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Entrepreneur en résidence, entrepreneur en série et quoi d’autre ?

J’étais ce matin à une grand-messe de l’écosystème français d’innovation et après une présentation sur le sujet de l’entrepreneuriat, je me suis permis de poser une question sur l’importance donnée aux entrepreneurs en résidence, aux entrepreneurs en série, mais aussi à l’idée de mettre ensemble chercheurs et étudiants en science et technologies d’une part et étudiants en école de commerce de l’autre, ces derniers ayant une sensibilité au et peut-être une plus expérience du business. J’ajoutai que de mon point de vue, dans l’entrepreneuriat, au niveau international, ces concepts n’ont eu qu’un faible impact pour ne pas dire aucun sur la création de valeur…

J’ai senti une incompréhension quant à ma question, ce qui n’est en soi pas étonnant puisque ces idées ont justement été choisies pour développer ou encourager l’entrepreneuriat. Ce n’était pas qu’une sensation puisque trois personnes m’indiquèrent ne pas vraiment comprendre ma question (même si quelques personnes dans l’audience semblèrent acquiescer et d’autres vinrent me voir plus tard pour me remercier d’avoir posé la question).

Je vais donc essayer de développer mon point de vue et de clarifier la raison de la question. J’ai la conviction développée et je crois confirmée depuis des années que l’innovation est faite par des talents assez bruts. Je ne vais que rappeler une de mes citations préférées : Il y a quelques années, un grand cabinet de conseil a publié un rapport recommandant à toutes les entreprises de nommer un directeur de l’innovation. Pourquoi ? Prétendument pour établir une « uniformité de commandement » sur tous les programmes d’innovation. Nous ne savons pas ce que cela signifie, mais nous sommes pratiquement sûrs que les termes « uniformité de commandement » et « innovation » n’appartiennent pas à la même phrase (à part celle que vous lisez actuellement). […] L’innovation résiste obstinément aux tactiques de gestion traditionnelles de style MBA. Contrairement à la plupart des autres choses dans les affaires, elle ne peut pas être détenue, mandatée, ou prévue. On ne doit pas dire quoi faire aux gens innovants, ils doivent être autorisés à le faire. Si vous êtes intriguée, vous retrouverez le contexte ici.

L’idée que les gens sans expérience ont besoin d’être aidés et accompagnés (je ne dis pas encouragés ou stimulés) me pose question depuis que j’ai découvert le monde des startup. Bien sûr, il est difficile d’entrer dans un monde que l’on ne connait pas. Il faut le côtoyer, s’y confronter. Mais pourquoi alors vouloir « gérer » ces (futurs) talents bruts en leur proposant des entrepreneurs en résidence, des serials entrepreneurs ou même des étudiants d’école de commerce ?

La réalité est qu’il faut des modèles pour ces talents bruts. Tom Perkins l’exprimait ainsi : La différence est question de psychologie : tout le monde dans la Silicon Valley connaît quelqu’un qui réussit très bien dans des petites entreprises de haute technologie, les start-ups ; alors ils se disent « Je suis plus intelligent que Joe. S’il a pu gagner des millions, je peux gagner un milliard. C’est ce qu’ils font et ils pensent qu’ils réussiront et en pensant qu’ils peuvent réussir, ils ont de bonnes chances de réussir. Cette psychologie n’existe pas tellement ailleurs.

Les serial entrepreneurs, j’ai déjà analysé leur performance dans des papiers que la lectrice intéressée pourra trouver ici ou . En résumant, leur performances se dégradent statistiquement au fil du temps ! Les entrepreneurs en résidence, je les mentionne dans un article que j’avais traduit ici. Enfin le mythe de l’association entre étudiants techniques et commerciaux a la peau tout aussi dure que l’idée qu’il faut associer profils techniques et business chez les fondateurs de startup. Je me souviens de manière anecdotique d’un séminaire au MIT en 2004 où la même idée alors assez répandue dans la région du Boston d’associer un MBA d’Harvard et un PhD du MIT avait été battue en brèche comme illusoire. Quelles grandes startups réunissent de tels profils ? Je vous laisse y réfléchir. Les fondateurs sont avant tout des gens qui se comprennent, peuvent travailler ensemble. Plus tard, ils iront chercher les compétences qui leur manquent.

Voici une très belle citation pour enfoncer le clou : Les outils de mesure de la performance sont parfaits pour améliorer les performances opérationnelles. Il n’y a rien de mal avec cette aspiration ou avec les outils eux-mêmes; toutes les entreprises peuvent perpétuellement avoir besoin de s’améliorer, et utiliser les meilleures pratiques est incontestablement efficace. Mais en plus de connecter les mesures avec les améliorations réelles, le peloton de cadres diplômés des écoles de commerce en est venu à croire que les outils étaient la réponse à tout, y compris la façon dont une entreprise doit élaborer une stratégie pour quelque chose de nouveau. Bien que la recette du succès ne se trouve pas dans les livres et que tout un chacun n’est pas entrepreneur simplement parce qu’il a lu un livre sur l’entrepreneuriat, la notion dominante est que la stratégie pour quelque chose de nouveau est presque équivalente à diminuer les coûts de quelques pour cent chaque année, à améliorer progressivement les tactiques de vente et analyser un ratio de performance clé ici et ajouter un autre membre de l’équipe, et généralement être opportuniste. C’est issu du très bon L’illusion de l’innovation. Plus drôle encore : Les recruteurs n’ont jamais cherché à trouver des entrepreneurs comme Elon Musk ou Mark Zuckerberg pour occuper des postes clés dans des multinationales. Ils voulaient des cadres ayant des spécialités en optimisation, en gestion, en logistique, en marché de capitaux et en autres fonctions opérationnelles clés d’une entreprise. […] Et ces partenaires étaient des planificateurs, pas des entrepreneurs. Et que dire de cela: Les business schools peuvent-elles enseigner l’entrepreneuriat?

Bon je vais m’arrêter avec ce « billet d’humeur » mais je vais tout de même citer l’écrivain qui m’aide à poursuivre les choses malgré tout (n’oublions pas la belle citation de Churchill, le succès c’est aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme). Je ne parle pas de Churchill mais de Stefansson. Il comprend brusquement quelque chose, comme si quelqu’un avait tout à coup levé le voile d’illusions qui couvre le monde – lequel lui apparaît maintenant tel qu’il est en réalité. Il comprend que la conception qu’il a du réel se trouve là, sous ses yeux, imprimée dans les mots et les images de ce quotidien qu’il a survolé tous les matins pendant des années, ingurgitant à son insu la vision développée dans ces pages. Une conception du monde qui est un assemblage d’opinions rances, d’idées croupies, de toutes ces choses qui ont pris le dessus et que nous baptisons pensée dominante, ce que nous nommons réalités tangibles. […] Du reste, quelle est notre nature profonde, quel est le point de vue adéquat, cette nature profonde est-elle une illusion, peut-être ne sommes nous rien de plus qu’un récipient rempli à ras bord de pensées dominantes, des points de vue consensuels, peut-être n’entrevoyons nous presque jamais ce qu’est une pensée libre au fil de notre vie, sauf à travers quelques fulgurances bien vite étouffées, aussitôt éteintes par les idées croupies et rances que distillent les informations, la publicité, les films, les chansons à succès ; chansons de variété et de vérité ? [D’ailleurs les poissons n’ont pas de pieds, p.274-76]

Marie Curie dans le Morbihan par Xavier Jaravel

Voici un essai court, dense, convaincant que devraient lire tous ceux que l’innovation intéresse. Le sujet est pourtant complexe, mais l’auteur en donne une vision claire et argumentée. Alors en voici mon résumé ou plutôt des extraits choisis, car il faut aller directement au texte dont la lecture ne prend qu’une heure ou deux !

Un diagnostic

La taxation ?

Dans le top 1% de la distribution des revenus, environ 70% des contribuables touchent des revenus issus de l’entrepreneuriat, un chiffre qui augmente encore pour les plus riches, atteignant 85% pour le top 0,1%. [Page 21]

Une liste des individus avec les plus hauts patrimoines est dressée chaque année par le magazine Forbes : moins de 10% des individus apparaissant sur la liste en 1983 y sont encore en 2023. [Page 23]

L’auteur n’est pas convaincu que la taxation des riches soit une solution aux inégalités créées. A condition que les incitations et les dynamiques ne favorisent pas in fine une infime minorité [mais la taxation en général reste un sujet d’équité (cf Piketty)]. Les géants de la tech semblent toutefois être devenus des monopoles dangereux car non régulés [page 24]

Sur les dynamiques « darwiniennes » de l’innovation voir aussi un poste plus ancien, La Silicon Valley aura bientôt 65 ans. Devrait-elle être mise à la retraite ?

La globalisation ?

Les entreprises qui automatisent augmentent leurs effectifs salariés. [Page 28] Bien sûr, ce résultat ne reflète que des tendances moyennes et ne signifie pas qu’il n’y ait pas d’effets négatifs sur l’emploi pour certaines technologies. Par exemple, les innovations organisationnelles dans la logistique tendent à réduire les besoins en main d’œuvre. Mais il est bien difficile d’identifier de tels cas avec certitude ; et, en moyenne, l’effet sur l’emploi est bien positif. [Page 30]

L’innovation pour qui ?

