Archives de l’auteur : Herve Lebret

L’âge des fondateurs

Comme je l’ai indiqué dans mon récent post (en anglais seulement) sur Carbonite, j’ai promis de revenir sur le sujet de l’âge des fondateurs après des commentaires de Pascale sur un autre de mes posts en anglais,
Is There A Peak Age for Entrepreneurship?

Or j’ai des données que je n’avais pas exploitées jusqu’ici, avec lesquelles je vous ennuie peut-être quand je publie mes tables de capitalisation de start-up qui vont en bourse. Ces sociétés publient l’âge de leurs dirigeants si bien que si les fondateurs sont encore présents lors de l’IPO, je peux en déduire leur âge à la fondation. De plus les biographies donnent aussi les start-up précédemment créées par ces entrepreneurs. J’ai donc fait un rapide exercice hier que j’ai classé en 2 groupes. Le premier regroupe essentiellement des IPOs assez récentes 8depuiws 5 à 10 ans) et le second, des start-up des années 90 ou même avant. Notez que dans mon livre, j’arrivais à une moyenne de 27 ans pour les start-up célébrissimes.

Voici donc le 1er groupe (52 fondateurs issus de 25 start-up):

Et voici le groupe des sociétés plus anciennes (53 fondateurs issus de 22 start-up) avec non seulement la moyenne du groupe mais aussi des deux groupes en fin de tableau.

Ce ne sont pas des statistiques mais des anecdotes et notez de plus que si je n’avais pas l’âge, j’ai aussi regardé le parcours académique avec l’hypothèse que l’on obtient son BS à 21 ans environ. La moyenne est à 34, et surtout augmente de 31 à 35. Clairement pas les 27 ans de mes stars, mais pas non plus les 40 ans des études récentes. je vous laisse décider si le verre est à moitié vide ou à moitié plein. Je reste intrigué par le fait que les « stars » semblent être beaucoup plus jeunes (en admettant que cette nouvelle hypothèse soit correcte!).

Un dernier commentaire qui n’est pas lié au sujet: le « nombre d’années de la création à l’entrée en bourse (IPO) » passe de 3.7 à 6.8, avec une moyenne à 5. Les chiffres restent bien inférieurs à mes mesures anecdotiques en Europe (de l’ordre de 9, voire 10 ans).

L’industrie et la recherche sont toujours deux mondes cloisonnés

Voici la synthèse d’un entretien que j’ai eu avec Jacques Marouani (ElectroniqueS) qui suit ma participation à la table ronde des 5 ans de Minalogic à Grenoble, il y a quelques jours (voir antre autres la fresque qui en a résulté plus bas).

D’origine française, Hervé Lebret a passé une partie de sa vie professionnelle dans la SiliconValley et dirige aujourd’hui une structure de transfert de technologies à l’EPFL (Ecole polytechnique fédérale de Lausanne) qui remporte un grand succès auprès des start-up. Il estime que les collaborations entre recherche et industrie ne sont pas assez ouvertes.

Comment percevez-vous le rapprochement de l’industrie et de la recherche, notamment dans le cadre des pôles de compétitivité en France?
Le concept d’«innovation ouverte» selon lequel les grands groupes rechercheraient des partenariats avec des start-up et des laboratoires de recherche est trompeur. Il s’agit juste pour eux d’ouvrir leurs portes, mais de façon sélective, pour profiter de technologies dont ils ont besoin. Ils créent des sortes de constellations dans lesquelles les start-up sont prisonnières comme le sont les planètes de notre système solaire. Dans le cadre de ces collaborations fermées, ils tirent des bénéfices du savoir que leur apportent les start-up ou les chercheurs qui ont de bonnes idées. En se contentant de ces apports, il en résulte un manque d’échanges entre les partenaires. Cela n’aide pas la communauté industrielle et scientifique. En faisant en sorte que les résultats de leurs travaux de recherche ne soient pas disponibles pour tous, le brassage des idées et des connaissances ne peut pas avoir lieu. Sous couvert des pôles de compétitivité, les grands groupes roulent pour eux. Alors que ces pôles devraient être des facilitateurs d’innovation, ils créent en réalité de nouveaux cloisonnements.

