Je viens de finir la lecture de The Microchip Revolution auquel j’ai déjà consacré 3 artciles ici, là et là. C’est une belle illustration de ce que la Silicon Valley a apporté au monde. La révolution a commencé avec les huit traîtres qui ressemblaient à cela a quand ils étaient jeunes
puis à cela quelques années plus tard (extrait du New York Times Julius Blank, Who Built First Chip Maker, Dies at 86) Les fondateurs de Fairchild Semiconductor en 1988. Victor Grinich (à gauche), Jay Last, Jean Hoerni, Julius Blank, Eugene Kleiner, Sheldon Roberts, Robert N. Noyce (assis, à gauche) and Gordon E. Moore. Crédit: Terrence McCarthy
Je ne pouvais pas terminer cette histoire sans quelques tables de capitalisation, celles des entreprises mentionnées ici, que j’ai pu construire: Intel, AMD, Cypress, IDT, Lam Research. J’ai désespérément cherché des données sur Intersil, mais ni la SEC ni Thomson Reuters n’ont pu m’aider. Le pourrez-vous?
et en postcript en date du 13 octobre 2020, Micron Technology, qui avait eu une liste inhabituelle d’investisseurs locaux de l’Idaho sous forle de prêts convertibles pour éviter une trop grande dilution des fondateurs:
Vous trouverez l’épisode 1 ici et l’épisode 2 là. Si les années 60 correspondent aux premiers jours des semiconducteurs qui se sont terminés avec la crise pétrolière en 73, la maturité est venue dans les années 80 avec une seconde crise venue de la concurrence japonaise.
Il y avait encore beaucoup d’incertitude comme le montrent les auteurs dans les chapitres consacrés à Cypress, IDT, Micron. Par exemple :
Un autre exemple de l’incertitude au sujet de quelle technologie était supérieure pour les produits de mémoire à l’époque est celui de 1986, lorsque j’étais fondateur d’une start-up de semi-conducteurs avec un plan d’affaires basé sur la fabrication de produits RAM bipolaires. C’était Synergy Semiconductor. Nous avons été financés par deux sociétés de capital-risque de premier plan de Sand Hill Road, Sequoia Capital et Mayfield Funds. Même ces partenaires VC prétendument intelligents ne pouvaient pas prédire la supériorité de la technologie MOS dans le secteur des puces mémoire. Rodgers et Cypress ont fait le bon pari sur CMOS. Il est également intéressant de noter que Sequoia Capital avait investi dans Synergy avec la technologie bipolaire et Cypress avec la technologie CMOS, couvrant ainsi leurs paris. (Synergy n’est jamais devenu public, a lutté pendant 10 ans et a finalement été racheté par Micrel.)
Intel ne pensait pas avoir besoin de CMOS pour ses produits de mémoire ou de processeur pendant des années. Ils savaient que CMOS était un processus plus complexe, et donc plus coûteux, et ils ne faisaient pas encore face aux limitations de haute puissance de leur processus. Intel n’est passé au CMOS pour les produits de mémoire qu’en 1986. [Page 260]
L’entrepreneuriat est la capacité de faire face à ces incertitudes et aussi d’agir en prenant des risques :
Je savais déjà que [Rodgers] était un gars spécial, très intelligent, en grande forme, qui courait tous les jours et probablement un preneur de risque, mais là c’était fou [plonger dans un endroit dangereux à Hawaï]. Et si le moment était mal choisi et qu’il était aspiré dans le tube ? Comment vais-je obtenir de l’aide, c’est une marche de 15 minutes sur la lave. Mais il l’a fait. Et puis il a sauté. Et il l’a fait deux fois ! Cet événement définit Rodgers. Il est sûr de lui, voire égoïste, mais capable de soutenir ses décisions par des actions et prêt à prendre des risques même si les paramètres ne sont pas totalement connus. Peu de temps après l’escapade de saut de lave, il a quitté AMD et a lancé Cypress Semiconductors. [Page 252]
Alors qu’il était encore chez AMD, [Rodgers] a reçu un appel d’un capital-risqueur qui vérifiait les références d’un dirigeant et d’un inventeur de Fairchild et qui essayait également de lever des fonds pour démarrer une nouvelle entreprise. Cela a fait réfléchir Rodgers : « Si ce type peut lever des fonds et lancer une nouvelle entreprise, pourquoi ne puis-je pas le faire? » Et il a commencé à explorer la possibilité de faire exactement cela. [Page 253]
Cela me rappelle l’une de mes citations préférées sur l’entrepreneuriat, de Tom Perkins, le célèbre P du KPCB (Kleiner, Perkins, Caufield & Byers) : La différence est une question de psychologie: tout le monde dans la Silicon Valley connaît quelqu’un qui réussit très bien dans les petites entreprises de haute technologie, les start-ups; alors ils se disent: « Je suis plus intelligent que Joe. S’il a pu gagner des millions, je peux gagner un milliard ». Alors ils le font et ils pensent qu’ils réussiront et en pensant qu’ils peuvent réussir, ils ont une bonne chance de réussir. Cette psychologie n’existe pas tellement ailleurs.