Du fait de la hausse de inégalités aux Etats-Unis depuis les années 1970, la taille du marché des produits consommés par des ménages aisés s’accroit plus vite, et c’est par conséquent sur ces marchés que les innovateurs focalisent leurs efforts. […] Dans une économie où le pouvoir d’achat des plus modestes stagne, ce qui a été le cas de l’économie américaine pendant des décennies, les plus modestes ne voient jamais la couleur de ces innovations [Page 35]

Le ruissellement des innovations génératrices de pouvoir d’achat dans toute la société n’a rien d’automatique : il dépend des incitations économiques. […] En l’absence d’un marché solvable, il n’y aura pas d’innovation, alors que faire ? [Page 37]

Quelques boussoles

La taille du marché

On estime qu’une hausse de la taille du marché de 10% induit une baisse des prix de 3% pour les consommateurs. [Page 42]

La sociologie des innovateurs

L’idée innovante ou entrepreneuriale naît souvent en faisant directement l’expérience d’un besoin ou d’un problème à résoudre. Si ceux qui innovent ne sont pas représentatifs de la société dans son ensemble, les innovations sont biaisées en faveur d’une minorité, celles des privilégiés qui innovent. [Page 43] Et de citer les exemples de Louis Braille et de Joséphine Cochrane.

Aux Etats-Unis, les individus dont les parents sont dans le top 1% de la distribution des revenus ont une probabilité dix fois plus élevée de devenir innovateurs. […] Il n’y a pas d’innovateur self made : le milieu social joue à plein. […] Même chose en France pour les individus qui deviennent ingénieurs-docteurs ou chercheurs-docteurs. [Page 44]

Les innovateurs se tournent vers les consommateurs qui leur ressemblent. [Page 46]

En matière d’innovation, le champ de l’action publique est immense. [Page 48] La politique d’innovation a fait la part belle au financement de l’innovation, avec des crédits d’impôt et des subventions directes […] A contrario, l’investissement dans l’éducation et la recherche publique a eu tendance à décliner. […] Les Etats dépensent relativement peu en matière d’innovation. La politique d’innovation consiste en une dizaine de milliards d’euros. Sur ces 10 milliards annuels, le dispositif le plus important est de très loin le crédit d’impôt recherche (CIR), d’un montant de 7 milliards. [Page 51] Malgré de nombreuses analyses attestant de sa faible efficacité, le CIR reste aujourd’hui l’instrument principal. [Page 52]

Notons au passage que ce processus ne s’accompagne pas d’un débat citoyen. […] C’est un processus en petit comité associant des hauts fonctionnaires, quelques hommes politiques et quelques capitaines d’industrie, dont la sociologie est tout aussi sélective que celle des innovateurs, c’est-à-dire peu représentative de la population dans son ensemble. [Page 52]

L‘éducation

X. Jaravel consacre un long chapitre à l’importance de l’éducation dans toutes ses dimensions pour les moins privilégiés comme pour les plus hauts potentiels, dans les sciences aussi bien que les compétences comportementales, pour combattre tous les biais de la sociologie des innovateurs qui sont en gros des hommes blancs d’âge mur [page 47]

Par exemple, ceux qui excellent aux Olympiades internationales de mathématique n’auront pas toujours la possibilité de faire un doctorat, faute d’opportunité dans leur pays. C’est autant de chercheurs et d’innovateurs perdus. [Page 53] Avec la référence “Invisible geniuses : could the knowledge frontier advance faster?”

L’éducation produit ses effets à long terme, ce qui ne retient pas l’attention des plus pressés, obnubilés par d’autres priorités plus court-termistes. [Page 56]

Dans son chapitre 4, l’auteur explique son scepticisme sur la taxation des riches, l’instauration d’un revenu universel, la taxation des robots, le protectionnisme ou la planification, tout en nuançant son propos, tant il sait qu’agir sur un système complexe peut avoir des effets difficiles à mesurer. A nouveau il exprime les angles morts de telles décisions, en raison de processus très technocratiques d’une part, peu efficaces d’autre part, surtout si elles ne sont pas évaluées a posteriori et enfin parce qu’une part trop belle est donnée aux projets innovants plutôt qu’à l’éducation et la formation. [Pages 68-70]

A la recherche des Marie Curie perdues

Il existe des clusters d’innovation, pas seulement du point de vue de la production des innovations, mais aussi s’agissant des origines de la nouvelle génération d’innovateurs. [Page 74] Ceux qui ont le plus de chance de devenir innovateurs dans la tech sont ceux qui ont passé le plus de temps dans la Silicon Valley, comme s’ils étaient imprégnés du milieu et se projetaient dans ces carrières. [Page 76] Ce qui me fait penser à combien de Robert Noyce, issu d’une petite ville du midwest américain en comparaison des Steve Jobs et autres Larry Page.

Atteindre une parité parfaite entre femmes et hommes dans l’accès à l’innovation permettrait d’augmenter le taux de croissance de la productivité du travail de 1% à 1,80%.
[Page 78] On obtient des effets tout aussi importants lorsqu‘on analyse une situation hypothétique dans laquelle les individus issus de milieux défavorisés (plutôt que les femmes) ne feraient plus face à aucune barrière dans l’accès aux métiers de l’innovation et de la science. [Page 79]

Il est également instructif d’apprécier les effets d’une politique très ciblée qui, par hypothèse, parviendrait à la parité parmi le top 1% des individus classés selon leurs aptitudes pour l’innovation. Dans le modèle macroéconomique, les innovations les plus importantes viennent d’un petit nombre d’innovateurs (ce qui est cohérent avec les données sur l’extrême concentration […] des levées de fonds des start-ups.) [Page 79]

Les pages suivantes sont consacrées à l’impact de la sensibilisation dans les écoles, sujet tout aussi passionnant. Les femmes sont largement sous-représentées dans les filières scientifiques en France, ce qui explique un tiers de l’écart de salaire entre femmes et hommes, qui s’élève à environ 15% (à temps de travail identique). [Page 83]

X. Jaravel insiste donc sur l’importance de l’investissement dans l’éducation en insistant sur la parité et l’égalité territoriale [Pages 85-6]. L’auteur s’inquiète de la dégradation de l’éducation. Aussi bien dans le basique « lire, écrire compter » que sur les meilleurs : En 2017, seuls 1% des élèves parviennent au niveau du top 10% de 1987. [Page 91]

Trois principes d’action

– On sait bien qu’il n’existe pas de dispositif unique au pouvoir magique, mais que c’est plutôt la conjonction de dispositifs qui permet de changer la donne.
– Il ne faut en aucun cas laisser de côté les filières techniques.
– Plusieurs réformes pourraient être spécifiquement envisagées dans leur lien avec l’innovation et l’entrepreneuriat. Par exemple des cours d’initiation à l’entrepreneuriat et à l’innovation au lycée, et renforcer l’enseignement sur l’usage des nouvelles technologies.

Démocratiser l’innovation

X. Jaravel rappelle en fin de son essai deux angles morts : un penchant technocratique (laissant peu de place aux citoyens) et un recours limité à l’évaluation. Il est important de déterminer si un dispositif crée des effets d’aubaine ou est vraiment efficace. Ainsi une étude américaine a montré que certaines subventions constituaient un effet d’aubaine pur et simple lorsque les technologies subventionnées étaient déjà mûres [alors qu’] à l‘inverse les subventions pour les start-ups en tout début de vie, notamment pour réaliser des prototypes avaient un fort effet d’entrainement. [Page 110]

L’auteur termine avec trois priorités :
– Une politique éducative, qui suscite des vocations
– Ne pas céder à la tentation protectionniste
– Favoriser une participation active des citoyens

Avec le constat que l’innovation ne ruisselle ni des entrepreneurs les plus géniaux ni du sommet de l’Etat. L’innovation est toujours collective, elle infuse lentement, dans le « rhizome » de l’innovation [Page 115]

Je doute que le lecteur pressé comprendra grand chose à ces notes, et l’auteur indique aussi que ce même lecteur pourrait sauter directement à la conclusion de son essai. Il faut vraiment lire l’essai en entier même si je doute que les décideurs souvent mentionnés dans Marie Curie habite dans le Morbihan – Démocratiser l’innovation prendront le temps d’appliquer les recommandations, en admettant qu’ils les lisent. Mais il faut rester optimiste !

De la contre-culture à la cyber-culture de Fred Turner

From Counterculture to Cyberculture est une autre de mes lectures récentes après Making Silicon Valley d’un livre pas si récent. Il est sous-titré Stewart Brand, le réseau Whole Earth et la montée de l’utopisme numérique.

Voici un court extrait qui illutre l’importance de ce livre : À la fin des années 1960, certains éléments de la contre-culture, et en particulier le segment de celle-ci qui retournait à la terre, avaient commencé à embrasser explicitement les visions systémiques circulant dans le monde de la recherche de la guerre froide. Mais comment ces deux mondes se sont-ils réunis ? Comment un mouvement social se consacrant à la critique de la bureaucratie technologique de la guerre froide en est-il venu à célébrer les visions socio-techniques qui animaient cette bureaucratie ? Et comment se fait-il que les idéaux communautaires de la contre-culture se soient mêlés aux ordinateurs et aux réseaux informatiques de telle sorte que trente ans plus tard, Internet puisse apparaître à tant d’autres comme l’emblème d’une révolution juvénile renaissante ? [Page 39]

Le Whole Earth Catalog

Une explication de cet étrange phénomène est Stewart Brand et son Whole Earth Catalog :

Voici quelques extraits supplémentaires : « À la fin de 1967 [Stewart Brand et Lois Jennings] ont déménagé à Menlo Park où Brand a commencé à travailler à la fondation éducative à but non lucratif de son ami Dick Raymond, le Portola Institute. Fondé un an plus tôt, le Portola Institute a abrité et aidé diverses organisations influentes de la région de la baie, notamment la Briarpatch Society, l’Ortega Park Teachers Laboratory, l’Institut Farallones, l’Urban House, le Simple Living Project et l’éditeur Big Rock Candy Mountain, ainsi que ainsi que sa production la plus visible, le Whole Earth Catalog. Comme l’a suggéré Theodore Roszak, les efforts de Portola visaient totalement à « réduire, démocratiser et humaniser notre société technologique hypertrophiée ». Lorsque Stewart Brand a rejoint l’équipe, une grande partie de l’énergie du Portola a été consacrée à l’enseignement de l’informatique dans les écoles et au développement de jeux de simulation pour la salle de classe.

