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Le mythe de l’entrepreneur – Défaire l’imaginaire de la Silicon Valley

Un ami m’a mentionné il y a quelques jours ce nouveau livre sur la Silicon Valley et je le cite : « l’argument de l’auteur ne tient pas la route (mais il est pernicieux). […] En effet, l’entrepreneuriat génère l’excellence et des gens ayant un esprit indépendant, alors [qu’une autre vision – l’opposition au capitalisme libéral] crée une population de gens dépendants de l’État. »

Je ne suis pas sûr d’être d’accord avec mon ami : d’un côté en effet l’articulation entre collectif et individu est un sujet clef de l’entrepreneuriat. Une société crée-t-elle de la valeur sans individus « hors norme » ? Le sujet est vieux comme le monde. De l’autre, la répartition de cette valeur est un second sujet qui est entre autres du domaine de la fiscalité et Piketty a bien montré que, depuis quelques décennies, l’écart de répartition a largement augmenté en faveur des plus riches au détriment des plus pauvres.

Marianna Mazzucato a montré dans The entrepreneurial state ce déséquilibre qu’elle trouve d’autant plus injuste qu’elle montre le rôle primodial de l’État dans le financement amont (éducation, recherche, services publics en général) qui donne un contexte favorable à la création de richesses.

Dans le début de son livre, Le mythe de l’entrepreneur – Défaire l’imaginaire de la Silicon Valley, Anthony Galluzzo explique des choses similaires mais il me semble différentes. Je n’en suis qu’au début et je verrai plus tard à quel point il rejoint la critique introduite plus haut. L’auteur est un spécialiste des imaginaires marchands et son sous-titre est convaincant, à savoir qu’il convient de déconstruire l’imaginaire de cette région, basé sur du story-telling autour des stars de la région, telles que Steve Jobs et Elon Musk (encore que Elon Musk a largement perdu de son aura). Il nous montre que Elisabeth Holmes a tenté la même approche mais n’y sera parvenu que très partiellement.

Joseph Schumpeter est abondamment cité dans l’ouvrage au début, en particulier il me semble, pour une critique du rôle de l’entrepreneur et de la destruction créatrice. Galluzzo préfère d’ailleurs employer la création destrutrice pour montrer la chronologie des actions. Mais je n’ai pas vu dans le début du livre, du moins, que Schumpeter ajoute que le capitalisme ne peut pas exister sans la publicité, donc sans le story-telling et l’imaginaire.

Cet imaginaire de la Silicon Valley n’est donc, je crois, que ce qui permet au capitalisme de se développer, de perdurer, avec tous les paradoxes actuels de gaspillage destructeur. Mais derrière cet imaginaire, quelle est la réalité ? Galluzzo refuse d’opposer entrepreneurs et hommes d’affaires. Je comprends l’argument. Les créateurs, stars du moins, peuvent gagner beaucoup d’argent. Mais je ne sais pas si la raison principale en est leur capacité à faire des affaires ou s’ils sont simplement à l’origine d’une création qui permet de faire des affaires. Je ne suis ni économiste, ni historien, ni sociologue et j’ai bien du mal à faire la part des choses, toutes choses égales par ailleurs.

Anatomie du mythe – l’Entrepreneur héroïque

Voici donc quelques éléments que j’ai trouvé intéressants dans le début du livre:

1- L’entrepreneur solitaire

Steve Jobs n’était pas seul et pire n’est peut-être pas critique au succés initial. L’histoire est en effet assez connue alors que Jobs est vu comme le seul génie d’Apple.
– Steve Wozniak est le véritable génie (Galluzzo n’aimera pas le terme) derrière les premiers ordinateurs d’Apple.
– Steve Jobs aurait « volé » [Page 35] de nombreuses idées chez Xerox pour construire ses machines. L’histoire est connue mais le terme « voler » est trop fort même si de nombreux employés de Xerox en furent choqués. Xerox reçut des actions Apple en échange de ce deal assez unique dans l’histoire.
– « Mike Markkula peut être considéré comme le véritable fondateur d’Apple, celui qui a transformé un petite opération d’amateurs insignifainte en une start-up structurée et solidemenrt financée. » [Pages 19-20]
– « Arthur Rock, quant à lui, est l’une des figures les plus importantes de la Silicon Valley, il a contribué à l’émergence des plus grandes entrerpises de la région – Fairchild Semiconductor, Intel, puis Apple. Pourtant aucune biographie ne lui a jamais été consacrée et sa fiche wikipedia est famélique ». [Page 20]

Je nuancerai à nouveau les propos de Galluzzo. Certes Wozniak, Markkula et Rock n’ont pas pénétré l’imaginaire du grand public, mais les connaisseurs de la Silicon Valley ne les ignorent pas et le film Something Ventured (que Galluzzo ne semble pas mentionner dans sa bibliographie pourtant très riche) ne les oublie pas du tout. Et que dire de cette couverture de Time Magazine.

2- La guerre des talents

« Le fonctionnement du marché du travail dans la Silicon Valley nous indique pourtant une tout autre dynamique. La concentration industrielle dans cette région entraine d’importants mouvements de personnel : un ingénieur peut facilement changer d’entreprise, sans déménager ni changer ses habitudes de vie. […] Cette forte mobilité de la main d’oeuvre est constatée dès les années 1970, où en moyenne les professionnels de l’informatique ne restent en poste que deux ans [Cf AnnaLee Saxenian‘s Regional Advantage]. Lorsqu’ils circulent ainsi, les employés, même tenus par des accords de non-divulgation, emportant leurs expériences et leurs connaissances. La propagation de ce savoir tacite est au coeur de l’écosystème , elle permet un apprentissage tacite collectif permanent. » [Page 45]

Galluzzo touche ici au coeur du sujet, ce qui fait l’unicité de la Silicon Valley. Pas tant la concentration des talents, qui exitse dans totues les régions développées. Mais la circulation des talents. Tout est dit ou presque !