Si vous avez manqué l’épisode 1, il est ici. Toute la culture de la Silicon Valley nait dans ces premières années. En voici quelques exemples.
Aux débuts du semi-conducteur, il s’agissait principalement d’une recherche de haute qualité: Avec un patron absent, Sherman Fairchild, sur la côte Est, le groupe pouvait se concentrer principalement sur la recherche pure, sans patron pour les déranger. Leur direction principale venait d’une concurrence intense entre eux. Aucun VC ou grande entreprise ne financerait quoi que ce soit de ce genre maintenant ! [Page 14] Les auteurs ont raison. Seul Google le fait peut-être avec ou sans VC ou l’approbation de la hiérarchie et la pression des pairs est similaire.
Ils fabriquent et expédient enfin leur premier produit en 1958, 100 transistors à IBM. [Page 17]
Jack Kilby a reçu le prix Nobel de physique en 2000 pour l’invention du circuit intégré. Malheureusement, Bob Noyce était décédé 10 ans plus tôt et Jean Hoerni 3 ans plus tôt. Le prix Nobel n’est jamais décerné à titre posthume. La communauté scientifique a convenu de manière informelle que Kilby et Noyce avaient inventé la puce et qu’ils en méritaient tous les deux le crédit. [Page 21]
Le chapitre 2 ne concerne pas une startup, Hughes Research Labs, basée à Los Angeles.
Nous n’avions pas d’options d’achat d’actions; peu d’entre nous savaient même ce qu’ils étaient. [Page 48]
Avoir des dirigeants dynamiques qui ont laissé libre cours à de jeunes ingénieurs et scientifiques ambitieux signifiait que les ingénieurs et les chercheurs étaient stimulés par la concurrence entre eux plutôt que par les couches de gestion au-dessus, ce qui a contribué à créer une explosion de papiers et de brevets. Cependant, dans les deux cas [chez Fairchild et Hughes RL], le transfert de technologies de la R&D à la production n’a pas été facile. Bien qu’il s’agisse d’organisations distinctes, les deux étaient de très grandes structures d’entreprise. Mais dans le cas de HRL, avoir la R&D et la production au même endroit physique signifiait que les discussions entre les deux groupes étaient assez fréquentes.
Une autre difficulté était l’absence de programme d’options d’achat d’actions chez HRL. Cela a certainement causé un chiffre d’affaires personnel important, en particulier parmi les jeunes scientifiques non attachés qui entendaient parler du nouveau monde utopique et de ses packages d’options d’achat d’actions lucratifs, dans la Silicon Valley. [Page 67]
Une autre généalogie de la Silicon Valley et en extrait, l’impact de Jean Hoerni.