Vous avez passé une partie de votre vie professionnelle dans la Silicon Valley. Quels enseignements en tirez-vous?
Dans la Silicon Valley, rien n’est formalisé. C’est le règne du «bottom-up» qui prévaut, alors qu’en France, les directives viennent davantage d’en haut. Aux Etats-Unis, des ingénieurs se rencontrent dans des bars pour parler d’innovation avec une totale liberté de parole, telle «Wagon Wheel Bar». Dans les années 70 et 80, de nombreux ingénieurs de chez Fairchild, National et autres se rencontraient autour d’une bière pour parler des problèmes qu’ils rencontraient dans la production ou la vente de semi-conducteurs. Le «Wagon Wheel Bar» était un lieu de rencontres où même les compétiteurs les plus vifs échangeaient des idées. Je ne suis pas certain que les pôles de compétitivité soient parvenus à une telle ouverture. Les systèmes innovants doivent avoir cinq composantes: des universités et des centres de recherche haut de gamme, une industrie du capital-risque agrégeant financiers institutionnels et investisseurs privés, des professionnels qui puissent apporter leur expérience, une offre de services incluant avocats, chasseurs de têtes, spécialistes des relations publiques, mais surtout un esprit pionnier qui encourage la culture entrepreneuriale. Or, ce dernier ingrédient est souvent ignoré de ce côté de l’Atlantique.


Mais cette plus grande ouverture que vous prônez pose des problèmes de propriété intellectuelle. Cela ne constitue-t-il pas un risque pour les inventeurs de s’exprimer si librement?

C’est pour cette raison que cet esprit d’ouverture n’existe pas en Europe. L’essentiel est d’aller plus vite que son concurrent, et ainsi de garder une longueur d’avance sur lui. C’est celui qui court le plus vite qui gagne. Et le temps que les gens vous copient, vous les aurez dépassés. Soyons le plus créatifs possible et nous serons les meilleurs. Est-ce que Microsoft ou Airbus sont menacés dans leur existence par des vols de brevets? Je ne le crois pas. En cherchant toujours à nous protéger, nous oublions qu’il faut d’abord être créatif pour gagner la bataille de l’innovation. La notion de propriété intellectuelle n’est pas si critique que certains l’avancent. Elle a un effet de ralentisseur et recèle peut-être plus d’effets pervers que d’effets positifs. En Silicon Valley, nous entendons souvent des inventeurs se dire «essayons cette idée». C’est une région de migrants où il existe une grande émulation, alors que dans d’autres régions des Etats-Unis et en Europe, il y a une plus grande culture de la confidentialité. L’autre atout de la Silicon Valley est que tout est concentré dans un rayon de 100 kilomètres, alors qu’en Europe, il est nécessaire de sans cesse prendre l’avion pour rendre visite à des start-up, car elles sont disséminées sur tout le territoire, et aussi en Israël où il y a un vivier important de jeunes entrepreneurs.

Comment en êtes-vous venu à créer votre structure de transfert de technologies, Innogrants, au sein de fEPFL?
Dans les années 90, des amis m’ont proposé de rejoindre une start-up. A cette époque, je me demandais si beaucoup de chercheurs avaient entendu ce mot en France. Puis en 1997, je me suis associé à la création d’un fond de capital-risque, Index Ventures, à Genève. Maintenant, à l’EPFL, j’aide les étudiants à lancer leurs start-up. J’essaie de leur communiquer cette envie dans le cadre d’un programme de soutien à la création d’entreprises innovantes. Je me suis inspiré du «Deshpande Center» américain dont le fonctionnement a été basé sur l’octroi de bourses à des étudiants du MIT. Mon budget provient de l’EPFL et de fonds privés, généralement des mécènes. En six ans, nous avons reçu 300 demandes et j’ai financé à ce jour 48 projets qui ont donné naissance à 25 start-up dont certaines croissent rapidement, à l’américaine. Chaque projet reçoit en moyenne 70000€, ce qui correspond à une dépense annuelle de l’ordre de 600000€, tous domaines confondus. Le problème, en France, c’est que nous n’avons pas de «business-angels» suffisamment fortunés ou de grands groupes qui accepteraient de jouer le rôle de mécènes.

PROPOS RECUEILLIS PAR JACQUES MAROUANI

Quand Wavecom surfait

Wavecom fut une des stars des start-up françaises et même européennes. Ma lecture de vieux articles du Red Herring m’a rappelé cette belle mais trop brève histoire.