Galluzzo ajoute toutefois une nuance de taille et que je connaissais moins : « Se posent donc pour les entrepreneurs des problèmes relatifs à ce qu’on a appelle dans le jargon des affaires la « guerre des talents ». Pour mener à bien ses projets, il faut parvenir à s’approprier la marchandise la plus précieuse qui soit, la force de travail d’ingénieurs hautement qualifiés. » [Page 46]

Galluzzo mentionne alors les stock options, les recrutements à la hussarde mais aussi ceci : « Une autre affaire judiciaire illustre bien les enjeux de la rétention des employés. Dans les années 2000, plusieurs géants de la Silicon Valley, parmi lesquels Intel, Google et Apple, ont formé un « cartel des salaires », en s’engageant mutuellement à ne pas tenter de débaucher les employés. Cet accord tacite visait à éliminer toute concurrence sur les travailleurs qualifiés et à limiter la hausse des salaires. » [Page 47 & see Google, Apple, other tech firms to pay $415M in wage case]

3- L’invisibilisation de l’État.

Le sujet est aussi connu et je les mentionné plus haut. On oublie trop souvent le rôle du collectif dans la possibilité de conditions, de contexte favorables. Mais Galluzzo montre que trop souvent, il y a même une certaine haine du collectif, illustrée par la visibilité grandissante des libertariens. c’est connu également, la Silicon Valley a peur des syndicats. Mais voici un autre exemple que j’ignorais:

« Je veux que les gens qui enseignent à mes enfants soient assez bons pour être employés dans l’entreprise pour laquelle je travaille, et gagner 100 000 dollars par an. Pourquoi devraient-ils travailler dans une école pour 35-40 000 dollars par an s’ils peuvent trouver un emploi ici à 100 000 dollars ? Nous devrions les embaucher et les payer 100 000 dollars, mais le problème, ce sont bien sûr les syndicats. Les syndicats sont la pire chose qui soit arrivée à l’éducation. Parce que ce n’est pas une méritocratie, mais une bureaucratie. »

Il faut lire l’extrait tout entier et peut-être même l’intégralité de l’interview de Steve Jobs. Excerpts from an Oral History Interview with Steve Jobs. Interviewer: Daniel Morrow, 20 April 1995. Computerworld Smithsonian Awards. Nous sommes là dans la culture américaine et l’importance donnée à la concurrence entre les individus plutôt qu’à l’égalité des membres du collectif.

Alors y a-t-il des génies ou non ? N’y a-t-il qu’émergence darwinienne de talents a posteriori parmi ceux qui auront survécu ? Je ne sais pas ou je ne sais plus. Sans doute quelque chose entre les deux. Ou peut-être s’agit-il d’un acte de foi, tant que la sociologie n’aura pas d’éléments qui me permettront d’avoir un avis plus convaincant…

A suivre…

Hard Things de Ben Horowitz : du courage et encore du courage

J’avais lu The Hard Thing about Hard Things en 2014. Je l’avais relaté dans deux billets ici et . Puis un collègue que je crois être un ami m’en a mentionné la relecture, en disant « Le début de ce bouquin m’a rassuré :-), c’est pareil pour tout le monde même les meilleurs. » Il avait ajouté une image scannée du livre que je reproduis en fin d’article.

Bon je ne peux qu’encourager à lire l’ouvrage en version originale si vous êtes à l’aise avec l’anglais. Les mondes de la technologie et du business sont remplis de termes anglo-saxons, et même parfaite, une traduction française est toujours un peu étrange. Ici j’ai même l’impression de lire des choses similaires à ce que j’obtiens avec des outils de traduction automatique, tournant parfois au surréaliste. « Il n’en va pas comme de certaines start-up itératives qui lancent leur fusée »… ou un peu plus loin « les courbes de Bell » sans doute pour traduire bell curves… (page 69)

Je ne sais pas s’il y aura un second billet sur ce livre, je vais attendre d’en achever la (re)lecture moi aussi. Clairement Hard Things est un des meilleurs livres sur le monde des startup. En voici quelques extraits:

Chaque fois que je lis un livre ou un manuel sur le management, je ne peux m’empêcher de penser : « Fort bien mais cela ne traduit pas ce que j’ai vécu de plus difficile dans telle ou telle situation. » Car le plus difficile n’est pas de déterminer un grand objectif effrayant et audacieux, mais de devoir licencier des salariés quand on n’atteint pas cet objectif. […] Le plus difficile n’est pas d’élaborer un organigramme mais d’instaurer une véritable communication à l’intérieur de l’organisation que vous venez de créer. […] Ces ouvrages tentent en fait d’offrir des recettes à des problèmes qui n’admettent aucune solution. Il n’existe pas de réponse toute faite pour affronter les situations complexes et évolutives. (Page 9)

Le leadership se définit comme la capacité à entrainer les autres à vous suivre, même si ce n’est qu’à titre de curiosité. (Page 9 – Évident mais bon à rappeler.)

Le fait de voir le monde à travers des prismes différents m’a appris à établir une distinction entre les faits et la perception que l’on peut en avoir […] L’existence d’un scénario, plausible est souvent ce qui permet de maintenir l’espoir dans une équipe de travail qui ne sait plus à quel saint se vouer. (Page 10)

Et que dire de ce passage assez fort sur le combat, sur le courage.

J’ai retrouvé ce passage si important : « Identifier le produit approprié est la mission de l’innovateur, et non du client. Le client ne sait rien d’autre que ce qu’il croit vouloir en fonction de l’expérience qu’il a du produit existant. L’innovateur peut prendre en compte tous les possibles, mais doit souvent aller contre ce qu’il sait être vrai. En cela, l’innovation exige à la fois de la connaissance, de la compétence et du courage. Le fondateur est souvent le seul qui ait le courage d’ignorer délibérément les données. » (Page 62)

Mais j’avais oublié celui-ci : On me demande toujours « Quel est le secret d’un P-DG qui réussit ? » Il n’y a malheureusement aucun secret ; mais s’il existe une compétence indispensable entre toutes, c’est la capacité à se concentrer et à choisir l’action la plus pertinente possible faute de solutions adéquates. C’est précisément dans les moments où vous seriez tenté de vous cacher ou de disparaître que vous pouvez faire la différence en tant que P-DG. (Page 71)

Avoir le courage de dire les choses.

