque travaillait à inventer les enchères d’AdWords dit plus tard que perdre un gestionnaire l’avait libéré et permit de percer.
En fin de compte, toutefois, le plan s’essouffla. Après la tourmente initiale, il y avait eu un calme retour à la normalité et la classe dirigeante de Google remonta et retrouva une place dans la structure. Vous ne pouviez pas avoir plus d’une centaine d’ingénieurs reportant à Wayne Rosing. Google recrutait de nouveaux ingénieurs à un rythme forcené, et, brillants comme ils l’étaient, les nouvelles recrues avaient besoin de quelques conseils pour savoir quoi faire. « Je ne me souviens pas que Larry et Sergey dirent qu’ils aient eu tort et que nous avions raison, mais ils ont accepté que nous pourrions commencer à embaucher à nouveau des gestionnaires, tant que les gestionnaires avaient les bons éléments de culture et assez de technique pour être très respectés par les ingénieurs », dit Sullivan.
[Pages 158-59]

C’est Marissa Mayer qui lui dit l’évidence – Page n’était pas été à la recherche de chefs de projet assez intelligents pour comprendre ingénieurs – il voulait des ingénieurs. Mayer a alors suggéré que Google regarde chez les jeunes diplômés en informatique qui se considéraient non seulement comme ingénieurs, mais comme futurs dirigeants. Son idée était de rassembler une légion de « chefs de produits associés (CPA). » Google les recruterait tout droit sorti de l’école, des jeunes sans idées préconçues liées à des expériences passées. Leurs carrières co-évolueraient avec Google. « Nous préférons la perspicacité à l’expérience », dit Mayer. « Nous prenons des gens que nous pensons avoir les compétences et les connaissances de base pour les mettre dans des rôles avec beaucoup de responsabilité. Et ce qui se passait avec les CPAs se passait dans toute l’entreprise. Ici, les gens peuvent ne pas vraiment être encore accomplis ou avoir une longue carrière avant de venir à Google, mais ils ont les bons instincts en ce qui concerne leur domaine de compétence. » […] Ce processus fit de la faiblesse de la gestion des CPAs un atout pour Google, en faisant en sorte que les faits étaient au centre de la prise de décision. [Page 161]

En fin de compte, le programme a aidé Google à maintenir son approche d’équipe tout en mettant l’accent sur l’ingénierie, par opposition au type de compétences non-Googler et plus insaisissables qu’un MBA apporte. (On peut noter aussi que Google, dans ses pratiques de gestion et de préférence d’embauche pour les libres penseurs, a réalisé un revirement complet de l’éthique définie en 1956 par le classique de William H. Whyte « The Organisation Man », qui décrit l’employé parfait en entreprise comme « ne gênant personne en particulier, en ne faisant preuve d’aucun zèle excessif. » – l’opposé d’un Googler.) [Page 162]

Avec leurs manières heuristiques, Sergey et Larry pouvaient rendre les Googlers fous. Même Eric Schmidt parfois les considérait d’un ton acerbe: « Larry va appeler et dire: « Je vais aller visiter Android, » dit-il, se référant à un projet de téléphone mobile de Google. « Il ne va pas là-bas pour inspecter – il va là-bas pour avoir du plaisir. » Mais Maria Montessori pourrait approuver. « Pour être… utile », écrit-elle, « il est rigoureusement nécessaire d’éviter l’arrêt des mouvements spontanés et l’imposition de tâches arbitraires ». Page 166]