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Prix d’exercice des BSPCE, BSA et autres stock options

Revenu en France depuis peu, je découvre des spécificités bien locales au monde des startup hexagonales, qui en définitive n’en sont peut-être pas. Je ne vais d’ailleurs pas, la chose est rare, publier cet article en deux langues. Voici donc le sujet:

vous connaissez tous ma capacité à devenir obsessionnel alors pardon d’avance, mais je suis de plus en plus perturbé par mon incompétence sur un sujet de détail mais tout de même important, à savoir le prix d’exercice des stock options, BSA et autres BSPCE en France d’autant plus que chaque pays semble avoir sa jurisprudence… Je vais être un peu long pour le contexte alors vous pouvez sauter à la fin (intitulée « Réponse finale en attendant mieux ».

Lorsque j’étais chez Index puis à l’EPFL, la situation me semblait simple car inspirée des USA et acceptée petit à petit par tous les pays européens:
– les universités recevaient des options gratuites en échange de licence de PI (propriété intellectuelle) et si ça ne pouvait pas être gratuit, il suffisait de mettre un paiment par la startup qui compensait le prix à payer par l’université si bien que l’institution académique n’avait jamais rien à payer. Logique!
– les employés avaient un prix d’exercice de leurs stock-options corrélé au prix payé par les investisseurs. Corrélé car non égal mais bénéficiant d’un discount qui diminuait avec la maturité de la startup, prix à payer égal au nominal à la création, puis 10% du prix du series A et convergeant vers 100% du prix d’émission des actions si on s’approche d’une IPO puisque pour une société cotée, le prix d’exercice est égal au prix de l’action au moment de l’attribution de l’option. D’où ma slide ci-dessous. Logique!


Vous aurez plus d’information sur l’equity dans les startup dans ce post récent : La participation des employés dans une startup – le millionaire en stock options.

Tout cela n’est pas basé sur des arguments fumeux, car il y a de nombreuses pratiques. J’ai refait une recherche sur internet hier et par exemple, j’ai trouvé:
What is the preferred share price?
A Short Guide To Issuing Stock Options
What is the typical strike price for options given to new employees of a start-up? As a percentage of the share price.:
« Before revenues are substantial common shares tend to be about 10% of the preferred share (with voting rights and liquidation preference) price, with one founder explaining to me that was the delta allowed by the SEC. For example, I worked for one startup where the VCs added 10M new shares to the 10M existing in series-A for $8M or $0.80/share. The common stock price was set at $0.08 per share. That was before Sarbanes-Oxley, although my options since then have been priced similarly. »

Index Ventures a publié un magnifique guide sur le sujet: Rewarding Talent – A guide to stock options for European entrepreneurs avec en particulier : Strike price – Go for the lowest strike price : In some European countries, such as Germany, strike prices are set based on the latest fundraising valuation. In others, notably the UK and the US, you can offer grants at a reduced strike price without any tax penalty, by obtaining a ‘fair market valuation’ (FMV), which will be recognised by tax authorities. While tax-assured valuations may not be available everywhere, get legal advice to see what flexibility is possible. In several countries, whilst valuations may not be tax-assured, there are precedents for offering reduced strike prices, which are unlikely to be challenged later on. Your aim should be to maximise your employees’ upside, without the risk of incurring a large tax bill. Some founders and investors believe a discounted strike price misaligns employee and shareholder interests. We don’t agree. By obtaining the maximum discount possible, you give employees more financial benefit – and stronger motivation – per option granted. It also recognises that stock options convert into ordinary shares, which are fundamentally less valuable than the preference shares that investors generally hold. Additionally, if your company goes through a bad patch and you’re forced to take funding at a lower valuation, the options may still be valuable. It is also in your interest to have a low strike price as sophisticated individuals will realise that higher strike prices imply less benefit, and will therefore push for larger grants – using up more of your ESOP. Issue options at the lowest strike price you can. Maximise the financial benefit to the employee, and therefore the motivational benefit you can get from a given number of options granted. Il y a en particuler une section intéressante sur la France: Examples of Index-backed companies with HQ in France: Criteo, BlaBlaCar, Alan