« Dans mon esprit, j’aidais tout le monde à conserver un moral d’acier en accentuant les côtés positifs et en passant sous silence ceux qui étaient négatifs. Mais mon équipe savait que ma réalité était plus nuancée que je ne la présentais. Et non seulement ils constataient par eux-mêmes que le monde n’est pas aussi rose que je le décrivais, mais ils devaient encore m’écouter leur raconter des histoires à chaque réunion. » (Page 76)

Ce passage m’a frappé et fait penser au message d’Arnaud Bertrand que je rappelle souvent : « Souvent, lorsque j’étais confronté à de mauvaises nouvelles, je les enterrais simplement dans un coin profond de mon esprit et choisissais de me concentrer sur des pensées plus positives. Pire encore, je ne les partagerais pas avec les autres membres de l’équipe en pensant qu’ils étaient mon fardeau et que mon rôle de leader était de donner une impression positive sur la direction de l’entreprise. »

Dans toute interaction humaine, le degré de communication est inversement proportionnel au niveau de confiance. [Oui relisez bien. Cela peut sembler curieux ! Mais la suite est convaincante] Prenons un exemple : si je vous fais totalement confiance, je n’ai pas besoin de vous demander d’expliquer ou de communiquer sur vos actions, parce que je sais que vous agissez en fonction de mon meilleur intérêt. (Page 77)

En résumé, si vous dirigez une entreprise, vous êtes sujet à une énorme pression psychologique vous incitant à afficher un optimisme à toute épreuve. Résistez-y, affrontez vos peurs et dites les choses telles qu’elles sont. (Page 79)

Un extrait de la version en anglais que m’a scanné mon ami entrepreneur

PS: je ne peux m’empêcher de mentionner ici un article que j’avais relayé sur LinkedIn il y a quelques jours. «La naïveté est indispensable pour lancer une start-up»
https://www.pme.ch/actualites/la-naivete-est-indispensable-pour-lancer-une-start-up.

J’y ai retrouvé avec plaisir et nostalgie une startupeuse de mon pays d’adoption. Et ce magnifique commentaire : «A 24 ans, on est naïf, confie Déborah Heintze. On part sur un sprint, alors qu’en fait, c’est un marathon. Avec beaucoup de sprints.» Mais cette naïveté est indispensable, souligne-t-elle: «C’est primordial de toujours croire au sprint. Et de tout donner à 200%, sans se rendre compte de l’énorme montagne face à nous. Et en pensant chaque année que le sommet de la montagne sera pour l’année suivante.» D’ailleurs, ce sera l’année prochaine. Sûrement.

L’entrepreneuriat en action de Philippe Mustar – épisode final

Voici mon dernier article sur l’excellent L’entrepreneuriat en action dont vous retrouverez les 5 articles précédents avec le tag #entrepreneuriat-en-action. Voici quelques notes finales:

Les ingrédients du succès

Mais, ceux qui financent ce projet, ne le font pas seulement pour les compétences et l’expérience des trois entrepreneurs. Ces derniers montrent d’autres qualités qui convainquent de les suivre : leur passion, leur motivation, leur ambition. Les investisseurs savent que ces qualités permettront à l’équipe de garder le cap et de mieux affronter les incertitudes, multiples, qui s’annoncent. À un élève qui demandait à un capital-risqueur quelles sont les trois qualités les plus importantes que doit avoir un projet pour être financé ; celui-ci a répondu : le premier, c’est l’équipe, le deuxième, c’est l’équipe, le troisième, c’est l’équipe. Une autre boutade, commune dans ce milieu, dit que les investisseurs préfèrent financer une bonne équipe avec un mauvais projet plutôt que l’inverse (parce qu’une bonne idée portée par une équipe dont les compétences ne correspondent pas à celles qui sont nécessaires pour la développer a peu de chances d’aller loin ; alors qu’une bonne équipe pourra toujours modifier, transformer ou changer une idée initiale de peu de qualité). La suite de l’histoire montre que ces affirmations, généralement faites sur le ton de la plaisanterie, s’appliquent particulièrement bien à Criteo et que ceux qui les formulent, les capital-risqueurs, devront y croire et s’y accrocher solidement pendant plusieurs années. [Page 220]

Quelques critères expliquant la réussite (selon un des cofondateurs de Criteo):
– Avoir été capable de se concentrer sur un seul produit
– Viser l’excellence dans tous les secteurs de l’entreprise
– Trouver le bon curseur entre la gestion des problèmes quotidiens et l’anticipation du futur
– L’aptitude à prendre des décisions difficiles
– Faire confiance à la technologie

Et enfin Mustar revient sur ce processus de l’innovation qui ressemble à tout sauf à un processus mécanique:
– Un processus long et sinueux, fait de nombreuses transformations
– Un processus émergent
– Un processus expérimental
– Un processus rempli d’incertitudes, de choix à faire, de décisions à prendre
– Un processus collectif et une action distribuée
– Un processus social

Qu’est-ce qu’un entrepreneur ? Nait-on entrepreneur ou le devient-on ?

Mustar aborde dans sa conclusion un sujet vieux comme les startup avec toute l’humilité et la prudence nécessaires, car il semble bien que l’on ne sache pas vraiment (même si nombreux sont ceux qui affirment savoir). A part la définition tautologique, l’entrepreneur est celui qui créée (et bâtit) une entreprise, il semble bien difficile de trouver des traits et qualités communs spécifiquement aux entrepreneurs. Malgré tout, j’ai un peu de mal avec son rappel de l’affirmation de Peter Drucker. “Most of what you hear about entrepreneurship is all wrong. It’s not magic; it’s not mysterious; and it has nothing to do with genes. It’s a discipline and, like any discipline, it can be learned.” « Ce que vous entendez sur l’entrepreneuriat est généralement faux. Ce n’est en rien magique ; ce n’est en rien mystérieux ; et cela n’a rien à voir avec les gènes. C’est une discipline et, comme toute discipline, cela peut s’apprendre. » [Page 287]

Je suis un peu plus à l’aise avec le point de vue de Komisar dans Comment peut-on enseigner l’entrepreneuriat high-tech selon Randy Komisar

Il n’y a pas une condition monolithique de l’entrepreneur. Même au sein du très petit nombre de primo-entrepreneurs que j’ai interrogé apparaît une gamme très variée de rapports à l’entrepreneuriat. Ce qui les caractérise, au-delà de la grande diversité de leurs profils, de leur tempérament, de leur façon de se comporter, c’est plus une envie de faire, d’apprendre, de réussir, une grande capacité de travail, d’écoute des autres, de l’ambition… mais cela n’est en rien propre aux entrepreneurs. On retrouve ces mêmes envies ou aptitudes chez des salariés, des cadres de grandes entreprises, des responsables d’associations caritatives, des sportifs, des artistes, etc. [Page 289]

Ce parcours avec ces jeunes ingénieurs m’a permis de me départir d’une conception de l’entrepreneuriat qui sépare d’un côté un entrepreneur ou une équipe, et de l’autre une activité de création d’un nouveau produit et d’une entreprise. L’entrepreneur et l’entreprise se construisent ensemble, dans le même mouvement. [Page 290]

Connaissances, compétences et personnalité des entrepreneurs

Un ami (merci Kevin!) vient de retweeter ce qui suit: Quels types de connaissances, de compétences et de traits de personnalité sont communs aux entrepreneurs qui ont réussi ?