[…]

Le Portola Institute a servi de lieu de rencontre pour les contre-culturalistes, les universitaires et les technologues en grande partie en raison de son emplacement. À moins de quatre pâtés de maisons de ses bureaux, on pouvait trouver le bureau de la Free University – un projet d’auto-éducation polyglotte qui offrait toutes sortes de cours, allant des mathématiques aux groupes de rencontre, généralement enseignés dans les maisons voisines – et deux librairies excentrées (Kepler et East-West). Un peu plus loin se trouvait le Stanford Research Institute, où Dirk Raymond avait travaillé pendant un certain nombre d’années, et non loin de là, l’Université de Stanford. En outre, de nombreux membres du Portola représentaient plusieurs communautés. Albrecht avait travaillé chez Control Data Corporation et a apporté avec lui des compétences avancées en programmation et des liens avec le monde de l’informatique d’entreprise, ainsi qu’un engagement à autonomiser les écoliers. Brand et Raymond avaient tous deux une vaste expérience de la scène psychédélique de la région de la baie. Et les différents projets de Portola ont fait circuler ses membres : enseignants, communards, informaticiens, tous sont passés par les bureaux à un moment ou à un autre. » [Page 70]

Une note supplémentaire indique : « Pour un récit fascinant du mélange des communautés contre-culturelles et technologiques dans ce domaine, voir What the Dormouse Said. Comment la contre-culture des années 60 a façonné l’ordinateur personnel de John Markoff chez Penguin Viking 2005. » Turner est convaincant dans la description des turbulences sociétales, la Nouvelle Gauche se concentrant sur les droits civiques tandis que les Nouveaux Communalistes dans une vision du monde moins organisée, plus anarchiste, ne s’opposant pas à la technologie, mais essayant de réduire l’impact du capitalisme et la guerre froide, Norbert Wiener, Marshall McLuhan et Buckminster Fuller étant des penseurs influents.

Turner conclut ce premier chapitre avec ces citations : « Un jour, alors que je travaillais avec lui sur le catalogue, j’ai demandé à M. Brand s’il n’accepterait pas de publier un certain nombre de journaux clandestins à orientation politique. En réponse, il m’a dit que trois des premières restrictions qu’il avait imposées au catalogue étaient pas d’art, pas de religion, pas de politique. » … a(i) ensuite souligné que le Catalogue proposait les trois : l’art était les beaux arts art comme l’artisanat ; la religion, orientale ; la politique; libertaire : « De toutes les 128 pages du Catalogue Whole Earth émerge un point de vue politique non mentionné, tout ce sentiment d’évasion que véhicule le catalogue est pour moi malheureux. »

Brand a répondu en défendant l’action locale et son expérience personnelle : La question du capitalisme est intéressante : je n’ai pas encore compris ce qu’est le capitalisme, mais si c’est ce que nous faisons, je l’aime. Peuples opprimés : tout ce que je sais, c’est que j’ai été radicalisé en travaillant sur le Catalogue et que je me suis engagé beaucoup plus personnellement dans la politique qu’en tant qu’artiste. Mon parcours est purement WASP, ma femme est amérindienne. Le travail que j’ai effectué il y a quelques années auprès des Indiens m’a convaincu que toute action fondée sur la culpabilité envers quiconque (personnelle ou institutionnelle) ne peut qu’aggraver la situation. De plus, l’arrogance de M. Avantage disant à M. Désavantage quoi faire de sa vie est un motif suffisant de rage. Je ne suis ni noir, ni pauvre, ni très indigène de quelque endroit que ce soit, et je n’ai plus envie de prétendre que je le suis – une telle identification est une bonne éducation, mais pas particulièrement une bonne position pour être utile aux autres. Je souhaite que le format Catalogue soit utilisé pour toutes sortes de marchés – un catalogue noir, un catalogue du tiers monde, peu importe, mais pour réussir, je crois que cela doit être fait par des gens qui y vivent, et non par des étrangers bien intentionnés. Je suis pour le pouvoir envers le peuple et la responsabilité envers le peuple : la responsabilité est une affaire individuelle. [Page 99]

Et un peu plus loin un commentaire dur de Turner : Comme P. T. Barnum, il avait rassemblé les acteurs de son époque – les habitants de la commune, les artistes, les chercheurs, les constructeurs de dômes – dans un seul cirque. Et lui-même était devenu à la fois le maître et l’emblème de ses nombreux cercles connectés. [Page 101]

La numérisation du Whole Earth Digital

La suite du Whole Earth Catalog, hors les cercles plus ou moins fermés des célèbres Augmented Research Center (ARC) de Douglas Engelbart au Stanford Research Institute (SRI) et du Palo Also Research Center (PARC) de Xerox, se concrétisa sans doute dans le non-moins célèbre Homebrew Computer Club. Les influences croisées sont multiples et décrites en détail par Fred Turner dans son chapitre Taking the Whole Earth Digital.

Il y est question d’un article que je ne connaissais pas du magazine Rolling Stone écrit par Steward Brand avec des photographies de Annie Lebowitz : Spacewar : Fanatic Life and Symbolic Death among the Computer Bums (que l’on pourrait traduire par La guerre des étoiles : vie fanatique et mort symbolique chez les clochards informatiques).

1972-12-07 Rolling Stone (Excerpt) Spacewar Article

Turner conclut ainsi ses pages sur l’article de Rolling Stone : Dans les pages de Rolling Stone, le travail local des programmeurs et des ingénieurs est devenu partie intégrale d’une lutte mondiale pour la transformation de l’individu et de la communauté. Ici, comme dans le Whole Earth Catalog, les technologies de l’information à petite échelle promettaient de saper les bureaucraties et de créer à la fois un individu plus complet et un monde social plus flexible et plus ludique. Même avant que les mini-ordinateurs ne soient largement disponibles, Steward Brand avait aidé ses concepteurs et ses futurs utilisateurs à les imaginer comme des « technologies personnelles ». [Page 118]

Dans l’article, il est fait mention des Hackers dont l’éthique est décrite par Steven Levy, dans son livre Hackers, Heroes of the Computer Revolution (ma prochaine lecture ?). Elle inclut les éléments suivants :
– Toutes les informations doivent être gratuites.
– Méfiance envers l’autorité – promotion de la décentralisation.

Brand, sans surprise, les célèbre : je pense que les hackers… sont le groupe d’intellectuels le plus intéressant depuis les rédacteurs de la constitution américaine. À ma connaissance, aucun autre groupe n’a entrepris de libérer une technologie et n’a réussi. Ils ne l’ont pas seulement fait contre le désintérêt actif des entreprises américaines, mais leur succès a finalement forcé les entreprises américaines à adopter leur style. En réorganisant l’ère de l’information autour de l’individu, via les ordinateurs personnels, les hackers ont peut-être sauvé l’économie américaine. La haute technologie est désormais quelque chose que les consommateurs de masse recherchent, plutôt que de simplement la leur faire subir… La sous-culture la plus silencieuse des années 60 est devenue la plus innovante et la plus puissante – et la plus méfiante à l’égard du pouvoir. [Page 138]

Turner n’hésite pas à nuancer l’enthousiasme de Brand dans les lignes qui suivent, car à nouveau l’arrivée de la technologie dans le quotidien a été un phénomène complexe de la Silicon Valley. Je n’en suis même pas à la moitié du livre de Turner. Peut-être un autre article. Déjà une lecture très intéressante.

Un glossaire du monde des startup

Quand on vient du monde de la recherche ou du monde « normal », celui des startup peut parfois sembler mystérieux. On y emploie de nombreux acronymes et des termes anglo-saxons qui peuvent rendre difficile l’accès à ce monde, qui n’est pourtant pas si compliqué. Alors voici quelques éléments d’explication, le choix est sans doute biaisé mais je l’espère utile aux curieux.

Startup : peut-être une évidence tant le terme est utilisé voire galvaudé ! Jeune pousse, jeune entreprise innovante. La meilleure définition d’une startup est sans aucun doute celle de Steve Blank : « une organisation temporaire à la recherche d’un modèle économique répétable et scalable » (A startup is a temporary organization searching for a repeatable and scalable business).

Spinoff : une entreprise (une startup en particulier) issue d’une autre entité (une équipe quittant une autre entreprise, une propriété intellectuelle issue d’un laboratoire de recherche)

Modèle d’affaires et plan d’affaires : une entreprise a (souvent) pour objectif de gagner de l’argent, au moins à terme. Ses fondateurs doivent avoir en tête la manière dont il vont gagner de l’argent (le modèle économique), à savoir ce qu’ils vendent, à qui et comment. On parle de « business model » qui a donné lieu à une riche littérature dont le « business model canvas », outil de construction de ce modèle.

Le business plan ou plan d’affaires est la rédaction structurée ente autres de ce modèle d’affaires et plus généralement de toutes les composantes d’une entreprise lui permettant de trouver stabilité et croissance. On parle de « roadmap » pour décrire ce plan multi-annuel, le chemin qui conduit à la prospérité, ou au moins de trouver les moyens de survivre. Les projections financières et la finance sont tout une science ou un art en soi. Le « burn rate » est par exemple ce qu’une entreprise dépense chaque mois ou chaque année et doit être bien connu des entrepreneurs qui ne souhaitent pas faire faillite (se retrouver sans ressources).