Or en France, il semble bien que pour diverses raisons (et je dirais méchamment parce qu’il y a incompréhension totale du monde des startups), la situation soit différente… J’ai commencé à blémir en lisant Rudelle (fondateur de Criteo – <https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Baptiste_Rudelle) qui écrit sur le Galion project https://thegalionproject.com/kit-bspce: En vertu du code général des impôts, ce prix doit être au moins égal au prix de la dernière augmentation de capital de la société portant sur des titres de même nature (actions ordinaires) intervenue au cours des 6 mois précédant l’attribution des BSPCE par le conseil d’administration. A défaut d’augmentation de capital au cours des 6 derniers mois, le prix d’exercice des BSPCE doit refléter la valeur économique (fair value) des actions auxquelles les BSPCE donnent le droit de souscrire à la date de leur attribution. En pratique, l’usage est de retenir le prix de la dernière augmentation de capital même si elle date de plus de 6 mois ou porte sur des actions de préférence et non des actions ordinaires, sauf s’il est survenu depuis un événement affectant grandement la valeur de l’entreprise (e.g. doublement du chiffre d’affaires, cession d’actions par un actionnaire pour un prix sensiblement inférieur ou plus élevé, …).

Réponse finale sur le prix d’exercice des BSPCE en attendant mieux

Alors j’ai continué à chercher jusqu’à tomber sur l’article de loi. https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/1260-PGP.html/identifiant%3DBOI-RSA-ES-20-40-20210203
414 – Lorsque la société attributrice a procédé dans les six mois qui précèdent l’attribution de bons à une augmentation de capital par émission de titres et que les droits des titres résultant de l’exercice du bon ne sont pas au moins équivalents à ceux des titres émis lors de cette augmentation de capital, le prix d’émission peut, pour déterminer le prix d’acquisition du titre souscrit en exercice du bon, être diminué d’une décote correspondant à cette différence.
Remarque : Cette confirmation du droit existant a été apportée par l’article 10 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.
415 – L’application d’une décote par rapport au prix d’émission lors de la dernière augmentation de capital doit être justifiée par tout élément pertinent permettant d’établir la différence des droits accordés.

Et cet article 10 se trouve sur https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000039683943
Article 10 – Le premier alinéa du III de l’article 163 bis G du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque les droits des titres résultant de l’exercice du bon ne sont pas au moins équivalents à ceux des titres émis lors d’une telle augmentation de capital, ce prix d’émission peut également, pour déterminer le prix d’acquisition du titre souscrit en exercice du bon, être diminué le cas échéant d’une décote correspondant à cette différence. »

Donc on peut faire une décote, si je comprends bien, basée sur une Fair Market Value (FMV) comparant actions ordinaires et préférentielles. C’est aussi ce que dit la section d’Index sur la France. Reste la spécificité BSA et BSPCE que je n’ai pas analysée et j’aimerais imaginer que l’analyse est la même mais comme les deux objets n’ont pas le même statut… en tout cas bonne nouvelle pour les BSPCE, je comprends que la France s’est alignée sur le reste du monde!

Ce que j’ai pu trouver sur la comparaison BSA – BSPC ne permet pas de faire une différence quant la la manière de calculer ses prix, je veux dire que l’attribution me semble potentiellement gratuite pour les deux et l’exercice décoté selon la valeur attribuée aux actions préférentielles. Voir par exemple:
Principales caractéristiques des BSA, BSPCE, AGA & Stock-Options, du 22 février 2021,
BSPCE, BSA et Actions gratuites, comment choisir et qui peut en bénéficier ? du 20 juillet 2021,
Différences BSA – BSPCE d’octobre 2019.

PS (19 octobre) : si vous êtes arrivé jusqu’ici, vous pouvez vous demander comment calculer le discount (la décote) par rapport par exemple au prix payé par les investisseurs… la question à 1000 euros ! Car ce n’est pas si simple; il faudra sans doute faire valider votre décote par un expert financier reconnu pour faire ensuite accepter vos calculs auprès des autorités fiscales, car en définitive, c’est bien un risque fiscal auquel vous faites face…

Un article de 2003 de l’Insee mentionne qu’une société non cotée a un discount de 25% par rapport aux sociétés, cotées (L’estimation d’une valeur de marché des actions non cotées).

Je me souviens par exemple que certains investisseurs institutionnels ne valorisaient pas leur portefeuille selon la Fair Market Value (FMV) des startup mais y mettaient souvent un discount de 40% sur les levées de fonds ultérieures, discount qui disparaissait avec l’entrée en bourse, source de liquidité…

J’ai extrait également cette image de l’article The Discount Rate in Startup Valuation:

Fondamentalement, des actions ordinaires (que l’on obtient en général par exercice de BSPCE ou BSA) ont une valeur moindre que les actions préférentielles (qui ont de nombreux droits tels que anti-dilution, liquidation, tag along, drag along, droits de veto, de participation aux boards, etc). Plus une startup est jeune (series A, puis B, puis C…) plus le risque est grand et la décote élevée d’où la courbe ci-dessus. Le mieux est sans doute de citer des exemples de décote de startup célèbres. Je vais m’atteler à la tâche pour un prochain et second post-scriptum.