J’ai tendance à être d’accord à 100% mais j’ai peut-être une vision idéalisée de ma propre expérience ! Cela m’a également rappelé une autre citation de la même période (2011 vs 2010) de Steve Blank: « Ces dix dernières années, nous avons cru bâtir une méthodologie répétable (agile and customer development, [lean startup], business model design) au point de croire à une science, que quiconque pourrait appliquer. Je commence à entrevoir mon erreur. Ce n’est pas que la méthode soit fausse, mais tout le monde ne peut également en tirer le meilleur parti. De la même manière que le traitement de texte, excellent outil par ailleurs, n’a jamais fait l’écrivain, un processus d’innovation bien pensé ne garantira pas le succès. » Blank ajoute que « tant que l’on ne saura pas vraiment comment enseigner la créativité, le succès sera toujours limité. Tout le monde n’est pas artiste, après tout. » L’intégralité de l’entretien se trouve sur archive.org.

et aussi Komisar: « Je pense qu’il y a des choses que vous ne pouvez pas apprendre à l’école et je ne suis même pas sûr que vous puissiez apprendre cela sur le tas. Il y a un caractère entrepreneurial. Certaines personnes l’ont et d’autres pas. Certaines personnes peuvent ne pas penser qu’elles ne l’ont pas, et elles peuvent l’avoir. Beaucoup de gens pensent l’avoir, et ne l’ont pas. »

Le mouvement lean startup – mon scepticisme

J’ai relu aujourd’hui un texte sur l’importance du mouvement lean startup. Je n’ai jamais été un grand fan. Bien sûr, vous devez interagir avec les clients (au moins pour vendre quelque chose) mais vous ne devez pas devenir l’esclave de vos clients ni pivoter dès que vous ne pouvez pas obtenir de validation de leur part.

Ne vous méprenez pas, je suis un grand fan de Steve Blank et du développement client, j’utilise beaucoup son travail. Mais il y a tellement d’incertitude, l’outil ne doit pas remplacer la vision et l’intuition de l’entrepreneur. Laissez-moi citer encore Horowitz par exemple: « Déterminer le bon produit est le travail de l’innovateur, pas le travail du client. La cliente ne sait ce qu’elle pense qu’elle veut qu’en fonction de son expérience avec le produit actuel. L’innovateur peut prendre en compte tout ce qui est possible, mais doit souvent aller à l’encontre de ce qu’elle sait être vrai. En conséquence, l’innovation nécessite une combinaison de connaissances, de compétences et de courage. Parfois, seul le fondateur a le courage d’ignorer les données. »

Cela m’a rappelé que j’avais lu quelque chose à ce sujet de Peter Thiel. Je l’ai retrouvé dans un article de 2014: Les entrepreneurs doivent-il avoir des compétences en start-up ? Deux réponses contre-intuitives. Voici ce que Thiel avait dit: « Qu’est-ce que je pense du mouvement Lean Startup et de la pensée itérative où vous obtenez les commentaires des gens en opposition à la complexité qui peut ne pas fonctionner. Personnellement, je suis assez sceptique de toute la méthodologie Lean Startup. Je pense que les très grandes entreprises ont fait quelque chose qui était un peu plus qu’un saut quantique, une amélioration prodigieuse qui les différencie vraiment de tout le monde. Ils n’ont généralement pas fait de vastes enquêtes sur les clients; les gens qui dirigeaient ces entreprises, parfois, pas toujours, ont souffert de formes légères de syndrome d’Asperger, de sorte qu’ils ne sont pas réellement influencés et pas si facilement découragés par ce que les autres leur ont dit de faire. Je pense que nous sommes trop concentrés sur l’itération comme une modalité et pas assez d’essayer d’avoir un lien ESP virtuel avec le public et à trouver par nous-mêmes. »

Et ce matin, j’ai trouvé une autre contribution au débat datant de 2015, qui mérite d’être lu: Peter Thiel a raison sur le Lean Startup .

En deux mots, « Lean Startup est mieux utilisé comme outil pédagogique pour ceux qui ont besoin d’un peu d’aide pour apprendre à utiliser leurs neurones miroirs pour ressentir les besoins réels des vraies personnes qu’ils cherchent à servir. Cela peut aider réduire le gaspillage. Cela peut aider à ralentir le taux de déclin des organisations qui sont disruptéess. »

« Comment j’ai survécu à la coolitude des startups » par Mathilde Ramadier

Les start-up sont tellement à la mode qu’il fallait bien que quelques nuages s’amoncellent. La chose n’est pas nouvelle. Dans le passé, j’ai mentionné Silicon Valley Fever. Il y a aussi eu le récent Disrupted – My Misadventure in the Start-Up Bubble de Dan Lyons Mais, chose inquiétante, les critiques se font plus nombreuses et plus graves. Ainsi par exemple l’article The evidence is piling up — Silicon Valley is being destroyed sur les scandales Juicero et Theranos. Sans oublier, plus fondamentalement la fièvre transhumaniste / apolitique

Voici un nouveau livre amusant et grave… Bienvenue dans le nouveau monde Comment j’ai survécu à la coolitude des startups de Mathilde Ramadier. La moquerie use du langage. La novlangue, la coolitude. Mais cela cache des comportements plus inacceptables. Salaires au rabais, conditions de travail ridicules. Tout cela sur le ton de l’humour, du moins de l’ironie glaçante. Excessif ? Un peu sans doute dans le sens où toutes les start-up n’agissent pas comme le décrit l’auteur, mais révélateur d’une réalité qu’il ne faudrait pas sous-estimer… Voici quelques exemples:

« Nous sommes une start-up, alors s’il te plait, apporte ton propre laptop. » [Page 24]

« Lors de l’entretien de fin de période d’essai, mon CEO m’apprend qu’au lieu des 1500 euros nets convenus au départ, je vais finalement être embauchée avec une paie trois fois inférieure. […Il] sait très bien ce qu’il fait et me débite un discours parfaitement rodé pour balayer ma déception. [… ] J’ai donc refusé une emploi payé 500 euros parce que je manquais de motivation, de conviction et d’ambition. Je ne méritais pas de participer à l’aventure. » [Page 26-7] Car le CEO a précédemment ajouté « que si je veux faire carrière, il va falloir que j’accepte de courber l’échine et de ‘tout donner’. Comme à la StarAc’. »

« Mais la disruption ne désigne-t-elle pas aussi une accélération imposée trop soudainement à la société ? […] L’économie collaborative permet la mise en relation d’un client qui a un besoin et un prestataire de services (disons plutôt une petite main qui a besoin d’argent. » [Page 28] Et de citer Bernard Stiegler. Qu’elle a raison !

« Mais cette tendance, poussée à l’extrême, est devenue le mot d’ordre d’un régime despotique qui n’admet pas « les plus faibles », c‘est à dire les réfractaires, et qui les relègue en bas de la pyramide sociale. Car si tout le monde peut, en théorie, devenir une superstar, on parle peu de ceux pour qui la « siliconisation » n’incarne ni un rêve… ni une sinécure. » [Page 36]

« Comme nous l’a appris Orwell, la manipulation du langage est le point de départ de tout discours totalitaire. […] La disparition de la capacité à penser par soi-même peut même être le cœur de compétence d’une entreprise. » [Pages 41-2]

« Il s’agit en vérité bien souvent de bullshit jobs, ces nouveaux ’jobs à la con’ du secteur des services qui se targuent de contribuer à l’organisation rationnelle de l’entreprise, mais qui ne peuvent se décrire facilement, tout simplement parce que même les premiers concernés ne parviennent pas à expliquer clairement ce qu’ils ni à y trouver une vraie utilité. […] Les salaires s’affranchissaient évidemment de toutes considérations égalitaires et restaient confidentiels. » [Pages 44-5]

« J’ai vu des gens dire ‘plus jamais ça’ et devoir recommencer. Se promettre qu’ils ne remettraient plus les pieds derrière le comptoir d’un bar après leurs premiers stages et y retourner, faute d’avoir trouvé un emploi dans leur branche. J’ai vu des jeunes femmes et des jeunes hommes devenir complétement dépendants financièrement de leur partenaire, sous-louer leur voiture ou leur chambre pour vivre dans leur salon (puisque tous les aspects de la vue sont désormais marchandables), ou retourner frapper à la porte de leurs parents à trente ans. Des femmes enceintes mettre de l’argent de côté parce que leur congé maternité ne leur permettait pas de vivre décemment. Ce sont ces gens que j’ai vus accepter un contrat précaire avec une paie ridicule dans une startup parce qu’on leur faisait des promesses, qu’on leur offrait des ‘perspectives d’évolution’ s’ils acceptaient de ‘tout donner’. [Page 70]

L’auteur fournir aussi quelques définitions intéressantes: « L’une des définitions de la startup pourrait être la suivante : il s’agit d’une jeune entreprise dotée d’un fort potentiel, mais qui nexerce pas encore d’activité rentable. L’objectif, dès le début, est donc la croissance rapide. » [page 94] Notez que Mathilde Ramadier a même son propre glossaire [pages 151-5] , souvent amusant… Ainsi :
Disruption : innovation super-puissante qui brise les codes de tout un marché. Véritable tremblement de terre, la disruption remet tout à plat et ne se soucie généralement guère des conséquences du chaos qu’elle induit.
Entrepreneur : personne courageuse au talent rare, qui a une idée de génie avant tout le monde, met tout en œuvre pour la réaliser et y parvient – ou pas.
Innovation : introduction sur le marché d’un produit ou d’un procédé nouveau. Une startup est forcément innovante (pour ceux qui la lancent en tout cas).

« Durant ces quatre années passées dans les startups, j’ai été prisonnière d’une boucle infernale, ballotée d’une absurdité à une autre, retrouvant ici et là le même folklore. (…) Paradoxalement, on pousse le rationnel jusqu’à l’irrationnel, l’originalité jusqu’au conformisme, la soif de nouveau jusqu’à la régression. (…) Les solutions que la startupsphère nous promet – à la crise, au chomage, à l’ennui, à la répétition du même et à la désuétude, à la vieillesse et à la laideur, etc. – se vasent elles aussi sur un leurre : on ne peut prétendre déjà vivre dans le nouveau monde avant de l’avoir véritablement bâti. » [Page 143]

Comment démarrer un business qui ne foire pas (et sera effectivement rentable)

How to Start a Business That Doesn’t Suck (and Will Actually Turn a Profit).
A Modestly Simple Guide to Starting a Business

ou Comment démarrer un business qui ne foire pas (et sera effectivement rentable)
Un guide modérément simple pour lancer une entreprise

par Michael R. Clarke

Je n’ai pas lu beaucoup de livres sur « comment faire » pour les start-ups et, habituellement, je m’ennuie très rapidement, pour ne pas dire que cela me met en colère. Le pire était probablement le bestseller, The Lean Startup par Eric Ries, et le meilleur reste son mentor, Steve Blank.

Je viens de terminer « Comment démarrer un business qui ne foire pas » (du moins la version en anglais) et j’ai beaucoup aimé. Et c’est amusant, « fun » (pas la façon dont Komisar mentionne remettre le « fun » dans funerals.com dans son superbe The Monk and the Riddle). C’est drôle parce que c’est amusant à lire et c’est (vraiment) informatif.