Le business plan est parfois un exercice difficile ou prématuré. Le pitch est une présentation orale ou écrite sous forme de slides (le « pitch deck ») qui peut durer une minute (« elevator pitch »), 5 ou 10 minutes, rarement plus de 20 minutes. C’est un exercice devenu incontournable pour tout entrepreneur et sa pratique rend l’exercice plus aisé avec le temps, notamment en utilisant tout le jargon de ce glossaire ! Le pitch deck est un résumé du Business Plan avec une savante dose de Storytelling. La référence est le livre de Guy Kawasaki, Art of Start traduit en français en L’art de se lancer.

Dans cette littérature, on trouve les concepts de lean startup, agile startup, pivot, qui décrivent des manières souples, flexibles, frugales d’avancer et de changer de direction quand le chemin est bloqué (le « pivot »).

Le terme de « pricing » est un des plus simples à comprendre mais des plus difficiles à implémenter: à quel prix vendre son service ou son produit ? Certainement pas au coût de production car il faut intégrer tous les coûts indirects d’une entreprise (R&D, G&A, S&M) et dans un monde capitaliste, même faire un bénéfice (on parle de marges).

R&D : Recherche et développement,
G&A : General and administration (dont comptabilité, finances, ressources humaines – RH),
S&M : Sales et marketing.
Tous les termes parlent d’eux-mêmes, sauf peut-être le mot « Marketing ».

Le marketing

Le marketing n’est pas la publicité, mais l’analyse du marché d’une entreprise, ainsi que l’ensemble des actions prises par une entreprise relatives à ce marché. Mais qu’est-ce qu’un marché ?

Un marché est constitué des consommateurs ou clients qui achètent un produit ou un service, avec le prix payé, sa taille est le produit du nombre de client multiplié par le prix. On parle de TAM (« Total Available Market »), certains parlent de la taille de l’univers, car le TAM est rarement accessible à une seule entreprise. On parle plutôt de SAM (« Served Available Market), ce qu’une entreprise peut adresser de manière réaliste. Enfin il y a le SOM (« Serviceable Obtainable Market »), le marché que l’on peut réalistiquement capter. En français, on parle de Marché Total Disponible, Segment du Marché Disponible, et Marché Cible.

Le marketing est une discipline complexe avec son vocabulaire. Le marketing stratégique représente l’analyse d’ensemble d’une entreprise sur son marché et sa place (espérée) dans ce marché alors que le marketing opérationnel regroupe l’ensemble des techniques qui permettront d’exister dans ce marché.

On parle de segmentation, pour définir un ensemble homogène de clients, on parle aussi de vertical de marché. Le « go to market » est la stratégie d’entrée dans un marché. La plage de débarquement (« beachhead ») est une entrée dans un petit marché (« niche ») qui pourra ou non donné accès à un marché plus grand.

Enfin il est aussi question de Minimum Viable Product (« MVP »), la version d’un produit qui permet d’obtenir un maximum de retours client avec un minimum d’effort. Il est plus question d’analyser la viabilité d’hypothèses que de vendre quoi que ce soit.

Assez pour le marketing ! Le grand gourou du marketing pour les startup high-tech est Geoffrey Moore, auteur de Crossing the Chasm et Inside the Tornado. Nous parlerons peu de ventes ici, si ce n’est que les clients prospectifs sont appelés les lead ou prospects. On vend en B2C (« Business to Consumer ») à des consommateurs individuels ou en B2B (« Business to Business ») à des entreprises, mais aussi en B2B2C…

L’entreprise

Une entreprise est donc une organisation complexe et structurée (alors qu’une startup n’est qu’une organisation temporaire et souvent chaotique). Elle a souvent sa hiérarchie avec ses officiers (CxO Chief « x » Officer) et vice-présidents (VP). Tout en haut le CEO ou Chief Executive Officer (PDG ou DG en France) puis les CTO ou Chief Technical Officer (Directeur Technique), CSO ou Chief Scientific Officer (Directeur scientifique), COO ou Chief Operating Officer (Directeur des Opérations), CFO ou Chief Financial Officer (DAF ou Directeur Administratif et Financier). La liste des CxO est san fin. Yahoo avait ses Chief Yahoo. Les fonctions de VPs les plus courantes sont Engineering (Ingénierie), Sales (Ventes), Marketing.

Dans une startup, il est conseillé d’oublier les titres. Les fondateurs n’ont pas besoin de s’attribuer des titres trompeurs de CEO ou CTO (sauf face à certains investisseurs un peu rigides) car tous les fondateurs sont au four et au moulin (sinon le risque est l’absence de transparence, une mauvaise communication et la perte de confiance).

Au-dessus du CEO, on trouve le Conseil d’Administration ou Board of Directeurs, présidé par le Chairman (le PDG cumule souvent les fonctions de DG et de président du Board). Au-dessus du board, se trouvent les actionnaires qui détiennent des parts de l’entreprise, en général des actions (en anglais indifféremment Share, Stock ou Equity). Il y a différent type d’actions, préférentielles (preferred) ou ordinaires (common). Ces actions ont un prix (dont la valeur est fluctuante). Le produit du prix par le nombre d’actions constitue la valeur de la société.

Les fondateurs créent une société avec un capital initial (le nombre d’actions multiplié par le prix nominal). Puis le capital peut être augmenté par des levées de fonds auprès de connaissances (Friends & Family), d’investisseurs individuels (Business Angels) ou institutionnels, comme le capital risque (Venture Capital ou VC). La succession de telles levées de fonds est appelées tours d’investissements (financing rounds) avec des series A, B, C… Les premiers tours sont appelés Seed (Amorçage) et même pre-seed (pré-amorçage). Depuis quelques années, cette terminologie est liées à la taille des montants, le series A ou premier tour a une taille de quelques millions ($ ou €) alors que le Seed fait quelques centaines de milliers et au maximum $1M ou €1M. Le pre-seed est de quelques dizaines de milliers d’euros ou de dollars.

Une entreprise peut aussi trouver des fonds en faisant une introduction en bourse (Initial Public Offering ou IPO). Tant qu’elle n’est pas cotée, une entreprise est dite privée (on parle de Private Company ou Private Equity). L’IPO est assez rare et les startup sont souvent acquises par de plus gros acteurs ou fusionnent avec d’autres entreprises (on parle de Merger and Acquisitions ou M&A).

La valeur d’une société est augmentée de sa levée de fonds, mais parfois aussi de l’augmentation du prix par action. Lors d’un tel événement, on calcule que valorisation post-money = valorisation pre-money + montant levée de fonds, chacun des trois termes valant le nombre d’actions multiplié par le prix de l’action au moment de la levée de fonds. Les investisseurs s’attendent à un retour sur investissement (Return on Investment ou ROI). Celui-ci est calculé comme le rendement d’un compte en banque, à savoir l’augmentation annuelle du prix de l’action en pourcentage.

Les employés sont rémunérés en stock-options (l’ESOP est l’Employee Stock Option Plan), le droit d’acquérir des actions à l’avenir à un prix avantageux. En France on utilise des BSPCE ou Bons de Souscriptions de Part de Créateurs d’Entreprises. Les BSA ou bons de souscriptions d’actions (Warrant est l’équivalent anglo-saxon) est réservé aux entités externes à l’entreprise (investisseurs, consultants, fournisseurs de technologies ou de services). Les stock-options ont leur jargons : elles sont en généralement accordées (« grant ») par périodes mensuelles ou trimestrielles sur une durée de 4 ou 5 ans (le « vesting ») et l’option est exercée en payant une somme modique (« exercice price ») attribuant les actions aux détenteur. Il y a une période sans vesting, en général la première année dite « cliff ».

De nombreux entrepreneurs rêvent de ne pas faire appel à des investisseurs, notamment en développant leur entreprise avec les revenus et profits générés par les ventes. Si celles-ci sont convaincantes, les banques accepteront de prêter de l’argent. Les objets financiers ne modifiant pas le capital d’une entreprise sont dits non-dilutifs (prêts, dette, obligations non convertibles et aussi subventions). On parle en anglais de « bootstrapping ».

Naissance et mort de la Silicon Valley ?

A l’heure où la Silicon Valley semble plus puissante que jamais, où les GAFA et autres atteignent des valeurs difficiles à imaginer il y a encore quelques années, à l’heure où l’Intelligence Artificielle semble en effrayer plus d’un et en fasciner d’autres avec d’énormes levées de fonds pour l’openAI (10 milliards de dollars) ou Inflection AI ($1B) [sans oublier le français Mistral AI ($100M)], pourquoi voudrais-je parler de la mort de la Silicon Valley ?

La naissance et la croissance de la Silicon Valley

Avant de creuser plus loin, vous voudrez peut-être regarder la courte vidéo ci-dessus. Et au fait, quand est née la Silicon Valley ? Je prétends toujours que c’était en 1957 avec la fondation de Fairchild (La première start-up à 1000 milliards de dollars) et de l’industrie du semi-conducteur. C’est probablement un peu plus complexe comme vous le verrez dans la vidéo.

Maintenant, la figure ci-dessus ne contredit pas que la Silicon Valley a commencé vers cette année-là, mais la région était déjà développé avec les micro-ondes et des tubes de puissance, principalement pour des applications militaires, avec des sociétés telles que Litton Engineering Labs (1932), Hewlett-Packard (1939) ou Varian Associates (1948). J’ai copié la figure d’un livre que j’ai trouvé dans mes archives (mais que je n’ai pas encore lu – je ferai peut-être avec un autre article de blog) : Making Silicon Valley – Innovation and the Growth of High Tech, 1930-1970 par Christophe Lécuyer.

Assez avec l’Histoire et retour au présent. Si vous n’êtes pas convaincu par la puissance de la Silicon Valley, jetez un œil au tableau ci-dessous. Même si je suis conscient que Microsoft et Amazon, ni Tesla non plus, n’appartiennent pas géographiquement à la Silicon Valley, ils en font certainement partie d’un point de vue culturel. Et c’est pourquoi je parle de la mort de la Silicon Valley. D’un point de vue culturel.