J’en traduis un passage: « Lorsque Wavecom a été fondée en 1993, l’entreprise occupait seulement quelques pièces dans un immeuble de Paris. Maintenant il a repris l’ensemble du bâtiment et emploie plus de 200 personnes y compris à San Diego et à Hong Kong. En Juin la société est devenue publique sur le Nasdaq (WVCM) et sur la Nouveau Marché français (CAC). Elle fournit WISMOs aux développeurs de téléphones mobiles comme Mitsubishi et Philips, et pour l’automobile la technologie de système de positionnement mondial (GPS) développée par Celestica en Grande-Bretagne. On les trouve aussi dans les terminaux de boucle locale sans-fil de Siemens, et dans les dispositifs de données sans fil de Vodafone. Son taux de croissance annuelle depuis sa fondation en 1993 a été de 68 pour cent. Ses revenus en 1998 de 22 millions de dollars ont déjà été dépassés dans le première moitié de 1999, à 23 millions de dollars-un bond de 9,5 millions de dollars par rapport à la même période un an plus tôt. Contrairement à la plupart des sociétés high-tech américaines, Wavecom jamais dépendu de capital-risque. Au lieu de cela, elle a été rentable dès le début et a connu une croissance organique. Cette croissance par auto-financement de l’entreprise et sa rentabilité initiale sont typiques des sociétés européennes car le capital-risque, traditionnellement, a été difficile à obtenir. »

Wavecom fut en effet fondée par Michel Alard, Aram Hékimian et André Jolivet avec l’aide de Marc Fourrier comme business angel. Fourrier fut aussi un investisseur dans Ilog. La table qui suit donne l’actionnariat de Wavecom lors de son IPO. Il semble y avoir de petites inexactitudes dans l’article du RH:
– il y eut un peu de capital-risque juste avant l’IPO,
– la société fut peut-être profitable dans ses premières années mais pas sur la période 1998-2000.

Mais la vraie mesure du succès initial de Wavecom se lit sur le tableau suivant lorsque Wavecom fit son secondaire. Il faut savoir que l’IPO est un événement important, mais le secondaire qui est moins connu l’est tout autant pour les actionnaires. C’est en général à ce moment que la liquidité devient possible…

Qu’est devenue Wavecom? Les revenus et profits ont suivi une courbe classique. En 2009, Wavecom a été rachetée par Sierra Wireless pour €218M après avoir refusé une offre de Gemalto à €110M.

Pourquoi les start-up échouent

A nouveau, un article intéressant tiré d’un vieux Red Herring, en date d’octobre 1999. Il est intitulé l’Anatomie de l’Échec, et surtout il a été écrit par Geoffrey Moore.


Il n’y a pas grand chose à dire de Moore (if you know him) mais il faut le lire. Dans le paysage de l’Innovation, on eput le situer entre le concept de Whole Product (pdf) de Bill Davidow (Moore travailla chez MDV comme venture partner) et le concept de Customer Developementde Steve Blank’s . (Je reviendrai bientôt sur Blank et son livre The Four Steps to the Epiphany).

En 1999, Moore utilisa ses concept de Gouffre (« Chasm ») et de Tornade (« Tornado ») pour expliquer l’échec des start-up et en voici les quatre raisons:

1- La mort lente: le management traditionnel (suivre son plan d’affaires) ne fonctionne pas. les marchés émergents sont imprédictibles et requièrent de l’agilité.



2- Le piège du gouffre:
si les premiers enthousiastes achètent votre produit initial, il vous faudra une offre autour de ce produit beaucoup plus large (The Whole Product) pour satisfaire le majorité. Sinon, vous serez piégé par le gouffre.

3- Le plongeon dans la tornade: si vous avez la chance de créer un produit universel, la « Killer App », vous n’aurez peut-être pas besoin de franchir le gouffre, et ferez face à son contraire: une incapacité à répondre à une énorme demande et à gérer une hyper-croissance. le rêve devient cauchemar.

4- La zone des morts-vivants: Le tableau qui précède montre une zone que vous longez en partant des marchés émergents en direction du gouffre et/ou de la tornade. La peien et le gain y sont acceptables mais l’expérience montre que vous ne rejoindrez jamais les marchés matures. Le lieu des morts-vivants.

Dans sa conclusion, Moore exprime un certain optimisme et mentionne le bouclement de la boucle (« Full Circle »): si vous comprenez assez vite que vous courrez à l’échec (« Fail Fast »), vous pouvez réagir (en ne suivant pas le plan initial) et éviter les périls. Alors le succès reste possible. J’ai scanné cet article pour ceux que cela intéresserait. je peux l’envoyer par email.

PS (2021): Apparemment, le lien avec le pdf sur le Whole Product est rompu. Voici une vidéo de Bill Davidow qui pourrait être le même événement.