S’il y a une chose que j’ai manquée dans ses conseils, c’est la façon dont vous fixer le prix d’un produit ou d’un service. Mais il y a tant de bonnes choses. Il commence tout simplement par «Pourquoi ne devriez-vous certainement PAS (sous aucune circonstance) démarrer une entreprise» [Pages 2-7]. Et il a raison d’avertir que l’entrepreneuriat n’est pas pour tous. Il faut être être passionné, fou …

Mais si vous êtes toujours intéressé, achetez son livre. Voici quelques bons exemples:
Mettre l’accent sur l’apprentissage plus que sur les résultats. [Page 9]
Réaliser que c’est une question de création de valeur (pas d’effort). [Page 11]
– [Avez-vous] la volonté d’agir vite? (et de paraître stupide). [Page 13]
N’écoutez pas celui que vous ne voulez pas (y compris moi). [Page 19]

J’ai beaucoup aimé son chapitre 2 pour trouver une idée (pas idéation!). Concentrez-vous sur les choses que vous connaissez bien [page 26], vous avez des points forts, et cela ne veut pas dire que vous devez être un expert. Et mettez l’accent sur les choses qui vous passionnent [page 29].

Et puis assurez-vous d’être assez précis sur le groupe de clients que vous cherchez [page 46] et ne perdez pas de temps avec ceux qui «ne voulaient pas de résultat avec suffisamment de force» [Page 49]. Vous ne pouvez pas ouvrir un magasin de beignet, mais peut-être un pour les végétariens allergiques [Page 54] (bien que mon ancien et sage chef m’a dit de ne jamais me concentrer sur la nourriture chinoise pour chiens …)

J’ai eu le sentiment d’être un cobaye quand j’ai lu: « Les écrivains sont une mine d’or cachée de potentiel promotionnel. Ils sont aussi vains. (Croyez-moi.) Donc, envoyez un courrier électronique à des écrivains / chroniqueurs dans votre industrie et faites-leur savoir que vous avez aimé quelque chose qu’ils ont écrit dans ce magazine ou blog obscur. Ensuite, six mois plus tard, parlez leur de votre nouveau produit. Vous pourriez en obtenir une promotion gratuite et impressionnante! » [Page 71]

À propos des produits (chapitre 5), j’ai aimé que les clients ne se soucient pas des produits. Ils se soucient des sentiments … « Je voudrais commencer ce chapitre à propos de « créer des produits et des services… « … en vous disant combien ils sont sans importance. […] La seule chose dont les gens s’inquiètent est le résultat (et/ou le sentiment) que crée votre produit ou service. »[Page 84]

J’étais curieux de son chapitre 6, sur les plans d’affaires. Je déteste les plans d’affaires mais j’ai aimé son chapitre. « Business Plan Étape n ° 1: Travaillez Votre Elevator Pitch. » […] « Croyez-moi: si vous faites l’effort de pitcher 2-3 personnes par jour, pour les 30 prochains jours, vous obtiendrez rapidement une idée des parties de votre idée d’entreprise qui sont appréciées (ou non). » [Page 105] Et oui, Clarke a raison et je me trompe: « Rappelez-vous … il est bon de connaître les règles avant de les changer. Et à moins que vous ayez une raison convaincante pour que vous deviez vous écarter du paquet, respectez les bases. »

J’étais également curieux de savoir ce qu’il a à dire au sujet du financement, car beaucoup de gens détestent les investisseurs. Et il commence par: « Ne lisez pas ce chapitre. » [Page 133] « Mais si je pouvais revenir en arrière et changer UNE CHOSE dans ma vie professionnelle, en plus de ne pas remplir mon garage avec des leurres de voitures Nascar™, cela aurait été de bootstrapper mes projets autant que possible et les garder frugaux, égoïstes et sans dettes. » OK il a encore raison… « Mais si je peux vous donner un autre conseil, en ce qui concerne les prototypes, c’est ce: peaufinez-les. » [Page 141] Alors soyez frugal et sexy…

J’ai bien cru qu’il avait oublié de couvrir le sujet des équipes et les cofondateurs, mais il l’a fait aussi! « Ce ne sont pas des sujets amusants à discuter. (En tant que co-dépendant, je préfère éviter ces types de conversations à tout prix.) Et cela m’a coûté des milliers de dollars. (Et trois mois de thérapie Kaiser.) Parce que j’ai conclu des partenariats dans lesquels nous n’avions pas établi un plan clair sur la façon dont nous prendrions des décisions dans l’entreprise. Nous n’avons pas décidé qui possédait quoi quand les choses allaient déraper. Et nous n’avons pas clairement établi comment les gens seraient payés si les rôles changent. (Oh la la!) S’il vous plaît, si vous amenez des partenaires (même ceux à qui vous êtes liés), prenez le temps de parcourir ce territoire inconfortable.» [Page 162] et plus loin
« La clé de l’embauche n’est pas d’embaucher vos amis, mais d’«embaucher votre faiblesse». Cela signifie que votre personnel devrait être:
• Affamé
• Supporter (sans être un lêche-cul)
• Et bon dans ce que vous n’êtes pas. »
[Page 177]

Vous devez également lire son chapitre 10, des erreurs stupides qu’il a faites, et vous ne ferez pas … Parfois, Clarke dit trop qu’il n’est pas un expert en finances, en droit, en production, en marketing. Il ne l’est peut-être pas. Mais il donne de très bons conseils!

En conclusion, il donne les bons conseils: « le seul moyen de

En conclusion, il donne ses derniers conseils: «la seule façon de savoir si votre entreprise – et vous, en tant que créateur d’entreprise – a le potentiel de réussir, c’est de laisser tomber le trapèze que vous tenez pour atteindre celui qui est juste en face de vous. […] Vous apprenez quelles sont vos forces. (Rapidement!) Et vous apprenez quelles sont vos faiblesses. (Encore plus rapidement!) » [Pages 187-8]

Un livre vraiment excellent!

Dix pistes pour innover dans des temps incertains

Suite à mon post d’hier intitulé Invention, entrepreneuriat et innovation voici une courte présentation que j’ai faite hier sur la culture de l’innovation. Je l’avais déjà mentionnée dans un post précédent (sans les diapositives): Le prochain Google sera-t-il européen (ou suisse) ? La réponse de Fathi Derder. Derder, un homme politique suisse, a écrit un livre – Le prochain Google sera suisse (à 10 conditions) – expliquant ce que la Suisse a besoin de changer dans ses conditions-cadres générales. C’est un livre important. Quand je parle aux étudiants et jeunes entrepreneurs, je me concentre plus sur l’importance de la culture de l’innovation. Ce que vous pouvez découvrir plus bas. En espérant que vous apprécierez!