PS2 (20 octobre) : voici donc une illustration à travers l’histoire des prix d’exercice des options Google avant l’entrée en bourse en 2004.

Round Date Price per share ESOP dated Average exercice price over years Options granted before Average exercice price Average fair value during year
A Sep-98 $0,06 Sep-98 $0,29 Dec-00 $0,30
B May-99 $0,50 Nov-00 $4,79 Dec-01 $0,30 $0,91
C Jun-00 $2,34 Feb-03 $1,23 Dec-02 $2,65 $2,79
D May-04 $2,91 Jun-03 $6,39 Dec-03 $5,21 $29,12

Tout cela est un peu technique, car souvenez-vous chaque employé reçoit des options à un prix fixé le jour où il les reçoit dans un plan de stock options qui est attribué jusqu’à épuisement, et le prix moyen représente donc la moyenne de ces prix pour tous les employés.

On peut constater tout de même que les options accordées en 2000 et 2001 ont un prix ($0.30) bien inférieur aux prix du series B de Mai 1999 ($0.50), mais là aussi on peut avoir un doute sur qui est représenté dans ce groupe. Mais définitivement convaincant, il me semble, est la phrase qui suit. On y voit un prix d’exercide de 15% du series C de l’année précédente. Un dernier doute, les stock split qui ont eu lieu et qui seraient oubliés dans ce calcul, mais de mémoire ils n’ont eu ieu qu’en 2003…

On March 15, 2001, we entered into an employment agreement with Eric Schmidt, our chief executive officer. The agreement provides that Eric will receive a base salary of $250,000. Eric was also granted an option to purchase 14,331,708 shares of common stock at an exercise price of $0.30 per share.

L’actionnariat de Graphcore, une étrangeté!

Graphcore m’a donné des soucis. Comment est-il possible que les deux fondateurs, Simon Knowles (58 ans) et Nigel Toon (56 ans), deux serial entrepreneurs, ayant fondé dans le passé Icera Semiconductor (vendue à Nvidia en 2011 pour $435M ou $367M selon les sources – après avoir levé $258M) et Element14 (une spin-off d’Acorn – ou son nouveau nom – vendue à Broadcom en 2000 pour $640M), ne possèdent chacun que 4 actions de la startup? Sont-ils si riches qu’ils n’ont pas besoin de plus?!!

Tout cela fait suite à ma récente découverte que le Royaume-Uni a donné un accès ouvert à toutes les données sur ses entreprises et ses startup en particulier. J’ai commencé avec Revolut il y a quelques jours et maintenant Graphcore. Il devait y avoir quelque chose qui me manquait. La startup ne pouvait avoir que des investisseurs comme actionnaires. Et puis bien sûr, j’avais oublié l’ESOP, les stock-options des salariés. Ma seule explication est donc que les fondateurs en font également partie et ont un nombre minimal d’actions. Toujours intrigant!

Données sur 600 startups – quelques notes (4)

Quatrième post de commentaires sur les données (mises à jour) sur 600 (anciennes) startups. Aujourd’hui, il s’agit de la façon dont les actions sont réparties, après mon article d’hier qui portait sur les parts des fondateurs.

Un extrait rapide des données donne les valeurs moyennes et médianes suivantes:

Donc, comme modèle simple, on peut dire 10% pour (2-3) fondateurs, 20% pour les employés, 50% pour les investisseurs privés (VCs et BAs – business angels) et environ 20% pour les investisseurs publics à l’IPO.

De plus, les 20% pour les employés sont constitués de 8% d’actions ordinaires, 7% de stock options attribuées (granted) et 5% d’options disponibles (available for future grants).

Enfin, les CEOs (chief executive officer / PDG) non-fondateurs détiennent 3%, les VP (vice-president) 0,8% et les CFO (chief financial officer) 0,6%.

Les administrateurs indépendants ont comme groupe 0,4%, ils sont en général de 2 à 3, soit environ 0,2% par administrateur.

Si vous souhaitez approfondir le sujet, vous pourriez être intéressé par les diapositives suivantes:

Données mises à jours sur 600 (anciennes) startups

Le virus Covid19 a un effet indirect, nous avons plus de temps à la maison et devant les ordinateurs. J’ai donc mis à jour mes données dans 600 (anciennes) pour lesquelles des informations étaient disponibles, principalement parce qu’elles avaient fait ou envisagé une entrée en bourse. Voici la liste complète des données individuelles:

Si vous ne pouvez pas visualier le document sur scribd, voici un lien direct vers le pdf intitulé Equity_in_600_Startups-Lebret-April2020.