La mort de la Silicon Valley d’un point de vue culturel

Il y a quelques jours, des amis du FMI m’ont envoyé des articles sur le départ à la retraite de Michael Moritz. Je ne serais pas surpris que vous ne le connaissiez pas, même si j’ai cité son nom sur ce blog dans le passé. Il était capital-risqueur et les capitaux-risqueurs ne sont pas les héros de la Silicon Valley. Bob Noyce, Steve Jobs, Larry Page et Sergey Brin l’étaient. Elon Musk probablement plus. « Regardez autour de vous qui sont les héros. Ce ne sont pas les avocats, ni même les financiers. Ce sont eux qui créent les entreprises » (voir ici).

Sa page Wikipédia anglaise mentionne « En juillet 2023, Moritz a quitté Sequoia après près de quatre décennies. » Il y est ajouté également que « ses investissements dans les sociétés Internet incluent Google, Yahoo!, […] PayPal, Webvan, YouTube, eToys et Zappos. » On peut aussi lire un article sur Techcrunch, Michael Moritz moves on, book-ending a long chapter at Sequoia Capital.

Moritz fait partie d’une longue liste d’investisseurs qui ont décidé de prendre leur retraite. La première génération a cessé d’être active il y a longtemps (Arthur Rock, Don Valentine, Tom Perkins et Eugene Kleiner font partie de cette liste) et la deuxième génération disparaît également (John Doerr qui a co-investi avec Moritz dans Google et siégeait avec lui au conseil d’administration de l’entreprise, a également pris sa retraite). Tous ces inconnus ont contribué à bâtir la Silicon Valley en soutenant financièrement les entrepreneurs les plus célèbres.

Ce n’est pas la première fois que j’exprime des doutes sur la Silicon Valley :
– une série de 3 articles sur Optimisme et désillusions dans la Silicon Valley en janvier 2023,
– un article de septembre 2021, La Silicon Valley aura bientôt 65 ans. Devrait-elle être mise à la retraite ? avec des références à Silicon Valley 2018: Les libertariens ont remplacé les hippies,
– ou les plus anciens (2013) Les promesses de la technologie. Décevantes ? et Les péchés capitaux de la Silicon Valley.

Il est vraiment étrange qu’une région puisse continuer à être aussi innovante depuis plus de 60 ans. Et cela continuera probablement pendant un certain temps. Ce qui est moins clair, c’est la continuité de cette culture unique qu’Olivier Alexandre a brillamment décrite dans son récent livre, La Tech.

Nous verrons…

Le mythe de l’entrepreneur – Défaire l’imaginaire de la Silicon Valley

Un ami m’a mentionné il y a quelques jours ce nouveau livre sur la Silicon Valley et je le cite : « l’argument de l’auteur ne tient pas la route (mais il est pernicieux). […] En effet, l’entrepreneuriat génère l’excellence et des gens ayant un esprit indépendant, alors [qu’une autre vision – l’opposition au capitalisme libéral] crée une population de gens dépendants de l’État. »

Je ne suis pas sûr d’être d’accord avec mon ami : d’un côté en effet l’articulation entre collectif et individu est un sujet clef de l’entrepreneuriat. Une société crée-t-elle de la valeur sans individus « hors norme » ? Le sujet est vieux comme le monde. De l’autre, la répartition de cette valeur est un second sujet qui est entre autres du domaine de la fiscalité et Piketty a bien montré que, depuis quelques décennies, l’écart de répartition a largement augmenté en faveur des plus riches au détriment des plus pauvres.

Marianna Mazzucato a montré dans The entrepreneurial state ce déséquilibre qu’elle trouve d’autant plus injuste qu’elle montre le rôle primodial de l’État dans le financement amont (éducation, recherche, services publics en général) qui donne un contexte favorable à la création de richesses.

Dans le début de son livre, Le mythe de l’entrepreneur – Défaire l’imaginaire de la Silicon Valley, Anthony Galluzzo explique des choses similaires mais il me semble différentes. Je n’en suis qu’au début et je verrai plus tard à quel point il rejoint la critique introduite plus haut. L’auteur est un spécialiste des imaginaires marchands et son sous-titre est convaincant, à savoir qu’il convient de déconstruire l’imaginaire de cette région, basé sur du story-telling autour des stars de la région, telles que Steve Jobs et Elon Musk (encore que Elon Musk a largement perdu de son aura). Il nous montre que Elisabeth Holmes a tenté la même approche mais n’y sera parvenu que très partiellement.

Joseph Schumpeter est abondamment cité dans l’ouvrage au début, en particulier il me semble, pour une critique du rôle de l’entrepreneur et de la destruction créatrice. Galluzzo préfère d’ailleurs employer la création destrutrice pour montrer la chronologie des actions. Mais je n’ai pas vu dans le début du livre, du moins, que Schumpeter ajoute que le capitalisme ne peut pas exister sans la publicité, donc sans le story-telling et l’imaginaire.

Cet imaginaire de la Silicon Valley n’est donc, je crois, que ce qui permet au capitalisme de se développer, de perdurer, avec tous les paradoxes actuels de gaspillage destructeur. Mais derrière cet imaginaire, quelle est la réalité ? Galluzzo refuse d’opposer entrepreneurs et hommes d’affaires. Je comprends l’argument. Les créateurs, stars du moins, peuvent gagner beaucoup d’argent. Mais je ne sais pas si la raison principale en est leur capacité à faire des affaires ou s’ils sont simplement à l’origine d’une création qui permet de faire des affaires. Je ne suis ni économiste, ni historien, ni sociologue et j’ai bien du mal à faire la part des choses, toutes choses égales par ailleurs.

Anatomie du mythe – l’Entrepreneur héroïque

Voici donc quelques éléments que j’ai trouvé intéressants dans le début du livre:

1- L’entrepreneur solitaire

Steve Jobs n’était pas seul et pire n’est peut-être pas critique au succés initial. L’histoire est en effet assez connue alors que Jobs est vu comme le seul génie d’Apple.
– Steve Wozniak est le véritable génie (Galluzzo n’aimera pas le terme) derrière les premiers ordinateurs d’Apple.
– Steve Jobs aurait « volé » [Page 35] de nombreuses idées chez Xerox pour construire ses machines. L’histoire est connue mais le terme « voler » est trop fort même si de nombreux employés de Xerox en furent choqués. Xerox reçut des actions Apple en échange de ce deal assez unique dans l’histoire.
– « Mike Markkula peut être considéré comme le véritable fondateur d’Apple, celui qui a transformé un petite opération d’amateurs insignifainte en une start-up structurée et solidemenrt financée. » [Pages 19-20]
– « Arthur Rock, quant à lui, est l’une des figures les plus importantes de la Silicon Valley, il a contribué à l’émergence des plus grandes entrerpises de la région – Fairchild Semiconductor, Intel, puis Apple. Pourtant aucune biographie ne lui a jamais été consacrée et sa fiche wikipedia est famélique ». [Page 20]

Je nuancerai à nouveau les propos de Galluzzo. Certes Wozniak, Markkula et Rock n’ont pas pénétré l’imaginaire du grand public, mais les connaisseurs de la Silicon Valley ne les ignorent pas et le film Something Ventured (que Galluzzo ne semble pas mentionner dans sa bibliographie pourtant très riche) ne les oublie pas du tout. Et que dire de cette couverture de Time Magazine.

2- La guerre des talents

« Le fonctionnement du marché du travail dans la Silicon Valley nous indique pourtant une tout autre dynamique. La concentration industrielle dans cette région entraine d’importants mouvements de personnel : un ingénieur peut facilement changer d’entreprise, sans déménager ni changer ses habitudes de vie. […] Cette forte mobilité de la main d’oeuvre est constatée dès les années 1970, où en moyenne les professionnels de l’informatique ne restent en poste que deux ans [Cf AnnaLee Saxenian‘s Regional Advantage]. Lorsqu’ils circulent ainsi, les employés, même tenus par des accords de non-divulgation, emportant leurs expériences et leurs connaissances. La propagation de ce savoir tacite est au coeur de l’écosystème , elle permet un apprentissage tacite collectif permanent. » [Page 45]

Galluzzo touche ici au coeur du sujet, ce qui fait l’unicité de la Silicon Valley. Pas tant la concentration des talents, qui exitse dans totues les régions développées. Mais la circulation des talents. Tout est dit ou presque !

Galluzzo ajoute toutefois une nuance de taille et que je connaissais moins : « Se posent donc pour les entrepreneurs des problèmes relatifs à ce qu’on a appelle dans le jargon des affaires la « guerre des talents ». Pour mener à bien ses projets, il faut parvenir à s’approprier la marchandise la plus précieuse qui soit, la force de travail d’ingénieurs hautement qualifiés. » [Page 46]

Galluzzo mentionne alors les stock options, les recrutements à la hussarde mais aussi ceci : « Une autre affaire judiciaire illustre bien les enjeux de la rétention des employés. Dans les années 2000, plusieurs géants de la Silicon Valley, parmi lesquels Intel, Google et Apple, ont formé un « cartel des salaires », en s’engageant mutuellement à ne pas tenter de débaucher les employés. Cet accord tacite visait à éliminer toute concurrence sur les travailleurs qualifiés et à limiter la hausse des salaires. » [Page 47 & see Google, Apple, other tech firms to pay $415M in wage case]

3- L’invisibilisation de l’État.