Les Innovateurs par Walter Isaacson – Partie 3 : (Silicon) Valley

L’innovation est aussi question de modèles d’affaires – le cas Atari

L’Innovation dans la (Silicon) Valley, après la puce, a vu l’arrivée des jeux, des logiciels et de l’Internet. « Alors qu’ils travaillaient sur les premières consoles de Computer Space, Bushnell entendit dire qu’il avait de la concurrence. Un diplômé de Stanford nommé Bill Pitts et son copain Hugh Tuck du California Polytechnic étaient devenu accros à Spacewar, et ils avaient décidé d’utiliser un mini-ordinateur PDP-11 pour le transformer en un jeu d’arcade. […] Bushnell n’eut aucun respect pour leur plan de dépenser $20’000 pour l’équipement, y compris un PDP-11 qui serait dans une autre pièce et relié par des tonnes de câble à la console, puis de faire payer dix cents le jeu. «Je fus surpris de voir combien ils étaient ingnorants du modèle d’affaires», a t-il dit. « Surpris et soulagé. Dès que j’ai vu ce qu’ils faisaient, je savais qu’ils ne seraient pas une concurrence ».
Le Galaxy Game de Pitts et Tuck a débuté à la coffeehouse de Tresidder à Stanford à l’automne 1971. Les étudiants se rassemblaient chaque nuit comme des croyants devant un sanctuaire. Mais peu importe combien ils étaient prêts à jouer, il n’y avait aucun moyen que la machine soit rentable, et l’entreprise a finalement fermé. « Hugh et moi étions tous deux ingénieurs et nous ne faisions pas du tout attention aux questions business, » a concédé Pitts. L’innovation peut être déclenché par le talent de l’ingénieur, mais elle doit être combinée avec des compétences managériales pour « mettre le monde en feu ».
Bushnell fut capable de produire son jeu, Computer Space, pour seulement $1000. Il fit ses débuts quelques semaines après Galaxy Game dans le bar Dutch Goose à Menlo Park, près de Palo Alto et il s’en vendra le nombre respectable de 1’500 exemplaires. Bushnell était l’entrepreneur idéal: inventif, bon ingénieur, et compétant sur les questions entrepreneuriales et la demande client. Il était aussi un grand vendeur. […] Quand il est entré dans le petit bureau loué par Atari à Santa Clara, il a décrit le jeu à Alcorn [le co-fondateur d’Atari], a esquissé quelques circuits, et lui a demandé de construire la version arcade de celui-ci. Il a dit Acorn qu’il avait signé un contrat avec GE pour produire le jeu, ce qui était faux. Comme beaucoup d’entrepreneurs, Bushnell n’avait aucune honte à déformer la réalité dans le but de motiver les gens. » [Pages 209-211]

L’innovation nécessite d’avoir trois choses: une bonne idée, le talent d’ingénierie pour l’exécuter, et le sens des affaires (plus la détermination à faire des deals) pour le transformer en un produit réussi. Nolan Bushnell eut le trio gagnant quand il avait vingt-neuf ans, ce qui explique pourquoi, plutôt que Bill Pitts, Hugh Truck, Bill Nutting, ou Ralph Baer, il est resté dans l’histoire comme l’innovateur qui a lancé l’industrie du jeu vidéo. » [Page 215]

Vous pouvez également alors écouter Bushnell directement. Le passeg est extrait de SomethingVentured et l’histoire d’Atari commence à l’instant 30’07 « jusqu’à 36’35 » (vous pouvez aller directement sur YouTube pour le bon timing).

Le débat sur l’intelligence des machines

Le chapitre 7 traite des débuts de l’Internet. Isaacson contribue aussi à un sujet qui redevient un débat depuis quelque temps: le possible remplacement par les machines et l’ordinateur en particulier de l’humain avec ou malgré son intelligence, sa créativité et ses capacités d’innovation. Je me sens proche d’Isaacson que je cite, page 226: « Licklider était du côté de Norbert Wiener, dont la théorie de la cybernétique était basée sur l’étroite collaboration entre humains et machines travaillant, plutôt que de leurs collègues du MIT, Marvin Minsky et John McCarthy, dont la quête de l’intelligence artificielle impliquait la création de machines qui pourraient apprendre par elles-mêmes et remplacer la connaissance humaine. Comme l’expliquait Licklider, l’objectif raisonnable était de créer un environnement dans lequel les humains et les machines « coopéreraient pour prendre des décisions. » En d’autres termes, ils grandiraient ensemble. « Les humains fixeront les objectifs, formuleront les hypothèses, détermineront les critères et feront les évaluations. Les machines et ordinateurs feront le travail automatisable qui doit être fait pour préparer la voie vers des idées et des décisions dans les domaines scientifiques et techniques. »

Le dilemme de l’Innovateur

Dans le même chapitre, qui tente de décrire qui étaient les inventeurs (plus que les innovateurs) dans le cas de l’Internet – J.C.R. Licklider, Bob Taylor, Larry Roberts, Paul Baran, Donald Davies, ou même Leonard Kleinrock – et pourquoi il a été inventé – un mélange de motivation entre l’objectif militaire de protection des communications en cas d’attaque nucléaire et l’objectif civil d’aider les chercheurs dans le partage des ressources – Isaacson montre encore une fois le défi de convaincre les acteurs établis.

Baran est entré en collision avec une des réalités de l’innovation, qui est que les bureaucraties enracinées sont réfractaires au changement. […] Il a essayé de convaincre AT&T de compléter son réseau à commutation de circuits pour la voix savec un réseau de données à commutation de paquets. « Ils se sont battus bec et ongles », a t-il rappelé. « Ils ont essayé toutes sortes de choses pour l’arrêter. » [AT&T sera aller aussi loin que l’organisation d’une série de séminaires qui impliquera 94 intervenants] « Maintenant voyez-vous pourquoi la commutation de paquets ne fonctionnera pas? » Baran répondit simplement : « Non ». Une fois de plus, AT&T a été freinée par le dilemme de l’innovateur. La société rechigna à envisager un tout nouveau type de réseau de données, car elle avait tellement investi dans ses circuits. [Pages 240-41]

[Davies] utilisa un bon vieux mot anglais pour eux: les paquets. En essayant de convaincre le General Post Office d’adopter le système, Davies rencontra le même problème que Baran avait vécu lorsqu’il avait frappé à la porte d’AT&T. Mais ils ont tous deux trouvé un soutien à Washington. Larry Roberts non seulement accepta leurs idées; il adopta également le mot paquet.