Intersil a été fondée par Jean Hoerni, l’un des huit traîtres. Les débuts sont mieux décrits comme un mélange de génie et de chaos. Les deux personnalités les plus polyvalentes étaient Jean Hoerni et Don Rodgers, le vice-président des ventes et également un ex-Fairchild. Hoerni avec 2 doctorats en physique était un génie timide assez introverti mais enclin à des sautes d’humeur imprévisibles. Rodgers était un extraverti. Il venait de l’équipe des ventes de Fairchild des années 1960, bruyante, dure, endurante et encline à la boisson. L’une des premières frustrations était l’inefficacité du service marketing. [Page 71]
La personnalité controversée et rebelle de Hoerni a souvent séduit les jeunes cadres et ingénieurs qui cherchaient également la prochaine opportunité et rejetaient également le conformisme et l’autorité, en partie à cause du traumatisme de la guerre du Vietnam.
Lorsque j’ai [Luc Bauer] commencé à travailler avec Hoerni, il m’a fortement conseillé de ne pas être aveuglément fidèle à une entreprise, mais uniquement à mes propres ambitions et objectifs. Il a dit que si votre employeur ne vous aide pas à les atteindre, vous feriez mieux de changer d’entreprise ou de créer la vôtre parce que la vie est trop courte. [Page 74]
Mais Intersil n’a pas réussi comme Intel… raison pour laquelle Bauer parle d’occasion perdue. Il suffit de regarder dans le tableau suivant les chiffres d’affaires d’Intersil (fondée en 67, IPO 72) et d’Intel (fondée en 68, IPO 71)
Joe Rizzi, l’un des fondateurs d’Intersil a résumé ses sept années chez Intersil en deux mots: Occasion perdue. Il a déclaré que toutes, ou la plupart des sept catégories de produits, auraient pu devenir des entreprises importantes à elles seules, avec suffisamment de soins et de concentration pour soutenir leur croissance. À l’époque, l’incertitude du marché poussait à la diversité des produits. La concentration étroite d’Intel sur un produit était un pari risqué. [Page 102]. Intersil a réalisé un chiffre d’affaires de $572M en 2014 et a été acquise par Renesas en 2017. Intel est désormais une entreprise de $71,9B …
Comment les Offices de Transfert de Technologie (OTT) vont plus loin dans la création de startups, était le thème d’un atelier de la conférence BIG auquel j’ai participé ce 1er octobre 2020. Si vous avez un peu de temps, voici une retransmission:
J’ai ressenti un peu de nostalgie lorsque j’ai reçu l’e-mail suivant: “L’idée de faire un livre sur le démarrage des semi-conducteurs me taquinait depuis un moment, j’ai finalement trouvé un copain de longue date qui a été d’accord de faire ce livre avec mois ces 2 dernières années. On a été beaucoup aidé dans cette mission par le Computer History Museum (CHM) de Mountain View, CA. Le livre se concentre sur la période entre la fin des années 50 jusqu’à la fin des années 90, sur l’histoire du développement des processus industriels MOS et CMOS principalement mais pas seulement du point de vue des chefs, mais aussi des travailleurs des fab et des managers de fab que nous étions à ce moment. On décrit le développement de 9 compagnies que nous connaissions bien et qui avaient développé des technologies originales: Fairchild, Hughes, Intersil, Eurosil, Intel, AMD, IDT, Cypress, et Micron. Le titre est The Microchip Revolution – A Brief History.”
J’ai rencontré Luc Bauer au début des années 2000 lors d’un investissement dans une startup dans laquelle il était un business angel et un mentor. Je me souviens comment il m’a fait la leçon en disant que Kleiner Perkins était beaucoup plus professionnel que nous ! Luc est un gentleman, ce qui ne veut pas dire qu’il ne peut pas être dur quand il est frustré ; quand les gens ont travaillé dur dans la Silicon Valley comme lui, ils peuvent être vraiment durs ! Mais nous sommes restés en contact et j’étais si heureux de commencer à lire son livre il y a quelques jours.
Ceci est un poster de la « Silicon Valley Genealogy » des startups dans le semi-conducteur du milieu des années 50 au milieu des années 80. C’est ce que Luc décrit à travers 9 entreprises dont je suis sûr qu’elles figurent sur cette affiche. Au fait, Luc est là aussi.