Préparez vous à un carnage dans l’internet

Une autre de mes lectures récentes de vieux magazines Red Herring. L’analyse et les prévisions sont excellentes et offrent de bonnes leçons pour aujourd’hui … Dans la même numéro, celui d’octobre 98, j’ai trouvé de brefs articles sur des entreprises nous avions financé chez index. Ces trois sociétés publiques sont allé en bourse plus tard … donc un petit morceau supplémentaire pour la nostalgie.

Préparez vous à un carnage dans l’internet
Par Anthony B. Perkins
Un bon moyen de confronter le réel au fantasme est une conversation avec Don Valentine, de Sequoia Capital. Les fonds d’amorçage et les conseils judicieux de M. Valentine ont joué un grand rôle dans de nombreuses histoires de la Silicon Valley comme Apple, 3Com, Cisco et Yahoo. Il a été, avec le fondateur de Netscape Jim Clark, a été le premier à proclamer dans nos pages, en 1994, que l’Internet était en effet l’autoroute de l’information, et pas seulement un « téléviseur avec une boîte à pizza posée dessus» (voir «le prochain pari de Don Valentine est C-Cube Microsystems », mai 1994 Page 58). Nous avons récemment testé M. Valentine, plutôt avare de propos, à nous dire comment il pense que le marché de l’Internet va se développer. Ses réflexions sont instructives.

D’abord, il note que, comme les puces et les PC, le marché de l’Internet est en croissance organique plutôt qu’il résout le moindre problème évident, qui aurait était important dans un grand marché existant. M. Valentine raconte avoir été chez Fairchild Semiconductor, lorsque lui et le futur fondateur d’Intel, Bob Noyce se furent émerveillé de l’invention de la puce, mais en même temps, se demandaient à quoi elle pourrait bien servir. Les débuts d’Apple étaient sensiblement les mêmes. « Je me demandais ce que les gens allaient faire avec l’Apple II. Il n’y avait pas de réponse! » déclare M. Valentine. En revanche, le boom des réseaux a été de résoudre gros problèmes importants pour les sociétés. « Quand Cisco est apparu, il s’adressait à un environnement désespérément en quête d’une solution », explique t-il.

Du point de vue du capital-risque, M. Valentine croit qu’il est préférable d’investir dans les marchés qui réclament de nouveaux produits que dans la création de nouveaux marchés. « Au cours des deux précédentes époques-puces et PC-beaucoup d’entreprises sont tombés d’une falaise», dit-il. «Alors que dans le monde des réseaux, il n’y a presque pas de récession. » En suivant sa logique, M. Valentine prévoit ce que nous avons prédit depuis quelques années maintenant : l’internet va connaître un vrai carnage. Un autre vétéran du VC, Jim Breyer d’Accel Partners, est d’accord avec cette analyse: «Quatre-vingt dix pour cent des sociétés Internet qui existent aujourd’hui finiront par disparaître. » Et Mary Meeker de Morgan Stanley Dean Witter indique que près de 75 pour cent des entreprises sur Internet qui sont devenues publique dans les quatre dernières années se négocient maintenant en dessous de leur prix initial d’offre publique.

Selon M. Valentine, une partie du sur-financement de ces marchés en création peut être attribuée à la lamentable mentalité de moutons de la communauté VC. « Nous avons financé 6o sociétés de disques durs parce que chaque VC a voulu avoir une start-up du domaine dans son portefeuille», nous raconte-il. « La raison pour laquelle nous avons tant de moteurs de recherche est que Yahoo a réussi. Beaucoup de VCs ont donc créé un Infoseek ou Excite ou autre chose, et ont sauté dans le train. Nous faisons la même erreur dans l’ère d’Internet que nous avons faite dans l’ère du PC. Il suffit de penser à l’environnement. Il n’ya pas d’application dans lequel l’Internet résout un problème. Qu’est-ce que l’Internet a fait jusqu’ici? Il me rappelle l’ordinateur Apple en 1978. Il ne fait rien. »