L’entrepreneur est un rebelle (qui aime le pouvoir)

Un pirate informatique « hard-core », Steve Dompier, proposa de descendre à Alburquerque en personne pour y trouver une machine de MITS, qui avait de la difficulté à suivre les commandes. Au moment de la troisième réunion du Homebrew en avril 1975, il avait fait une découverte amusante. Il avait écrit un programme pour trier les nombres, et tandis qu’il l’utilisait, il écoutait une émission de la météo sur une radio transistor basse fréquence. « La radio a commencé à faire zip-zzziiip-ZZZIIIPP à différents moments », et Dompier se dit: « Eh bien, vous savez quoi! Mon premier périphérique! » Puis il fit quelques expériences. « J’ai essayé d’autres programmes pour voir à quoi cela ressemblait, et après environ huit heures à bidouiller, j’avais un programme qui pouvait produire des sons musicaux et effectivement faire de la musique ». [Page 310]

« Dompier publia son programme musical dans le numéro du People’s Computer Company, ce qui amena une réponse historiquement remarquable d’un lecteur perplexe. « Steven Dompier a un article sur le programme musical qu’il a écrit pour l’Altair dans le People’s Computer Company, » écrivit Bill Gates, un étudiant en congé de Harvard pour écrire des logiciels pour MITS à Albuquerque. « L’article donne le listing de son programme et des données musicales pour ‘The Fool on the Hill’ et ‘Daisy’. Il n’explique pas pourquoi cela fonctionne et je ne vois pas pourquoi. Est-ce que quelqu’un le sait? » La réponse simple est que l’ordinateur, en lançant les programmes, produisait des interférences qui pouvaient être contrôlées par des boucles temporelles et transformées sous forme d’impulsions de tonalité par une radio ondes moyennes.
Au moment où sa requête a été publiée, Gates s’était lancé dans une dispute plus fondamentale avec le Homebrew Computer Club. Cela est devenu l’archétype de l’affrontement entre l’éthique commerciale qui croyait aux informations exclusives, représentée par Gates [et Jobs] et l’éthique des hacker du partage librement des informations, représentée par la population du Homebrew [et Wozniak]. » [Page 311]

Isaacson, par sa description de Gates et Jobs, explique ce qu’est un entrepreneur.

« Oui, maman, je pense, » répondit-il. « As-tu déjà essayé de penser? » [P.314] Gates était un obsessif en série. […] Il avait un style confrontationnel [… et il] savait le faire dégénérer en insulte comme «la chose la plus stupide que j’ai jamais entendue . » [P.317] Gates a utilisé le pouvoir dans sa future relation avec Allen. Voici comment Gates l’a décrit, « Voilà, j’ai dit « Ok, mais je vais être aux commandes. Et je vais vous habituer à ce que je sois aux commandes, et il sera difficile de discuter avec moi à partir de maintenant à moins que je ne sois aux commandes. Si vous me mettez aux commandes, je suis aux commandes de cela et de tout ce que nous faisons. » [P.323] Comme beaucoup d’innovateurs, Gates était rebelle juste par principe. [P.331] « Un innovateur est probablement un fanatique, quelqu’un qui aime ce qu’ils fait, travaille jour et nuit, peut ignorer des choses normales dans une certaine mesure, et donc être considéré comme un peu déséquilibré. […] Gates était aussi un rebelle avec peu de respect pour l’autorité, un autre trait des innovateurs. [P.338]

Allen avait supposé que son partenariat avec Gates serait cinquante-cinquante. […] Mais Gates avait insisté pour être aux commandes. « Ce n’est pas juste si tu as la moitié. […] Je pense que ça devrait être 60 à 40. » […] Pire encore, Gates insista pour revoir la répartition deux ans plus tard. « Je mérite plus de 60 pour cent. » Sa nouvelle demande était que la répartition soit 64-36. Né avec un gène de la prise de risque, Gates pouvait disparaître tard dans la nuit en conduisant à des vitesses terrifiantes sur les routes de montagne. «J’ai décidé que c’était sa façon de se défouler.», a déclaré Allen. [P.339]

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Gates arrêté pour excès de vitesse en 1977. [P.312]

« Il y a quelque chose d’indéfinissable chez un entrepreneur, et je l’ai vu avec Steve, » s’est souvenu Bushnell. « Il était intéressé non seulement par l’ingénierie, mais aussi par tous les aspects commerciaux. Je lui ai appris que si vous agissez comme si quelque chose est possible, alors cela va marcher. Je lui ai dit, fais semblant de maîtriser totalement et les gens supposent que tu l’es ». [P.348]

Le concept de l’entrepreneur comme un rebelle n’est pas nouveau. En 2004, Pitch Johnson, l’un des premiers VC dans la Silicon Valley a écrit «Les entrepreneurs sont les révolutionnaires de notre temps. » Freeman Dyson a écrit Portrait du scientifique en rebelle. Et vous devriez lire l’analyse de Nicolas Colin sur les écosystèmes entrepreneuriaux: Capital + savoir-faire + rébellion = économie entrepreneuriale. Oui des rebelles qui aiment le pouvoir …

3 choses que tout premier entrepreneur devrait savoir selon le fondateur de HouseTrip

Un article remarquable que j’avais totalement manqué. je l’ai lu et hier grâce à une collègue de IFJ/venturelab, merci! Arnaud Bertrand ne donne pas les leçons habituelles relatives à l’argent, le produit, le marché, blablabla. C’est beaucoup plus profond et douloureux…:

1- Réussir à bâtir une entreprise c’est d’abord réussir dans l’art de recruter et de gérer des personnes.
2- Avoir un produit ou un service différencié est loin d’être suffisant pour capter votre marché.
3- Créer une entreprise et l’emmener vers le succès, c’est gagner beaucoup de combats contre soi-même.

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Vous devez absolument lire l’article en entier: https://www.hottopics.ht/stories/how-to/3-things-all-first-time-entrepreneurs-should-know/