Son livre commence par Fairchild et les huit traîtres et cela se comprend aisément car Fairchild est à l’origine de la généalogie. D’ailleurs, le livre est dédié à l’un des huit traîtres, Jean Hoerni, un ressortissant suisse et l’une des rares personnes dont j’ai entendu parler avec 2 doctorats. Luc a la même double culture et double formation (Diplômé de l’EPFL Lausanne et puis de Caltech)
Voici donc quelques extraits: « Une bonne partie de notre motivation [pour écrire le livre] était de revivre l’intensité de nos vies lorsque nous avons débuté dans cette industrie : les heures interminables et stressantes à la recherche des facteurs de diminution des rendements, la grande excitation et des cris de joie lorsque vous voyez un tout nouveau produit de circuit intégré prendre vie et fonctionner parfaitement lorsque la tranche traitée « à chaud hors du four » est placée pour la première fois sur la sonde de test électrique. Un autre grand facteur de motivation pour nous était de propager une histoire importante aux jeunes générations, à savoir que travailler dans les domaines de la haute technologie est difficile et épuisant, mais aussi une source de joie et de fierté car il est facile de voir l’impact de votre travail acharné sur l’entreprise pour laquelle vous travaillez et éventuellement sur le monde dans lequel vous vivez. »
Permettez-moi de redire ceci, en gras cette fois: Un autre grand facteur de motivation pour nous était de propager une histoire importante aux jeunes générations, à savoir que travailler dans les domaines de la haute technologie est difficile et épuisant, mais aussi une source de joie et de fierté car il est facile de voir l’impact de votre travail acharné sur l’entreprise pour laquelle vous travaillez pour et éventuellement sur le monde dans lequel vous vivez.
Bad Blood de John Carreyrou est un thriller et un document extraordinaire sur Theranos, une startup de la Silicon Valley, et sa cofondatrice Elizabeth Holmes. Probablement le plus grand scandale créé par une startup high-tech mais sans doute pas tant révélatrice de la Silicon Valley que des extrêmes que l’hubris et l’absence totale d’éthique de la nature humaine peuvent engendrer.
C’est un thriller, un « page-turner », mais c’est la réalité, malheureusement. En fin de compte, Carreyrou est assez peu perplexe sur Holmes: a-t-elle été manipulée, a-t-elle perdu le contrôle? Il fournit des réponses (pages 372-73): Holmes savait exactement ce qu’elle faisait et elle tenait tout sous contrôle. Lorsqu’un ancien employé s’est entretenu pour un emploi chez Theranos à l’été 2011, il a interrogé Holmes sur le rôle du conseil d’administration de l’entreprise. Elle a été offensée par la question. « Le board n’est que fictif », se souvient-il d’elle le disant: « Je prends toutes les décisions ici. » Un sociopathe est souvent décrit comme quelqu’un avec peu ou pas de conscience. Je vais laisser aux psychologues le soin de décider si Holmes correspond au profil clinique, mais il ne fait aucun doute que sa boussole morale était désorientée.
C’est un thriller car Carreyrou présente de nombreuses personnes qui ont souffert du manque total d’éthique et des méthodes secrètes de l’entreprise. Theranos n’a pas hésité à les menacer et a fait appel aux avocats les plus chers qui savent intimider. Homes a su séduire, convaincre : elle fait aussi partie de cette terrible mentalité qui nous tue depuis 20 ans: si vous n’êtes pas (totalement) avec moi, alors vous êtes mon ennemi et je vous écraserai. À lire absolument!
Maintenant, Theranos était basé dans la Silicon Valley mais n’est pas une illustration de ce qu’est la Silicon Valley. Les gens n’ont pas à aimer Silicon Valley, mais utiliser Theranos comme un argument est une erreur : la Silicon Valley, du moins celle que je connais ou que je connaissais et apprécie, est un endroit où la confiance et l’honnêteté sont des valeurs primordiales. Cela prendrait beaucoup de temps à expliquer, mais voici une autre citation de la raison pour laquelle Theranos est vraiment une aberration de la région (pas la seule, mais elles ne sont pas si nombreuses) :
Actually the most striking thing about Theranos's cap table was the lack of SV firms.