M. Valentine se toutefois sûr de lui sur un aspect de l’Internet: c’est qu’il représente la place de marché la plus efficace pour les biens et services de la planète. «Jamais auparavant le consommateur n’avait toutes les cartes distribuées face à lui, où il peut faire des choix et prendre des décisions en connaissant tous les faits», dit-il. «Dans les marchés traditionnels, les consommateurs ont toujours eu à faire face à la confusion, des langages obscurs et de l’obscurcissement. Acheter quelque chose est souvent une corvée. L’assurance est un excellent exemple de cela; les vendeurs de voitures en est un autre. Maintenant, les consommateurs sont mis dans une position dans laquelle ils ont accès phénoménal à ce qu’ils veulent. « Cela peut sembler d’un intérêt évident pour les entreprises, surtout quand vous regardez la trajectoire de revenu d’une Amazon.com ou contempler les millions que Michael Dell vend en ligne tous les jours, mais la seule chose qui est vraiment évidente, c’est la valeur pour le consommateur. Nous posons la même question que M. Valentine fait: «Comment pouvez-vous faire de l’argent dans ce marché parfait? » Notre problème avec Arnazon.com n’a jamais été son potentiel de vente, mais plutôt, nous nous demandons si la société pourra dégager des marges identiques au reste de l’industrie.

Cette discussion avait lieu lors d’un diner hier soir avec Don Valentine, avec le PDG de Broadview Paul Deninger et l’éditeur du Red Herring, Jason Pontin, et le débat fut animé. Du point de vue de M. Deninger, Amazon.com pourrait bien être l’exception et non la règle. «Regardez, Jeff Bezos, était au bon endroit au bon moment avec le bon produit», a t-il dit. « Mais pour chaque Amazon.com, il y aura 20 faillites. » Son point principal est que «le commerce électronique est une nouvelle façon de faire du commerce, mais pas nécessairement une nouvelle industrie. » Jason intervint avec sa théorie selon laquelle la désagrégation par l’Internet « crée un espace pour une nouvelle agrégation.» (A ce moment, nous en étions à notre quatrième bouteille de vin.) Et je crois que Jason a tout à fait raison. Maintenant que les portails sont mieux organisé sur le Web, et Amazon.com a montré à tous comment faire du commerce sur Internet avec succès, il est temps pour le reste du monde de sauter dans le train. Au lieu de compter sur Yahoo et les principaux portails pour organiser votre expérience, vous allez construire votre page d’accueil avec des liens dans des « mini-portails » représentant vos intérêts spécifiques. Finalement, tous les principaux produits et distributeurs de services seront en ligne et repousseront les startups comme Arnazon.com qui lorgnent leur marché.

Un défenseur de la révolution mini-portail est Jim Moloshok, vice-président de Warner Brothers interactive. Lors de notre récente conférence Red Herring sur Hollywood à Santa Monica, en Californie, M. Moloshok a déclaré la guerre à Sillcon Valley et aux moteur de recherche geeks. Il a averti les producteurs de studios d’Hollywood et les nouveaux types de médias qu’ils sont en danger de perdre le contrôle de leurs destins en ligne si ils ne s’arrêtent pas de donner leurs précieux contenus – télévision, cinéma, et musique – aux sociétés Internet affamées de programmation, et qu’ils devraient commencer à exiger des conditions de licence bien meilleures. «Les sociétés de divertissement vont hypothéquer leur avenir en ligne», a déclaré M. Moloshok. «Ils donnent leur contenu en échange d’une visibilité. Mais les sociétés de divertissement sont essentiellement en train de céder à ces sociétés Internet en jetant leur propriété intellectuelle par la fenêtre  » Tout ce débat me conforte avec les arguments de base de M. Valentine: l’Internet est encore un marché en création. Bien que nous embrassion à bras le corps l’idée qu’il représente un canal de distribution vaste et efficace et fournit un flux d’investissement pour les nouvelles et les contenus de divertissement, sa valeur réelle est encore à venir. Et comme nous tâtonnons long de ce sentier, nous continuerons de voir des entreprises naissantes, comme Broadcast.com et GeoCities aller en bourse. Mais nous allons devoir attendre un certain temps avant de voir qui reste sur la route et tombe de la falaise.
[Pour contacter Tony Perkins, tonynet@redherring.com.]

Pourquoi les prédictions de la plupart des économistes sont fausses.

Dans la continuité de mes posts (en anglais) liés à la lecture de vieux exemplaires du Red Herring, voici un intéressant article de juin 1998. Il est même amusant en raison du mélange de sagesse et d’erreurs… de prédiction. Je vous laisse découvrir ce que Paul Krugman disait sur la difficulté de prédire. Et cela n’est pas sans me rappeler un post sur Peter Thiel, La Technologie, notre salut. J’en fournis ma traduction à la suite des images.

« CHACUN sait que nous vivons dans une époque de progrès technologiques spectaculaires – à un rythme que personne n’aurait pu prévoir. Mais est-ce que ce que chacun sait est vraiment vrai (sic !) ? Récemment je suis allé à la bibliothèque et vérifié un livre autrefois célèbre, l’An 2000 de Herman Kahn, publié en 1967. Le livre est un favori parce qu’il est un parfait exemple de la prévision économique trop optimiste. Kahn, sans doute en s’appuyant sur les opinions de personnes raisonnables, a prédit que dans le dernier tiers du siècle, le niveau de vie serait doublé, malgré une forte réduction du temps de travail. Il pensait que d’ici 2000 une semaine de travail de 30 heures, avec 13 semaines de vacances par an, serait la norme. Il eut ensuite à se soucier des conséquences sociales de temps de loisirs excessifs. Sa prophétie ne s’est pas réalisée, mais la plupart des Américains étaient trop occupés à essayer de joindre les deux bouts pour le remarquer. Pourquoi Kahn était-il ainsi que presque tout le monde si optimiste? Principalement parce qu’il s’attendait à des progrès technologiques spectaculaires, qui pour la plupart, ne se sont pas matérialisés.

Aucun robot
Kahn a fourni un ensemble pratique énumérant 100 innovations qu’il a considéré «très probable» d’ici l’an 2000, plus 25 possibilités peu probables. »

Et il a effectivement assez bien prédit. Parmi les évolutions très probables, de nombreux changements technologiques majeurs ont eu lieu. Il a prédit, par exemple, que la plupart des gens auraient des ordinateurs à la maison et qu’ils seraient capables de les utiliser à la fois pour la recherche de données et pour communiquer. Il a également prédit les téléphones portables, les magnétoscopes et antennes paraboliques à domicile. En effet, je ne peux pas penser à un développement technologique u important depuis 1967 qui n’était pas sur sa liste. Toutes ses erreurs ont été dans la direction opposée. Beaucoup de développements technologiques, qu’il prédit, telles que de nouvelles sources d’énergie, des techniques de construction radicalement moins chères, et des villes sous-marines, ne se sont pas concrétisés. En fait, seulement environ un tiers de ses innovations très probables eu lieu, selon mes calculs, principalement dans les domaines impliquant le traitement des informations, les deux tiers restant n’ont pas eu lieu (Un exemple: si Kahn était sceptique sur des robots ménagers en 1984, il les considérait comme plus ou moins une chose sûre en 2000.) Et pas une des innovations qu’il répertorié comme assez probable n’a eu lieu ou ne semble susceptible de se produire bientôt. En bref, la technologie a fait moins de progrès, pas plus que prévu. Comment cela fait-il, quand les technologies de l’information a fait de tels progrès? Une réponse est que l’input n’est pas le même que l’output. La puissance brute des ordinateurs a progressé à une vitesse étonnante, mais cette avance s’est-elle traduite en une amélioration comparable? Le traitement de texte, pour prendre l’exemple le plus évident, ne s’est pas fondamentalement amélioré depuis la fin des années 80. Et de l’avis de nombreuses personnes que je connais, WordPerfect 5.1 pour DOS a été effectivement meilleur que n’importe lequel des développements qui ont suivi.

Les pics dans les vallées
Une autre explication est que quand tout est dit et fait, les progrès technologiques, dont nous entendons sans cesse parler, ne se produisent que dans une petite partie seulement de l’économie. La Silicon Valley emploie quelque chose comme un tiers de 1 pour cent des travailleurs américains, et les technologies de l’information dans leur ensemble ne dépassent pas 3 ou 4 pour cent, sauf si vous utilisez une définition suffisamment large pour être dénuée de sens. Donc, n’écoutez jamais les modes. La vérité est que nous vivons non pas dans une ère de progrès extraordinaire mais de déception technologique. Et c’est pourquoi l’avenir n’est plus ce qu’il était.
Paul Krugman est professeur d’économie au MIT.

Mais que dire alors de ces prédictions, notamment celles que j’ai soulignées en rouge:

Les pronostics de Paul Krugman.
• La productivité va baisser fortement cette année. 1997, qui était une très bonne année pour la productivité des travailleurs, a conduit de nombreux experts à conclure que le grand boom de la technologie a commencé. Ils ont tort. L’année dernière se révélera avoir été une anomalie passagère, tout comme 1992.
• L’inflation sera de retour. Les salaires sont en hausse à près de 5 pour cent annuellement, et la croissance sous-jacente de la productivité n’est probablement que de 1,5 pour cent ou moins. Tôt ou tard, les entreprises devront commencer à augmenter les prix. En 1999, l’inflation sera probablement plus de 3 pour cent avec seulement un peu de malchance – et, avec une chute du dollar – elle pourrait facilement atteindre 4 pour cent. Vendez les obligations!
• Dans les deux ou trois ans, le climat actuel de triomphalisme américain, notre conviction que nous sommes économiquement et technologiquement en avance sur le reste du monde va s’évaporer. Il suffira de quelques revers technologique ou d’une légère récession et que l’Europe ou le Japon se redresse un peu.
• La croissance de l’Internet va ralentir de façon drastique, de même que la faille dans la «loi de Metcalfe» qui stipule que le nombre de connexions possibles dans un réseau est proportionnelle au carré du nombre de participants – deviendra évidente: la plupart des gens n’ont rien à dire les uns aux autres! Vers 2005, il deviendra clair que l’impact d’Internet sur l’économie n’a pas été supérieur au fax.
• Comme le changement technologique dans l’informatique ralentit, le nombre d’emplois pour les spécialistes IT va décélérer, puis baisser dans dix ans ; le terme « économie de l’information » paraîtra stupide.
• Dans les 20 prochaines années, peut-être plus tôt, il y aura une autre crise des matières premières à la manière des années 70: perturbation des approvisionnements en pétrole, forte montée des prix agricoles, ou les deux. Et soudain, les gens vont se rappeler que nous vivons encore dans le monde matériel et que les ressources naturelles importent.

La bulle est là. Reste à savoir quand elle explosera.

Un de mes amis me signale trois articles du New York Times qui montrent des signes de fièvre spéculative. Ces articles confirment l’impression que m’a donnée la possible entrée en bourse de Groupon.

Voici les liens à ces trois articles:
– Les investisseurs injectent des millions dans des start-up (NYT , 19 juin)
– Au sein de l’industrie, une envie de liquidité (NYT, 19 juin)
– Un petit groupe tire de LinkedIn une jolie somme (NYT, 19 juin)
– Abracadabra! la magie des mathématiques l’emporte dans les start-up du Web (NYT, 17 juin)

Un retour en arrière sur les tables de capitalisation: la synthèse.

Je construis très régulièrement les tables de capitalisation et l’actionnariat des start-up qui vont ou veulent aller en bourse. Il est temps d’en faire la liste exhaustive, aussi bien extraites du livre qu’incluses dans ce blog, classées par domaine: Internet, Logiciel, Matériel / Ordinateurs / Télécom /Réseaux, ensuite Semiconducteurs, et enfin Biotech/Medtech. Voici donc les références (en anglais) pour:

Internet:

Notez que cette page mise à jour contrairement à son homologue en anglais qui elle contient, je l’espère, la liste de toutes les tables qui se trouvent sur ce blog: https://www.startup-book.com/2011/05/31/a-look-back-at-equity-and-cap-tables/

– eBay
https://www.startup-book.com/2008/10/30/equity-split-in-start-ups/
– Facebook
https://www.startup-book.com/2010/10/19/the-social-network/
– Google
https://www.startup-book.com/2008/10/30/equity-split-in-start-ups/ et livre, tableau 3-14
– Groupon
https://www.startup-book.com/2011/06/04/the-ipo-fever-goes-on-groupon-files-to-go-public/
– Kelkoo
https://www.startup-book.com/2008/05/06/cap-table-kelkoo/
– LinkedIn
https://www.startup-book.com/2011/05/09/linkedin-prices-ipo/
– Pandora
https://www.startup-book.com/2011/02/15/pandora-wants-to-go-public/
– Paypal
https://www.startup-book.com/2010/03/24/maxlinear-ipo-and-shareholders/
– Skype
https://www.startup-book.com/2010/08/16/skype-ipo-filing/ et https://www.startup-book.com/2008/04/17/cap-table-skype/
– Twitter
https://www.startup-book.com/2011/03/01/if-twitter-was-going-public-some-far-fetched-assumptions/
– Yahoo
https://www.startup-book.com/2008/10/30/equity-split-in-start-ups/ et livre, tableau 3-15

Logiciel:

– Adobe
https://www.startup-book.com/2009/03/17/a-success-story-adobe-systems-john-warnock-and-charles-geschke/
– Business Objects: livre, tableau 8-11
– CheckPoint
https://www.startup-book.com/2011/02/22/check-point-the-israel-success-story/
– Microsoft
https://www.startup-book.com/2011/03/30/the-deal-that-made-bill-gates-rich/ et livre, tableau A-2
– mysql
https://www.startup-book.com/2008/04/10/cap-table-mysql/
– Oracle Corporation: livre, tableau A-4