Le sujet est aussi connu et je les mentionné plus haut. On oublie trop souvent le rôle du collectif dans la possibilité de conditions, de contexte favorables. Mais Galluzzo montre que trop souvent, il y a même une certaine haine du collectif, illustrée par la visibilité grandissante des libertariens. c’est connu également, la Silicon Valley a peur des syndicats. Mais voici un autre exemple que j’ignorais:

« Je veux que les gens qui enseignent à mes enfants soient assez bons pour être employés dans l’entreprise pour laquelle je travaille, et gagner 100 000 dollars par an. Pourquoi devraient-ils travailler dans une école pour 35-40 000 dollars par an s’ils peuvent trouver un emploi ici à 100 000 dollars ? Nous devrions les embaucher et les payer 100 000 dollars, mais le problème, ce sont bien sûr les syndicats. Les syndicats sont la pire chose qui soit arrivée à l’éducation. Parce que ce n’est pas une méritocratie, mais une bureaucratie. »

Il faut lire l’extrait tout entier et peut-être même l’intégralité de l’interview de Steve Jobs. Excerpts from an Oral History Interview with Steve Jobs. Interviewer: Daniel Morrow, 20 April 1995. Computerworld Smithsonian Awards. Nous sommes là dans la culture américaine et l’importance donnée à la concurrence entre les individus plutôt qu’à l’égalité des membres du collectif.

Alors y a-t-il des génies ou non ? N’y a-t-il qu’émergence darwinienne de talents a posteriori parmi ceux qui auront survécu ? Je ne sais pas ou je ne sais plus. Sans doute quelque chose entre les deux. Ou peut-être s’agit-il d’un acte de foi, tant que la sociologie n’aura pas d’éléments qui me permettront d’avoir un avis plus convaincant…

A suivre…

Optimisme et désillusions dans la Silicon Valley. Partie 3 : Goomics, la fin de la Googlitude ?

Tout d’abord, il est important de se souvenir qu’Aaron Swartz est décédé il y a 10 ans. Il fut, peut-être, la première victime de la fin d’Internet tel que nous le rêvions, un accès gratuit ou du moins facile à l’information mondiale.

Qu’est-ce que la Googlitude (la Googleyness en anglais) ? La définition de Googleyness de Laszlo Bock est #1 Amusement, #2 Humilité Intellectuelle, #3 Conscience, #4 Confort avec l’ambiguïté, #5 Preuve que vous avez emprunté des chemins courageux ou intéressants dans votre vie. À la page 134 de Goomics, Manu Cornet mentionne « dirigé par les données et transparent, désintéressé et humble, proactif, avec un sens de l’humour et légèrement irrévérencieux, respectueux et juste ».

Alors que s’est-il passé entre le tome I de Goomics, (pour lequel j’avais publié 3 articles en anglais ici, et ) et ce second tome, dont le sous-titre est « Désillusion » ? Citons l’auteur à travers quelques-uns de ses dessins. Tout d’abord Google est une entreprise innovante comme le rappelle Manu Cornet à travers le quiz suivant dont vous trouverez les réponses en fin d’article.

Pourtant l’auteur a vécu ces dernières années chez Google avec une certaine difficulté. En voici quelques exemples:

Ses sentiments que Google est en train de devenir une entreprise normale avec ses mauvaises habitudes de bureaucratie, son manque de transparence et, pire encore, le mauvais traitement du harcèlement sont effrayants…

Finissons tout de même sur une note rafraichissante, typiquement écrite par un vrai nerd!

Post-scriptum (avant les réponses au quiz):

Un post-scriptum pour refermer la boucle de ces 3 articles sur les désillusions dans l’innovation. Un article scientifique récent semble soutenir certains des arguments de Michael Gibson dans Paper Belt on Fire. France Culture dans Les publications scientifiques deviennent de moins en moins “innovantes” (voir la fin de la page) cite une publication de chercheurs de l’université du Minnesota, Papers and patents are becoming less disruptive over time. Une lecture intéressante pour ceux que le sujet interpelle.

Réponses au quiz

Post-scriptum (en date du 22 août 2023): Page et Brin ne donnent pas beaucoup d’interview, la dernière en date que j’ai trouvée est celle-ci.

Optimisme et désillusions dans la Silicon Valley. Partie 2 : l’interview de Steve Jobs dans Playboy

C’est la troisième fois que je peux associer le magazine Playboy aux startups technologiques. Étrange.

En 1971, Intel entra en bourse le même jour que Playboy et son co-fondateur, Gordon Moore, raconte avec humour dans Something Ventured : Et quelques années plus tard l’un des analystes : « Le marché a parlé. Ce sont des chips sur des chicks, 10 contre 1. » Il n’a pas exactement dit cela, mais quelque chose de similaire. Je vous laisse chercher si vous le souhaitez…

En 2004, l’interview dans le même magazine des fondateurs de Google, The Google Guys, les nouveaux milliardaires d’Amérique, fut très controversée et faillit annuler l’entrée en bourse du célèbre moteur de recherche. Voir par exemple Google indique que l’article de Playboy pourrait être coûteux.

Et je viens de découvrir qu’en 1984, le magazine publia une longue interview de 13 pages de Steve jobs, la nouvelle star de la Silicon Valley : Steven Jobs, une conversation ingénue sur la fabrication d’ordinateurs, sur les erreurs et sur les millions avec le jeune entrepreneur qui a déclenché une révolution commerciale. En voici quelques extraits:

À propos des ordinateurs

Nous vivons dans le sillage de l’évolution pétrochimique d’il y a 100 ans. La révolution pétrochimique nous a donné de l’énergie gratuite – de l’énergie mécanique gratuite, dans ce cas. Cela a changé les textures de la société à bien des égards. Cette révolution, la révolution de l’information, est aussi une révolution d’énergie gratuite, mais d’un autre genre : une énergie intellectuelle gratuite. C’est très rudimentaire aujourd’hui, mais notre ordinateur Mackintosh consomme moins d’énergie qu’une ampoule de 100 watts pour fonctionner et il peut vous faire gagner des heures par jour. Que pourra-t-il faire d’ici 10 ou 20 ans, ou d’ici 50 ans ? Cette révolution éclipsera la révolution pétrochimique. Nous sommes à l’avant-garde.

Les ordinateurs seront essentiels dans la plupart des foyers. La raison la plus convaincante d’acheter un ordinateur pour la maison sera de le relier à un réseau de communication national. Nous n’en sommes qu’au début de ce qui sera une percée vraiment remarquable pour la plupart des gens – une percée aussi remarquable que le téléphone.

C’est souvent la même chose avec toute nouvelle chose révolutionnaire. Les gens se figent en vieillissant. Nos esprits sont des sortes d’ordinateurs électrochimiques. Vos pensées construisent des modèles comme des échafaudages dans votre esprit. Vous gravez vraiment des motifs chimiques. Dans la plupart des cas, les gens restent figés dans ces schémas, tout comme pour les sillons d’un disque, et ils n’en sortent jamais.

C’est une personne rare, celle qui grave des sillons qui ne soient pas une façon particulière de voir les choses, une façon particulière d’interroger les choses. Il est rare de voir un artiste dans la trentaine ou la quarantaine contribuer vraiment à quelque chose d’incroyable. Bien sûr, il y a des gens qui sont naturellement curieux, toujours des petits enfants émerveillés par la vie, mais ils sont rares.

À propos de l’innovation

Ce qui se passe dans la plupart des entreprises, c’est que vous ne gardez pas des personnes formidables dans des environnements de travail où l’accomplissement individuel est découragé plutôt qu’encouragé. Les gens formidables partent et vous vous retrouvez avec la médiocrité. Je le sais, parce que c’est comme ça qu’Apple a été construite. Apple est une entreprise d’Ellis Island. Apple est construite sur des réfugiés d’autres entreprises. Ce sont les contributeurs individuels extrêmement brillants qui ont été des fauteurs de troubles dans d’autres entreprises.

Polaroid a fait cela pendant quelques années, mais finalement le Dr Land, l’un de ces brillants fauteurs de troubles, a été invité à quitter sa propre entreprise – ce qui est l’une des choses les plus stupides dont j’aie jamais entendu parler.

À propos de la croissance

Quoi qu’il en soit, l’un de nos plus grands défis et celui sur lequel je pense que John Sculley et moi devrions être jugés dans cinq à dix ans est de faire d’Apple une entreprise incroyablement réussie de dix ou 20 milliards de dollars. Y aura-t-il encore l’état d’esprit qu’il y a aujourd’hui ? Nous explorons un nouveau territoire. Il n’y a pas de modèles vers lesquels nous pouvons nous tourner pour notre forte croissance, pour certains des nouveaux concepts de gestion que nous avons. Nous devons donc trouver notre propre chemin.

La façon dont cela va fonctionner est que dans notre entreprise, afin de continuer à être l’un des principaux contributeurs, nous allons devoir compter sur une entreprise de dix milliards de dollars. Cette croissance est nécessaire pour nous permettre de se maintenir avec la concurrence. Notre souci est de savoir comment devenir cela, plutôt que l’objectif du dollar, qui n’a pas de sens pour nous.

Il reste peut-être des imitateurs dans la fourchette de 100 000 000 $ à 200 000 000 $, mais être une entreprise à 200 000 000 $ signifie que vous luttez pour votre survie, et ce n’est pas vraiment une position à partir de laquelle innover. Non seulement je pense qu’IBM éliminera ses imitateurs en fournissant des logiciels qu’ils ne peuvent pas fournir, mais je pense qu’elle finira par proposer une nouvelle norme qui ne sera même pas compatible avec ce qu’elle fabrique actuellement – car elle est trop restrictive .