Après de très nombreux dépôts d’introduction en bourse de startups biotech en 2020 (j’en ai compté 20 parmi les 43 que j’ai suivis et dont j’ai construit les « cap. tables »), la fin du mois d’août a vécu 8 dépôts de sociétés de logiciels (pour seulement 15 au total en 2020). Je ne pense pas qu’il y ait de rationnel ici (à moins que Palantir n’ait été un déclencheur), mais j’ai décidé de jeter un œil à ces 8 entreprises.
Vous pouvez aller voir leurs actionnariat dans le pdf plus bas (pages 633, 636-42) mais plus que les données individuelles (aussi disponibles à la fin du post), ce sont les statistiques (limitées) que je trouve intéressantes:
Ces « jeunes » startups ont mis 12 ans à préparer leur entrée en bourse, c’est bien plus que par le passé (récent) et elles ont utilisé des quantités incroyables de capital-risque, dans les centaines de des millions. Même la série A, le 1er tour, est énorme, environ 10 millions de dollars. Leurs ventes sont également importantes (plus de 100 millions de dollars pour toutes) avec une valeur mediane de 150 millions de dollars. Leurs pertes ne sont pas minimes avec une valeur médiane de 100 millions de dollars …
Maintenant, si nous regardons l’actionnariat, les investisseurs détiennent environ 45% de la société, pas plus que par le passé (malgré les énormes levées de fonds), les actions d’introduction en bourse sont assez petites (environ 4%). Les actions ordinaires (principalement celles des employés) représentent environ 35% et vous devriez également remarquer que ces startups comptent des centaines pour ne pas dire des milliers d’employés. En guise de commentaire parallèle, les PDG non fondateurs ne sont pas la norme et détiennent environ 3,5% de l’entreprise (les directeurs financiers ont environ 0,7%)
Les fondateurs en gardent environ 14%. Ils sont environ 2 par entreprise, avec un âge médian de 35 ans (la moyenne est de 33 ans donc légèrement inférieure à la moyenne générale de 38 ans.
Les données méritent quelques explications et méritent aussi d’être comparées aux moyennes des plus de 600 startup étudiées dans le pdf (pages 644-659).
Je ne suis pas sûr que cela valait la peine d’en faire un article car il n’y a rien de vraiment surprenant avec le document S-1 de Palantir pour son IPO qui peut être trouvé ici sur le site Web du NASDAQ. Pourtant, il s’agit de Palantir, la société de logiciels très discrtète cofondée par Peter Thiel, Alexander Karp et Stephen Cohen (ainsi que Joe Lonsdale et Nathan Gettings)
Thiel, Karp, Lonsdale & Cohen (Gettings ne peut pas être trouvé en ligne)
J’ai donc fait mon exercice préféré, construire une table de capitalisation provisoire. La voici:
Quels sont les faits marquants: le niveau élevé des ventes, des pertes et des levées de fonds. La startup, ni ses fondateurs ne sont plus jeunes… C’est tout. Ou n’hésitez pas à commenter!
J’ai passé deux ans de ma vie à Stanford en 1989-90 puis 1992-93. J’ai adoré ce « paradis » et je parle rarement de politique ici (comme l’indique le tag #politique). Entre temps, Cory Booker avait écrit un article que le Stanford Daily avait publié en 1992. Le Stanford magazine vient de le republier. Il est disponible en ligne à https://stanfordmag.org/contents/black-male-guilty-until-proven-innocent. Je m’en permets une traduction aussi fidèle que possible :
Le 6 mai 1992, une semaine après l’annonce du verdict de Rodney King, le Stanford Daily a publié la chronique suivante de Cory Booker, alors étudiant à la maîtrise. Nous le republions avec sa permission et celle du Daily.
« Homme noir : coupable jusqu’à preuve de son innocence » Cela me fait de la peine que ces mots que j’ai écrits en 1992 sonnent justes encore aujourd’hui.
Par Cory Booker – Juillet 2020
Photo: Chuck Painter / Stanford News Service
Comment écrire, quand j’ai perdu le contrôle de mes émotions ? Non coupable… Non coupable… Non coupable… Non coupable.
Pas choqué – Pourquoi pas ?