À la fin de ce document de plus de 600 pages, vous trouverez quelques statistiques, les voici à nouveau. Je vais probablement revenir sur certains résultats intéressant et même intrigants. Je vous laisse apprécier et réagir!

Quelques notes supplémentaires dans des posts ultérieurs:
1- Le capital-risque: le 7 avril, notes 1.
2- L’âge des fondateurs: le 8 avril, notes 2.
3- L’equity des fondateurs: le 9 avril, notes 3.
4- Répartition de l’actionnariat: le 10 avril, notes 4.
5- L’equity des CEOs non fondateurs: le 11 avril, notes 5.
6- La valorisation des startups: le 12 avril, notes 6.
7- Ce qu’elles sont devenues: le 16 avril, notes 7.

Données de base sur les startups (financement, ventes, bénéfices, employés à l’IPO et nombre d’années entre fondation et sortie) par domaines, zones géographiques et périodes.

Données sur les fondateurs (âge, actionnariat et nombre par startups) et autres actionnaires par domaines, zones géographiques et périodes.

Données sur ll’actionnariat des CEOs non fondateurs, des vice-présidents, des « CXO » et des membres du conseil d’administration par domaines, zones géographiques et périodes.

Nouvelles données sur les series A par domaines, zones géographiques et périodes.

Rémunération du risque – Un guide sur les stock options par Index Ventures

J’ai récemment lu un article mentionnant un nouveau rapport d’Index Ventures:Rémunération du risque : la France s’en sort bien ! et quelques jours plus tard, un de mes étudiants a mentionné une nouvelle application créée par Index pour aider les entrepreneurs à attribuer des stock options : Index Ventures Option Plan bêta. Merci Javier! J’ai regardé, twitté à ce sujet et j’ai pensé que ça valait la peine d’un article de blog …

Je vous conseille de lire le rapport complet (143 pages) – lien ici. On y trouve d’excellentes informations au niveau macro (politiques nationales) et micro (niveau de la startup). Il y a des différences mineures avec mes analyses passées telles que Equity in Startups publié en septembre 2017 ou mon cours récurrent sur Equity Split in Startups que vous pouvez trouver ici:

Ce qui est particulièrement intéressant, je crois, c’est leur synthèse:

1 Les salariés européens possèdent moins des entreprises pour lesquelles ils travaillent que les salariés américains. Pour les startups en phase de démarrage, ils en possèdent environ 10%, contre 20% aux États-Unis.

2 Les niveaux d’actionnariat varient beaucoup plus en Europe qu’aux États-Unis. En Europe, l’actionnariat salarié dans les startups en phase finale varie de 4% à 20%. Aux États-Unis, la propriété est plus constante, la répartition des options étant dictée par les forces du marché.

3 L’actionnariat salarié est corrélé au degré de technicité d’une startup. Une startup dans le doamiane de l’intelligence artificielle (IA) ou du logiciel professionnel nécessite plus de savoir-faire technique qu’une startup dans le domaine du commerce électronique. Ces employés sont plus susceptibles de demander des stock options.

4 Les détails de la politique de stock options des startups varient entre les États-Unis et l’Europe. Par exemple, les dispositions pour les départs, et l’acquisition accélérée suite à un changement de contrôle.

5 En Europe, les stock-options sont biaisées par les dirigeants. Les deux tiers des options sont attribuées à des membres de la direction et un tiers aux autres employés. Aux États-Unis, c’est l’inverse.

6 Les salariés européens ne pensent toujours aux stock options dans la plupart des cas. Les employés américains qui rejoignent une start-up technologique comptant moins de 100 employés s’attendent généralement à des stock-options immédiatement. C’est beaucoup moins vrai en Europe, bien que les attentes augmentent régulièrement.

7 Les détenteurs d’options européennes sont souvent désavantagés. Dans une grande partie de l’Europe, les employés paieront un prix d’exercice élevé, et ils seront lourdement taxés à l’exercice et à la vente. Les démissionaires n’obtiennent souvent rien.

8 La politique nationale varie considérablement en Europe, le Royaume-Uni étant le plus favorable à l’actionnariat salarié. Les réglementations et les cadres fiscaux sont radicalement différents en Europe. Le système EMI du Royaume-Uni est le plus favorable, meilleur que ce qui est disponible aux États-Unis, et la France est également bien organisée. D’autres pays, dont l’Allemagne, sont à la traîne à notre avis.