[Steve Jobs fut un visionnaire, mais il ne pouvait pas avoir toujours raison. Regardez Dell, Compaq, Lenovo, HP et Intel/Microsoft…]

J’avais pensé à vendre 1 000 000 d’ordinateurs par an, mais ce n’était qu’une idée. Quand cela se produit réellement, c’est une chose totalement différente. Donc ce fut : « Putain de merde, c’est en train de se réaliser ! » Mais ce qui est difficile à expliquer, c’est que cela ne se passe pas du jour au lendemain.

L’année prochaine sera ma dixième année. Je n’avais jamais rien fait de plus d’un an dans ma vie. Six mois pour moi, c’était long quand on a lancé Apple. C’est donc ma vie depuis que je suis une sorte d’adulte libre. Chaque année a été si remplie de problèmes, de succès, d’expériences d’apprentissage et d’expériences humaines qu’une année est une vie chez Apple. Cela fait donc dix vies.

Il y a un vieux dicton hindi qui me vient à l’esprit de temps en temps : « Pendant les 30 premières années de votre vie, vous façonnez vos habitudes. Pendant les 30 dernières années de votre vie, vos habitudes vous façonnent. Comme je vais avoir 30 ans en février, l’idée m’a traversé l’esprit.

Et je ne suis pas sûr. Je resterai toujours connecté avec Apple. J’espère que tout au long de ma vie, j’aurai en quelque sorte le fil de ma vie et le fil d’Apple tissés l’un dans l’autre, comme une tapisserie. Il peut y avoir quelques années où je ne serai pas là, mais je reviendrai toujours.

À propos de l’intelligence artificielle

Les premiers jeux vidéo ont capturé les principes de la gravité. Et ce que la programmation informatique peut faire, c’est capturer les principes sous-jacents, l’essence sous-jacente, puis faciliter des milliers d’expériences basées sur cette perception des principes sous-jacents.

Maintenant, et si nous pouvions capturer la vision du monde d’Aristote – les principes sous-jacents de sa vision du monde ? Ensuite, vous pourriez poser une question à Aristote. Ok, vous pourriez dire que ce ne serait pas exactement ce qu’était Aristote. Tout pourrait être faux. Mais peut-être pas.

Une partie du défi, je pense, est de fournir ces outils à des millions et des dizaines de millions de personnes et de commencer à affiner ces outils afin qu’un jour nous puissions grossièrement, puis dans un sens plus raffiné, capturer un Aristote ou un Einstein ou un Land de son vivant.

C’est pour quelqu’un d’autre. C’est pour la prochaine génération. Je pense qu’un défi intéressant dans ce domaine de la recherche intellectuelle est de devenir obsolète avec élégance, dans le sens où les choses changent si vite que certainement d’ici la fin des années 80, nous voulons vraiment passer les rênes à la prochaine génération, de sorte qu’ils peuvent continuer, se tenir sur nos épaules et aller beaucoup plus loin. C’est un défi très intéressant, n’est-ce pas ? Comment devenir obsolète avec grâce.

Post-Scriptum : difficile d’ajouter quelque chose à cette belle conclusion et pourtant je souhaite créer un lien (assez artificiel) entre ces deux premières parties. Je viens de le découvrir en terminant cet article et la coïncidence est assez jolie.

Je ne connaissais pas cette interview de Steve Jobs. Beaucoup plus connu, célèbre même est le discours qu’il donna en 2005 à l’université de Stanford, pour la remise des diplômes des étudiants (son « commencement speech » qui fut la motivation de mon premier article sur ce blog.)

Par coïncidence, Michael Gibson termine son livre Paper Belt of Fire par l’analyse d’un autre discours donné en 2005 et considéré par certains comme un des plus beaux avec celui de Jobs. Il s’agit de « This is water » de David Foster Wallace, dont vous trouverez ici l’intégralité sur This Is Water: Some Thoughts, Delivered on a Significant Occasion, about Living a Compassionate Life. .

En voici la conclusion:

The capital-T Truth is about life BEFORE death.

It is about the real value of a real education, which has almost nothing to do with knowledge, and everything to do with simple awareness; awareness of what is so real and essential, so hidden in plain sight all around us, all the time, that we have to keep reminding ourselves over and over:

“This is water.”
“This is water.”

It is unimaginably hard to do this, to stay conscious and alive in the adult world day in and day out. Which means yet another grand cliché turns out to be true: your education really IS the job of a lifetime. And it commences: now.

[Et ma traduction rapide:

La Vérité avec un V majuscule concerne la vie AVANT la mort.

Il s’agit de la valeur réelle d’une véritable éducation, qui n’a presque rien à voir avec la connaissance, et tout à voir avec la simple prise de conscience ; conscience de ce qui est si réel et essentiel, si caché à la vue tout autour de nous, tout le temps, que nous devons nous rappeler sans cesse :

« C’est de l’eau. »

« C’est de l’eau. »

Il est incroyablement difficile de faire cela, de rester conscient et vivant dans le monde des adultes jour après jour. Ce qui signifie qu’un autre grand cliché s’avère être vrai : votre éducation EST vraiment le travail de toute une vie. Et ça commence : maintenant.]

Optimisme et désillusions dans la Silicon Valley. Partie 1: La couronne de papier en feu

J’ai donc demandé à Gates : « Que pensez-vous de l’idée que nous ne voyons pas autant d’innovation et de progrès scientifiques que nous le devrions ? Que le rythme des progrès est au point mort ? »
« Oh, vous êtes pleins de merde. Merde totale… »

C’est ainsi que Bill Gates réagit à la page XI du livre Paper Belt on Fire, How Renegade Investors Sparked a Revolt against the University aux idées Michael Gibson qu’il décrit en détail dans son récent livre. Un titre que l’on pourrait traduire par La couronne de papier en feu.

Le livre est à la fois passionnant et frustrant, convaincant parfois et énervant à d’autres moments. Mais permettez-moi de mentionner ce qui me questionne.

La thèse centrale du livre comporte quatre parties. La première est que la science, le savoir-faire et la sagesse sont la source de presque tout ce qui est bon : un niveau de vie plus élevé ; des vies plus longues et en meilleure santé; des collectivités prospères; des villes éblouissantes; des ciels bleus; des philosophies profondes; l’épanouissement des arts; et tout le reste. La deuxième est que le rythme de progrès de la science, du savoir-faire et de la sagesse s’est stabilisé depuis trop longtemps. Nous n’avons pas fait de progrès scientifiques, technologiques ou philosophiques à la vitesse dont nous avions besoin depuis environ 1971. (Nonobstant les ordinateurs et les smartphones.) La troisième affirmation est que l’échec complet et total de notre éducation, du K-12 à Harvard, est un exemple de cette stagnation. Nous ne sommes pas très doués pour éduquer les gens et nous n’avons pas beaucoup amélioré l’apprentissage des élèves en plus d’une génération, même si nous dépensons trois à quatre fois plus par élève à n’importe quel niveau. Notre manque de progrès dans la connaissance de la manière d’améliorer les résultats des élèves a grandement contribué au déclin de la créativité dans à peu près tous les domaines. Le dernier point principal est que le sort de notre civilisation dépend du remplacement ou de la réforme de nos institutions peu fiables et corrompues, qui comprennent à la fois l’école publique locale et l’ensemble de l’Ivy League. Mes collègues et moi essayons de tracer une voie dans le domaine de l’éducation. Nous pouvons nous tromper dans nos méthodes, mais notre diagnostic est correct. [Pages XIX-XX]

Quels sont les traits des grands fondateurs ? [Pages 89-96]

Contrôle des bords, ramper-marcher-courir, hyperfluidité, profondeur émotionnelle et résilience, une motivation durable, l’éclat alpha-gamma tension, l’ambition sans ego et la sphère de Dyson du vendredi soir.

Edge control (Contrôle des bords): une volonté jour après jour, de défier la frontière entre le connu et l’inconnu, l’ordre et le désordre, la vision et l’orgueil.

Crawl-walk-run (ramper-marcher-courir): une équipe fondatrice doit avoir l’intelligence nécessaire pour construire ce qu’elle va construire. […] La meilleure façon de dépister ces traits est de les voir jouer dans la nature. Il faut du temps pour voir leur évolution.

Hyperfluidité : les meilleurs fondateurs ont le charme d’un colporteur et la rigueur d’un physicien. […] Ils parlent avec une compétence fluide.

Profondeur émotionnelle et résilience : les fondateurs d’une entreprise doivent avoir l’intelligence sociale et émotionnelle pour embaucher, travailler avec les clients, lever des fonds auprès des investisseurs et se mêler aux co-fondateurs. La complexité de cet effort total est incroyablement exigeante et émotionnellement épuisante.

Tensive brilliance (Éclat en tension) : ce que nous avons remarqué, c’est que les créatifs ont tendance à avoir une unité née de la variété. Cette unité peut avoir une forte tension, car elle tente de concilier les contraires. Initié mais marginal, familier mais extérieur, étrange mais pas étranger, jeune d’âge mais plus âgé d’esprit, membre d’une institution mais paria social – toutes sortes de polarités qui se prêtent au dynamisme. C’est en partie, je crois, pourquoi les immigrants et les citoyens de première génération montrent une forte productivité pour l’entrepreneuriat. Ils sont identiques, mais différents.

Ambition sans ego : d’un côté, il y a un engagement intense à faire de grandes choses. Mais de l’autre côté, il y a un élément de détachement, une attitude libre et sereine qui traite le triomphe et le désastre de la même manière.

Friday-night-Dyson-sphere (la Sphère de Dyson du vendredi soir): le physicien Freeman Dyson a imaginé une fois une sphère de matériau absorbant la lumière entourant tout notre système solaire à sa périphérie. L’un des moments les plus électrisants pour nous est lorsqu’une équipe nous convainc, par une série d’étapes plausibles étayées par des preuves, qu’elle est capable de transformer un stand de limonade en une entreprise qui construit des Sphères de Dyson. De plus, il est clair qu’ils préfèrent bricoler un vendredi soir quand tous les gamins cools font la fête.

Le fonds 1517 [1]

« Nous sommes nommés d’après l’année où Martin Luther a cloué ses quatre-vingt-quinze thèses sur la porte d’une église dans une petite ville allemande. Cela a commencé une révolution, la Réforme Protestante. Mais tout a commencé parce qu’il protestait contre la vente d’un bout de papier appelé indulgence. En 1517, l’église disait que ce morceau de papier coûteux pourrait sauver votre âme. En 2015, les universités vendent un autre morceau de papier coûteux, le diplôme, en disant que c’est le seul moyen de sauver votre âme. Eh bien, c’était des conneries alors. Et ce sont des conneries aujourd’hui. » [Page 144]

D’une part, la plupart des fonds de capital-risque échouent. Des singes aveugles qui lancent des fléchettes pour sélectionner des actions obtiendraient de meilleurs résultats que l’investisseur qui a choisi le fonds de capital-risque moyen. Le capital-risque médian rapporte environ 1,6 % de moins que si quelqu’un plaçait simplement son argent dans un fonds commun de placement indiciel. [Page 147]

Pour accélérer les progrès, nous avons besoin que les jeunes travaillent aux frontières de la connaissance plus tôt qu’ils ne l’ont fait par le passé. Ils ont aussi besoin de plus de liberté. Cela signifie que les institutions leur fassent confiance pour prendre des risques et faire preuve d’un certain contrôle sur leurs recherches. Nous devons considérer comme une loi assez prévisible de la créativité que l’inconnu doit toujours traverser l’étrange avant que nous puissions le comprendre.
Les universités ont rempli cette fonction de recherche dans le passé et continueront de le faire. Mais ellese sont tourmentés par quatre réalités. La première est la lenteur d’une éducation formelle basée sur des diplômes. Il faut quatre ans pour obtenir un bachelor, puis sept ou huit ans pour obtenir un doctorat. Deuxièmement, les universités sont devenues des ruches de pensée de groupe. Troisièmement, l’octroi de bourses est motivé par le prestige, la crédibilité et une mentalité sans prise de risque (« cover your ass »). Quatrièmement, les incitations des institutions académiques récompensent les calculs politiques avisés, l’incrémentalisme, les horizons à court terme et une hiérarchie des statuts dans laquelle la loyauté est plus récompensée que l’avancement des connaissances.
[Pages 261-2]

À propos de l’éducation

La bonne nouvelle est que deux méthodes bon marché et relativement faciles à utiliser se distinguent comme étant les plus efficaces pour améliorer les performances des élèves : les auto-tests pratiques et la pratique distribuée. La pratique distribuée est lorsque les étudiants établissent et s’en tiennent à un calendrier de pratique cohérent au fil du temps. (Son antithèse est le bachotage.) La pratique n’est pas une simple répétition, mais un effort délibéré pour améliorer les performances dans la zone de Boucle d’Or où le succès n’est ni trop facile à gagner, ni le défi trop difficile. L’auto-test en tant que technique ne doit pas être confondu avec des tests standardisés à enjeux élevés, mais plutôt comme un moyen de sonder fréquemment les limites des connaissances dans un domaine. […] L’auto-évaluation cohérente et la pratique distribuée sont les techniques d’apprentissage les plus efficaces, mais elles sont aussi les plus pénibles, car ces deux stratégies nécessitent de la discipline, de l’énergie et des efforts individuels.

Ensuite, il y a les questions plus intangibles qui nécessitent notre attention. Comment pouvons-nous encourager les élèves à rechercher la vérité, indépendamment de l’approbation des autres ? Comment enseignons-nous la désobéissance civile, en formant nos jeunes à se battre pour ce qui est juste ? Ou comment pratiquer la gratification différée pour des objectifs valables à long terme ? Est-ce même possible à enseigner? Personne n’a pris la peine de demander. [Pages 301-302]

Si vous n’êtes pas énervé et toujours intrigué, vous pouvez lire son dernier chapitre autour de James Stockdale et David Foster Wallace.

Maintenant, ce que j’ai trouvé énervant, c’est l’énorme différence entre les exceptions, les anecdotes dans un système et un problème de statistique sociale. Je ne citerai qu’un grand roman plutôt méconnu, Les Thibault de Roger Martin du Gard : « Je vous avoue que je ne sais plus très bien ce que je lui ai conseillé. J’ai dû – naturellement – l’engager à ne pas abandonner l’École. Pour des êtres de sa trempe, notre enseignement est, somme toute, inoffensif : ils savent choisir, d’instinct ; ils ont – comment dirais-je – une désinvolture de bonne race, qui ne se laisse pas mettre en lisière. L’École n’est fatale qu’aux timides et aux scrupuleux. Au reste, il m’a paru qu’il venait me consulter pour la forme et que sa résolution était prise. C’est justement l’indice d’une vocation, qu’elle soit impérieuse. C’est bon signe qu’un adolescent soit en révolte, par nature, contre tout. Ceux de mes élèves, qui sont arrivés à quelque chose étaient tous de ces indociles. » [Page 754 du volume 1, collection folio]

[1] Je n’ai pas mentionné jusqu’à présent et je le fais dans cette note de bas de page que Gibson appartient en quelque sorte à la mafia PayPal des anarcho-libertaires qui incluent Peter Thiel et Elon Musk. Gibson a cogéré la bourse Thiel et aujourd’hui le fonds 1517. Il y a des boursiers notables comme indiqué sur Wikipedia. Maintenant, citant Peter Thiel, les destinataires ont-ils fait mieux que ce dont il rêvait : « Nous voulions des voitures volantes, nous avons obtenu 140 caractères à la place » ou ont-ils vraiment répondu à sa célèbre question « Qu’est-ce que vous croyez être vrai que le reste du monde pense faux ? » [Page 60]

Le transfert de technologie selon l’EPFL et les règles pour les startups

Le transfert de technologie a des pratiques relativement standardisées, mais il n’est pas si facile de les lire. L’Office de Transfert de Technologies (OTT) de l’École Polytechnique de Lausanne (EPFL) a eu la bonne idée de publier comment il gère la situation spécifique de la création de start-up. En mars 2022, l’institut a publié ses New Guidelines for start-ups at EPFL. C’est un document très intéressant et je conseille aux personnes curieuses du sujet de le lire. « J’aurais aimé l’avoir quand j’ai lancé ma start-up ! » a déclaré l’une des entrepreneurs de l’EPFL. Dans le même temps, le responsable de l’OTT de l’EPFL a été interviewé par Nature Communications et le document vaut également la peine d’être lu. Voici le lien : A conversation on technology transfer. Je le citerai en fin d’article.

Voici quelques données :

– Pour les licences exclusives, l’EPFL obtient soit un nombre d’actions équivalent à 10% du capital de la start-up lors de la constitution, soit une part inférieure du capital non diluée jusqu’à ce que la start-up ait reçu un certain montant d’investissement en capital , par exemple. 5% du capital non dilué jusqu’à ce que l’investissement total cumulé atteigne le montant de 5 MCHF, quelle que soit la valeur de l’entreprise.

– Des redevances sont applicables sur les ventes et dépendent de l’industrie
Pharmacie 2–5 %
Technologie médicale 2–4 %
Capteurs, optique et robotique 1,5–3 %
Sciences de l’environnement et énergie 1–3 %
Informatique et communication 1,5–3 %
Semi-conducteurs 1–3%
Logiciel 1-25%
(ce dernier % peut être surprenant et je suppose qu’il s’applique aux licences de logiciels entièrement utilisables en tant que produit)

– Sortie : Au moment de la sortie, l’EPFL examinera avec diligence toute demande d’une start-up de transférer les brevets licenciés à une société acquéreuse qui s’est engagée et qui a la capacité de développer et de commercialiser davantage la technologie. Les sociétés fourniront les informations commerciales nécessaires pour permettre à l’EPFL de comprendre les besoins d’un tel transfert et, dans le cas d’un rachat de redevances, d’évaluer les brevets sous licence en termes de ventes potentielles.

Comme promis quelques éléments intéressants de l’interview. Les mots en gras sont mon choix.

« Contrairement à ce à quoi on pourrait s’attendre, le facteur principal n’est pas nécessairement l’idée ou la technologie elle-même, mais l’implication des personnes. L’engagement actuel et futur des individus impliqués dans la commercialisation de la technologie est primordial, tant du côté académique qu’industriel. La commercialisation des technologies est un long parcours, du développement à la première vente en passant par la réduction des risques, y compris le prototypage et les validations cliniques préliminaires, l’analyse du marché et l’industrialisation. Comme aucune technologie ne trouvera la voie de la commercialisation par elle-même, un engagement à long terme est essentiel. »

« L’entrepreneuriat est un moyen efficace d’augmenter les chances, en ayant un seul acteur dans le transfert et jouant les deux rôles. Bien que cette stratégie nécessite un double engagement en termes de temps et de prise de risque, elle peut conduire à une récompense potentielle plus élevée pour le chercheur.

« C’est certainement une évolution positive que les doctorants et les post-doctorants aient désormais une troisième option à envisager en plus de rester dans le milieu universitaire ou de prendre un emploi dans l’industrie – celle de devenir entrepreneur – et il existe un nombre croissant d’excellents exemples d’entrepreneurs et de modèles de start-up. »

« Si la motivation personnelle et l’engagement dans l’entrepreneuriat sont présents, la voie de la start-up est la voie à suivre. Il est important de comprendre que de nombreux OTT ne créent pas de start-ups. Les chercheurs, en tant que « fondateurs », le font.

Un grand merci à mes chers anciens collègues en Suisse pour avoir mentionné cette information très nécessaire.