« ARRÊTEZ LE MOTEUR ! METTEZ VOS CLÉS, PERMIS DE CONDUIRE, CARTE GRISE ET CARTE VERTE SUR LE TABLEAU DE BORD MAINTENANT ! METTEZ VOS MAINS SUR LE VOLANT ET NE PENSEZ MÊME PAS À BOUGER ! »
Cinq voitures de police. Six officiers ont encerclé ma voiture, les armes à feu prêtes. Trente minutes je me suis assis, priant et tremblant, seulement interrompu par l’ordre, « J’AI DIT, NE BOUGEZ PAS ! »
Enfin, « Tout va bien, vous pouvez y aller. » D’un air penaud, j’ai demandé pourquoi. « Oh, vous correspondez à la description d’un voleur de voiture. »
Non coupable… Pas choqué – Pourquoi pas ?
Dans la bijouterie, ils verrouillent le tiroir quand je rentre.
Dans le magasin de chaussures, ils aident l’homme blanc qui vient après moi.
Dans le centre commercial, ils me suivent – dans le centre commercial de Stanford. Le mois dernier, je me suis retourné et j’ai fait face à leur sécurité méfiante : « Vous avez trouvé des voleurs aujourd’hui ? »
Non coupable… Pas choqué – Pourquoi pas ?
Septembre 1991, Tresidder Union, patio arrière. Une femme se débattait avec ses sacs. « Puis-je vous aider, madame ? » « Oh oui s’il vous plait… ATTENDEZ ! Vous êtes noir. » Elle s’est enfuie.
Non coupable… Pas choqué.
Je suis un homme noir. Je mesure un mètre 87 et pèse 100kg, tout comme King. Est-ce que je vous fais peur ? Suis-je une menace ? Votre peur justifie-t-elle vos actions ? Douze personnes l’ont cru.
Homme noir : coupable jusqu’à preuve de son innocence.
Les réactions à mon groupe sont justifiées. La vérification est justifiée. La surveillance est justifiée. L’enquête est justifiée. Cinquante-six coups… Justifié.
Justice ? Mon Dieu…
J’ai obtenu mon diplôme de Stanford en juin dernier – J’étais ravi. J’étais l’un des quatre présidents de ma classe – J’étais fier. À l’automne, j’ai reçu une bourse Rhodes – J’étais proche de l’arrogance.
Mais tard dans la nuit, alors que je marchais dans les rues de Palo Alto, alors que la voiture de police ralentissait en passant devant moi, alors que leurs regards d’acier me rencontraient, j’ai réalisé que pour eux et pour tant d’autres, je suis et peut toujours être un N…. : coupable jusqu’à preuve de son innocence.
J’ai du mal à être articulé, loquace, positif, constructif, mais pour la première fois depuis si longtemps, j’ai perdu le contrôle de mes émotions. Rage, frustration, amertume, animosité, exaspération, tristesse. Les émotions une fois disparues, les émotions une fois canalisées, elles sont maintenant libérées. Pourquoi ?
Non coupable… Pas choqué.
La violence ne m’a pas surpris. Si j’avais été au pouvoir, il ne m’aurait pas fallu trois jours pour appeler la garde nationale. Mais peut-être que lorsque vous êtes déconnecté de la réalité, vous agissez lentement.
Pauvreté, aliénation, éloignement, continuellement aggravés par le racisme, manifeste et institutionnel. Pouvez-vous quitter votre quartier sans être arrêté ? Pouvez-vous obtenir un prêt de votre banque ? Pouvez-vous faire confiance à votre commerce de quartier ?
Pouvez-vous envoyer une ambulance dans votre voisinage ? Pouvez-vous faire venir la police chez vous ? Pouvez-vous obtenir une éducation dans votre école ? Pouvez-vous trouver un emploi ? Pouvez-vous rester en vie après 25 ans ? Pouvez-vous obtenir le respect ? Pouvez-vous être entendu ?
NON ! Pas tant que quelqu’un capte en vidéo un petit aperçu de votre réalité quotidienne et même alors, pouvez-vous obtenir justice ?