Matériel / Ordinateurs / Télécom /Réseaux:

– A123
https://www.startup-book.com/2010/02/26/a123-boston-and-atlas/
– Apple Computers: livre, tableau 3-17
– Cisco: livre, tableau A-3
– Fusion-Io
https://www.startup-book.com/2011/04/05/wozniak-is-back/
– Gemplus: livre, tableau 8-12
– Isilon
https://www.startup-book.com/2010/11/17/a-typical-success-story-not-silicon-valley-though/
– Logitech, https://www.startup-book.com/2008/10/30/equity-split-in-start-ups/ et livre, tableau 8-10
– ONI Systems: livre, tableau 3-8
– Riverbed
https://www.startup-book.com/2008/10/30/equity-split-in-start-ups/ et livre, tableau 3-16
– Sun Microsystems: livre, tableau 3-13
– Tesla Motors
https://www.startup-book.com/2010/03/24/maxlinear-ipo-and-shareholders/

Semiconducteur et EDA:

– Apache Design
https://www.startup-book.com/2011/03/22/the-return-of-electronic-design-automation-apache-ipo-filing/
– Arm Holdings
https://www.startup-book.com/2008/10/30/equity-split-in-start-ups/et livre, tableau 8-13
– Atheros
https://www.startup-book.com/2011/01/14/success-is-management-of-failure/ puis https://www.startup-book.com/2008/10/30/equity-split-in-start-ups/ et livre, tableau 3-10
– Cambridge Silicon Radio: livre, tableau 8-16
-Centillium
https://www.startup-book.com/2011/01/14/success-is-management-of-failure/
– Intel Corporation: livre, tableau A-1
– Magma Design Automation: livre, tableau 6-3
– Maxlinear
https://www.startup-book.com/2010/03/24/maxlinear-ipo-and-shareholders/
– MIPS Computer: livre, tableau 3-11
– Numerical
https://www.startup-book.com/2008/10/30/equity-split-in-start-ups/ et livre, tableau 3-9
– Rambus
https://www.startup-book.com/2008/10/30/equity-split-in-start-ups/ et livre, tableau 3-12
– Sequans
https://www.startup-book.com/2011/05/11/a-french-start-up-goes-public-on-nyse/
– Soitec: livre, tableau 8-14
– Synopsys
https://www.startup-book.com/2009/12/11/a-european-in-silicon-valley-aart-de-geus/ et livre, tableau A-5
– Virata
https://www.startup-book.com/2008/10/30/equity-split-in-start-ups/ et livre, tableau 8-15

Biotech/Medtech:

– Actelion
https://www.startup-book.com/2008/10/30/equity-split-in-start-ups/
– Chiron
https://www.startup-book.com/2011/03/09/biotech-data-part-13-chiron/
– Genentech
https://www.startup-book.com/2009/06/11/bob-swanson-herbert-boyer-genentech/
– Genzyme
https://www.startup-book.com/2011/03/14/biotech-data-part-23-genzyme/
– Intuitive Surgical
https://www.startup-book.com/2010/08/26/intuitive-surgical/

Divers:

– RPX Corp
https://www.startup-book.com/2011/01/27/is-there-something-rotten-in-the-kingdom-of-vc/
– The Active Network
https://www.startup-book.com/2011/02/18/when-a-cap-table-is-a-nightmare/

Le capital-risque d’après le WEF

Le rapport du WEF que j’ai mentionné la semaine dernière pour d’intéressants entretiens avec des entrepreneurs contient aussi une analyse du capital-risque assez bien faite. (Il y a bien sûr quantité d’études sur le sujet, toutes assez consistantes entre elles. Voici quelques figures extraites du rapport:

– La figure 6-1 montre qu’il y a de l’argent partout, même en Europe: environ entre 30 et 50 milliards de dollars au total et entre 5 et 10 milliards en Europe. (Notez toutefois qu’il y a une inversion entre Chine et Inde, chose qui m’a initialement induit en erreur.)

– Ensuite, il est toujours étonnant de constater que la Silicon Valley représente 40% des montants des régions mentionnées. En Europe, sans surprise cette fois, le Royaume Uni et la France dominent mais la Suisse dépasse l’Allemagne.

– La dernière différence majeure entre l’Europe et les États Unis sont les stades d’investissements: Les États- Unis investissent dans 60% de société au stade pré-revenu alors que le ratio descend à 40% en Europe.