Nos centres-villes sont des piles de feuilles sèches et de bois qui attendent une étincelle. Ce n’est qu’un simple feu de camp comparé à l’enfer potentiel qui nous attend. Les conditions empirent et le verdict de Rodney King n’est certainement pas l’injustice la plus flagrante parmi nous.
Pourquoi ai-je perdu le contrôle de mes émotions ? Pourquoi mes mains tremblent-elles pendant que j’écris ? Ce soir, je n’ai pas de réponse.
Mon Dieu… aidez-nous à nous aider avant de courir à notre propre perte.
________________________________________ Cory Booker, ’91, MA ’92, est un sénateur américain du New Jersey.
Et pourtant, entre temps, nous avons eu ceci… que j’avais publié sur Obama:
En capital-risque, le retour sur investissement est la métrique ultime et bien que ce ne soit pas très difficile à comprendre, il existe de nombreuses petites astuces à connaître!
La raison de ce court article est un article récent que mon ami Fuad m’a conseillé de lire dans le Financial Times: L’univers parallèle des rendements du private equity (The parallel universe of private equity returns) par Jonathan Ford. Si vous n’êtes pas abonné au FT (et je ne le suis pas), vous ne pourrez peut-être pas lire l’article, voici donc de courts extraits: « Vous vous êtes déjà interrogé sur les performances extraordinaires que les sociétés de capital-investissement clament en trompetant sur les documents officiels de leur marché boursier ? […] Non seulement les entreprises génèrent des chiffres stratosphériques – bien plus élevés que tout ce qui est produit par le vieux marché boursier ennuyeux – mais elles peuvent apparemment le faire année après année, sans perte de rendement. […] La réalité est que ces TRI cohérents ne montrent rien de tel. Ce qu’ils démontrent en fait, c’est un gros défaut dans la façon dont le TRI lui-même est calculé. »
Lorsque j’ai examiné les rendements du capital-risque (VC) dans le passé, j’ai appris que vous devez examiner attentivement ce que signifie le TRI. Cela semble simple à première vue comme le montre le tableau suivant, juste des mathématiques simples:
Donc, la première question qui vous tient à cœur est ce qui compte: les TRI ou les multiples? Et ma réponse simple est «cela dépend». Dépend de vous!
Deuxièmement, la mesure des rendements a beaucoup de sens lorsque vous récupérez votre argent. Bien sûr! Mais le TRI et les multiples peuvent également être mesurés alors que vous êtes encore investi et lorsque votre investissement n’est pas liquide, ce qui est le cas des entreprises privées dans lesquelles investit le private equity (PE) [le capital-risque appartient à PE]. Vous pouvez jeter un œil à un autre article, Est-ce que le modèle du capital-risque est brisé? et parmi d’autres tableaux, regardez celui-ci:
La performance du VC selon la fondation Kauffman
Le TRI à son maximum (« peak IRR ») est mesuré lorsque vos actifs ne sont pas liquides alors que le TRI final est calculé lorsque vous avez récupéré votre argent… Un fonds a généralement une durée de vie de 10 ans (ou 120 mois) et vous pouvez vérifier le mois du TRI à son maximum.
Encore plus délicat, l’argent est appelé par périodes pour rendre la détention aussi courte que possible: fondamentalement, lorsque l’argent est nécessaire pour investir, bien que vous vous y engagiez pendant toute la durée de vie du fonds. Mesurer le TRI réel commence à être compliqué mais ce qui compte pour moi, c’est le multiple entre le jour de l’engagement jusqu’au remboursement final… Et pour vous?
Un dernier point que j’aime mentionner tout le temps est que le VC n’est pas tant une question de portefeuille d’investissements équilibrés. Dans le même article mentionné ci-dessus, j’ai ajouté deux liens, et l’une des meilleures citations est «Le capital-risque n’est même pas une affaire de home runs. C’est une affaire de grand chelem. »
Jetez un coup d’œil à L’effet Babe Ruth dans le capital-risque (The Babe Ruth Effect in Venture Capital) ou à l’éloge de l’échec (In praise of failure). Les statistiques du VC ne sont pas gaussiennes, elles suivent une loi de puissance: